Lettre encyclique de LÉON XIII du 20 avril 1884 sur la secte des francs-maçons

leon XIII

Allocution consistoriale de s.s. PIE IX le 25 septembre 1865

Multiplices inter

Vénérables Frères, Parmi les nombreuses machinations et les moyens par lesquels les ennemis du nom chrétien ont osé s’attaquer à l’Église de Dieu et ont essayé, quoiqu’en vain, de l’abattre et de la détruire, il faut sans doute compter cette société perverse d’hommes, vulgairement appelée  » maçonnique « , qui, contenue d’abord dans les ténèbres et l’obscurité, a fini par se faire jour ensuite, pour la ruine commune de la religion et de la Société humaine.

Dès que Nos prédécesseurs les Pontifes Romains, fidèles à leur office pastoral, eurent découvert ses embûches et ses fraudes, ils ont jugé qu’il n’y avait pas un moment à perdre pour réprimer par leur autorité, frapper de condamnation et exterminer comme d’un glaive cette secte respirant le crime et s’attaquant aux choses saintes comme aux choses publiques. C’est pourquoi Notre prédécesseur Clément XII, par ses Lettres apostoliques, proscrivit et réprouva cette secte, et détourna tous les fidèles non seulement de s’y associer, mais encore de la propager et de l’encourager de quelque manière que ce fût, sous peine d’encourir ipso facto l’excommunication. Benoît XIV confirma par sa constitution cette juste et légitime sentence de condamnation, et il ne manqua pas d’exhorter les souverains catholiques à consacrer toutes leurs forces et toute leur sollicitude à réprimer cette secte profondément perverse et à défendre la société contre le péril commun.

Plût au Ciel que les monarques eussent prêté l’oreille aux paroles de Notre prédécesseur ! Plût au Ciel que, dans une affaire aussi grave, ils eussent agi avec moins de mollesse ! Certes, Nous n’eussions alors jamais eu (ni nos pères non plus) à déplorer tant de mouvements séditieux, tant de guerres incendiaires qui mirent l’Europe entière en feu, ni tant de maux amers qui ont affligé et affligent encore l’Église. Mais la fureur des méchants ayant été loin de s’apaiser, Pie VII, Notre prédécesseur, frappa d’anathème une secte d’origine récente, le Carbonarisme, qui s’était propagée surtout en Italie où elle avait fait un grand nombre d’adeptes ; et, enflammé du même zèle pour les âmes, Léon XII condamna par ses Lettres Apostoliques, non seulement les sociétés secrètes que Nous venons de mentionner, mais encore toutes les autres, de quelque nom qu’elles fussent appelées, conspirant contre l’Église et le pouvoir civil, et il les interdit sévèrement à tous les fidèles sous peine d’excommunication.

Toutefois, ces efforts du Siège Apostolique n’ont pas eu le succès que l’on eût dû espérer. La secte maçonnique dont Nous parlons n’a été ni vaincue ni terrassée : au contraire, elle s’est tellement développée, qu’en ces jours difficiles elle se montre partout avec impunité, et lève le front plus audacieusement que jamais. Nous avons dès lors jugé nécessaire de revenir sur ce sujet, attendu que par suite de l’ignorance où l’on est peut être des coupables desseins qui s’agitent dans ces réunions clandestines, on pourrait croire faussement que la nature de cette société est inoffensive, que cette institution n’a d’autre but que de secourir les hommes et de leur venir en aide dans l’adversité, qu’enfin il n’y a rien à en craindre pour l’Église de Dieu.

Qui cependant ne voit combien une telle idée s’éloigne de la vérité ? Que prétend donc cette association d’hommes de toute religion et de toute croyance ? Pourquoi ces réunions clandestines et ce serment si rigoureux exigé des initiés, qui s’engagent à ne rien dévoiler de ce qui peut y avoir trait ? Et pourquoi cette effrayante sévérité des châtiments auxquels se vouent les initiés, pour le cas où ils viendraient à manquer à la foi du serment ? À coup sûr elle doit être impie et criminelle, une société qui fuit ainsi le jour et la lumière ; car celui qui fait le mal, dit l’apôtre, hait la lumière. Combien diffèrent d’une telle association les pieuses sociétés des fidèles qui fleurissent dans l’Église catholique ! Chez elles, rien de caché, pas de secret. Les règles qui les régissent sont sous les yeux de tous, et tous peuvent voir aussi les oeuvres de charité pratiquées selon la doctrine de l’Évangile.

