Les Grandes Constitutions – 1786

Version Latine traduite en Français

Extrait de Paul NAUDON. Histoire et Rituels des Hauts Grades Maçonniques. ANNEXE VII

VÉRA INSTITUTA SÉCRÉTA ET FUNDAMENTA
ORDINIS
VETERUM – STRUCTORUM – LIBERORUM
AGGREGATORUM
ATQUE
CONSTITUTIONe MAGNÆ
ANTIQUI – ACCEPTI – RITUS – SCOTICI
Anni MDCCLXXXVI

VÉRITABLES INSTITUTS SECRETS ET BASES
FONDAMENTALES
De
L’ORDRE
des anciens Francs-Maçons-Unis
et
Grandes Constitutions Du Rit Ancien – Accepté – Écossais,
de l’An 1786

NOUVELLE ÉDITION :
Publiée sous les auspices du Suprême Conseil 33e pour la Juridiction Méridionale des États-Unis de l’Amérique

Traduit du Latin par Charles Laffon de Ladebat, 33e Extrait de l’ouvrage d’Albert Pike, Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry, New York, 1872.

UNIVERSI TERRARUM ORBIS SUMMI ARCHITECTONIS
GLORIA
AB INGENIIS

NOUVEAUX INSTITUTS SECRETS
ET BASES FONDAMENTALES

de la très ancienne et très Respectable Société des Anciens Francs-Maçons Unis, connue sous le nom d’Ordre Royal et Militaire de l’art libre de tailler la pierre.

NOUS, FREDERIC, par la grâce de Dieu, Roi de Prusse, Margrave de Brandebourg, etc., etc., etc. :

Souverain Grand Protecteur, Grand Commandeur, Grand Maître Universel et Conservateur de la très ancienne et très respectable Société des Anciens Francs-Maçons ou Architectes Unis, autrement appelée l’ORDRE Royal et Militaire de l’Art Libre de Tailler la Pierre ou Franche-Maçonnerie

A TOUS LES ILLUSTRES ET BIEN-AIMES FRERES QUI CES PRESENTES VERRONT

Tolérance, Union, Prospérité.

Il est évident et incontestable que, fidèle aux importantes obligations que nous nous sommes imposées en acceptant le protectorat de la très ancienne et très respectable Institution connue de nos jours sous le nom de  » Société de l’Art Libre de tailler la pierre  » ou  » ORDRE DES ANCIENS FRANCS-MAÇONS UNIS  » nous nous sommes appliqué, comme chacun sait, à l’entourer de notre sollicitude particulière.

Cette Institution universelle, dont l’origine remonte au berceau de la société humaine, est pure dans son Dogme et sa Doctrine : elle est sage, prudente et morale dans ses enseignements, sa pratique, ses desseins et ses moyens : elle se recommande surtout par son but philosophique, social et humanitaire. Cette société a pour objet l’Union, le Bonheur, le Progrès et le Bien Etre de la famille humaine en général et de chaque homme individuellement. Elle doit donc travailler avec confiance et énergie et faire des efforts incessants pour atteindre ce but, le seul qu’elle reconnaisse comme digne d’elle.

Mais, dans la suite des temps, la composition des organes de la Maçonnerie et l’unité de son gouvernement primitif ont subi de graves atteintes, causées par les grands bouleversements et les révolutions qui, en changeant la face du monde ou en soumettant à des vicissitudes continuelles, ont, à différentes époques, soit dans l’antiquité, soit de nos jours, dispersé les anciens Maçons sur toute la surface du globe. Cette dispersion a donné naissance à des systèmes hétérogènes qui existent aujourd’hui sous le nom de RITES et dont l’ensemble compose l’ORDRE.

Cependant, d’autres divisions, nées des premières, ont donné lieu à l’organisation de nouvelles sociétés : la plupart de celles-ci n’ont rien de commun avec l’Art Libre de la Franche-Maçonnerie, sauf le nom de quelques formules conservées par les fondateurs, pour mieux cacher leurs desseins secrets – desseins souvent trop exclusifs, quelquefois dangereux et presque toujours contraires aux principes et aux sublimes doctrines de la Franche-Maçonnerie, tel que nous les avons reçus de la tradition.

Les dissensions bien connues que ces nouvelles associations ont suscitées dans l’ORDRE et qu’elles y ont trop longtemps fomentées, ont éveillé les soupçons et la méfiance de presque tous les Princes dont quelques-uns l’ont même persécuté cruellement.

Des Maçons, d’un mérite éminent, ont enfin réussi à apaiser ces dissensions et tous ont, depuis longtemps, exprimé le désir qu’elles fussent l’objet d’une délibération générale afin d’aviser aux moyens d’en empêcher le retour et d’assurer le maintien de l’ORDRE, en rétablissant l’unité dans son gouvernement et dans la composition primitive de ses organes, ainsi que son antique discipline.

Tout en partageant ce désir que nous-même avons éprouvé depuis le jour où nous avons été complètement initié aux mystères de la Franche-Maçonnerie, nous n’avons pu, cependant, nous dissimuler ni le nombre, ni la nature, ni la grandeur réelle des obstacles que nous aurions à surmonter pour accomplir ce désir. Notre premier soin a été de consulter les membres les plus sages et les plus éminents de l’Ordre dans tous les pays sur les mesures les plus convenables à adopter pour atteindre un but si utile, en respectant les idées, de chacun, sans faire violence à la juste indépendance des Maçons et surtout à la liberté d’opinion qui est la première et la plus sacrée de toutes les libertés et en même temps la plus prompte à prendre ombrage.

Jusqu’à présent les devoirs qui nous étaient plus particulièrement imposés comme Roi, les évènements nombreux et importants qui ont signalé notre règne ont paralysé nos bonnes intentions et nous ont détourné du but que nous nous étions proposé. C’est désormais au temps, ainsi qu’à la sagesse, à l’instruction et au zèle des frères qui viendront après nous qu’il appartiendra d’accomplir et de perfectionner une oeuvre si grande et si belle, si juste et si nécessaire. C’est à eux que nous léguons cette tâche, et nous leur recommandons d’y travailler sans cesse, mais patiemment et avec précaution.

Toutefois, de nouvelles et pressantes représentations qui, de toutes parts, nous ont été adressées, dans ces derniers temps, nous ont convaincu de la nécessité d’opposer immédiatement une barrière puissante à l’esprit d’intolérance, de secte, de schisme et d’anarchie que des novateurs cherchent aujourd’hui à introduire parmi les frères. Leurs desseins ont plus ou moins de portée et sont ou imprudents, ou répréhensibles : présentés sous de fausses couleurs, ces desseins, en changeant la nature de l’Art libre de la Franche-Maçonnerie, tendent à la détourner de son but, et doivent nécessairement causer la déconsidération et la ruine de l’ORDRE. En présence de tout ce qui se passe dans les royaumes voisins, nous reconnaissons qu’une intervention de notre part est devenue indispensable.

Ces raisons et d’autres causes non moins graves nous imposent donc le devoir d’assembler et de réunir en un seul corps de Maçonnerie tous les RITES du Régime ECOSSAIS dont les doctrines sont, de l’aveu de tous, à peu près les mêmes que celles des anciennes Institutions qui tendent au même but, et qui, n’étant que les branches principales d’un seul et même arbre, ne diffèrent entr’elles que par des formules, maintenant connues de plusieurs, et qu’il est facile de concilier. Ces RITES sont ceux connus sous les noms de Rit Ancien, d’Hérédom ou d’Hairdom, de l’Orient de Kilwinning, de Saint-André, des Empereurs d’Orient et d’Occident, des Princes du Royal Secret ou de Perfection, de Rit Philosophique et enfin de Rit Primitif, le plus récent de tous.

Adoptant, en conséquence, comme base de notre réforme salutaire, le titre du premier de ces Rites et le nombre des Degrés de la hiérarchie du dernier, nous les DÉCLARONS maintenant et à jamais réunis en un seul ORDRE, qui, professant le Dogme et les pures Doctrines de l’antique Franche-Maçonnerie, embrasse tous les systèmes du Rit Écossais sous le nom de RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE.

La doctrine sera communiquée aux Maçons en trente-trois Degrés, divisés en sept Temples ou Classes. Tout Maçon sera tenu de parcourir successivement chacun de ces Degrés, avant d’arriver au plus sublime et dernier ; et à chaque Degré, il devra subir tels délais et telles épreuves qui lui seront imposés conformément aux Instituts, Decrets et Réglemens anciens et nouveaux de l’ORDRE, ainsi qu’à ceux du Rit de Perfection.

Le premier Degré sera conféré avant le deuxième, celui-ci avant le troisième et ainsi de suite jusqu’au Degré Sublime – le trente-troisième et dernier – qui surveillera, dirigera et gouvernera tous les autres. Un corps ou Réunion de membres possédant ce Degré formera un SUPREME GRAND CONSEIL, dépositaire du Dogme ; il sera le Défenseur et le Conservateur de l’ORDRE qu’il gouvernera et administrera conformément aux présentes et aux Constitutions ci-après décrétées.

Tous les Degrés des Rites réunis, comme il est dit ci-dessus, du premier au dix-huitième, seront classés parmi les Degrés du Rit de Perfection dans leur ordre respectif et d’après l’analogie et la similitude qui existent entr’eux ils formeront les dix-huit premier Degrés du RIT ECOSSAIS ANCIEN ACCEPTE ; le dix-neuvième Degré, et le vingt-troisième Degré du Rit Primitif formeront le vingtième Degré de l’ORDRE. Le vingtième et le vingt-troisième Degré du Rit de Perfection, soit le seizième et le vingt-quatrième Degré du Rit Primitif formeront le vingt-unième et le vingt-huitième Degré de l’ORDRE. LES PRINCES DU ROYAL SECRET occuperont le trente-deuxième Degré, immédiatement au-dessous des SOUVERAINS GRANDS INSPECTEURS GENERAUX dont le Degré sera le trente-troisième et dernier de l’ORDRE. Le trente-unième Degré sera celui des Souverains-Juges-Commandeurs. Les Grands Commandeurs, Grands Elus Chevaliers Kadosch prendront le trentième Degré. Les Chefs du Tabernacle, les Princes du Tabernacle, les Chevaliers du Serpent d’Airain, les Princes de Merci, les Grands Commandeurs du Temple et les Grands Écossais de Saint-André composeront respectivement le vingt-troisième, le vingt-quatrième, le vingt-cinquième, le vingt-sixième, le vingt-septième et le vingt-neuvième Degré.

Tous les Sublimes Degrés de ces mêmes Systèmes Écossais réunis seront, d’après leur analogie ou leur identité, distribués dans les classes de leur Ordre qui correspondent au régime du RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE.

Mais jamais et sous quelque prétexte que ce soit, aucun de ces sublimes Degrés ne pourra être assimilé au trente-troisième et très Sublime Degré de SOUVERAIN GRAND INSPECTEUR GÉNÉRAL, PROTECTEUR ET CONSERVATEUR DE L’ORDRE, qui est le dernier du RIT ANCIEN ACCEPTE ÉCOSSAIS et, dans aucun cas, nul ne pourra jouir des mêmes droits, prérogatives, privilèges ou pouvoirs dont nous investissons ces Inspecteurs.

Ainsi nous leur conférons la plénitude de la puissance suprême et conservatrice.

Et, afin que la présente ordonnance soit fidèlement et à jamais observée, nous commandons à nos Chers, Vaillants et Sublimes Chevaliers et Princes Maçons de veiller à son exécution.

DONNE en notre Palais à Berlin, le jour des Calendes premier – de Mai, l’an de Grâce 1786, et de notre Règne le 47e.

Signé  » FREDERIC « .

Universi Terrarum Orbis Summi Architectonis Gloria ab Ingeniis.

CONSTITUTIONS ET STATUTS des GRANDS ET SUPREMES CONSEILS composés des Grands Inspecteurs Généraux, Patrons, Chefs et Conservateurs de L’ORDRE DU 33° et dernier degré du Rite Ecossais Ancien Accepté, et
REGLEMENS
pour le gouvernement de tous les Consistoires, Conseils, Collèges, Chapitres et autres Corps maçonniques soumis à la juridiction desdits Conseils.

Au nom du Très Saint et Grand Architecte de l’Univers Ordo ab Chao.

Avec l’approbation en la présence et sous les auspices de son Auguste Majesté Frédéric (Charles) II, Roi de Prusse, Margrave de Brandebourg, etc., très Puissant Monarque, Grand Protecteur, Grand Commandeur, etc… de l’ORDRE, etc., etc., etc.,
Les Souverains Grands Inspecteurs Généraux, en Suprême Conseil assemblé.
Ont, après délibération sanctionné les Décrets suivants qui sont et seront à perpétuité leurs CONSTITUTIONS, STATUTS ET REGLEMENTS pour le gouvernement des Consistoires et autres Ateliers Maçonniques soumis à la juridiction desdits Grands Inspecteurs.

ARTICLE I

Tous les articles des CONSTITUTIONS, Statuts et Réglements rédigés en l’année 1762 par les neuf Commissaires des Grands Conseils des Princes Maçons du Royal Secret, qui ne sont pas contraires aux présentes dispositions, sont maintenus et devront être observés ; ceux qui y sont contraires sont abrogés et considérés comme expressément abolis.

ARTICLE II

§ I. Le trente-troisième DEGRE confère aux Maçons qui en sont légitimement revêtus la qualité, le titre, le privilège et l’autorité de Souverains Grands Inspecteurs Généraux de l’ORDRE.
§ II. L’objet particulier de leur mission est d’instruire et d’éclairer leurs Frères ; de faire régner parmi eux la Charité, l’Union et l’Amour fraternel ; de maintenir la régularité dans les travaux de chaque Degré et de veiller à ce qu’elle soit observée par tous les Membres ; de faire respecter, et, dans toutes les occasions, de respecter et de défendre les Dogmes, les Doctrines, les Instituts, les Constitutions, les Statuts et les Réglements de l’ORDRE, et principalement ceux de la Haute Maçonnerie, et enfin de s’appliquer, en tous lieux, à faire des oeuvres de Paix et de Miséricorde.
§ III. Une réunion de membres de ce grade prend le titre de
CONSEIL DU TRENTE-TROISIEME DEGRE ou des Puissants Grands Inspecteurs Généraux de l’ORDRE ; ce Conseil se forme et se compose comme suit
1° Dans les lieux propres à l’établissement d’un Suprême Conseil de ce Degré, l’Inspecteur le plus ancien en grade est, par les présentes, autorisé à élever un autre Frère à la même dignité, après s’être assuré que celui-ci l’a réellement méritée par son caractère, son instruction et les grades dont il est revêtu, et il lui administrera le serment.
2° Ces deux Frères conféreront ensemble, et de la même manière le grade à un autre membre.
§ IV. LE SUPREME CONSEIL sera alors constitué. Mais aucun des autres Candidats ne sera admis, s’il n’obtient l’unanimité des suffrages, chaque membre donnant son vote de vive voix, en commençant par le plus jeune, c’est-à-dire, par le dernier reçu. Le vote négatif d’un seul des membres délibérants, si ses raisons sont jugées suffisantes, fera rejeter le candidat. Cette règle sera observée dans tous les cas analogues.

