La Fama Fraternitatis (1614)

FAMA FRATERNITATIS OU UN APPEL DE LA FRATERNITÉ DE
L’ORDRE TRÈS VÉNÉRABLE DE LA ROSE-CROIX

Première publication de la Fama Fraternitatis

Aux chefs d’État, gouvernements et savants de l’Europe.

Nous, les frères de la Fraternité de la Rose-Croix, offrons notre salut et nos prières à tous ceux qui liront notre Fama d’inspiration chrétienne.

Après que dans ces derniers temps le seul Dieu sage et miséricordieux a Si abondamment répandu sa grâce et sa bonté sur le genre humain, que la connaissance aussi bien de son fils que de la nature se soit de plus en plus approfondie, nous pouvons, a bon droit, parler d’un temps heureux dans lequel il ne nous a pas seulement presque fait découvrir la moitié du monde inconnu et caché et nous a montré de nombreuses et merveilleuses œuvres et créatures de la nature jamais vues auparavant, mais en outre il a fait surgir des Intelligences hautement éclairées et douées de sagesse, qui ont en partie rétabli l’an dégénéré et imparfait afin que l’homme finisse par avoir conscience de sa noblesse et de sa gloire, en quoi consiste la nature du microcosme et quelle est l’étendue de son art dans la nature.

Le monde inconsidéré sera toutefois peu servi par cela et c’est pourquoi la médisance, le rire et la raillerie iront toujours en argumentant. Chez les savants aussi, la fierté et l’orgueil sont si grands qu’ils ne peuvent s’assembler pour, à partir de tout ce que Dieu a si abondamment répandu en notre siècle, colliger et produire de concert un Librum Naturae ou règle de tous les arts ; mais chaque parti s’oppose tant à l’autre et se tient en telle aversion que l’on en reste encore à la même ritournelle : le Pape, Aristote, Galien, oui, tout ce qui ne ressemble qu’à un Codex, doivent de nouveau être pris pour la claire Lumière manifestée, alors qu’ils auraient sans doute, s’ils vivaient encore, grande joie à se réorienter. Mais on est ici trop faible pour un si grand travail ! Et bien qu’en théologie, physique et mathématique la vérité lui soit opposée, l’adversaire classique démontre toujours amplement sa malice et sa fureur, freinant par des belliqueux et des vagabonds une si belle évolution et la rendant détestable. C’est dans une telle intention de réforme générale que feu notre bien-aimé Père spirituel très illuminé Fr. C.R. Allemand, chef et fondateur de notre fraternité a consacré pendant longtemps beaucoup de peines et d’efforts.

De nationalité allemande, né d’une famille noble mais appauvrie, Christian Rosencreutz devint de bonne heure orphelin. Il fut élevé dans un couvent où il apprit le grec et le latin et qu’il quitta dès l’âge de seize ans pour se rendre avec un frère ecclésiastique à Damas, puis à Jérusalem, puis à Damcar en Arabie, où il resta trois ans ; ensuite il alla en Égypte, en Libye et à Fez où il demeura deux ans. Il fut adjoint à un frère P.A.L. qui voulait entreprendre un voyage au Saint Sépulcre.

Bien que ce frère soit mort à Chypre, et ainsi n’ait pas pu voir Jérusalem, notre frère C.R.C se dirigea vers Damas, se proposant de partir de là pour visiter Jérusalem. Mais, par sa santé précaire, l’empêcha d’atteindre Jérusalem et il s’arrêta à Damas, et, grâce aux médicaments (dont il n’était pas sans quelques connaissance), il y gagna la faveur des Turcs. Il entendit par hasard parler des sages de Damcar en Arabie, des miracles qu’ils accomplissaient et du fait que la nature entière leur était dévoilée.

Il y apprit l’existence d’un groupe de Mystiques et Sages demeurant dans la ville arabe de Damcar. Le récit des miracles accomplis par eux et de la manière dont la nature entière leur était dévoilée, éveilla le haut et noble Ingenium de frère C.R.C. de sorte que Jérusalem n’occupa plus dans ses pensées une place aussi élevée que Damcar. Il se mit donc d’accord avec les Arabes pour se faire conduire dans cette ville, où il fut reçu à bras ouverts, comme quelqu’un qu’on attendait depuis longtemps.

Ces mystiques le nommèrent par son nom et lui indiquèrent d’autres mystères de son cloître, ce dont il fut émerveiller. Il y apprit la langue et, l’année suivante déjà, il traduisit en bon latin le livre M pour l’emporter par la suite en Europe. C’est là aussi qu’il chercha ses connaissances physiques et mathématiques.