Aussi n’avons-Nous pas vu sans douleur des sociétés catholiques de ce genre, si salutaires, si bien faites pour exciter la piété et venir en aide aux pauvres, être attaquées et même détruites en certains lieux, tandis qu’au contraire on encourage ou tout au moins on tolère la ténébreuse société maçonnique, si ennemie de Dieu et de l’Église, si dangereuse même pour la sûreté des royaumes.

Nous éprouvons, Vénérables Frères, de l’amertume et de la douleur en voyant que lorsqu’il s’agit de réprouver cette secte conformément aux constitutions de Nos prédécesseurs, plusieurs de ceux que leur fonction et le devoir de leur charge devraient rendre pleins de vigilance et d’ardeur en un sujet si grave, se montrent indifférents et en quelque sorte endormis. Si quelques-uns pensent que les constitutions apostoliques publiées sous peine d’anathème contre les sectes occultes et leurs adeptes et leurs fauteurs n’ont aucune force dans les pays où ces sectes sont tolérées par l’autorité civile, assurément ils sont dans une bien grande erreur. Ainsi que vous le savez, Vénérables Frères, Nous avons déjà réprouvé cette fausse et mauvaise doctrine, et aujourd’hui Nous la réprouvons et condamnons de nouveau. Ce pouvoir suprême de paître tout le troupeau du Seigneur, que les Pontifes Romains ont reçu du Christ en la personne du bienheureux apôtre Pierre, et par conséquent le magistère suprême qu’ils doivent exercer dans l’Église dépendent-ils du pouvoir civil et peuvent-ils être empêchés sans raison et restreint par ce dernier ?

Dans cette situation, de peur que des hommes imprudents, et surtout la jeunesse, ne se laissent égarer, et pour que Notre silence ne donne lieu à personne de protéger l’erreur, Nous avons résolu, Vénérables Frères, d’élever Notre voix apostolique ; et, confirmant ici, devant vous, les constitutions de Nos prédécesseurs, de Notre autorité apostolique, Nous réprouvons et condamnons cette société maçonnique et les autres du même genre, qui, tout en différant en apparence, se forment tous les jours dans le même but, et conspirent soit ouvertement, soit clandestinement, contre l’Église et les pouvoirs légitimes ; et Nous ordonnons sous les mêmes peines que celles qui sont spécifiées dans les constitutions antérieures de Nos prédécesseurs à tous les chrétiens de toute condition, de tout rang, de toute dignité et de tout pays, de tenir ces mêmes sociétés comme proscrites et réprouvées par Nous. Maintenant il ne Nous reste plus, pour satisfaire aux voeux et à la sollicitude de Notre coeur paternel, qu’à avertir et à exhorter les fidèles qui se seraient associés à des sectes de ce genre, d’avoir à obéir à de plus sages inspirations et à abandonner ces funestes conciliabules, afin qu’ils ne soient pas entraînés dans les abîmes de la ruine éternelle. Quant à tous les autres fidèles, plein de sollicitude pour les âmes, Nous les exhortons fortement à se tenir en garde contre les discours perfides des sectaires qui, sous un extérieur honnête, sont enflammés d’une haine ardente contre la religion du Christ et l’autorité légitime, et qui n’ont qu’une pensée unique comme un but unique, à savoir d’anéantir tous les droits divins et humains. Qu’ils sachent bien que les affiliés de ces sectes sont comme ces loups que le Christ Notre Seigneur a prédit devoir venir, couverts de peaux de brebis, pour dévorer le troupeau ! Qu’ils sachent qu’il faut les mettre au nombre de ceux dont l’apôtre nous a tellement interdit la société et l’accès, qu’il a expressément défendu de leur dire même : ave (salut) ! Que Dieu qui est riche en miséricorde, exauçant les prières de nous tous, fasse qu’avec le secours de Sa Grâce, les insensés reviennent à la raison et que les hommes égarés rentrent dans le sentier de la justice ! Que Dieu réprimande la fureur des hommes dépravés qui, à l’aide des sociétés ci-dessus mentionnées, préparent des actes impies et criminels, et que l’Église et la société humaine puissent se reposer un peu de tant de maux si nombreux et si invétérés ! Et afin que Nos voeux soient exaucés, prions aussi notre avocate auprès du Dieu très clément, la Très Sainte Vierge, Sa Mère immaculée dés son origine, à qui il a été donné de terrasser les ennemis de l’Église et les monstres d’erreurs ! Implorons également la protection des bienheureux apôtres Pierre et Paul, par le glorieux sang desquels cette noble ville a été consacrée ! Nous avons la confiance qu’avec leur aide et assistance, Nous obtiendrons plus facilement ce que Nous demandons à la bonté divine.