ARTICLE III

§ I. DANS les lieux ci-dessus désignés, les deux Frères qui, les premiers, auront été élevés à ce grade, seront de droit, les deux premiers Officiers du SUPREME CONSEIL, savoir : le très Puissant Monarque Grand Commandeur, et le très Illustre Lieutenant Grand Commandeur.
§ II. Si le premier de ces Officiers vient à mourir, s’il abdique, ou s’il s’absente, pour ne plus revenir, il sera remplacé par le second Officier qui choisira son successeur parmi les autres Grands Inspecteurs.
§ III. Si le second Officier abdique, s’il meurt ou s’il s’éloigne pour toujours, le premier Officier lui donnera pour successeur un autre Frère du même grade.
§ IV. Le très Puissant Monarque nommera également l’Illustre Ministre d’Etat du Saint Empire, l’Illustre Grand Maître des Cérémonies et l’Illustre Capitaine des Gardes ; et il désignera, de la même manière, des Frères pour remplir les autres emplois vacants ou qui pourront le devenir.

ARTICLE IV

Tout Maçon qui, possédant les qualités et les capacités requises, sera élevé à ce Grade Sublime, paiera préalablement, entre les mains du très Illustre Trésorier du Saint Empire, une contribution de dix Frédérics d’Or ou de dix Louis d’Or, monnaie ancienne, ou l’équivalent en argent du pays.
Lorsqu’un Frère sera initié au trentième, au trente-unième ou au trente-deuxième Degré, on exigera de lui une somme de pareille valeur et même titre, pour chaque grade.
Le SUPREME CONSEIL surveillera l’administration de ces fonds et en disposera dans l’intérêt de l’ORDRE.

ARTICLE V

§ I. TOUT SUPREME CONSEIL se composera de neuf Souverains Grands Inspecteurs Généraux du trente-troisième Degré, dont quatre, au moins, devront professer la religion dominante du pays.
§ II. Lorsque le très Puissant Monarque Grand Commandeur et le Lieutenant Grand Commandeur de l’ORDRE sont présents, trois membres suffisent pour composer le Suprême Conseil et pour l’expédition des affaires de l’ORDRE.
§ III. Dans chaque grande Nation, Royaume ou Empire d’Europe, il n’y aura qu’un seul Suprême Conseil de ce grade.
Dans les Etats et Provinces dont se compose l’Amérique Septentrionale, soit sur le continent, soit dans les îles, il y dura deux Conseils, aussi éloignés que possible l’un de l’autre.
Dans les Etats et Provinces dont se compose l’Amérique Méridionale, soit sur le continent, soit dans les îles, il y aura également deux Conseils, aussi éloignés que possible l’un de l’autre.
Il n’y aura qu’un seul Suprême Conseil dans chaque Empire, Etat Souverain ou Royaume d’Asie, d’Afrique, etc., etc.

ARTICLE VI

Le Suprême Conseil n’exerce pas toujours directement son autorité sur les Degrés au-dessous du dix-septième ou Chevalier d’Orient, d’Occident. D’après les circonstances et les localités, il peut la déléguer même tacitement ; mais son droit est imprescriptible, et toutes les Loges et tous les Conseils de Parfaits Maçons, de quelque degré que ce soit, sont, par les présentes, requis de reconnaître, dans ceux qui sont revêtus du trente-troisième Degré, l’autorité des Souverains Grands Inspecteurs Généraux de l’Ordre, de respecter leurs prérogatives, de leur rendre les honneurs qui leur sont dus, de leur obéir, et enfin, de déférer avec confiance à toutes les demandes qu’ils pourraient formuler pour le bien de l’ORDRE, en vertu de ses lois, des présentes Grandes constitutions et de l’autorité dévolue à ces Inspecteurs, que cette autorité soit générale ou spéciale, ou même temporaire et personnelle.

ARTICLE VII

TOUT CONSEIL et tout Maçon d’un grade au-dessus du seizième, ont le droit d’en appeler au SUPREME CONSEIL des Souverains Grands Inspecteurs Généraux, qui pourra leur permettre de se présenter devant lui et de se faire entendre en personne.
Quand il s’agira d’une affaire d’honneur entre des Maçons, de quelque grade qu’ils soient, la cause sera portée directement devant le SUPREME CONSEIL qui décidera en première et dernière instance.

ARTICLE VIII

Un GRAND CONSISTOIRE de Princes Maçons du Royal Secret choisira son Président parmi les membres du trente-deuxième Degré qui le composent ; mais, dans tous les cas, les actes d’un grand Consistoire n’auront de valeur qu’autant qu’ils auront été préalablement sanctionnés par le SUPREME CONSEIL du trente-troisième Degré, qui, après la mort de son Auguste Majesté le Roi, très puissant Monarque et Commandeur Général de l’ORDRE, héritera de l’autorité Suprême Maçonnique et l’exercera dans toute l’étendue de l’Etat, du Royaume ou de l’Empire qui aura été placé sous sa juridiction.

ARTICLE IX

Dans les pays soumis à la juridiction d’un SUPREME CONSEIL de Souverains Grands Inspecteurs Généraux, régulièrement constitué et reconnu par tous les autres Suprêmes Conseils, aucun Souverain Grand Inspecteur Général ou Député Inspecteur Général ne pourra faire usage de son autorité, à moins qu’il n’ait été reconnu par ce même SUPREME CONSEIL et qu’il n’ait obtenu son approbation.

ARTICLE X

Aucun Député-Inspecteur-Général, soit qu’il ait été déjà admis et pourvu d’une patente, soit qu’en vertu des présentes Constitutions il soit ultérieurement admis, ne pourra de son autorité privée, conférer à qui que ce soit le Degré de Chevalier-Kadosch ou tout autre degré supérieur, ni en donner des patentes.

ARTICLE XI

Le Degré de Chevalier Kadosch, ainsi que le trente-unième et le trente-deuxième Degré, ne sera conféré qu’à des Maçons qui en auront été jugés dignes, et ce, en présence de trois Souverains Grands Inspecteurs Généraux au moins.

ARTICLE XII

Lorsqu’il plaira au très Saint et Grand Architecte de l’Univers d’appeler à LUI son Auguste Majesté le Roi, très Puissant Souverain Grand Protecteur, Commandeur et Véritable Conservateur de l’ORDRE, etc., et., etc., chaque SUPREME CONSEIL de Souverains Grands Inspecteurs Généraux, déjà régulièrement constitué et reconnu, ou qui serait ultérieurement constitué et reconnu en vertu des présents Statuts, sera, de plein droit, légitimement investi de toute l’autorité Maçonnique dont son Auguste Majesté est actuellement revêtue. Chaque SUPREME CONSEIL exercera cette autorité lorsqu’il sera nécessaire et en quelque lieu que ce soit, dans toute l’étendue du pays soumis à sa juridiction ; et si, pour cause d’illégalité, il y a lieu de protester, soit qu’il s’agisse des Patentes ou des pouvoirs accordés aux Députés Inspecteurs Généraux, ou de tout autre sujet, on en fera un rapport qui sera adressé à tous les SUPREMES CONSEILS des deux hémisphères.

ARTICLE XIII

§ I. Tout SUPREME CONSEIL du trente-troisième Degré pourra déléguer un ou plusieurs des Souverains Grands Inspecteurs Généraux de l’ORDRE qui le composent, pour fonder, constituer et établir un CONSEIL du même degré dans tous les pays mentionnés dans les présents Statuts, à la condition qu’ils obéiront ponctuellement à ce qui est stipulé dans le troisième paragraphe de l’article II ci-dessus, ainsi qu’aux autres dispositions de la présente Constitution.
§ II. Le SUPREME CONSEIL pourra également donner à ces Députés le pouvoir d’accorder des patentes aux Députés Inspecteurs Généraux, qui devront au moins avoir reçu régulièrement tous les degrés que possède un Chevalier Kadosch, leur déléguant telle portion de leur autorité suprême qu’il sera nécessaire pour constituer, diriger et surveiller les Loges et les Conseils, du quatrième au vingt-neuvième Degré inclusivement, dans les pays où il n’y aura point d’ateliers ou de Conseils du Sublime Degré légalement constitués.
§ III. Le Rituel manuscrit des Sublimes Degrés ne sera confié qu’aux deux premiers Officiers de chaque Conseil ou qu’à un Frère chargé de constituer un Conseil des mêmes Degrés dans un autre pays.

ARTICLE XIV

Dans toute cérémonie maçonnique des Sublimes Degrés et dans toute procession solennelle de Maçons possédant ces degrés, le SUPREME CONSEIL marchera le premier, et les deux premiers Officiers se placeront après tous les autres membres et seront immédiatement précédés du grand Etendard et du Glaive de l’ORDRE.

ARTICLE XV

§ I. Un SUPREME CONSEIL doit se réunir régulièrement dans les trois premiers jours de chaque troisième nouvelle lune ; il s’assemblera plus souvent, si les affaires de l’ORDRE l’exigent et si l’expédition en est urgente.
§ II. Outre les grandes fêtes solennelles de l’ORDRE, le SUPREME CONSEIL en aura trois particulières chaque année, savoir : le jour des Calendes (premier) d’Octobre, le vingt-sept de Décembre et le jour des Calendes (premier) de Mai.

ARTICLE XVI

§ I. Pour être reconnu et pour jouir des privilèges attachés au trente-troisième Degré, chaque Souverain Grand Inspecteur Général sera muni de Patentes et de lettres de créances dont le modèle se trouve dans le Rituel du Degré. Ces lettres lui seront délivrées à la condition de verser dans le Trésor du Saint Empire la somme que chaque SUPREME CONSEIL fixera pour sa juridiction aussitôt qu’il aura été constitué. Ledit Souverain Grand Inspecteur Général paiera également un Frédéric, ou un Louis, monnaie ancienne, ou l’équivalent en argent du pays, à l’Illustre Secrétaire, en compensation de sa peine, pour l’expédition desdites Lettres et pour l’apposition du Sceau.
§ II. Tout Souverain Grand Inspecteur Général tiendra, en outre, un Registre de ses Actes : chaque page en sera numérotée ; la première et la dernière pages seront quottées et paraphées pour en constater l’identité. On devra transcrire sur ce Registre les Grandes Constitutions, les Statuts et les Règlements Généraux de l’Art sublime de la Franche-Maçonnerie.
L’inspecteur lui-même sera tenu d’y inscrire successivement tous ses Actes, à peine de nullité ou même d’interdiction.
Les Députés Inspecteurs Généraux sont tenus d’agir de même sous les mêmes peines.
§ III. Ils se montreront mutuellement leurs Registres et leurs Patentes, et ils y constateront réciproquement les lieux où ils se seront rencontrés reconnus. Sic. Mutuellement reconnus à une autre Juridiction, à moins d’avoir été reconnu par une déclaration à laquelle la formule a fait donner le nom d’EXEQUATUR.

ARTICLE XVII

LA MAJORITE des voix est nécessaire pour légaliser les actes des Souverains Grands Inspecteurs Généraux, dans les lieux où il existe un SUPREME CONSEIL du trente-troisième Degré, légalement constitué et reconnu. En conséquence, dans un pays, ou territoire sous la dépendance d’un SUPREME CONSEIL, aucun de ces Inspecteurs ne pourra exercer individuellement son autorité, à moins d’en avoir obtenu l’autorisation dudit SUPREME CONSEIL, et dans le cas où l’Inspecteur appartiendrait.

ARTICLE XVIII

Toutes les sommes reçues pour faire face aux dépenses, c’est-à-dire le prix des Réceptions, – et qui se perçoivent à titre de frais d’initiation aux Degrés au-dessus du seizième jusques et y compris le trente-troisième, seront versées dans le Trésor du Saint-Empire, à la diligence des Présidents et Trésoriers des Conseils et des Loges Sublimes de ces Degrés, ainsi que des Souverains Grands Inspecteurs Généraux, de leurs Députés, de l’Illustre Secrétaire et de l’Illustre Trésorier du Saint Empire.
Le SUPREME CONSEIL réglera et surveillera l’administration et l’emploi de ces sommes : il s’en fera rendre, chaque année, un compte exact et fidèle, et il aura soin d’en faire part aux ateliers de sa dépendance.

ARRETE, FAIT et APPROUVE en Grand et Suprême Conseil du trente-troisième Degré, régulièrement constitué, convoqué et assemblé, avec l’approbation et en présence de sa Très Auguste Majesté, FREDERIC, deuxième du nom, par la grâce de Dieu Roi de Prusse, Margrave de Brandebourg, etc., etc., etc., très Puissant Monarque, Grand Protecteur, Grand Commandeur, Grand Maître Universel et Véritable Conservateur de l’ORDRE. Le jour des Calendes – premier de Mai, A.L. 5786, et de l’ère Chrétienne 1786.

Signé  » . . . . . . (+) . . . . . .  » –  » STARK.  » –  » . . . . . . (+ )
. …  » –  » . . . (+)  » –  » H. WILLHELM  » –  » D’ES-
TERNO  » –  » . . . . . . (+) . . . . . .  » –  » WOELLNER Ces astérisques désignent les places de quelques signatures devenues illisibles, ou qui sont effacées par l’effet du frotrement, ou par l’eau de la mer, à laquelle l’ampliation originale de ces documents, écrits sur parchemin, a été accidentellement exposée plusieurs fois. – (Note à la copie publiée en 1834 par les Suprêmes Conseils.)

APPROUVE et donné en notre Résidence Royale de Berlin, le jour des Calendes – premier Mai, l’an de Grâce 1786, et de notre règne le 471.

L.S. Signé, FREDERIC.

APPENDICE
aux
STATUTS FONDAMENTAUX ET GRANDES CONSTITUTIONS
DU SUPREME CONSEIL DU TRENTE-TROISIEME DEGRÉ

ARTICLE I

L’ÉTENDARD de l’ORDRE est argent blanc. frangée d’or, portant au centre un aigle noir à deux têtes, les ailes déployées ; les becs et les cuisses sont en or : il tient dans une serre la garde d’or, et dans l’autre la lame d’acier d’un glaive antique, placé horizontalement de droite à gauche. A ce glaive est suspendue la devise Latine, en lettres d’or,  » DEUS MEUMQUE JUS « . L’aigle est couronné d’un Triangle d’or : il tient une banderole de pourpre frangée d’or et parsemée d’étoiles d’or.