Il revint au bout de trois ans et, muni du sauf-conduit adéquat, fit voile de sinu Arcabico à l’Égypte, où cependant il ne resta pas longtemps mais où il prêta désormais une meilleure attention aux plantes et aux créatures. Puis il traversa toute la mer Méditerranée, jusqu’à arriver en vue de Fez. A Fez, les Arabes lui enseignèrent de nouvelles connaissances et lui apprirent à communiquer avec les êtres dits « élémentaux », qui lui révélèrent beaucoup de leurs secrets.

Au sujet de ces habitants de Fez, il reconnut souvent que leur magie n’était pas absolument pure et que leur cabale était ternie par leur religion. Il sut néanmoins en faire excellent usage et trouva un fondement encore meilleur à sa foi, car celle-ci concordait maintenant avec l’harmonie du monde entier, incarnée de merveilleuse façon dans toutes les periodis seculorum.

Deux ans plus tard Frère R. C, quitta Fez pour l’Espagne, porteur de nombreux et précieux éléments, espérant voir, puisqu’ il avait tiré pour lui-même tant de profit de son voyage, les savants d’Europe se réjouir grandement avec lui et régler désormais toutes leurs études sur des fondements aussi assurés. C’est pourquoi il s’entretint avec les savants d’Espagne, quant à ce qui manquait de nos arts et quant à la façon de les aider, d’où l’on pouvait tirer des indices certains sur les siècles suivants, et en quoi ils devaient concorder avec les siècles passés ; comment réformer les défauts de l’Ecclésial et toute la philosophie morale. Il leur montra de nouvelles plantes, de nouveaux fruits et animaux qui ne suivaient pas les lois de l’ancienne philosophie et il leur communiqua de nouveaux axiomes qui pouvaient tout résoudre parfaitement.

Malheureusement, il ne trouva dans chaque pays que déception, une sourde opposition et du ridicule, car ces soi-disants savants craignaient de perdre leur prestige en montrant leur ignorance. Plus tard, par sa vocation, Théophrastus ( Paracelse) lut le livre M et en tira des connaissances qui le rendirent célèbre en Europe par ses guérisons.

Malgré ses tribulations et fatigues, C.R.C. ne se découragea pas dans ses efforts infructueux ; il revint en Allemagne, où il construisit une maison dans laquelle, il put poursuivre tranquillement ses études et recherches.

Il réalisa des instruments scientifiques très précieux pour ses expériences, et bien qu’il eût pu atteindre à la gloire s’il avait commercialement mis à profit sa science et ses connaissances de la transmutation des métaux, il préféra garder son idéal pur plutôt que de rechercher l’estime des hommes.

Après 5 années de retrait du monde, son esprit décida de tenter un nouvel effort vers la réforme mais cette fois-ci, avec l’aide de quelques amis sincères ; il trouva ces collaborateurs dans le couvent où il avait éduqué. Trois de ses anciens confrères vinrent à lui ; il leur fit prêter serment pour préserver inviolés les secrets qu’il leur donnerait ; il leur fit ‚également ‚écrire pour la postérité‚ les renseignements exacts qu’il leur donna par la suite. Ainsi fut fondée par quatre personnes la Fraternité des R.-C. ; elle imagina un langage chiffré et magique, ainsi qu’un dictionnaire pour classer cette sagesse à la gloire de Dieu.

Ces quatre membres fondateurs traduisirent également le commencement du livre M ; mais ils eurent beaucoup de peine à cause du grand nombre de malades qui leur demandaient la guérison de leurs maux.

Après avoir achevé une demeure plus spacieuse appelée La Maison du Saint-Esprit, ils décidèrent d’admettre 4 nouveaux membres dans leur association portant ainsi leur nombre à 8, qui, tous, étaient célibataires.

Après un travail en commun très assidu, ils achevèrent l’ouvrage, où se trouvait réuni tout ce que l’homme peut connaître et désirer, ainsi que les instructions et arcanes de l’Ordre. Tout étant réglé, ils décidèrent de se séparer et de se rendre dans d’autres pays, non pas seulement pour divulguer cette sagesse à ceux qui en étaient dignes, mais aussi pour rectifier des erreurs possibles ayant pu se glisser dans leur propre système.

Avant de se séparer, les Frères prirent les résolutions suivantes :

  1. Que nul d’entre eux, s’il est en voyage, ne déclare d’autre profession que celle de soigner gratuitement les malades ;
  2. Que nul ne doit être forcé, à cause de son affiliation, de revêtir un costume spécial, mais qu’il s’accommode des habitudes du pays où il se trouve ;
  3. Que chaque frère est tenu chaque année au jour C.(jour de la Croix) de se rendre au Temple du Saint-Esprit, ou de déclarer par lettre les causes de son absence ;
  4. Que chaque frère doit choisir avec soin une personne habile et apte à lui succéder après sa mort ;
  5. Que ce mot R.C. leur serve de sceau, de mot de passe et de signature ;
  6. Que cette Fraternité doit être cachée cent ans.