Lettre apostolique de LÉON XII du 13 mars 1826 Quo graviora

LeoXII

XIII MARS MDCCCXXVI.

LETTRE APOSTOLIQUE
DE N. S. P. LE PAPE LÉON XII

CONDAMNATION
DE LA SOCIÉTÉ DITE DES FRANCS-MAÇONS
ET DES AUTRES SOCIÉTÉS SECRÈTES

LÉON, ÉVÊQUE.
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU.

Pour en conserver le perpétuel souvenir.

Plus sont grands les désastres qui menacent le troupeau de Jésus Christ, notre Dieu et Sauveur, plus doit redoubler, pour les détourner, la sollicitude des Pontifes Romains auxquels, dans la personne de saint Pierre, prince des apôtres, ont été conférés le pouvoir et le soin de conduire ce même troupeau. C’est à eux, en effet, comme étant placés au poste le plus élevé de l’Église, qu’il appartient de découvrir de loin les embûches préparées par les ennemis du nom chrétien pour exterminer l’Église de Jésus Christ (ce à quoi ils ne parviendront jamais) : c’est à eux qu’il appartient tantôt de signaler aux fidèles et de démasquer ces embûches, afin qu’ils s’en gardent, tantôt de les détourner et de les dissiper de leur propre autorité.

Les Pontifes Romains, Nos prédécesseurs, ayant compris qu’ils avaient cette grande tâche à remplir, veillèrent toujours comme de bons pasteurs, et s’efforcèrent, par des exhortations, des enseignements, des décrets, et en exposant même leur vie pour le bien de leurs brebis, de réprimer et de détruire entièrement les sectes qui menaçaient l’Église d’une ruine complète. Le souvenir de cette sollicitude pontificale ne se retrouve pas seulement dans les anciennes annales ecclésiastiques, on en retrouve d’éclatantes preuves dans ce qui a été fait de nos jours et du temps de nos pères par les Pontifes Romains, pour s’opposer aux associations secrètes des ennemis de Jésus Christ ; car Clément XII, Notre prédécesseur, ayant vu que la secte dite des Francs-Maçons, ou appelée d’un autre nom, acquérait chaque jour une nouvelle force, et ayant appris avec certitude, par de nombreuses preuves, que cette secte était non seulement suspecte mais ouvertement ennemie de l’Église catholique, la condamna par une excellente constitution qui commence par ces mots : In eminenti publiée le 28 avril 1738, et dont voici la teneur : lien.

Cette Bulle ne parut pas suffisante à Notre prédécesseur d’heureuse mémoire, Benoît XIV, car le bruit s’était répandu que Clément XII étant mort, la peine d’excommunication portée par sa Bulle était sans effet, puisque cette Bulle n’avait pas été expressément confirmée par son successeur. Sans doute il était absurde de prétendre que les Bulles des anciens Pontifes dussent tomber en désuétude si elles n’étaient pas approuvées expressément par leurs successeurs, et il était évident que Benoît XIV avait ratifié la Bulle publiée par Clément XII. Cependant, pour ôter aux sectaires jusqu’au moindre prétexte, Benoît XIV publia une nouvelle Bulle commençant ainsi : Providas, et datée du 18 mars 1751 ; dans cette Bulle, il rapporta et confirma textuellement et de la manière la plus expresse celle de son prédécesseur. En voici la teneur : lien.

Plût à Dieu que ceux qui avaient le pouvoir en main eussent su apprécier ces décrets autant que l’exigeait le salut de la religion et de l’État ! Plût à Dieu qu’ils eussent été convaincus qu’ils devaient voir dans les Pontifes Romains, successeurs de saint Pierre, non seulement les pasteurs et les chefs de l’Église catholique, mais encore les plus fermes appuis des gouvernements et les sentinelles les plus vigilantes pour découvrir les périls de la société ! Plût à Dieu qu’ils eussent employé leur puissance à combattre et à détruire les sectes dont le Siège Apostolique leur avait découvert la perfidie ! Ils y auraient réussi dès lors ; mais, soit que ces sectaires aient eu l’adresse de cacher leurs complots, soit que, par une négligence ou une imprudence coupable, on eût présenté la chose comme peu importante et devant être négligée, les Francs-Maçons ont donné naissance à des réunions plus dangereuses encore et plus audacieuses.