ARTICLE II

  • Les Insignes distinctifs des Souverains Grands Inspecteurs Généraux sont
    1° Une Croix Teutonique rouge qui se porte sur la partie gauche de la poitrine.
  • 2° Un grand Cordon blanc moiré liséré d’or ; sur le devant est un Triangle d’or radieux ; au milieu du Triangle est le chiffre 33 ; de chaque côté de l’angle supérieur du Triangle est un glaive d’argent dont la pointe se dirige vers le centre, porté de droite à gauche et se termine en pointe par une frange d’or et une rosette rouge et vert à laquelle est suspendu le Bijou ordinaire de l’ORDRE.
  • 3° Ce Bijou est un aigle semblable à celui de l’Étendard : il porte le diadème d’or de Prusse.
  • 4° La Grande Décoration de l’ORDRE est gravée sur une croix Teutonique ; c’est une étoile à neuf pointes, formée par trois triangles d’or superposés et entrelacés. Un glaive se dirige de la partie inférieure du côté gauche à la partie supérieure du côté droit, et, du côté opposé, est une main de Justice. Au milieu est le Bouclier de l’ORDRE azur ; sur le Bouclier est un aigle semblable à celui de l’étendard ; sur le côté droit du Bouclier est une balance d’or ; sur le côté gauche, un compas d’or posé sur une Equerre d’or. Tout autour du Bouclier est une banderole bleue portant, en lettres d’or, l’inscription Latine,  » ORDO AB CHAO « . Cette banderole est enfermée dans un double cercle, formé par deux serpents d’or, chacun d’eux tenant sa queue entre les dents. Des petits triangles formés par l’intersection des triangles principaux, les neuf qui sont le plus rapprochés de la banderole, sont de couleur rouge et portent chacune une des lettres dont se compose le mot S.A.P.I.E.N.T.I.A.
  • 5° Les trois premiers Officiers du SUPREME CONSEIL portent, en outre, une écharpe ou ceinture à franges d’or et tombant du côté droit.

ARTICLE III

LE GRAND SCEAU DE L’ORDRE est un Ecu d’argent sur lequel est un Aigle à deux têtes, semblable à celui de l’Etendard, mais portant de plus le diadème d’or de Prusse ; au-dessus du diadème est un Triangle radieux, au centre duquel est le chiffre 33. Toutefois, on peut se contenter de mettre au-dessus de l’Aigle, soit la couronne, soit le triangle seulement.
Au bas du Bouclier, au-dessous des ailes et des serres de l’Aigle, il y a trente-trois Etoiles disposées en demi-cercle ; tout autour est l’inscription suivante :
SUPREME CONSEIL DU TRENTE-TROISIEME DEGRE POUR ……………………..

FAIT en Suprême Conseil du Trente-Troisième Degré, les jours, mois et an que dessus.

Signé  » . . . . . . (+) . . . . . .  » –  » STARK  » –  » D’ESTERNO « .
 » . (+) .. .  » –  » H. WILLELM  » –  » D . …  » –
 » WOELLNER « .

APPROUVE,
L.S. Signé, FREDERIC.

NOUS SOUSSIGNES, SS GG II GG, etc., etc., etc., composant le présent Congrès Maçonnique, conformément aux dispositions de l’Article III, en date de ce jour, avons attentivement collationné les copies qui précèdent ci-dessus à l’expédition authentique des véritables Instituts Secrets Fondamentaux, Statuts, Grandes Constitutions et Appendices du 1er Mai, 1786 (E V ), et dont les ampliations officielles sont déposées et ont été soigneusement et fidèlement conservées dans toute leur pureté parmi les archives de l’ORDRE.
NOUS, en conséquence, certifions les dites copies fidèles et littéralement conformes aux originaux des dits documents.
EN FOI DE QUOI, nous signons ces présentes, ce 15e jour d’Adar, A L , 5 833, (vulgo) le 23 février, 1834.

DEUS MEUMQUE JUS.

Baron Freteau de Peny, 33°,
Comte Thiebault, 33° , Setier, 33° ,
Marquis de Giamboni, 33° ,
A.C.R. d’Andrada, 33° ,
Luis de Menes Vascos de Drummond, 33°,
Comte de St. Laurent, S G I G ,33°, etc.
Lafayette, 33’

 

Le Discours du Chevalier de Ramsay (1736)

Ramsay : Initié à la « Horn Lodge » de Londres en mars 1730, le Chevalier de Ramsay fut l’orateur attitré de la Loge « Le Louis d’Argent », à l’Orient de Paris. Le texte qui suit, connu sous le nom de « Discours de Ramsay » est un discours de bienvenue destiné à accueillir de nouveaux initiés. Il eut une influence considérable sur la Franc-Maçonnerie française du XVIII me Siècle. Il fut publié à plusieurs reprises et fut soumis par son auteur au cardinal de Fleury, ministre de Louis XV, le 20 mars 1737. Sa valeur historique réside dans le fait qu’il est très caractéristique de la Franc-maçonnerie du siècle des Lumières, et qu’il préfigure, par sa volonté de rattacher l’histoire de la Franc-maçonnerie à celle des croisades, le mouvement qui verra l’apparition des « Hauts Grades ». Les recherches historiques les plus récentes montrent toutefois que cette « origine » chevaleresque doit être considérée de la même manière que l’origine biblique. Il s’agit d’une origine « mythique » et non pas d’un fait historique.

DES QUALITÉS REQUISES POUR DEVENIR FRANC-MAÇON ET DES BUTS QUE SE PROPOSE L’ORDRE.

  1. LA PHILANTHROPIE, OU AMOUR DE L’HUMANITÉ EN GÉNÉRAL.
  2. LA SAINE MORALE.
  3. LE SECRET.
  4. LE GOÛT DES SCIENCES ET DES ARTS LIBÉRAUX.
  5. ORIGINE ET HISTOIRE DE L’ORDRE LA LÉGENDE ET L’HISTOIRE.
  6. INSTITUTION DE L’ORDRE PAR LES CROISÉS.
  7. PASSAGE DE L’ORDRE DE LA TERRE SAINTE EN EUROPE.
  8. DES CROISADES A LA RÉFORME DÉGÉNÉRESCENCE DE L’ORDRE.

    CONCLUSION

  9. RÉGÉNÉRATION ET AVENIR DE L’ORDRE EN FRANCE.
DES QUALITÉS REQUISES POUR DEVENIR FRANC-MAÇON
ET DES BUTS QUE SE PROPOSE L’ORDRE.

La noble ardeur que vous montrez, Messieurs, pour entrer dans le très ancien et très illustre ordre des Francs-Maçons, est une preuve certaine que vous possédez déjà toutes les qualités requises pour en devenir les membres. Ces qualités sont la Philanthropie sage, la morale pure, le secret inviolable et le goût des beaux arts.

  1. LA PHILANTHROPIE, OU AMOUR DE L’HUMANITÉ EN GÉNÉRAL. Lycurge, Solon, Numa, et tous les autres Législateurs politiques n’ont pu rendre leurs établissements durables ; quelles que sages qu’aillent été leurs lois, elles n’ont pu s’étendre dans tous les pays ni convenir au goût, au génie, aux intérêts de toutes les Nations. La Philanthropie n’était pas leur base. L’amour de la patrie mal entendu et poussé à l’excès, détruisait souvent dans ces Républiques guerrières l’amour de l’humanité en général. Les hommes ne sont pas distingués essentiellement par la différence des langues qu’ils parlent, des habits qu’ils portent, des pays qu’ils occupent, ni des dignités dont ils sont revêtus.
    LE MONDE ENTIER N’EST QU’UNE GRANDE RÉPUBLIQUE, DONT CHAQUE NATION EST UNE FAMILLE, ET CHAQUE PARTICULIER UN ENFANT. C’est pour faire revivre et répandre ces anciennes maximes prises dans la nature de l’homme, que notre Société fut établie. Nous voulons réunir des hommes d’un esprit éclairé et d’une humeur agréable, non seulement par l’amour des beaux-arts, mais encore plus par les grands principes de vertu, où l’intérêt de la confraternité devient celui du genre humain entier, où toutes les Nations peuvent puiser des connaissances solides, et où tous les sujets des différents Royaumes peuvent conspirer sans jalousie, vivre sans discorde, et se chérir mutuellement sans renoncer à leur Patrie. Nos Ancêtres, les Croisés, rassemblés de toutes les parties de la Chrétienté dans la Terre Sainte, voulurent réunir ainsi dans une seule confraternité les sujets de toutes les Nations. Quelle obligation n’a-t-on pas à ces Hommes supérieurs qui, sans intérêt grossier, sans écouter l’envie naturelle de dominer, ont imaginé un établissement dont le but unique est la réunion des esprits et des coeurs, pour les rendre meilleurs, et former dans la suite des temps une nation spirituelle où, sans déroger aux devoirs que la différence des états exige, on créera un peuple nouveau qui, en tenant de plusieurs nations, les cimentera toutes en quelque sorte par les liens de la vertu et de la science.

 

  1. LA SAINE MORALE. La saine Morale est la seconde disposition requise dans notre société. Les ordres Religieux furent établis pour rendre les hommes chrétiens parfaits ; les ordres militaires, pour inspirer l’amour de la belle gloire ; l’Ordre des Free Maçons fut institué pour former des hommes et des hommes aimables, des bons citoyens et des bons sujets, inviolables dans leurs promesses, fidèles adorateurs du Dieu de l’Amitié, plus amateurs de la vertu que des récompenses.

    Polliciti servare fidem, sanctumque vereri.
    Numen amicitiae, mores, non munera amarare.

    Ce n’est pas que nous nous bornions aux vertus purement civiles. Nous avons parmi nous trois espèces de confrères, des Novices ou des Apprentis, des Compagnons ou des Profès, des Maîtres ou des Parfaits. Nous expliquons aux premiers les vertus morales et philanthropes, aux seconds, les vertus héroïques ; aux derniers les vertus surhumaines et divines. De sorte que notre institut renferme toute la Philosophie des sentiments, et toute la théologie du coeur. C’est pourquoi un de nos vénérables Confrères dit dans une Ode pleine d’enthousiasme :

    Free Maçons, Illustre grand Maître,
    Recevez mes premiers transports,
    Dans mon cœur l’ordre les fait naître ;
    Heureux ! si de nobles efforts
    Me font mériter votre estime,
    M’élèvent à ce vrai sublime,
    A la première vérité,
    A l’essence pure et divine,
    De l’âme céleste origine,
    Source de vie et de clarté.

    Comme une Philosophie sévère, sauvage, triste et misanthrope dégoûte les hommes de la vertu, nos Ancêtres, les Croisés, voulurent la rendre aimable par l’attrait des plaisirs innocents, d’une musique agréable, d’une joie pure, et d’une gaieté raisonnable. Nos sentiments ne sont pas ce que le monde profane et l’ignorant vulgaire s’imaginent. Tous les vices du cœur et de l’esprit en sont bannis, et l’irréligion et le libertinage, l’incrédulité et la débauche. C’est dans cet esprit qu’un de nos Poètes dit :

    Nous suivons aujourd’hui des sentiers peu battus,
    nous cherchons à bâtir, et tous nos édifices
    sont ou des cachots pour les vices,
    ou des temples pour les vertus.

    Nos repas ressemblent à ces vertueux soupers d’Horace, où l’on s’entretenait de tout ce qui pouvait éclairer l’esprit, perfectionner le cœur, et inspirer le goût du vrai, du bon et du beau :

    O ! noctes, coenaeque Deum…
    Sermo oritur non de regnis domibusque alienis ;
    sed quod magis ad nos
    Pertinet, et nescire malum est, agitamus ; utrumne
    Divitis homines, an sint virtute beati ;
    Quidve ad amicitias usus rectumve trahat nos,
    Et quae sit natura boni, summumque quid ejus.

    Ici l’amour de tous les désirs se fortifie. Nous bannissons de nos Loges toute dispute, qui pourrait altérer la tranquillité de l’esprit, la douceur des moeurs, les sentîmes de l’amitié, et cette harmonie parfaite qui ne se trouve que dans le retranchement de tous les excès indécents, et de toutes les passions discordantes. Les obligations que l’ordre vous impose, sont de protéger vos Confrères par votre autorité, de les éclairer par vos lumières, de les édifier par vos vertus, de les secourir dans leurs besoins, de sacrifier tout ressentiment personnel, et de rechercher tout ce qui peut contribuer à la paix, à la concorde et à l’union de la Société.

 

  1. LE SECRET. Nous avons des secrets ; ce sont des signes figuratifs et des paroles sacrées, qui composent un langage tantôt muet et tantôt très éloquent, pour le communiquer à la plus grande distance, et pour reconnaître nos Confrères de quelque langue ou quelque pays qu’ils soient. C’était, selon les apparences, des mots de guerre que les croisés se donnaient les uns aux autres, pour se garantir des surprises des Sarrasins, qui se glissaient souvent déguisés parmi eux pour les trahir et les assassiner. Ces signes et ces paroles rappellent le souvenir ou de quelque partie de notre science ou de quelque vertu morale, ou de quelque mystère de la foi. Il est arrivé chez nous, ce qui n’est guère arrivé dans aucune autre société. Nos loges sont établies et se répandent aujourd’hui dans toutes les nations policées, et cependant dans une si nombreuse multitude d’hommes, jamais aucun Confrère n’a trahi nos secrets. Les esprits les plus légers, les plus indiscrets et les moins instruits à se taire, apprennent cette grande science dès qu’ils entrent dans notre société. Tant l’idée de l’Union fraternelle a d’empire sur les esprits. Ce secret inviolable contribue puissamment à lier les sujets de toutes les Nations, et à rendre la communication des bienfaits facile et mutuelle entre eux. Nous en avons plusieurs exemples dans les annales de notre Ordre, nos Confrères qui voyageaient dans les différents pays de l’Europe, s’étant trouvés dans le besoin, se sont fait connaître à nos loges, et aussitôt ils ont été comblés de tous les secours nécessaires. Dans le temps même des guerres les plus sanglantes, des illustres prisonniers ont trouvé des frères où ils ne croyaient trouver que des ennemis. Si quelqu’un manquait aux promesses solennelles qui nous lient, vous savez, Messieurs, que les plus grandes peines sont les remords de sa conscience, la honte de sa perfidie, et l’exclusion de notre Société, selon ces belles paroles d’Horace :

    Est et fideli tuta silentio
    Merces ; vetabo qui Cereris sacrum
    Vulgarit arcanae, sub isdem
    Sit tragibus, fragilemque mecum
    Solvat phaselum ;…

    Oui, Messieurs, les fameuses fêtes de Cérès à Eleusis dont parle Horace aussi bien que celles d’Isis en Égypte, de Minerve à Athènes, d’Uranie chez les Phéniciens, et de Diane en Scythie avaient quelque rapport à nos solennités. On y célébrait les mystères où se trouvaient plusieurs vestiges de l’ancienne religion de Noé et des patriarches ; ensuite on finissait par les repas et les libations, mais, sans les excès, les débauches et l’intempérance où les Païens tombèrent peu à peu. La source de toutes ces infamies fut l’admission des personnes de l’un et de l’autre sexe aux assemblées nocturnes contre la primitive institution. C’est pour prévenir de semblables abus que les femmes sont exclues de notre Ordre, ce n’est pas que nous soyons assez injustes pour regarder le sexe comme incapable de secret, mais c’est, parce que sa présence pourrait altérer insensiblement la pureté de nos maximes et de nos mœurs :

    Si le sexe est banni, qu’il n’en ait point d’alarmes,
    ce n’est point un outrage à sa fidélité ;
    Mais on craint que l’amour entrant avec ses charmes,
    ne produise l’oubli de la fraternité,
    noms de frère et d’ami seraient de faibles armes
    pour garantir les cœurs de la rivalité.