Les règles fondamentales de cette société sont de révéler et de craindre Dieu par-dessus toute chose ; de faire tout le bien possible à son prochain ; de rester honnête et modéré ; de chasser le diable ; de se contenter des moindres choses dans la nourriture et le vêtement et d’avoir honte du vice.

Après avoir prêté serment sur ce règlement cinq frères s’en allèrent. Seuls les frères B. et D. restèrent auprès du Père Fr C. pendant un an. Lorsque ceux-ci partirent aussi, son cousin et I.O. restèrent près de lui, de telle manière qu’il ait toujours avec lui, chaque jour de sa vie deux frères.

Ainsi d’année en année, se réunissaient-ils avec la plus grande joie, se communiquant leurs impressions et rapports qui étaient écoutés avec le plus grand intérêt, car ils avaient porté avec toute la sincérité leur doctrine aux sages de la terre.

Il faut aussi tenir pour certain que de telles personnes, orientées ensemble par Dieu et par toute la Machina céleste, choisies parmi les plus sages de plusieurs siècles, ont vécu dans la plus haute unité, dans le plus grand secret et dans la plus grande charité possibles, entre elles et avec les autres. Leur vie s’écoula dans un tel comportement vénérable. Et bien que leur corps ait été libéré de toute maladie et de toutes douleurs, ces âmes ne pouvaient pas franchir le seuil précis de la dissolution.

Le premier de cette fraternité qui mourut fut I.O. et cela en Angleterre, comme Fr. C. le lui avait prédit depuis longtemps. Il était très versé dans la cabale et particulièrement savant, ce dont témoigne son petit livre H. Sa renommée était grande en Angleterre, surtout parce qu’il chassa le lèpre d’un jeune comte de Norfolk.

Ils avaient décidé que leur sépulcre resterait, aussi longtemps que possible, secret. Si bien que nous ne savons pas même aujourd’hui où nombre d’entre eux sont restés. Mais la place de chacun a été pourvue d’un successeur approprié.

Nous voulons par là faire savoir publiquement, pour la gloire de Dieu, quoi que nous ayons pu constater secrètement d’après le Livre M. et bien que nous puissions avoir devant les yeux l’image du monde entier et de sa contrepartie ; nous ne sommes conscients ni de notre infortune ni de l’heure de notre mort, que le grand Dieu, qui veut nous y voir constamment prêts, garde pour lui.

Mais nous traiterons de cela plus en détail dans notre Confessio, où nous indiquerons les trente-sept causes pour lesquelles nous ouvrons notre fraternité et proposons de si hauts mystères librement, sans contraintes et sans aucune rétribution et promettons encore plus d’or que le roi d’Espagne n’en peut rapporter des deux Indes. Car l’Europe est enceinte et accouchera d’un puissant enfant qui doit être richement doté de ses parrains.

Après la mort de O., Fr. C. ne cessa pas son travail mais convoqua les autres aussitôt que possible ; et il nous parait ainsi que ce n’est qu’alors que son sépulcre a pu être fait. Bien que nous, ses disciples, n’ayons jusqu’à maintenant jamais su le moment de la mort de notre bien-aimé père R.C. et n’ayons possédé rien de plus que les noms des fondateurs et de tous leurs successeurs jusqu’à nos jours, nous avons encore pu nous souvenir d’un secret que nous avait révélé et confié A. successeur de D. qui, le dernier du deuxième cercle, avait vécu avec nombre d’entre nous, représentant du troisième cercle. Mais nous devons reconnaître qu’après la mort de A. aucun d’entre nous ne savait rien de R.C. et de ses premiers confrères, à part ce qu’ils avaient laissé dans notre bibliothèque philosophique, dont nous tenons nos Axiomata pour le principal, les Rotae Mundi pour le plus artistique et le Proteus pour le plus utile. Nous ne savons donc pas avec certitude si ceux du deuxième cercle ont été de la même sagesse que ceux du premier et s’ils ont eu accès à tout.

Il faut cependant encore rappeler au très bienveillant lecteur que non seulement ce que nous avons appris du sépulcre de Fr. C. mais aussi ce que nous avons fait ici connaître, fut prévu, permis et enjoint par Dieu, lui auquel nous obéissons avec une telle foi que, pour autant que l’on revienne à nous avec discrétion et raison chrétienne, nous n’avons aucune crainte de révéler par écrit public nos noms de baptême et de famille, nos assemblées et ce qui pourrait encore être souhaité de nous.

Voici donc la vérité et la relation fidèle de la découverte de l’homme de Dieu hautement éclairé, Fr ; C.R.C.