On doit placer à leur tête celle des Carbonari, qui paraîtrait les renfermer toutes dans son sein, et qui est la plus considérable en Italie et dans quelques autres pays. Divisée en différentes branches et sous des noms divers, elle a osé entreprendre de combattre la religion catholique et de lutter contre l’autorité légitime. Ce fut pour délivrer l’Italie et les autres pays, et spécialement les États du Souverain Pontife, de ce fléau qui avait été apporté par des étrangers dans le temps où l’autorité pontificale était entravée par l’invasion, que Pie VII, Notre prédécesseur d’heureuse mémoire, publia une Bulle, le 13 septembre 1821, commençant par ces mots : Ecclesiam a Jesu Christo. Elle condamne la secte dite des Carbonari sous les peines les plus graves, sous quelque dénomination et dans quelque pays qu’elle existe. En voici la teneur : lien.

Il y avait peu de temps que cette Bulle avait été publiée par Pie VII, lorsque Nous avons été appelé, malgré la faiblesse de nos mérites, à lui succéder au Saint Siège. Nous Nous sommes aussitôt appliqué à examiner l’état, le nombre et la force de ces associations secrètes et Nous avons reconnu facilement que leur audace s’était accrue par les nouvelles sectes qui s’y sont rattachées. Celle qu’on désigne sous le nom d’Universitaire a surtout fixé notre attention ; elle a établi son siège dans plusieurs universités, où des jeunes gens, au lieu d’être instruits, sont pervertis par quelques maîtres, initiés à des mystères qu’on pourrait appeler des mystères d’iniquité, et formés à tous les crimes.

De là vient que si longtemps après que le flambeau de la révolte a été allumé pour la première fois en Europe par les sociétés secrètes, et qu’il a été porté au loin par ses agents, après les éclatantes victoires remportées par les plus puissants princes et qui Nous faisaient espérer la répression de ces sociétés ; cependant, leurs coupables efforts n’ont pas encore cessé : car, dans les mêmes contrées où les anciennes tempêtes paraissaient apaisées, n’a-t-on pas à craindre de nouveaux troubles et de nouvelles séditions que ces sociétés trament sans cesse ? N’y redoute-t-on pas les poignards impies dont ils frappent en secret ceux qu’ils ont désignés à la mort ? Combien de luttes terribles l’autorité n’a-t-elle pas eu à soutenir malgré elle, pour maintenir la tranquillité publique ?

On doit encore attribuer à ces associations les affreuses calamités qui désolent de toute part l’Église, et que Nous ne pouvons rappeler sans une profonde douleur : on attaque avec audace ses dogmes et ses préceptes les plus sacrés ; on cherche à avilir son autorité, et la paix dont elle aurait le droit de jouir est non seulement troublée, mais on pourrait dire qu’elle est détruite.

On ne doit pas s’imaginer que Nous attribuions faussement et par calomnie à ces associations secrètes tous les maux et d’autres que Nous ne signalons pas. Les ouvrages que leurs membres ont osé publier sur la religion et sur la chose publique, leur mépris pour l’autorité, leur haine pour la souveraineté, leurs attaques contre la divinité de Jésus-Christ et l’existence même d’un Dieu, le matérialisme qu’ils professent, leurs codes et leurs statuts, qui démontrent leurs projets et leurs vues, prouvent ce que Nous avons rapporté de leurs efforts pour renverser les princes légitimes et pour ébranler les fondements de l’Église ; et ce qui est également certain, c’est que ces différentes associations, quoique portant diverses dénominations, sont alliées entre elles par leurs infâmes projets.

D’après cet exposé, Nous pensons qu’il est de Notre devoir de condamner de nouveau ces associations secrètes, pour qu’aucune d’elles ne puisse prétendre qu’elle n’est pas comprise dans Notre sentence apostolique et se servir de ce prétexte pour induire en erreur des hommes faciles à tromper.

Ainsi, après avoir pris l’avis de Nos Vénérables Frères les Cardinaux de la sainte Église Romaine, de Notre propre mouvement, de Notre science certaine et après de mûres réflexions, Nous défendons pour toujours et sous les peines infligées dans les Bulles de Nos prédécesseurs insérées dans la présente et que Nous confirmons, Nous défendons, disons-Nous, toutes associations secrètes, tant celles qui sont formées maintenant que celles qui, sous quelque nom que ce soit, pourront se former à l’avenir, et celles qui concevraient contre l’Église et toute autorité légitime les projets que Nous venons de signaler.