 

  1. LE GOÛT DES SCIENCES ET DES ARTS LIBÉRAUX. La quatrième qualité requise pour entrer dans notre Ordre est le goût des sciences utiles, et des arts libéraux de toutes les espèces ; ainsi l’ordre exige de chacun de vous, de contribuer par sa protection, par sa libéralité, ou par son travail à un vaste Ouvrage auquel nulle Académie, et nulle Université ne peuvent suffire, parce que toutes les Sociétés particulières étant composées d’un très petit nombre d’hommes, leur travail ne peut embrasser un objet aussi immense. Tous les Grands Maîtres en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie et par toute l’Europe, exhortent tous les savants et tous les Artistes de la Confraternité, de s’unir pour fournir les matériaux d’un Dictionnaire universel de tous les Arts Libéraux et de toutes les sciences utiles, la Théologie et la Politique seules exceptées. On a déjà commencé l’ouvrage à Londres ; mais par la réunion de nos confrères on pourra le porter à sa perfection en peu d’années. On y expliquera non seulement le mot technique et son étymologie, mais on donnera encore l’histoire de la science et de l’Art, ses grands principes et la manière d’y travailler. De cette façon on réunira les lumières de toutes les nations dans un seul ouvrage, qui sera comme un magasin général, et une Bibliothèque universelle de tout ce qu’il y a de beau, de grand, de lumineux, de solide et d’utile dans toutes les sciences naturelles et dans tous les arts nobles. Cet ouvrage augmentera chaque siècle, selon l’augmentation des lumières ; c’est ainsi qu’on répandra une noble émulation avec le goût des belles-lettres et des beaux Arts dans toute l’Europe.

 

  1. ORIGINE ET HISTOIRE DE L’ORDRE LA LÉGENDE ET L’HISTOIRE. Chaque famille, chaque République, et chaque Empire dont l’origine est perdue dans une antiquité obscure, a sa fable et a sa vérité, sa légende et son histoire, sa fiction et sa réalité. Quelques-uns font remonter notre institution jusqu’au temps de Salomon, de Moïse, des Patriarches, de Noé même. Quelques autres prétendent que notre fondateur fut Énoch, le petit-fils du Protoplaste, qui bâtit la première ville et l’appela de son nom. Je passe rapidement sur cette origine fabuleuse, pour venir à notre véritable histoire. Voici donc ce que j’ai pu recueillir dans les très anciennes Annales de l’Histoire de la Grande-Bretagne, dans les actes du Parlement d’Angleterre, qui parlent souvent de nos privilèges, et dans la tradition vivante de la Nation Britannique, qui a été le centre et le siège de notre Confraternité depuis l’onzième siècle.

 

  1. INSTITUTION DE L’ORDRE PAR LES CROISÉS. Du temps des guerres saintes dans la Palestine, plusieurs Princes, Seigneurs et Citoyens entrèrent en Société, firent voeu de rétablir les temples des Chrétiens dans la Terre Sainte, et s’engagèrent par serment à employer leurs talents et leurs biens pour ramener l’Architecture à primitive institution. Ils convinrent de plusieurs signes anciens, de mots symboliques tirés du fond de la religion, pour se distinguer des Infidèles, et se reconnaître d’avec les Sarrasins. On ne communiquait ces signes et ces paroles qu’à ceux qui promettaient solennellement et souvent même au pieds des Autels de ne jamais les révéler. Cette promesse n’était donc plus un serment exécrable, comme on le débite, mais un lien respectable pour unir les hommes de toutes les Nations dans une même confraternité. Quelques temps après, notre Ordre s’unit intimement avec les Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem. Dès lors et depuis nos Loges portèrent le nom de Loges de Saint Jean dans tous les pays. Cette union se fit en imitation des Israélites, lorsqu’ils rebâtirent le second Temple, pendant qu’ils maniaient d’une main la truelle et le mortier, ils portaient de l’autre l’Épée et le Bouclier. Notre Ordre par conséquent, ne doit pas être regardé comme un renouvellement de bacchanales, et une source de folle dissipation de libertinage effréné, et d’intempérance scandaleuse, mais comme un ordre moral, institué par nos Ancêtres dans la Terre sainte pour rappeler le souvenir des vérités les plus sublimes, au milieu des innocents plaisirs de la Société.

 

  1. PASSAGE DE L’ORDRE DE LA TERRE SAINTE EN EUROPE. Les Rois, les Princes et les Seigneurs, en revenant de la Palestine dans leurs pays, y établirent des Loges différentes. Du temps des dernières Croisades on voit déjà plusieurs Loges érigées en Allemagne, en Italie, en Espagne, en France et de là en Écosse, à cause de l’intime alliance qu’il y eut alors entre ces deux Nations. Jacques Lord Steward d’Écosse fut Grand Maître d’une Loge établie à Kilwinning dans l’Ouest d’Écosse en l’an 1286, peu de temps après la mort d’Alexandre III Roi d’Écosse, et un an avant que Jean Baliol montât sur le Trône. Ce Seigneur Écossais reçut Free Maçons dans sa Loge les Comtes de Glocester et d’Ulster, Seigneurs Anglais et Irlandais. Peu à peu nos Loges, nos fêtes et nos solennités furent négligées dans la plupart des pays où elles avaient été établies. De-là vient le silence des Historiens de presque tous les Royaumes sur notre Ordre, hors ceux de la Grande-Bretagne. Elles se conservèrent néanmoins dans toute leur splendeur parmi les Écossais, à qui nos Rois confièrent pendant plusieurs siècles la garde de leur sacrée personne.

 

  1. DES CROISADES A LA RÉFORME DÉGÉNÉRESCENCE DE L’ORDRE. Après les déplorables traverses des Croisades, le dépérissement des Armées Chrétiennes et le triomphe de Bendocdar Soudan d’Égypte, pendant la huitième et dernière Croisade, le Fils d’Henry III Roi d’Angleterre, le grand prince Édouard voyant qu’il n’avait plus de sûreté pour ses confrères dans la Terre sainte, quand les troupes Chrétiennes s’en retiraient, les ramena tous, et cette Colonie de frères s’établit ainsi en Angleterre. Comme ce Prince était doué de toutes les qualités du coeur et de l’esprit qui forment les Héros, il aima les beaux Arts, se déclara protecteur de notre Ordre, lui accorda plusieurs privilèges et franchises, et dès lors les membres de cette Confraternité prirent le nom de Francs-Maçons. Depuis ce temps la Grande-Bretagne devint le siège de notre science, conservatrice de nos lois, et la dépositaire de nos secrets. Les fatales discordes de religion qui embrasèrent et déchirèrent l’Europe dans le seizième siècle, firent dégénérer notre ordre de la grandeur et de la noblesse de son origine. On changea, on déguisa, ou l’on retrancha plusieurs de nos rites et usages qui étaient contraires aux préjugés du temps.
CONCLUSION
  1. RÉGÉNÉRATION ET AVENIR DE L’ORDRE EN FRANCE. C’est ainsi que plusieurs de nos confrères oublièrent l’esprit de nos lois, et n’en conservèrent que la lettre et l’écorce, notre grand maître, dont les qualités respectables surpassent encore la naissance distinguée, veut que l’on rappelle tout à sa première institution, dans un Pays où la religion et l’état ne peuvent que favoriser nos Lois. Des Isles Britanniques, l’antique science commence à repasser dans la France sous le règne du plus aimable des Rois, dont l’humanité fait l’âme de toutes les vertus, sous le ministère d’un Mentor qui a réalisé tout ce qu’on avait imaginé de plus fabuleux. Dans ces temps heureux où l’amour de la Paix est devenu la vertu des Héros, la nation la plus spirituelle de l’Europe deviendra le centre de l’Ordre ; elle répandra sur nos Ouvrages, nos Statuts et nos moeurs, les grâces, la délicatesse et le bon goût, qualités essentielles dans un Ordre, dont la base est la sagesse, la force et la beauté du génie. C’est dans nos Loges à l’avenir, comme dans des Écoles publiques, que les François verront, sans voyager, les caractères de toutes les Nations, et c’est dans ces mêmes Loges que les Étrangers apprendront par expériences, que la France est la vraie Patrie de tous les Peuples.

Patria gentis humanae.

Les Constitutions d’Anderson (les Obligations – 1723)

Les Obligations
d’un
FRANC-MACON

Extrait de l’Ancien Livre des Loges au-delà de la Mer
Doit Être Lu Dés L’Initiation D’Un Nouveau Frère
Ou Dés Que Le Maître L’Ordonnera

    TÊTES DE CHAPITRES :

  1. De DIEU et la RELIGION.
  2. Des MAGISTRATS CIVILS Suprêmes et Subordonnés.
  3. Des LOGES.
  4. Des MAÎTRES, Surveillants, Compagnons et Apprentis.
  5. De la Gestion du MÉTIER pendant le travail.
  6. De la CONDUITE, à tenir :
    1. Dans la Loge quand elle est constituée.
    2. Après que la Loge soit fermée et avant le départ des Frères.
    3. Quand des Frères se rencontrent sans Étrangers mais hors d’une Loge constituée.
    4. En présence d’Étrangers non Maçons.
    5. A la maison et dans votre Voisinage.
    6. Envers un Frère Étranger.

  1. De DIEU et la RELIGION.

    Un Maçon est obligé de par son Titre, d’obéir à la Loi Morale et s’il comprend bien l’Art, il ne sera jamais un Athée stupide ni un Libertin irréligieux. Mais bien que dans les Temps Anciens les Maçons fussent obligés dans chaque Pays d’appartenir à la Religion de ce Pays ou de cette Nation, quelle qu’elle fût, il est maintenant considéré comme plus opportun de seulement les soumettre à cette Religion que tous les hommes acceptent, laissant à chacun son opinion particulière, qui consiste à être des Hommes Bons et Honnêtes ou Hommes d’Honneur et de Sincérité, quelles que soient les Dénominations ou Croyances qui puissent les distinguer ; ainsi, la Maçonnerie devient le Centre d’Union et le Moyen de concilier une véritable Amitié parmi des Personnes qui auraient dû rester perpétuellement Éloignées.

  2. Des MAGISTRATS CIVILS SUPRÊMES et SUBORDONNÉS.

    Un Maçon est un paisible Sujet à l’égard des Pouvoirs Civils, où qu’il réside ou travaille, et ne doit jamais être concerné par les Complots et Conspirations contre la Paix et le Bien-être de la Nation, ni manquer à ses devoirs envers les Magistrats inférieurs ; d’autant que la Maçonnerie a toujours été blessée par la Guerre, l’Effusion de Sang et la Confusion ; aussi les Anciens Rois et Princes ont toujours été fort disposés à encourager les Ouvriers-Artisans, en raison de leur Caractère Pacifique et de leur Loyauté par lesquelles ils répondaient pratiquement aux obstacles de leurs Adversaires et développaient l’Honneur de la Fraternité qui a toujours fleuri dans les Périodes de Paix. Aussi, si un Frère devait être un Rebelle contre l’État, il ne doit pas être soutenu dans sa Rébellion, cependant, il devra être regardé avec pitié comme un homme malheureux ; et s’il n’est coupable d’aucun autre Crime, bien que la loyale Confrérie ait le devoir et l’obligation de désavouer sa Rébellion, et qu’il ne fait pas Ombrage ou montre une quelconque jalousie politique envers le Gouvernement au pouvoir, il ne peut pas être exclu de la Loge et ses relations avec elle demeurent indissolubles.

  3. Des LOGES.

    Une LOGE est un lieu où les Maçons s’assemblent et travaillent ; de là vient que l’assemblée, ou une Société de Maçons dûment organisée, soit appelée une Loge, et chaque Frère doit appartenir à l’une d’elles, et doit se soumettre à ses Statuts et Règlements Généraux.
    Elle est soit particulière soit générale et sera mieux comprise en la fréquentant, de même que les Règlements de la Loge Générale ou Grande Loge annexés ci- après. Dans les Anciens Temps aucun Maître ou Compagnon ne pouvait s’en absenter, surtout lorsqu’il y avait été convoqué, sans encourir une sévère Censure, à moins qu’il soit apparu au Maître ou aux Surveillants qu’il ait été retardé par une pure nécessité.
    Les Personnes admises comme Membres d’une Loge doivent être des Hommes bons et honnêtes, nés libres, d’âge mature et discret, ni Serfs ni Femmes ni Hommes immoraux ou scandaleux, mais de bonne réputation.