Après le trépas paisible de A. in Gallia Narbonensi, notre frère bien-aimé N.N. vint à sa place. Celui-ci, lors de son installation chez nous pour solenne Fidei et silentii Jaramemtum praestirem, nous rapporta confidentiellement que A. l’avait laissé espérer que cette fraternité ne serait bientôt plus si secrète mais serait pour toute patrie, la nation allemande, secourable, nécessaire et digne d’éloges, ce dont lui, N.N.., en sa position, n’avait pas la moindre raison d’avoir honte. L’année suivante, alors qu’il venait de terminer son apprentissage et avait l’occasion de se mettre en voyage avec un viatique considérable ou bourse de Fortune, il pensa – car il était en particulier bon architecte – modifier quelque peu cette construction et l’aménager plus commodément.

Au cours d’un tel travail de renouvellement, il trouva la plaque commémorative coulée en laiton, qui contenait les noms de chaque membre de la fraternité et quelques autres inscriptions. Il voulut la transférer sous une voûte différente et mieux adaptée, alors même que les anciens avaient gardé le secret du lieu ou du moment de la mort de Fr. C., ainsi que du pays où il pouvait être enterré ; et nous n’en avions pas non plus connaissance. Sur cette plaque était planté un gros clou, un peu en saillie, qui lorsqu’il fut tiré avec force, emporta une assez grosse partie de la mince paroi ou revêtement qui recouvrait la porte secrète et fit découvrir le passage inespéré à partir duquel nous jetâmes bas le reste de la maçonnerie, avec joie et impatience, et nettoyâmes la porte où se trouvait écrit en grandes lettres dans la partie supérieure :Post cxx annos patebo, avec en dessous, le millésime ancien.

Nous rendîmes grâce à Dieu et le même soir laissâmes tout en place, parce que nous voulions d’abord consulter notre Rota.

De nouveau et pour la troisième fois, nous nous sommes référés à la Confessio, car ce que nous révélons ici arrive à ceux qui en sont dignes pour leur bien ; mais aux indignes cela ne peut, grâce à Dieu, guère servir . Car de même que nos portes se sont, après tant d’années, ouvertes de manière merveilleuse, de même une porte s’ouvrira pour l’Europe une fois que la maçonnerie sera dégagée, porte qui est déjà visible et impatiemment attendue par un grand nombre.

Au matin, nous ouvrîmes la porte et une crypte apparut, de sept côtés et angles, chaque côté mesurant cinq pieds sur huit de hauteur. Cet hypogée, bien que jamais éclairé par le soleil, était clairement illuminé grâce à un autre (soleil) qui en avait été instruit par lui et qui se trouvait en haut, au centre de la voûte. Au milieu, en guise de pierre tombale, avait été placé un autel circulaire avec une plaquette de laiton portant l’inscription suivante : A.C.R.C. Hoc universi compendium vivus mihi sepulcrum feci.

Autour du premier cercle : Jesus mihi omnia. (Jésus est tout pour moi)

Au milieu , quatre figures inscrites dans des cercles, portant chacune l’une des devises suivantes :

  1. Nequaquam Vacuum. (le vide n’existe pas)
  2. Legis Jugum. (joug de la loi)
  3. Libertas Evangelii (liberté de l’Evangile)
  4. Dei Gloria Intacta. (la Gloire de Dieu est intacte)

Alors les frères s’agenouillèrent tous ensemble et remercièrent le Dieu Tout-Puissant.

Sur chacune des 7 faces de la cellule se trouvait une petite porte donnant accès à un certain nombre de boîtes renfermant tous. Les livres de l’ordre. Un des coffrets contenait des miroirs de diverses vertus, des clochettes, des lampes allumées, d’étranges chants artificiels (peut-être la T.S.P. moderne). Dans l’ensemble tout était organisé de manière à pouvoir reconstituer l’Ordre, au cas où celui-ci disparaîtrait dans les siècles à venir. En déplaçant l’autel on découvrit une grosse plaque de cuivre jaune qui, après avoir été soulevée, laissa apercevoir le corps glorieux et intact de C.R.C., sans la moindre décomposition, avec tous les ornements et attributs de l’Ordre, tenant dans sa main un petit livre de parchemin intitulé T, dont les caractères étaient en or. Ce document, le plus sérieux après la Bible, ne devait pas être divulgué trop facilement. A la fin de ce petit opuscule on pouvait lire l’Éloge suivant « C.R.C. est issu d’une noble et illustre famille allemande ; il eut le privilège, durant tout un siècle, d’être instruit par révélation divine ; grâce à son intuition très subtile et sans égale et à un labeur inlassable il atteignit la compréhension des mystères divins et humains les plus secrets. Il fut admis à l’enseignement des mystères au cours de ses voyages en Arabie et en Afrique. Cette science ne convenait pas à son siècle ; mais il eut la charge de la conserver pour la postérité. Pour la transmission de cet art, il choisit des héritiers à grand coeur, fidèles et dévoués, pour leur léguer sa science des choses passées, présentes et futures et il décida que cette science, le résumé de toutes ses connaissances acquises, serait retrouvée après un intervalle de 120 années qui suivraient sa mort et son ensevelissement secret.