C’est pourquoi Nous ordonnons à tous et à chaque chrétien, quels que soient leur état, leur rang, leur dignité ou leur profession, laïques ou prêtres, réguliers ou séculiers, sans qu’il soit nécessaire de les nommer ici en particulier, et, en vertu de la sainte obéissance, de ne jamais se permettre, sous quelque prétexte que ce soit, d’entrer dans les susdites sociétés, de les propager, de les favoriser ou de les recevoir ou cacher dans sa demeure ou autre part, de se faire initier à ces sociétés dans quelque grade que ce soit, de souffrir qu’elles se rassemblent ou de leur donner des conseils ou des secours ouvertement ou en secret, directement ou indirectement, ou bien d’engager d’autres, de les séduire, de les porter ou de les persuader à se faire recevoir ou initier dans ces sociétés, dans quelque grade que ce soit, ou d’assister à leurs réunions, ou de les aider ou favoriser de quelque manière que ce soit ; au contraire, qu’ils se tiennent soigneusement éloignés de ces sociétés, de leurs associations, réunions ou assemblées, sous peine d’excommunication dans laquelle ceux qui auront contrevenu à cette défense tomberont par le fait même, sans qu’ils puissent jamais en être relevés que par Nous ou Nos successeurs, si ce n’est en danger de mort.

Nous ordonnons en outre à tous et à chacun, sous peine de l’excommunication réservée à Nous et à Nos successeurs, de déclarer à l’évêque et aux autres personnes que cela concerne, dès qu’ils en auront connaissance, si quelqu’un appartient à ces sociétés ou s’est rendu coupable de quelques-uns des délits susmentionnés.

Nous condamnons surtout et Nous déclarons nul le serment impie et coupable par lequel ceux qui entrent dans ces associations s’engagent à ne révéler à personne ce qui regarde ces sectes, et à frapper de mort les membres de ces associations qui feraient des révélations à des supérieurs ecclésiastiques ou laïques. N’est-ce pas, en effet, un crime que de regarder comme un lien obligatoire, un serment, c’est-à-dire un acte qui doit se faire en toute justice, et où l’on s’engage à commettre un assassinat, et à mépriser l’autorité de ceux qui, étant chargés du pouvoir ecclésiastique ou civil, doivent connaître tout ce qui est important pour la religion et la société, et ce qui peut porter atteinte à leur tranquillité ? N’est-ce pas indigne et inique de prendre Dieu à témoin de pareils attentats ? Les Pères du Concile de Latran ont dit avec beaucoup de sagesse (can. 3)  » qu’il ne faut pas considérer comme serment, mais plutôt comme parjure tout ce qui a été promis au détriment de l’Église et contre les règles de la tradition.  » Peut-on tolérer l’audace ou plutôt la démence de ces hommes qui, disant, non seulement en secret, mais hautement, qu’il n’y a point de Dieu, et le publiant dans leurs écrits, osent cependant exiger en son nom un serment de ceux qu’ils admettent dans leur secte ?

Voilà ce que Nous avons arrêté pour réprimer et condamner toutes les sectes odieuses et criminelles. Maintenant, Vénérables Frères, Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques, Nous demandons, ou plutôt Nous implorons votre secours ; donnez tous vos soins au troupeau que le Saint-Esprit vous a confié en vous nommant évêques de son Église. Des loups dévorants se précipiteront sur vous et n’épargneront pas vos brebis. Soyez sans crainte, et ne regardez pas votre vie comme plus précieuse que vous-mêmes. Soyez convaincus que la constance de vos troupeaux dans la religion et dans le bien dépend surtout de vous ; car, quoique nous vivions dans des jours mauvais et où plusieurs ne supportent pas la saine doctrine, cependant beaucoup de fidèles respectent encore leurs pasteurs, et les regardent avec raison comme les ministres de Jésus-Christ et les dispensateurs de ses mystères. Servez-vous donc, pour l’avantage de votre troupeau, de cette autorité que Dieu vous a donnée sur leurs âmes par une grâce signalée. Découvrez-leur les ruses des sectaires et les moyens qu’ils doivent employer pour s’en préserver. Inspirez-leur de l’horreur pour ceux qui professent une doctrine perverse, qui tournent en dérision les mystères de notre religion et les préceptes si purs de Jésus-Christ, et qui attaquent la puissance légitime. Enfin, pour Nous servir des paroles de Notre prédécesseur Clément XIII, dans sa Lettre encyclique A quo die à tous les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques de l’Église catholique, en date du 14 septembre 1758 :