  4. Des MAÎTRES, SURVEILLANTS, COMPAGNONS et APPRENTIS.

    Toute Promotion parmi les Maîtres Maçons est fondée uniquement sur la Valeur réelle et sur le Mérite personnel ; afin que les Seigneurs soient bien servis, que les Frères ne soient pas humiliés ni l’Art Royal dédaigné ; Pour cela aucun Maître ou Surveillant n’est choisi à l’Ancienneté, mais au Mérite. Il est impossible de décrire ces choses par écrit, et par conséquent chaque Frère doit rester à sa propre place et les apprendre selon la méthode particulière à cette Fraternité ; les Candidats devraient au moins savoir qu’un Maître ne devrait pas prendre d’Apprenti s’il n’a pas un Travail suffisant à lui fournir et sans qu’il ne soit un Jeune Homme parfait ne souffrant d’aucune Mutilation ou Problème physique qui puisse le rendre incapable d’apprendre l’Art de servir le Seigneur de son Maître et de devenir un Frère, puis un Compagnon en temps voulu après qu’il ait servi jusqu’au terme des Années fixé par la Coutume du Pays ; Et qu’il devait descendre de Parents honnêtes ; que même qualifié autrement, il puisse parvenir à l’Honneur d’être un Surveillant, puis le Maître de la Loge, le Grand Surveillant et enfin, le Grand Maître de toutes les Loges, en fonction de son mérite.
    Nul Frère ne peut être Surveillant avant d’avoir passé le degré de Compagnon ; ni un Maître avant d’avoir occupé les fonctions de Surveillant ; ni Grand Surveillant avant d’avoir été Maître d’une Loge, ni Grand Maître s’il n’a pas été Compagnon avant son Élection, qui doit être, en outre, de noble naissance ou Gentilhomme de bonnes Manières ou quelque éminent Savant ou quelque Architecte curieux ; ou quelque autre Artiste descendant de Parents honnêtes qui possède une grande Estime personnelle dans l’opinion des Loges.
    Ces Souverains et Gouverneurs, supérieurs et subordonnés de la Loge ancienne, doivent être obéis dans leurs Fonctions respectives par tous les Frères, conformément aux Anciennes Obligations et Règlements, en toute Humilité, Révérence, Amour et Diligence.

  5. De la GESTION du MÉTIER pendant le TRAVAIL.

    Tous les Maçons devront travailler honnêtement pendant les jours de travail afin qu’ils vivent honorablement des jours de fête ; et le temps prévu par la Loi du Pays ou confirmé de coutume devra être respecté. Le plus expert des Compagnons devra être choisi ou délégué comme Maître ou Surintendant des Travaux du Seigneur ; il doit être appelé Maître par ceux qui travaillent sous ses ordres. Les Ouvriers-Artisans doivent éviter tout Langage mauvais, et ne pas s’appeler entre eux par des Noms désobligeants, mais s’appeler Frère ou Compagnon ; et se conduire entre-eux avec courtoisie à l’intérieur et à l’extérieur de la Loge.
    Le Maître, se sachant capable de Ruse, devra entreprendre les Travaux du Seigneur aussi raisonnablement que possible, et s’occupera vraiment des matériaux comme s’ils lui étaient propres ; n’accordera d’augmentation de Salaire à aucun Frère ou Apprenti qui ne l’ait mérité.
    Le Maître et les Maçons recevant leur Salaire justement, devront être fidèles au Seigneur et finiront honnêtement leur Travail, qu’il soit à la Tâche ou à la Journée ; Ni ne feront d’une tâche un travail qu’ils auront l’habitude de faire à la journée.
    Nul ne devrait découvrir l’Envie à la Prospérité d’un Frère, ni ne le supplantera, ou ne l’écartera de son Travail, s’il est capable de finir le même ; Parce que personne ne peut pleinement finir le Travail d’un autre au profit du Seigneur, sans qu’il ne connaisse parfaitement les Desseins et plans de celui qui l’a commencé.
    Quand un Compagnon est choisi comme Surveillant du Travail sous la conduite du Maître, il sera juste envers le Maître et les Compagnons, devra prudemment surveiller le Travail en l’absence du Maître à la gloire du Seigneur ; et ses Frères devront lui obéir.
    Tous les Maçons employés devront recevoir humblement leurs Salaires sans Murmure ni Révolte, et ne quitteront pas le Maître sans que le Travail ne soit fini. Un Frère plus Jeune devra être instruit du travail, pour prévenir la dégradation des Matériaux par manque de Jugement, et pour accroître et perpétuer l’Amour Fraternel.
    Tous les outils utilisés devront être approuvés par la Grande Loge.
    Aucun Ouvrier ne devra être employé au Travail propre à la Maçonnerie ; ni les Francs-Maçons ne devront travailler avec ceux qui ne sont Pas libres sans Nécessité impérieuse ; ni ne devront instruire les Ouvriers ou les Maçons non acceptés, comme ils devraient instruire un Frère ou un Compagnon.

  6. De la CONDUITE à tenir :
    1. Dans la LOGE pendant qu’elle est CONSTITUÉE.

      Vous ne devez pas avoir de Comités privés ou de Conversations à part, sans avoir quitté le Maître, ni parler de choses impertinentes ou inconvenantes, ni interrompre le Maître ou les Surveillants, ou aucun Frère parlant au Maître ; Ni vous rendre ridicule ou plaisantin pendant que la Loge traite de ce qui est sérieux et solennel ; ni user d’un Langage inconvenant pour aucune raison que ce soit ; Mais soyez respectueux envers votre Maître, vos Surveillants, et Compagnons, et accordez leur votre fidélité.
      Si quelque Plainte est déposée, le Frère reconnu coupable devra attendre la Décision et la Détermination de la Loge, qui sont les Juges propres et compétents pour toutes les Controverses (à moins que vous ne fassiez Appel devant la Grande Loge), et vers qui il doit être déféré, à moins que le Travail d’un Seigneur n’en soit occulté, dans lequel cas une procédure particulière peut être appliquée ; mais vous ne devez jamais recourir à la Loi en ce qui concerne la Maçonnerie, sans une absolue nécessité reconnue par la Loge.

    2. CONDUITE quand la LOGE est Close et avant que les FRÈRES soient partis.

      Vous pouvez jouir vous-mêmes d’innocents plaisirs, en traitant les uns les autres avec Talent, mais en évitant tout Excès, ni en ne forçant un Frère à manger ou à boire plus qu’il n’en a envie, ni en ne le retenant lorsque ses Affaires l’appellent, ni en ne disant et en ne faisant quelque chose d’offensant, ou qui puisse interdire une Conversation Facile et Libre ; Car cela pourrait détruire notre Harmonie, et déferait nos louables Desseins. C’est pourquoi aucune Pique ni Querelle privée ne doit passer le Seuil de la Loge, et moins encore quelque Querelle à propos de la Religion, ou des Nations ou de la Politique, car nous sommes seulement, comme Maçons, de la Religion Universelle ci-dessus mentionnée ; Nous sommes également de toutes Nations, Langues, Races, et Langages et sommes résolument contre toutes POLITIQUES, comme ce qui n’a pas encore contribué au bien-être de la Loge, ou ne le fera jamais.

    3. CONDUITE quand les FRÈRES se rencontrent sans étrangers mais non dans une LOGE FORMÉE.

      Vous devez vous saluer de manière courtoise, comme on vous l’enseignera, appelant les uns les autres Frère, échangeant librement les Instructions que vous jugerez utiles, sans être vus ni entendus, sans empiéter l’un sur l’autre, ni manquer au Respect qui est dû à un Frère, même s’il n’était pas Maçon. Car pour autant que les Maçons soient tous considérés de la même Manière comme Frères, la Maçonnerie ne prive pas un Homme des Honneurs auxquels il avait droit auparavant ; bien au contraire, elle préfère ajouter à ses Honneurs, spécialement s’il a bien servi la Fraternité, celui qui donne de l’Honneur à qui il est dû, et qui proscrit les mauvaises manières.

    4. CONDUITE en Présence d’ÉTRANGERS non MAÇONS.

      Vous devrez faire attention à vos Propos et à votre Comportement, de façon à ce que l’Étranger le plus perspicace ne soit pas capable de découvrir ou deviner ce qui n’est pas propre à être découvert ; et quelquefois vous aurez à détourner la Conversation, et à la conduire prudemment pour l’Honneur de la Vénérable Fraternité.

    5. CONDUITE A La Maison Et Dans Votre Voisinage.

      Vous devez agir comme un Homme moral et sage ; en particulier ne laissez pas votre Famille, vos Amis et Voisins savoir ce qui concerne la Loge, etc., mais consultez sagement votre Honneur, et de celui de l’Ancienne Fraternité, ceci pour des Raisons qui n’ont pas à être mentionnées ici. Vous devez aussi ménager aussi votre Santé, en ne restant pas trop tard ensemble, ou trop longtemps de chez vous, après que les Heures de la Loge soient passées ; Et en évitant la Ripaille ou la Boisson, afin que votre Famille ne soit ni négligée ou blessée, ni que vous ne soyez plus capable de travailler.

    6. CONDUITE envers un FRÈRE étranger.

      Vous devez l’examiner consciencieusement, de quelque Manière que la Prudence vous inspirera, afin de ne pas vous en laisser imposer par un prétendu faux ignorant, que vous devez repousser avec Mépris et Dérision, en vous gardant de lui dévoiler la Moindre Connaissance. Mais si vous le reconnaissez comme un Frère authentique et sincère, en conséquences vous devez le respecter ; et s’il est dans le besoin, vous devez l’aider si vous le pouvez, ou lui indiquer comment il peut être aidé : Vous devez l’employer pendant quelques Jours, ou alors le recommander pour qu’on l’emploie. Mais vous n’êtes pas obligé de faire plus que vos moyens ne vous le permettent, mais seulement de préférer un pauvre Frère, et un Homme Bon et Honnête, avant toute autre personne dans les mêmes circonstances.

Enfin, toutes ces OBLIGATIONS vous devez observer, et aussi celles qui pourront vous être communiquées d’une autre manière ; en cultivant l’Amour Fraternel, Fondement et clé de Voûte, le Ciment et la Gloire de cette ancienne Fraternité, évitez toute Dispute et Querelle, toute Calomnie et tout ragot, ni ne permettez aux autres de calomnier un honnête Frère, mais défendez sa Réputation, et rendez-lui Service, pour autant que cela soit compatible avec votre Honneur et votre Sécurité, mais pas au-delà. Et si l’un d’eux vous blesse, vous devez faire appel à votre propre Loge ou à la sienne, et de cela vous pouvez en appeler à la GRANDE LOGE lors de la Communication Trimestrielle, et de cela à la GRANDE LOGE annuelle, comme cela a été l’ancienne et louable Conduite de nos Ancêtres dans toute Nation ; ne parlant jamais de d’Assise Légale sauf quand il ne peut pas en être autrement, et écoutez patiemment le Conseil honnête et amical du Maître et des Compagnons, lorsqu’ils voudraient vous éviter de comparaître en Justice avec des Étrangers ou voudraient vous inciter à mettre un terme plus rapide à toutes Procédures Légales, afin que vous puissiez vous occuper des Affaires de la MAÇONNERIE avec plus d’Alacrité et de Succès ; mais avec le respect des Frères et Compagnons en Procès, le Maître et les Frères devraient gentiment offrir leur Médiation, ce qui doit être accueilli avec gratitude par les Frères concernés ; et si cette Soumission s’avère être impraticable, ils doivent, cependant, poursuivre la Procédure Légale, sans Colère ni Rancœur (contrairement à l’ordinaire) en ne disant et en ne faisant rien qui ne puisse dissimuler l’Amour fraternel, et les bonnes Relations doivent être renouées et poursuivies ; afin que tous puissent constater l’influence Bénigne de la MAÇONNERIE, comme tous les vrais Maçons l’ont fait depuis le commencement du Monde, et le feront jusqu’à la Fin des Temps.

AMEN. AINSI SOIT-IL.

Les Statuts de Ratisbonne (1498)

Statuts de l’association des tailleurs de pierre et maçons.

Au nom de Dieu le Père, du Fils, du Saint-Esprit et de sainte Marie, mère de Dieu, de ses bienheureux saints serviteurs, les quatre saints couronnés de mémoire éternelle, nous considérons que pour conserver amitié, union et obéissance, fondement de tout bien, de toute utilité et bienfait de tous, princes, comtes, seigneurs, localités et couvents, devenus actuellement et dans le futur, Églises, bâtiments de pierre ou constructions, nous devons former une fraternelle communauté ; cela pour le bien et l’utilité de tous les Maîtres et Compagnons du corps de métier des travailleurs de pierre et des maçons en terre allemande, sur tout pour éviter toute discussion, échec, souci, dépenses et dommages provenant de désordres et de transgressions à la bonne règle. Nous nous engageons pour opérer tous les règlements pacifiquement et à l’amiable. Pour que notre entreprise chrétienne soit valable en tout temps, nous, Maîtres et Compagnons de ce dit métier, originaires de Spire, Strasbourg et Ratisbonne, en notre nom et au nom de tous les autres Maîtres et Compagnons du dit métier ci-dessus mentionné, nous avons rénové et clarifié les vieilles traditions et nous nous sommes constitués dans un esprit fraternel en un groupement et nous sommes engagés à observer fidèlement les règlements ci-dessous définis et cela pour nous mêmes et pour nos successeurs.