Après avoir vérifié tout le contenu de la cellule, on remit en place la plaque de cuivre et l’autel ; la porte du caveau fut à nouveau scellée et les frères se séparèrent, avec une foi accrue par le spectacle miraculeux qu’ils venaient de contempler, en laissant tous ces trésors aux héritiers naturels et en attendant l’opinion et la réponse des savants aussi bien que des ignorants. Le manifeste continue en disant qu’il y aura une réforme générale divine et humaine. C’est le désir des frères et de tous les autres aussi ; entre temps la fraternité augmentera en nombre et en considération, se partageant dans l’humilité et l’amour les trésors philosophiques, facilitant par là tous les travaux dans le monde, ne marchant plus en aveugle, au milieu des merveilles créées par Dieu.

La suite du manifeste expose en ces termes une profession de foi à l’usage des chrétiens : « Nous croyons en Jésus-Christ nous avons deux sacrements tels qu’ils ont été établis et rituellement réglés par l’église primitive rénovée. « En politique, nous reconnaissons l’Empire Romain et la « Quarta Monarchia » comme étant notre chef et celui des chrétiens. Ayant été initiés aux transformations futures, nous désirons de tout coeur les faire connaître à tous les savants qui croient en Dieu. Nous sommes dépositaires de ce manuscrit dont aucune puissance, hormis le Dieu unique, ne peut nous faire dessaisir ; aussi apporterons-nous notre aide occulte à la Bonne cause, selon Ses vues et Ses desseins.

Notre Dieu n’est pas aveugle comme le fétiche des païens ; Il anime et éclaire l’église. Notre philosophie n’est pas nouvelle, mais telle qu’Adam la reçut après la chute et telle que Moise et Salomon l’ont mise en pratique. Elle ne doit donc pas être mise en doute ou opposée à d’autres opinions La vérité est une, toujours semblable à elle-même, en harmonie avec Jésus-Christ qui est l’image du ’Père. Il ne doit pas être dit : « Hoc non per philosophiam verum est sed per theologiam » car partout où philosophes (Platon, Aristote, Pythagore, etc.) et théologiens (Enoch, Abraham, Moïse, Salomon, etc.), sont d’accord avec le grand livre des miracles, ils sont, les uns et les autres, également rapprochés du grand centre lumineux qu’est la vérité.

Mais à notre époque où la fabrication athée et damnée de l’Or a pris une grande extension, certaines créatures, abusant de la crédulité publique, affirment et réussissent malheureusement à faire croire que la transmutation des métaux constitue le summum de la Philosophie. Dieu mériterait, selon eux, d’autant mieux être adoré qu’Il ferait de plus grandes quantités de lingots d’or aussi tentent-elles tout pour le fléchir par la prière et par des exercices de piété véritablement maladifs. Par les présentes, nous déclarons hautement que cette conception est fausse, très éloignée de la philosophie vraie où la fabrication de l’or n’est qu’un accessoire, un simple Parangon.

D’accord avec le Père C.R.C., nous invitons tous les savants d’Europe à lire notre Fama et la Confession rédigés en cinq langues différentes ; qu’ils veuillent bien étudier attentivement ces deux documents et méditer avec impartialité sur leurs conceptions scientifiques personnelles, puis nous faire connaître leurs conclusions soit sous la forme imprimée, soit communicato consilio, soit encore à titre purement privé.

Bien que nous conservions actuellement l’anonymat et que nous nous abstenions de mentionner le lieu de nos réunions, la réponse de chacun n’en viendra pas moins certainement jusqu’à nous. Bien mieux, tout signataire peut être assuré qu’il entrera en relation avec l’un d’entre nous, soit verbalement, soit par écrit. Tout homme qui se fera de nous une opinion raisonnable et sincère éprouvera du bonheur dans ses biens, dans son corps et dans son âme. Quant aux fourbes et aux êtres cupides, avides d’argent, loin de nous porter préjudice, ils iront eux-mêmes au-devant des plus grands et des plus extrêmes dangers. Notre édifice, que cent mille témoins ont vu de près, demeurera pour l’éternité intact, en restant invisible pour le monde athée.

Sub umbra alarum tuarum Jehova
(A l’ombre de tes ailes Jehovah).

Ici finit le Fama Fraternitatis.

La Confessio Fraternitatis (1615)

CHAPITRE PREMIER

N’interprétez pas prématurément et ne jugez point avec parti pris le tableau de notre Fraternité tel qu’il est exposé dans le présent manifeste, la Fama Fraternitatis. En présence de la décadence de la civilisation, Jéhovah a cherché à sauver l’humanité en révélant aux hommes de bonne volonté les secrets que, précédemment, il avait réservé pour ses élus.

Cette sagesse acquise permettra à l’homme vraiment pieux d’être sauvé, tandis que les malheurs s’abattront, multipliés, sur tous les impies. Au moment où fut promulgué dans la Fama le véritable but de notre Ordre, il a surgi des malentendus par lesquels on nous accuse faussement d’hérésie et de trahison. Nous espérons que ce document nous réhabilitera en incitant les savants d’Europe à se joindre à nous pour la propagande de la connaissance de Dieu selon la volonté de notre illustre fondateur.

CHAPITRE II

Maints esprits se prétendent amplement satisfaits de la philosophie ordinaire de notre époque (en 1614).

Nous la déclarons fausse et appelée à disparaître par sa propre faiblesse. Mais de même que la Nature nous donne un remède pour chaque maladie, ainsi notre Fraternité pourvoit à toutes les infirmités des divers systèmes philosophiques existants. La philosophie secrète des R.C. est basée sur la connaissance de la totalité des facultés sciences et arts. Notre système de révélation divine qui s’occupe beaucoup de théologie et de médecine, mais peu de jurisprudence , nous permet d’étudier les cieux et la Terre et, en particulier, l’homme, dans la nature duquel se trouve enfoui le grand secret. Si les savants auxquels nous faisons appel se joignent à nous, nous leur révélerons des secrets insoupçonnés, les merveilles du travail caché de la Nature.

CHAPITRE III

Nous ne pouvons malheureusement décrire en entier les beautés de notre Fraternité, car nous risquons, d’une part, d’éblouir les ignorants par des explications dépassant leur conception et, d’autre part, de voir ridiculiser par le vulgaire des mystères qu’il ne comprendrait pas. Nous craignons aussi que certains esprits ne soient déconcertés par la portée de notre proclamation : ne comprenant pas les merveilles de ce sixième âge, ils n’ont pas la perception des grands changements à venir, tout comme l’aveugle vivant dans un monde de lumière ne peut s’en rendre compte qu’au moyen d’un des autres sens, le toucher.

CHAPITRE IV

Nous croyons fermement que grâce à de longues méditations sur les inventions de l’esprit humain et sur les mystères de la vie, grâce à la coopération des anges et des esprits, enfin par son expérience et ses laborieuses observations personnelles, notre bien-aimé Père Christian R.-C. a été pleinement illuminé par la sagesse divine. Aussi pouvons-nous affirmer que si toutes les publications du monde entier venaient à se perdre, ou les fondations de la science à s’écrouler, la Fraternité des R.-C. serait à même de rétablir la structure intellectuelle du monde sur une base de vérité et d’intégrité divines. En présence de l’étendue et de la profondeur de cette connaissance, les esprits désireux d en comprendre les mystères n’ont pas, généralement, les moyens d’atteindre directement à cette sagesse ; ils y parviendront par des efforts successifs. Aussi, notre Fraternité comprend-elle un certain nombre de grades que chacun doit franchir pour avancer pas à pas vers le Grand Arcane.

Puisqu’il a plu à Dieu de nous éclairer par Son sixième luminaire. n’est-il pas préférable de chercher la vérité de cette manière, plutôt que de s’égarer dans le labyrinthe de l’ignorance, humaine ?

Tous ceux qui acquièrent cette connaissance se rendent maîtres de tous les arts et de tous les métiers il n’existe pour eux aucun secret et toutes les belles oeuvres du passé, du présent et de l’avenir leur sont accessibles. Le monde entier devient pour eux comme un livre ouvert ; il n’y aura plus aucune contradiction entre la science et la théologie. Réjouis-toi, ô humanité le moment est venu où Dieu décrète l’agrandissement et la prospérité de notre Fraternité ce travail, nous l’entreprenons avec joie.

Le portail de la sagesse s’est actuellement ouvert au monde ; mais les Frères ne pourront se faire connaître qu’à ceux qui méritent ce privilège car il nous est interdit de révéler notre connaissance, même à nos propres enfants. Le droit d’accéder aux vérités spirituelles ne s’obtient pas par héritage, il doit s’acquérir par la pureté de l’âme.