  1. Celui qui veut entrer dans notre organisation fraternelle doit promettre d’observer tous les points et articles qui sont mentionnés dans ce livre.
  2. Si un travailleur qui avait entamé un ouvrage honnêtement conçu venait à mourir, il faut que n’importe quel autre Maître expert en la matière puisse continuer l’Oeuvre pour la mener à bonne fin.
  3. S’il se présente un compagnon compétent en la matière qui désire de l’avancement après avoir servi dans cette branche, on peut l’accepter.
  4. Si un Maître vient à mourir sans avoir achevé l’Oeuvre entreprise et qu’un autre Maître s’y attelle, celui-ci doit la mener à bonne fin sans l’abandonner à un troisième, et cela afin que ceux qui ont commandé le travail en question ne se trouvent pas engagés dans des frais exagérés qui porteraient préjudice à la mémoire du défunt.
  5. Si un nouveau chantier se formait alors qu’il n’en existait pas auparavant, ou si un Maître mourait et qu’un autre le remplaçât, qui ne fit pas partie de cette corporation, il faut que le Maître qui détient les documents et les statuts de la corporation en vigueur dans cette région convoque un Maître remplaçant pour cette corporation et lui fasse jurer et promettre de maintenir tout en règle, selon le droit des travailleurs de pierre et des maçons ; quiconque s’opposerait à cette loi ne recevrait aucun soutien ni de Compagnon ni de Maître et aucun Compagnon de cette corporation n’entrerait dans son chantier.
  6. celui qui est sous la dépendance d’un seigneur, qu’il soit Maître ou Compagnon, ne doit être accepté dans la corporation qu’avec l’assentiment de son seigneur.
  7. Si un chantier a été mis en train par exemple à Strasbourg, Cologne, Vienne et Passau, ou autres lieux du même ressort, personne venant de l’extérieur ne doit en tirer profit.
  8. Le Maître qui entre dans une telle entreprise (en cours) doit laisser le salaire jusqu’alors en usage.
  9. Le salaire convenu doit revenir intégralement aux compagnons de la première heure.
  10. Il (le Maître) doit en toutes circonstances se comporter avec correction envers les Compagnons, selon le droit et la coutume des tailleurs de pierre et maçons, conformément aux usages de la région.
  11. Si un Maître a entrepris un chantier et que d’autres Maîtres viennent à passer, ceux-ci ne doivent en aucune manière prendre position avant que le premier se soit désisté de l’entreprise. Naturellement, ces derniers doivent être compétents. 12) Les Maîtres en question doivent conduire leurs travaux de telle manière que les bâtiments construits par eux soient impeccables durant le laps de temps déterminé par les usages de leur région.
  12. S’il convient à quelque Maître d’entreprendre un autre travail concurremment au sien et qu’il ne puisse le mener à bonne fin et qu’un autre Maître s’y adonne, celui-ci doit le pousser à achèvement afin que l’Oeuvre ne reste pas inachevée. Mais si ce dernier n’a pas la compétence voulue pour aboutir comme il convient, il doit être repris et puni afin qu’on sache à quoi s’en tenir sur son compte.
  13. Le ou les Maîtres qui entreprennent de pareils travaux ne doivent prendre à louage de services que ceux qui sont compétents en la matière.
  14. Si un Maître vient entreprendre un travail pour lequel il n’est pas compétent, aucun Compagnon ne doit l’assister.
  15. Deux Maîtres ne doivent pas entreprendre le même travail, à moins que l’on ne puisse terminer le travail dans le cours de la même année.
  16. Chaque Maître qui réside dans son chantier ne doit pas avoir plus de deux aides. Et s’il avait un ou plusieurs chantiers extérieurs, il ne peut dépasser dans chacun d’eux plus de deux aides afin qu’il ne dépasse pas cinq aides dans l’ensemble de ses chantiers. Mais s’il perd un chantier, il doit employer les aides de celui-ci dans son autre chantier jusqu’à ce que la période d’engagement de ses aides soit révolue et il ne doit pas engager d’autres aides jusqu’à ce que le travail soit achevé.
  17. Si un aide vient à faire défaut à un Maître, le Maître peut en engager un autre pour un trimestre jusqu’à ce que le temps de travail de l’autre soit échu.
  18. Quand un aide sert un Maître conformément aux statuts de la corporation et que le Maître lui a promis de lui confier certains travaux et que l’aide désire en faire encore davantage, il pourra s’entendre avec le Maître à bon droit pour le servir plus longtemps.
  19. A tout entrepreneur qui dirige un chantier et à qui est dévolu le pouvoir juridique sur cette corporation pour régler tout différend qui pourrait survenir entre les constructeurs, obéissance est due par tous les Maîtres, Compagnons et aides. 21) Au cas où une plainte parvient au Maître, il ne doit pas prononcer seul une sentence, mais s’adjoindre deux autres Maîtres les plus proches et les Compagnons qui appartiennent à ce chantier. Ensemble, ils éclairciront la question qui ensuite devra être portée devant toute la corporation.
  20. Tout Maître qui a la responsabilité des statuts de la corporation doit les faire lire à ses Compagnons une fois par an et si, dans le courant de l’année, il vient un Maître ou un Compagnon qui désire connaître les statuts en tout ou en partie, il doit leur en faire prendre connaissance afin qu’il n’y ait aucune équivoque. 23) S’il arrive que deux Maîtres ou davantage appartenant à cette corporation aient des différends sur des sujets étrangers à la profession, ils ne doivent pas s’adresser ailleurs qu’à la corporation, laquelle jugera de son mieux.
  21. Aucun entrepreneur ou Maître ne doit vivre ouvertement en concubinage. S’il ne s’en abstient pas, aucun Compagnon ni tailleur de pierre ne doit rester dans son chantier ni avoir rien de commun avec lui.
  22. Afin que l’esprit de fraternité puisse se maintenir intégral sous les auspices divins, tout Maître qui a la direction d’un chantier doit, dès qu’il est reçu dans la corporation, verser un gulden.
  23. Tous les Maîtres et entrepreneurs doivent avoir, chacun, un tronc dans lequel chaque Compagnon doit verser un pfennig par semaine. Chaque Maître doit recueillir cet argent et tout autre venu dans le tronc et le remettre chaque année à la corporation.
  24. Dons et amendes doivent être versés dans les troncs de la communauté, afin que le service divin soit d’autant mieux célébré.
  25. Si un entrepreneur ne se soumet pas aux règlements et veut néanmoins exercer son métier, aucun Compagnon ne doit aller dans son chantier et les autres Maîtres doivent l’ignorer.
  26. Si un Maître n’est pas encore entré dans la corporation, s’il ne se déclare pas hostile à la corporation et qu’il prenne un Compagnon, il ne sera pas sanctionné pour ce fait.
  27. Si un Compagnon se rend chez un autre Maître de vie honnête en demandant à être embauché, il peut l’être dans la mesure où il continue à remplir ses obligations envers la corporation.
  28. Et s’il arrive qu’une plainte soit portée par un Maître contre un autre Maître, par un Compagnon contre un autre Compagnon ou contre un Maître, ces plaintes doivent être portées devant les Maîtres qui détiennent les livres de la corporation. Ceux-ci précisent les jours où les parties doivent être entendues et la cause sera jugée dans les lieux où ont été conservés les livres de la corporation.
  29. On ne doit pas accepter dans la corporation de Maître ou d’entrepreneur qui n’a pas communié dans l’année ou qui ne pratique pas, ou qui gaspille son avoir au jeu. Si d’aventure un quelconque de cette catégorie avait été coopté, aucun Maître, aucun Compagnon ne doit avoir de contact avec lui jusqu’à ce qu’il ait changé de vie et subi une punition par la communauté.
  30. Le Maître qui a la charge des livres doit promettre à la corporation d’en prendre soin et de n’en laisser prendre copie à personne ni de les prêter à qui que ce soit, afin qu’ils restent intacts. Mais si quelqu’un de la corporation a besoin de copier un ou deux articles, on peut lui prêter les livres ou lui autoriser la copie.
  31. Si un Maître ou un Compagnon copie un ouvrage à l’insu du Maître auteur de cet ouvrage, il doit être renvoyé de la corporation ; aucun Maître ou Compagnon ne doit avoir contact avec lui et aucun Compagnon ne doit s’associer à ses travaux tant qu’il n’aura pas fait amende honorable.
  32. Également, un Maître ayant entrepris un travail et dresse un plan ne doit pas modifier ce plan, mais doit le réaliser suivant l’usage du pays.
  33. Si un Maître ou un Compagnon procède a des dépenses pour la communauté, il doit les justifier et la communauté doit les lui rembourser. Si quelqu’un a des différends avec la justice ou dans d’autres circonstances qui concernent la corporation, celle-ci lui doit aide et protection.
  34. Si un Maître ou un Compagnon est en difficulté avec la justice ou autrement, chacun, qu’il soit Maître ou Compagnon, lui doit aide et assistance, conformément aux engagements de la corporation.
  35. Si un Maître n’a pas reçu la totalité de son dû, la construction une fois achevée, il n’a pas l’autorisation de prélever des intérêts. A l’inverse, un Maître qui a avance de l’argent à une personne ou à une ville pour mener à bonne fin une construction ne doit pas non plus prélever intérêts.
  36. Si un Maître doit construire des fondations et qu’il ne puisse aboutir, faute de main-d’oeuvre qualifiée, il a toute latitude pour s’adresser a des maçons, afin que les personnes ou les villes qui ont passé la commande ne restent pas dans l’embarras.
  37. tous les Maîtres et les Compagnons qui se sont engagés par serment à observer les règlements de la corporation doivent être fidèles à leurs engagements. Si un Maître ou un Compagnon a enfreint l’un des articles du règlement, il doit expier en conséquence et est ensuite tenu quitte d’observer l’article en question.
  38. A Ratisbonne, en l’an 1459, quatre semaines après pâques, il a été décidé que le Maître d’oeuvre Jobst Dotzinger, qui a construit notre cathédrale et plusieurs établissements religieux à Strasbourg, sera considéré ainsi que ses successeurs comme le président et le juge et cela est également valable pour Spire et Strasbourg.
  39. tous les Maîtres qui possèdent un tronc dans les chantiers où il n’existe pas de tronc de la corporation seront responsables des espèces vis-à-vis des Maîtres qui détiennent les livres de la corporation et, là où ces livres seront détenus, un service divin doit être célébré. S’il se produit le décès d’un Maître ou d’un Compagnon dans des chantiers où il n’existe pas de livre de la corporation, ce décès doit être annonce au Maître qui tient les livres de la corporation. Dès que l’annonce du décès lui parvient, il fait célébrer une messe pour le repos de l’âme du défunt. Tous les Maîtres et Compagnons doivent être présents et verser une obole.
  40. Dans un chantier où on tient un livre de corporation, le contenu des troncs des plus proches chantiers doit être versé.
  41. Aucun Maître ou Compagnon n’appartenant pas à la corporation ne doit recevoir le moindre enseignement.
  42. On n’a pas le droit de recevoir de l’argent en rétribution de l’enseignement que l’on dispense, mais rien n’empêche d’enseigner gratuitement tous ceux qui désirent s’instruire.
  43. Si un homme pieux désire participer au service divin, on doit l’accueillir. Mais, à part le service divin, il ne doit pas participer au travail de la corporation.
  44. En l’année 1459, quatre semaines après pâques, les Maîtres et les ouvriers de cette corporation qui ont été à Ratisbonne ont juré fidélité sur le livre.

Jobst Dotzinger, le maître d’oeuvre de Strasbourg.

Le Régius (v.1390)

Un poème de Devoirs Moraux

Ici commencent les statuts de l’art
De Géométrie selon Euclide.

Quiconque voudra bien lire et chercher
Pourra trouver écrite dans un vieux livre
L’histoire de grands seigneurs et grandes dames,
Qui, certes, avaient beaucoup d’enfants ;
Et n’avaient pas de revenus pour en prendre soin,
Ni en ville, ni à la campagne ou dans les bois ;
Tinrent ensemble conseil pour eux,

De décider pour le bien de ces enfants,
Comment ils pourraient mieux mener leur vie
Sans grand inconfort, ni souci ni lutte ;
Et encore pour la multitude qui viendra

De leurs enfants ils envoyèrent chercher de grands clercs,
Pour leur enseigner alors de bons métiers ;

Et nous les prions, pour l’amour de notre Seigneur,
Pour nos enfants de trouver un travail,
Pour qu’ils puisent ainsi gagner leur vie,
Tant bien qu’honnêtement en toute sécurité.
En ce temps-là, par la bonne géométrie,
Cet honnête métier qu’est la bonne maçonnerie
Fut constitué et crée ainsi,
Conçu par ces clercs ensemble ;
Sur la prière de ces seigneurs ils inventèrent
la géométrie,

Et lui donnèrent le nom de maçonnerie,
A ce plus honnête de tous les métiers.
Les enfants de ces seigneurs se mirent,
A apprendre de lui le métier de géométrie,
Ce qu’il fit très soigneusement ;

A la prière des pères et des mères aussi,
Il les mit à cet honnête métier.
Celui qui apprenait le mieux, et était honnête,
Et surpassait ses compagnons en attention,
Si dans ce métier il les dépassait,
Il devait être plus honoré que le dernier,
Le nom de ce grand clerc était Euclide,
Son nom se répandait fort loin.
Pourtant ce grand clerc ordonna
A celui qui était plus élevé dans ce degré,
Qu’il devait enseigner les plus simples d’esprit
Pour être parfait en cet honnête métier ;
Et ainsi ils doivent s’instruire l’un l’autre,
Et s’aimer ensemble comme soeur et frère.

Il ordonna encore que,
Maître doit il être appelé ;
Afin qu’il soit le plus honoré,
Alors il devait être nommé ainsi ;
Mais jamais maçons ne doivent appeler un autre,

Au sein du métier parmi eux tous,
Ni sujet ni serviteur, mon cher frère,
Même s’il est moins parfait qu’un autre ;
Chacun appellera les autres compagnons par amitié,
Car ils sont nés de nobles dames.

De cette manière, par la bonne science de géométrie,
Commença le métier de la maçonnerie ;
Le clerc Euclide le fonda ainsi,

Ce métier de géométrie au pays d’Egypte.
En Egypte il l’enseigna tout autour,
Dans diverses pays de tous côtés ;
Pendant de nombreuses années, je croix,
Avant que ce métier arrive dans ce pays.

Ce métier arriva en Angleterre, comme je vous dis,
Au temps du bon Roi Athelstane,
Il fit construire alors tant manoir que même bosquet,
Et de hauts temples de grand renom,
Pour s’y divertir le jour comme la nuit,
Ce bon seigneur aimait beaucoup ce métier,
Et voulut le consolider de toutes ses parties,
A cause de divers défauts qu’il trouva dans le métier ;

Il envoya à travers le pays
Dire à tous les maçons du métier,
De venir vers lui sans délai,
Pour amender ces défauts tous
Par bon conseil, autant que possible.
Une assemblée alors il réunit
De divers seigneurs en leur rang,
Des ducs, comtes, et barons aussi,
Des chevaliers, écuyers et maintes autres,
Et les grands bourgeois de cette cité,
Ils étaient tous là chacun à son rang ;
Ils étaient là tous ensemble,
Pour établir le statut de ces maçons,
Ils y cherchaient de tout leur esprit,
Comment ils pourraient le gouverner ;

Quinze articles ils voulaient produire,
Et quinze points ils y ont crées,

Ici commence l’article premier.

Le premier article de cette géométrie ;-
Le maître maçon doit être digne de confiance
A la fois constant, loyal et vrai,
Il ne l’aura alors jamais à regretter ;
Tu dois payer tes compagnons selon le cours,
Des victuailles, tu le sais bien ;
Et paie les justement, et de bonne foi,
Ce qu’ils peuvent mériter ;
Et évites soit par amour soit par crainte,
D’aucune des parties d’accepter des avantages ;
Du seigneur ni du compagnon, qui que ce soit,
D’eux tu ne prends aucune sorte de paiement ;
Et en juge tiens toi intègre,
Et alors aux deux tu rendra leur bon droit ;
Et véritablement fais ceci où que tu ailles,
Ton honneur, ton profit, sera le meilleur.

Article.second.

Le second article de bonne maçonnerie,
Comme vous devez ici l’entendre particulièrement,
Que tout maître, qui est maçon,
Doit assister au rassemblement général,
Pour que précisément il lui soit dit
Le lieu où l’assemblée se tiendra.

Et à cette assemblée il doit se rendre,
Sauf s’il a une excuse raisonnable,
Ou qu’il soit désobéissant à ce métier
Ou s’abandonne au mensonge,
Ou qu’il soit atteint d’une maladie si grave,
Qu’il ne puisse venir parmi eux ;
Cela est une excuse bonne et valable,
Pour cette assemblée, si elle est sincère.