CHAPITRE V

Bien qu’on puisse nous accuser d’indiscrétion, puisque nous offrons si librement nos trésors, sans faire de distinction entre le devin, le sage, le prince, le paysan, nous affirmons que nous ne trahissons pas votre confiance. La publication de notre Fama n’est compréhensible que pour ceux qui ont droit à l’initiation ; notre société même ne peut être découverte par la curiosité des chercheurs, mais seulement par les penseurs sérieux et sanctifiés. Si notre Fama a paru en cinq langues mères, c’est afin que les justes de tous pays puissent nous connaître, fussent-ils en dehors de la catégorie des savants. Les indignes auront beau se présenter à nos portes et en réclamer l’entrée ; Dieu nous a interdit d’écouter leur voix. Il nous enveloppe de Ses nuées en nous donnant Sa protection et nous met ainsi à l’abri du danger.

Dieu a également décidé que les membres de l’Ordre des R-C ; ne pourront être aperçus par aucun oeil humain tant qu’il n’aura pas reçu l’énergie visuelle de l’aigle. Nous engageons encore à réformer les gouvernements de l’Europe pour leur donner la forme du système appliqué par les philosophes de Damcar. Tout homme désireux d’acquérir la connaissance en recevra proportionnellement à son degré de compréhension.

Les règles de la fausse théologie seront abolies, et Dieu fera connaître Sa volonté par Ses philosophes élus.

CHAPITRE VI

Dans le but d’abréger, il suffit de dire que notre Père C.R.C., né au XIIII, siècle, mourut à l’âge de 106 ans, nous laissant la tâche de répandre dans le monde entier la doctrine de la religion philosophique. Notre Fraternité est à la disposition de tous ceux qui cherchent sincèrement la vérité ; mais nous prévenons publiquement les hypocrites et les impies qu’ils sont hors d’état de nous trahir et de nous nuire, car notre Fraternité est sous la protection effective de Dieu ; tous ceux qui chercheraient à lui faire tort verraient leurs mauvais desseins se retourner contre eux-mêmes, tandis que les trésors de notre Fraternité resteront inviolés pour être utilisés par le Lion (le Christ), lorsqu’il viendra établir Son royaume.

CHAPITRE VII

Nous déclarons qu’avant la fin du monde Dieu fera jaillir un grand flot de lumière spirituelle pour alléger nos souffrances. Tout ce qui aura obscurci ou vicié les arts, les religions et les gouvernements humains et qui gène même le sage dans la recherche du réel, sera mis au grand jour, afin que chacun puisse recueillir le fruit de la vérité. Sans aucunement nous mettre en cause, on admettra que ces réformes sont les résultats du progrès. La Fraternité des R.-C. ne prétend pas accaparer la gloire de cette vaste réforme divine, car bien d’autres individualités honnêtes, sincères et sages, étrangères à notre fraternité, contribueront par leur intelligence et leurs écrits à en hâter l’avènement.

CHAPITRE VIII

Personne ne doit douter, affirmons-nous, que Dieu a envoyé des messagers en dévoilant des indices célestes, tels que les nouvelles étoiles du Serpent et du Cygne pour annoncer la venue d’un grand conseil des Élus. Cela prouve que Dieu manifeste dans la Nature visible pour le petit nombre sachant discerner les signes et symboles de tout ce qui doit arriver. Dieu a donné à l’homme deux yeux, deux narines, deux oreilles, mais une seule langue, tandis que les trois premiers organes perçoivent la sagesse de la Nature dans l’esprit, la langue seule est capable de la traduire. De tous temps il y a eu des êtres illuminés qui ont vu, senti, entendu la volonté de Dieu, et il adviendra bientôt que ceux qui ont vu, senti, entendu élèveront la voix et révéleront la vérité ; mais auparavant le monde devra se débarrasser des intoxications de la fausse science et de la fausse théologie en ouvrant son coeur à la vertu et à l’entendement ; c’est alors qu’il pourra saluer le soleil levant du vrai, du beau, du bien.

CHAPITRE IX

Nous avons une écriture magique, reproduction de ce divin alphabet avec lequel Dieu a transcrit Sa volonté sur la nature terrestre et céleste. Avec ce nouveau langage nous lisons la volonté de Dieu pour toutes Ses créatures ; aussi, de même que les astronomes prédisent les éclipses, ainsi nous pronostiquons les obscurations de l’église et leur durée Notre langage est semblable à celui d’Adam et d’Enoch avant la chute et bien que nous comprenions ces mystères et sachions les expliquer dans cette langue sacrée, nous ne pouvons en faire autant en latin, qui est une langue contaminée par la confusion de Babylone.