Article troisième.

Le troisième article est en vérité,
Que le maître ne prenne aucun ’prentis,
Sauf s’il peut lui assurer de le loger
sept ans chez lui, comme je vous dis,
Pour apprendre son métier, qui soit profitable ;
En moins de temps il ne sera pas apte
Au profit du seigneur, ni le sien
Comme vous pouvez le comprendre par bonne raison.

Article quatrième.

Le quatrième article ceci doit être,
Que le maître doit bien veiller,
A ne pas prendre un serf comme ’prentis,
Ni l’embaucher pour son propre profit,
Car le seigneur auquel il est lié,
Peut chercher le ’prentis où qu’il aille.
Si dans la loge il était pris,
Cela pourrait y faire beaucoup de désordre,
Et un pareil cas pourrait arriver,
Que cela pourrait chagriner certains, ou tous.

Car tous les maçons qui y seront
Se ensemble se tiendront réunis.
Si un tel dans le métier demeurait,
De diverses désordres vous pourrez parler :
Alors pour plus de paix, et honnêteté,
Prenez un ’prentis de meilleure condition.
Dans d’ancien écriture je trouve,
Que le ’prentis doit être de naissance noble ;
Et ainsi parfois, des fils de grands seigneurs
Ont adopté cette géométrie qui est très bonne.

Article cinquième.

Le cinquième article est très bon,
Que le ’prentis soit de naissance légitime ;
Le maître ne doit, sous aucun prétexte,
Prendre un ’prentis qui soit difforme ;
Cela signifie, comme vous le verrez
Qu’il ait tous ses membres entiers ensemble ;
Pour le métier cela serait grande honte,
De former un homme estropié ou un boiteux,
Car un homme imparfait de telle naissance
Ne serait que peu utile au métier.
Ainsi chacun de vous peut comprendre,
Le métier veut un homme puissant ;
Un homme mutilé n’a pas de force,
Vous devez le savoir depuis longtemps.

Article sixième.

Le sixième article vous ne devez pas manquer
Que le maître ne doit pas porter préjudice au seigneur,
En prenant au seigneur pour son ’prentis,
Autant que reçoivent ses compagnons, en tout,
Car dans ce métier ils se sont perfectionnés,
Ce que lui n’est pas, vous devez le comprendre.
Ainsi il serait contraire à bonne raison,
De prendre pour lui égal salaire à celui des compagnons.
Ce même article dans ce cas,
Ordonne que son ’prentis gagne moins
Que ses compagnons, qui sont parfaits.
Sur divers points, sachez en revanche,
Que le maître peut instruire son ’prentis tel,
Que son salaire puisse augmenter rapidement,
Et avant que son apprentissage soit terminé,
Son salaire pourrait s’améliorer de beaucoup.

Article septième.

Le septième article que maintenant voici,
Vous dira pleinement à tous ensemble,
Qu’aucun maître ni par faveur ni par crainte,
Ne doit vêtir ni nourrir aucun voleur.
Des voleurs il n’en hébergera jamais aucun,
Ni celui qui a tué un homme,
Ni celui qui a mauvaise réputation,
De crainte que cela fasse honte au métier.

Article huitième.

Le huitième article vous montre ainsi,
Ce que le maître a bien le droit de faire.
S’il emploie un homme du métier,
Et qu’il ne soit pas aussi parfait qu’il devrait,
Il peut le remplacer sans délai,
Et prendre à sa place un homme plus parfait.
Un tel homme, par imprudence,
Pourrait faire déshonneur au métier.

Article neuvième.

Le neuvième article montre fort bien,
Que le maître doit être sage et fort ;
Qu’il n’entreprenne aucun ouvrage,
Qu’il ne puisse achever et réaliser ;
Et que ce soit aussi au profit des seigneurs,
Ainsi qu’à son métier, où qu’il aille,
Et que les fondations soient bien construites,
Pour qu’il y ait ni fêlure ni brèche.

Article dixième.

Le dixième article sert à savoir,
Parmi tous dans le métier, grands ou modestes,
Qu’aucun maître ne doit supplanter un autre,
Mais être ensemble comme s ur et frère,
Dans ce singulier métier, tous quels qu’ils soient,
Qui travaillent sous un maître maçon.
Ni doit il supplanter aucun homme,
Qui s’est chargé d’un travail,
La peine pour cela est tellement forte,
Qu’elle ne pèse pas moins de dix livres,
A moins qu’il soit prouvé coupable,
Celui qui avait d’abord pris le travail en main ;
Car nul homme en maçonnerie
Ne doit supplanter un autre impunément,
Sauf s’il a construit de telle façon,
Que cela réduit l’ouvrage à néant ;
Alors un maçon peut solliciter ce travail,
Pour le sauver au profit des seigneurs
Dans un tel cas, si cela arrivait,
Aucun maçon ne s’y opposera.
En vérité celui qui a commencé les fondations,
S’il est un maçon habile et solide,
A fermement dans l’esprit,
De mener l’ oeuvre à entière bonne fin.

Article onzième.

L’onzième article je te le dis,
est à la fois juste et franc ;
Car il enseigne, avec force,
Qu’aucun maçon ne doit travailler de nuit,
A moins de s’exercer à l’étude,
Par laquelle il pourra s’améliorer

Article douzième.

Le douzième article est de grande honnêteté
Pour tout maçon, où qu’il se trouve,
Il ne doit pas déprécier le travail de ses compagnons,
S’il veut sauvegarder son honneur ;
Avec des paroles honnêtes il l’approuvera,
Grâce à l’esprit que Dieux t’a donné ;
Mais en l’améliorant de tout ton pouvoir,
Entre vous deux sans hésitation.

Article treizième.

Le treizième article, que Dieu me garde,
C’est, que si le maître a un ’prentis,
Il l’enseignera de manière complète,
Et qu’il puisse apprendre autant de points,
Pour qu’il connaisse bien le métier,
Où qu’il aille sous le soleil.

Article quatorzième.

Le quatorzième article par bonne raison,
Montre au maître comment agir ;
Il ne doit prendre ’prentis,
A moins d’avoir diverses tâches à faire,
Pour qu’il puisse pendant son stage,
Apprendre de lui diverses points.

Article quinzième.

Le quinzième article est le dernier,
Car pour le maître il est un ami ;
Pour lui enseigner qu’envers aucun homme,
Il ne doit adopter un comportement faux,
Ni suivre ses compagnons dans leur erreur,
Quelque bien qu’il puisse y gagner ;
Ni souffrir qu’ils fassent de faux serments,
Par souci de leurs âmes,
Sous peine d’attirer sur le métier la honte,
Et sur lui-même un blâme sévère.

Diverses statuts.

Dans cette assemblée des points furent adoptés en plus,
Par de grands seigneurs et maîtres aussi.
Que celui qui voudrait connaître ce métier
et l’embrasser,
Doit bien aimer Dieu et la sainte église toujours,
Et son maître aussi avec qui il est,
Où qu’il aille par champs ou par bois,
Et aimes aussi tes compagnons,
Car c’est ce que ton métier veut que tu fasses.

Second point.

Le second point je vous le dis,
Que le maçon travaille le jour ouvrables,
Aussi consciencieusement qu’il le pourra,
Afin de mériter son salaire pour le jour de repos,
Car celui qui a vraiment fait son travail,
Méritera bien d’avoir sa récompense.

Troisième point.

Le troisième point doit être sévère,
Avec le ’prentis, sachez le bien,
Le conseil de son maître il doit garder et cacher,
Et de ses compagnons de bon gré ;
Des secrets de la chambre il ne parlera a nul homme,
Ni de la loge quoi qu’ils y fassent ;
Quoi que tu entendes ou les vois faire,
Ne le dis à personne où que tu ailles ;
Les propos dans la salle, et même au bosquet,
Gardes les bien pour ton grand honneur,
Sans quoi cela tournera pour toi au blâme,
Et apportera au métier grande honte.

Quatrième point.

Le quatrième point nous enseigne aussi,
Que nul homme à son métier sera infidèle ;
Aucune erreur il n’entretiendra
Contre le métier, mais y renoncera ;
Ni aucun préjudice il causera
A son maître, ni a son compagnon ;
Et bien que le ’prentis soit tenu au respect,
Il est toutefois soumis à la même loi.

Cinquième point.

Le cinquième point est sans nul doute,
Que lorsque le maçon prendra sa paie
Du maître, qui lui est attribué,
Humblement acceptée elle doit être ;
Cependant il est juste que le maître,
L’avertisse dans les formes avant midi,
S’il n’a plus l’intention de l’employer,
Comme il le faisait auparavant ;
Contre cet ordre il ne peut se débattre,
S’il réfléchit bien c’est dans son intérêt

Sixième point.

Le sixième point doit être bien connu,
De tous grands et modestes,
Car un tel cas pourrait arriver ;
Qu’entre quelques maçons, sinon tous,
Par envie ou haine mortelle,
S’éclate une grande dispute.
Alors le maçon doit, s’il le peut,
Convoquer les deux parties un jour fixé ;
Mais ce jour-là ils ne feront pas la paix,
Avant que la journée de travail soit bien finie,
Un jour de congé vous devez bien pouvoir trouver,
Assez de loisir pour placer la réconciliation,
De peur qu’en la plaçant un jour ouvré
La dispute ne les empêche de travailler ;
Faites en sorte qu’ils en finissent.
De manière à ce qu’ils demeurent bien dans la loi de Dieu.

Septième point.

Le septième point pourrait bien dire,
Comment bien longue vie Dieu nous donne,
Ainsi il le reconnaît bien clairement,
Tu ne coucheras pas avec la femme de ton maître,
Ni de ton compagnon, en aucune manière,
Sous peine d’encourir le mépris du métier ;
Ni avec la concubine de ton compagnon,
Pas plus que tu ne voudrais qu’il couche avec la tienne.
La peine pour cela qu’on le sache bien,
Est qu’il reste ’prentis sept années pleines,
Celui qui manque à une de ces prescriptions
Alors il doit être châtié ;
Car un grand souci pourrait naître,
D’un aussi odieux péché mortel.

Huitième point.

Le huitième point est, assurément,
Si tu as reçu quelque charge,
A ton maître reste fidèlement soumis,
Car ce point jamais tu ne le regretteras ;
Un fidèle médiateur tu dois être,
Entre ton maître ettes compagnons libres ;
Fais loyalementtoutceque tu peux,
Envers les deux parties, et cela est bonne justice.

Neuvième point.

Le neuvième point s’adresse à celui,
Qui est l’intendant de notre salle,
Si vous vous trouvez en chambre ensemble,
Servez vous l’un l’autre avec calme gaieté ;
Gentils compagnons, vous devez le savoir,
Vous devez être intendant chacun à votre tour,
Semaine après semaine sans aucun doute,
Tous doivent être intendant à leur tour,
Pour servir les uns et les autres aimablement,
Comme s’ils étaient s ur et frère ;
Nul ne se permettra aux frais d’un autre
De se libérer pour son avantage,
Mais chaque homme aura la même liberté
Dans cette charge, comme il se doit ;
Veille à bien payer tout homme toujours,
A qui tu as acheté des victuailles,
Afin qu’on ne te fasse aucune réclamation,
Ni à tes compagnons à aucun titre,
A tout homme ou femme, qui que ce soit,
Paies les bien et honnêtement, nous le voulons ;
A ton compagnon tu en rendras compte exacte,
De ce bon paiement que tu as fait,
De peur de le mettre dans l’embarras,
Et de l’exposer à un grand blâme.
Toutefois bon comptes il doit tenir
De tous les biens qu’il aura acquis,
Des dépenses que tu auras fait sur le bien de tes compagnons,
Du lieu, des circonstances et de l’usage ;
De tels comptes tu dois rendre,
Lorsque tes compagnons te les demandent.

Dixième point.

Le dixième point montre la bien bonne vie,
Comment vivre sans souci ni dispute ;
Si le maçon mène une vie mauvaise,
Et dans son travail il est malhonnête,
Et se cherche une mauvaise excuse
Il pourra diffamer ses compagnons injustement,
Par de telles calomnies infâmes
Attirer le blâme sur le métier.
S’il déshonore ainsi le métier,
Vous ne devez alors lui faire aucune faveur,
Ni le maintenir dans sa mauvaise vie,
De peur que cela ne tourne en tracas et conflit ;
Mais ne lui laissez aucun sursis,
Jusqu’à ce que vous l’ayez constraint,
A comparaître où bon vous semble,
Où vous voudrez, de gré ou de force,
A la prochaine assemblée vous le convoquerez,
A comparaître devant tout ses compagnons,
Et s’il refuse de paraître devant eux,
Il lui faudrait renoncer au métier ;
Il sera alors puni selon la loi
Qui fut établie dans les temps anciens.

Onzième point.

Le onzième point est de bonne discrétion,
Comme vous pouvez le comprendre par bonne raison ;
Un maçon qui connaît bien son métier,
Qui voit son compagnon tailler une pierre,
Et qu’il est sur le point d’abîmer cette pierre,
Reprends-la aussitôt si tu le peux,
Et montre-lui comment la corriger,
Pour que l’ oeuvre du seigneur ne soit pas abîmé,
Et montre-lui avec douceur comment la corriger,
Avec de bonnes paroles, que Dieu te prête ;
Pour l’amour de celui que siège là-haut,
Avec de douces paroles nourris son amitié.

Douzième point.

Le douzième point est d’une grande autorité,
Là où l’assemblée se teindra,
Il y aura des maîtres et des compagnons aussi,
Et d’autres grands seigneurs en grand nombre ;
Il y aura le shérif de cette contrée,
Et aussi le maire de cette cité,
Il y aura des chevaliers et des écuyers,
Et aussi des échevins, comme vous le verrez ;
Toutes les ordonnances qu’ils prendrons là,
Ils s’accorderont pour les faire respecter,
Contre tout homme, quel qu’il soit,
Qui appartient au métier beau et libre.
S’il fait quelque querelle contre eux,
Il sera arrêté et tenu sous garde.

Treizième point.

Le treizième point requiert toute notre volonté,
Il jurera de ne jamais voler,
Ni d’aider celui dans cette mauvaise profession,
Pour aucune part de son butin,
Et tu dois le savoir ou alors pécher,
Ni pour son bien, ni pour sa famille.

Quatorzième point.

Le quatorzième point est excellente loi
Pour celui qui sera sous la crainte ;
Un bon et vrai serment il doit prêter là,
A son maître et ses compagnons qui sont là ;
Il doit être constant et fidèle aussi
A toutes ces ordonnances, où qu’il aille,
Et a son seigneur lige le roi,
De lui être fidèle par-dessus tout.
Et tous ces points ci-dessus
A eux tu dois être assermenté,
Et tous prêteront le même serment
Des maçons, de gré ou de force.
A tous ces points ci-dessus,
Ainsi que l’a établie une excellente tradition.
Et ils enquêteront sur chaque homme
S’il les met en pratique de son mieux,
Si un homme est reconnu coupable
Sur l’un de ces points en particulier ;
Qu’on le recherche, quel qu’il soit,
Et qu’il soit amené devant l’assemblée.

Quinzième point.

Le quinzième point est excellente tradition,
Pour ceux qui auront là prêté serment,
Cette ordonnance qui fut arrêtée par l’assemblée
De grands seigneurs et maîtres dont on a parlé ;
Pour ceux qui soient désobéissants, je sais,
A la présente constitution,
De ces articles qui y furent édictés,
Par de grands seigneurs et maçons ensemble,
Et si leurs fautes sont mises au jour
Devant cette assemblée, tantôt,
Et s’ils ne veulent pas s’en corriger,
Alors ils doivent abandonner le métier ;
Et jurer de ne plus jamais l’exercer.
Sauf s’ils acceptent de s’amender,
Ils n’auront plus jamais part au métier ;
Et s’ils refusaient de faire ainsi,
Le shérif se saisira d’eux sans délai,
Et les mettra dans un profond cachot,
A cause de leur transgression,
Il confisquera leurs biens et leur bétail
Au profit du roi, en totalité,
Et les y laissera aussi longtemps,
Qu’il plaira à notre lige le roi.

L’art des quatre couronnés.

Prions maintenant Dieu tout-puissant,
Et sa mère Marie radieuse,
Afin que nous puissions garder ces articles,
Et les points tous ensembles,
Comme le firent ces quatre saints martyres,
Qui dans ce métier furent tenus en grand honneur,
Ils étaient aussi bons maçons qu’on puisse trouver sur la terre,
Sculpteurs et imagiers ils étaient aussi,
Car c’étaient des ouvriers d’élite,
L’empereur les tenait en grande estime ;
Il désira qu’ils fassent une statue
Qu’on vénérera en son honneur ;
En son temps il possédait de tels monuments,
Pour détourner le peuple de la loi du Christ.

Mais eux demeuraient ferme dans la loi du Christ,
Et dans leur métier sans compromis ;
Ils aimaient bien Dieu et tout son enseignement,
Et s’étaient voués à son service pour toujours.
En ce temps là ils furent des hommes de vérité,
Et vécurent droitement dans la loi de Dieu ;
Ils n’entendaient pas de fabriquer des idoles,
Quelque bénéfices qu’ils puissent en retirer,
Ni prendre cette idole pour leur Dieu,
Ils refusèrent de le faire, malgré sa colère ;
Car ils ne voulaient pas renier leur vraie foi,
Et croire à sa fausse loi,
L’empereur les fit arrêter sans délai,
Et les mit dans un profond cachot ;
Plus cruellement il les y punissait,
Plus ils se réjouissaient dans la grâce de Dieu,
Alors quand il vit qu’il ne pouvait plus rien,
Il les laissait alors aller à la mort ;
Celui qui voudra, trouvera dans le livre
De la légende des saints,
Les noms des quatre couronnés.
Leur fête est bien connue, Le huitième jour après la Toussaint.

Ecoutez ce que j’ai lu,
Que beaucoup d’années après, à grand effroi
Le déluge de Noë eut déferlé,
La tour de Babel fut commencée,
Le plus gros ouvrage de chaux et de pierre,
Que jamais homme ait pu voir ;
Si long et si large on l’entreprit,
Que sa hauteur jeta sept miles d’ombre,
Le Roi Nabuchodonosor le fit construire
Aussi puissant pour la défense des hommes,
Que si un tel déluge surviendrait,
Il ne pourrait submerger l’ouvrage ;
Parce qu’ils avaient un orgueil si fier, avec grande vantardise
Tout ce travail fut ainsi perdu ;
Un ange les frappa en diversifiant leurs langues,
Si bien qu’ils ne se comprenaient plus jamais
l’un l’autre.

Bien des années plus tard, le bon clerc Euclide
Enseigna le métier de géométrie partout autour,
Et il fit en ce temps-là aussi,
Divers métiers en grand nombre.
Par la haute grâce du Christ au ciel,
Il fonda les sept sciences ;

Grammaire est la première, je le sais,
Dialectique la seconde, je m’en félicite,
Rhétorique la troisième sans conteste,
Musique la quatrième, je vous le dis,
Astronomie est la cinquième, par ma barbe,
Arithmétique la sixième, sans aucun doute,
Géométrie la septième, clôt la liste,
Car elle est humble et courtoise,

En vérité, la grammaire est la racine,
Chacun l’apprend par le livre ;
Mais l’art dépasse ce niveau,
Comme le fruit de l’arbre vaut plus que la racine ;
La Rhétorique mesure un langage soigné,
Et la Musique est un chant suave ;
L’Astronomie dénombre, mon cher frère,
L’Arithmétique montre qu’une chose est égale à une autre,
La Géométrie est la septième science,
Qui distingue le vrai du faux, je sais
Que ce sont les sept sciences,
Celui qui s’en sert bien peut gagner le ciel.

Maintenant mes chers enfants, ayez bon esprit
Pour laisser de côté orgueil et convoitise,
Et appliquez vous à bien juger,
Et à bien vous conduire, où que vous allez.

Maintenant je vous prie d’être bien attentifs,
Car ceci vous devez savoir,
Mais vous devez en savoir bien plus encore,
Que ce que vous trouvez écrit ici.
Si l’intelligence te fait défaut pour cela,
Prie Dieu de te l’envoyer ;
Car le Christ lui-même nous l’enseigne
Que la sainte église est la maison de Dieu,
Elle n’est faite pour rien d’autre
Que pour y prier, comme nous le dit l’Ecriture,
Là le peuple doit se rassembler,
Pour prier et pour pleurer leurs péchés.

Veille à ne pas arriver à l’église en retard,
Pour avoir tenu des propos paillards à la porte ;
Alors quand tu es en route vers l’église,
Aie bien en tête à tout instant
De vénérer ton seigneur Dieu jour et nuit,
De tout ton esprit et de toute ta force.
En arrivant à la porte de l’église
Tu prendras un peu de cette eau bénite,
Car chaque goutte que tu toucheras,
Effacera un péché véniel, sois-en sûr.

Mais d’abord tu dois ôter ton capuchon,
Pour l’amour de celui qui est mort sur la croix.
Quand tu entreras dans l’église,
Elève ton coeur vers le Christ, aussitôt ;
Lève alors les yeux vers la crois,
Et agenouille toi bien à deux genoux,
Puis prie-le alors de t’aider à oeuvrer,
Selon la loi de la sainte église,
A garder les dix commandements,
Que Dieu donna à tous les hommes ;

Et prie-le d’une voix douce
De te garder des sept péchés,
Afin que tu puisse ici, dans cette vie,
Te garder loin des soucis et des querelles ;
Et que de plus il t’accorde la grâce,
Pour trouver une place dans la béatitude du ciel.

Dans la sainte église abandonne les paroles frivoles
De langage lascive et plaisanteries obscènes,
Et mets de côté toute vanité,
Et dis ton pater noster et ton ave ;
Veille aussi à ne pas faire de bruit,
Mais sois toujours dans tes prières ;
Si tu ne veux pas prier toi-même,
Ne gêne aucun autre en aucune manière.
En ce lieu ne te tiens ni assis ni debout,
Mais agenouille toi bien sur le sol,
Et quand je lirai l’Evangile,
Lève toi bien droit sans t’appuyer au mur,
Et signe-toi si tu sais le faire,
Quand on étonne le gloria tibi ;
Et quand l’évangile est fini,
A nouveau tu peux t’agenouiller,
Sur tes deux genoux tu tomberas,
Pour l’amour de celui qui nous a tous rachetés ;

Et quand tu entends sonner la cloche
Qui annonce le saint sacrement,
Vous devez vous agenouiller tous jeunes et vieux,
Et lever vos deux mains au ciel,
Pour dire alors dans cette attitude,
A voix basse et sans faire de bruit ;
« Seigneur Jésus sois le bienvenu,
En forme de pain comme je te vois,
Désormais Jésus par ton saint nom,
Protège-moi du péché et de la honte ;
Accorde-moi l’absolution et la communion,
Avant que je m’en aille d’ici,
Et sincère repentir de mes péchés,
Afin, Seigneur, que je ne meure jamais dans cet état ;
Et toi qui est né d’une vierge,
Ne souffre pas que je sois jamais perdu ;
Mais quand je m’en irai de ce monde,
Accorde-moi la béatitude sans fin ;
Amen ! Amen ! Ainsi soit-il !
A présent douce dame priez pour moi. »

Voici ce que tu dois dire, ou une chose semblable,
Quand tu t’agenouille devant le sacrement.
Si tu cherches ton bien, n’épargne rien
Pour vénérer celui qui a tout crée ;
Car c’est pour un homme un jour de joie,
Qui une fois ce jour-là a pu le voir ;
C’est une chose si précieuse, en vérité,
Que nul ne peut en dire le prix ;
Mais cette vision fait tant de bien,

Comme Saint Augustin le dit très justement,
Ce jour où tu vois le corps de Dieu,
Tu possédera ces choses en toute sécurité :-
A manger et à boire à suffisance,
Rien ce jour-là ne te manquera ;
Les jurons et vaines paroles,
Dieu te les pardonnera aussi ;
La mort subite ce même jour
Tu n’as nullement à la craindre ;
Et aussi ce jour-là, je te le promets,
Tu ne perdras pas la vue ;

Et chaque pas que tu fais alors,
Pour voir cette sainte vision,
Sera compté en ta faveur,
Quand tu en auras grand besoin ;
Ce messager qu’est l’ange Gabriel,
Les conservera exactement.
Après cela je peux passer maintenant,
A parler à d’autres bienfaits de la messe ;
Viens donc à l’église, si tu peux,
Et entends la messe chaque jour ;

Si tu ne peux pas venir à l’église,
Où que tu travailles,
Quand tu entends sonner la messe,
Prie Dieu dans le silence de ton coeur,
De te donner part à ce service,
Que l’on célèbre dans l’église,

Je vous enseignerai de plus,
Et à vos compagnons, apprenez ceci,
Quand tu te présenteras devant un seigneur,
Dans un manoir, un bosquet, ou à table,
Capuchon ou bonnet tu dois ôter,
Avant d’être près de lui ;
Deux ou trois fois, sans nul doute,
Devant ce seigneur tu dois t’incliner ;
Tu fléchiras le genou droit,
Tu auras ainsi l’honneur sauf.

Ne remets pas ton bonnet ou capuchon,
Jusqu’à ce que tu en auras la permission.
Tout le temps que tu parleras avec lui,
Tiens le menton haut avec franchise et amabilité ;
Ainsi, comme le livre te l’enseigne,
Regardes-le en face avec amabilité.
Tes pieds et mains tiens les tranquilles,
Sans te gratter ni trébucher, sois habile ;
Evite aussi de cracher et de te moucher,
Attends pour cela d’être seul,
Et si tu veux être sage et discret,
Tu as grand besoin de bien te contrôler.

Lorsque tu entres dans la salle,
Parmi les gens bien nés, bons et courtois,
Ne présume pas trop de grandeur pour rien,
Ni de ta naissance, ni de ton savoir,
Ne t’assied pas et ne t’appuie pas,
C’est le signe d’une éducation bonne et propre.
Ne te laisse donc pas aller dans ta conduite,
En vérité la bonne éducation sauvera ta situation.
Père et mère, quels qu’ils soient,
Digne est l’enfant qui agit dignement,
En salle, en chambre, où que tu ailles ;
Les bonnes manières font l’homme.

Fait attention au rang de ton prochain,
Pour leur rendre la révérence qui convient ;
Evite de les saluer tous à la fois,
Sauf si tu les connais.
Quand tu es assis à table,
Mange avec grâce et bienséance ;
Veille d’abord que tes mains soient propres,
Et que ton couteau soit tranchant et bien aiguisé,
Et ne coupe ton pain pour la viande,
Qu’autant que tu en mangeras,
Si tu es assis a côté d’un homme de rang supérieur, Au tien.

Laisse le se servir d’abord de la viande,
Avant d’y toucher toi-même.
Ne pique pas le meilleur morceau,
Même s’il te fait grande envie ;
Garde tes mains nettes et propres,
Pour ne pas souiller ta serviette ;
Ne t’en sers pas pour te moucher,
Et ne te cure pas les dents à table ;
Ne plonge pas trop tes lèvres dans la coupe,
Même si tu as grande envie de boire,
Cela te ferait larmoyer.
Ce qui serait alors discourtois.

Veille à ne pas avoir la bouche pleine,
Quand tu te mets à boire ou à parler.
Si tu vois un homme qui boit,
Tout en écoutant tes propos,
Interromps aussitôt ton histoire,
Qu’il boive du vin ou de la bière,
Veille aussi à n’offenser aucun homme,
Si bien parti que tu le voies ;
Et ne médis de personne,
Si tu veux sauver ton honneur ;
Car de tels mots pourraient t’échapper,
Qui te mettraient dans une situation gênante.

Retiens ta main dans ton poing,
Pour ne pas avoir à dire « si j’avais su »,
Dans un salon parmi de belles dames,
Tiens ta langue et sois tout yeux ;
Ne ris pas aux grandséclats,
Ne chahute pas commeunribaud.
Ne badine qu’avec tes pairs,
Et ne répète pas tous ce que tu entends ;
Ne proclame pas tes propres actions ;
Par plaisanterie ou par intérêt ;
Par de beaux discours tu peux réaliser tes désirs,
Mais tu peux par là aussi te perdre.

Quand tu rencontres un homme de valeur,
Tu ne dois pas garder bonnet et capuchon ;
A l’église, au marché, ou au portail,
Salue le selon son rang.
Si tu marches avec un homme d’un rang
Supérieur au tien,
Reste en retrait de lui d’une épaule,
Car cela est bonne éducation sans défaut ;

Lorsqu’il parle, tiens-toi tranquille,
Quand il a fini, dis ce que tu veux,
Dans tes paroles sois discret,
Et à ce que tu dis fais bien attention ;
Mais n’interrompe pas son histoire,
Qu’il en soit au vin ou à la bière.
Que le Christ alors par sa grâce céleste,
Vous donne et l’esprit et le temps,
Pour bien comprendre et lire ce livre,
Afin d’obtenir le ciel en récompense.

Amen ! Amen ! Ainsi soit-il !
Disons nous tous par charité.