CHAPITRE X

Malgré certaines personnalités puissantes qui nous sont hostiles et nous entravent motif pour lequel nous gardons l’incognito nous exhortons tous ceux qui voudraient adhérer à notre Fraternité d’étudier sans cesse les écritures sacrées ; en le faisant, ils ne pourront être loin de nous. Cela ne veut pas dire de citer la Bible à tous propos ; mais ils doivent rechercher sa signification véridique et éternelle, que découvrent rarement les théologiens, les scientistes ou mathématiciens par la suite de l’aveuglement dû à l’esprit de ces sociétés. Nous prétendons que, depuis le commencement du monde, l’homme n’a jamais reçu de meilleur livre que la sainte Bible. Béni soit celui qui la possède, doublement béni celui qui en fait sa lecture, plus encore celui qui s’y conforme.

CHAPITRE XI

Nous désirons ardemment faire comprendre l’exposé que nous avons fait dans la Fama Fraternitatis de la question de la transmutation des métaux et de la Panacée. Tout en admettant que ces deux opérations puissent être réalisées par l’homme, nous craignons que certains grands esprits ne se fourvoient dans la vraie recherche de la connaissance et de l’entendement, pour se limiter à celle de la transmutation des métaux. Lorsqu’on donne à l’homme le pouvoir de guérir, d’éviter la pauvreté, d’atteindre aux dignités mondaines, il est inévitablement assailli par de nombreuses tentations, et à moins de posséder la vraie connaissance et une pleine compréhension, il deviendra une menace pour l’humanité. L’alchimiste qui réussit dans l’art de transmuer muer les métaux inférieurs peut faire bien du mal, à moins que son entendement ne soit aussi grand que la fortune qu’il s’est créée lui-même. Nous affirmons, par conséquent, que l’homme doit d’abord obtenir la connaissance, la vertu et l’entendement ; après cela, toutes choses pourront lui être accordées par surcroît.

CHAPITRE XII

En matière de conclusion, nous vous exhortons de toute notre âme à rejeter tous les livres sans valeur de pseudo-alchimistes et philosophes (nombreux à cette époque), qui faussent l’idée de la Sainte-Trinité et trompent le crédule par des énigmes vides de sens. De tels hommes se confondent avec ceux qui cherchent le bien, ce qui rend la vérité difficile à discerner. Croyez-nous, la vérité est simple et ne saurait se dissimuler, tandis que la fausseté est compliquée, profondément cachée, orgueilleuse et sa connaissance factice ; semblant refléter un éclat divin, elle est souvent prise pour l’expression de la sagesse divine. Vous qui êtes sages, vous vous détournerez de ces faux enseignements et viendrez à nous, qui ne cherchons pas à posséder votre argent, mais vous offrons librement notre plus grand trésor.

Nous ne désirons pas vos biens, mais vous faire partager les nôtres. Nous ne nous moquons pas des paraboles ; au contraire, nous vous invitons à comprendre toutes les paraboles et tous les secrets ; nous ne demandons pas que vous nous receviez, mais nous vous invitons à venir dans nos palais royaux, non pas de notre propre mouvement, mais de par la volonté de l’Esprit Divin, sur le désir de notre tout bienveillant Père R.-C. et pour les besoins de votre vie présente, qui sont si grands.

CHAPITRE XIII

Notre position vis-à-vis de vous étant ainsi bien définie, puisque nous reconnaissons le Christ, nous vouons notre existence à la vraie philosophie et à une vie faite de dignité, et nous invitons journellement et admettons dans notre Fraternité les plus dignes de toutes nationalités, appelés plus tard à partager avec nous la lumière divine. Ne voudriez-vous pas vous joindre à nous pour vous perfectionner dans le développement de tous les arts et rendre service au monde ? Si vous faites ce pas en avant, les trésors du monde entier vous seront donnés un jour et l’obscurité qui enveloppe la connaissance humaine par suite de la vanité des arts et des sciences matérielles sera dissipée à tout jamais.

CHAPITRE XIV

Nous avertissons à nouveau ceux qui se laisseraient fasciner par le scintillement de l’or ou ceux qui, tout en étant intègres, à présent, pourraient plus tard devenir victimes des grandes richesses et mener une vie paresseuse et mondaine, de ne pas venir troubler notre silence sacré par leurs clameurs. Bien qu’il existe un remède guérissant toutes les maladies et donnant à tous les hommes la sagesse, il est toutefois contraire à la volonté de Dieu que les hommes atteignent à l’entendement par des moyens autres que la vertu, le travail et l’intégrité. Il ne nous est pas permis de nous manifester à qui que ce soit, excepté si c’est la volonté de Dieu. Ceux qui croiraient partager nos richesses spirituelles, en dépit de Sa Volonté ou sans Sa consécration, s’apercevront qu’ils perdront plus vite leur voie à nous chercher qu’à atteindre au bonheur en nous trouvant.

Fin de la Confessio Fraternitatis