 » Pénétrons-nous, je vous en conjure, de la force de l’Esprit du Seigneur, de l’intelligence et du courage qui en sont le fruit, afin de ne pas ressembler à ces chiens qui ne peuvent aboyer, laissant nos troupeaux exposés à la rapacité des bêtes des champs. Que rien ne nous arrête dans le devoir où nous sommes de souffrir toutes sortes de combats pour l’amour de Dieu et le salut des âmes. Ayons sans cesse devant les yeux celui qui fut aussi, pendant sa vie, en butte à la contradiction des pécheurs ; car si nous nous laissons ébranler par l’audace des méchants, c’en est fait de la force de l’épiscopat, de l’autorité sublime et divine de l’Église. Il ne faut plus songer à être chrétiens si nous en sommes venus au point de trembler devant les menaces ou les embûches de nos ennemis. « 

Princes catholiques, Nos très chers fils en Jésus Christ, pour qui Nous avons une affection particulière, Nous vous demandons avec instance de venir à Notre secours. Nous vous rappellerons ces paroles que Léon le Grand, notre prédécesseur et dont Nous portons le nom, quoique indigne de lui être comparé, adressait à l’empereur Léon :  » Vous devez sans cesse vous rappeler que la puissance royale ne vous a pas seulement été conférée pour gouverner le monde, mais encore et principalement pour prêter main forte à l’Église, en comprimant les méchants avec courage, en protégeant les bonnes lois, en rétablissant l’ordre dans toutes les choses où il a été troublé « . Les circonstances actuelles sont telles que vous avez à réprimer ces sociétés secrètes, non seulement pour défendre la religion catholique, mais encore pour votre propre sûreté et pour celle de vos sujets. La cause de la religion est aujourd’hui tellement liée à celle de la société, qu’on ne peut plus les séparer ; car ceux qui font partie de ces associations ne sont pas moins ennemis de votre puissance que de la religion. Ils attaquent l’une et l’autre et désirent également les voir renversées ; et s’ils le pouvaient, ils ne laisseraient subsister ni la religion ni l’autorité royale.

Telle est la perfidie de ces hommes astucieux, que, lorsqu’ils forment des vœux secrets pour renverser votre puissance, ils feignent de vouloir l’étendre. Ils essaient de persuader que Notre pouvoir et celui des évêques doit être restreint et affaibli par les princes, et qu’il faut transférer à ceux-ci les droits, tant de cette Chaire apostolique et de cette Église principale, que des évêques appelés à partager Notre sollicitude.

Ce n’est pas la haine seule de la religion qui anime leur zèle, mais l’espoir que les peuples soumis à votre empire, en voyant renverser les bornes posées dans les choses saintes par Jésus-Christ et son Église, seront amenés facilement par cet exemple à changer ou à détruire aussi la forme du gouvernement.

Vous aussi, Fils chéris, qui professez la religion catholique, Nous vous adressons particulièrement Nos prières et Nos exhortations. Évitez avec soin ceux qui appellent la lumière ténèbres et les ténèbres lumière. En effet, quel avantage auriez-vous à vous lier avec des hommes qui ne tiennent aucun compte ni de Dieu ni des puissances, qui leur déclarent la guerre par des intrigues et des assemblées secrètes, et qui, tout en publiant tout haut qu’ils ne veulent que le bien de l’Église et de la société, prouvent par toutes leurs actions qu’ils cherchent à porter le trouble partout et à tout renverser ? Ces hommes sont semblables à ceux à qui l’apôtre saint Jean ordonne de ne pas donner l’hospitalité, et qu’il ne veut pas qu’on salue (IIe Épître, v. 10) ; ce sont les mêmes que nos pères appelaient les premiers nés du démon.

Gardez-vous donc de leurs séductions et des discours flatteurs qu’ils emploieront pour vous faire entrer dans les associations dont ils font partie. Soyez convaincus que personne ne peut être lié à ces sociétés sans se rendre coupable d’un péché grave : fermez l’oreille aux paroles de ceux qui, pour vous attirer dans leurs assemblées, vous affirmeront qu’il ne se commet rien de contraire à la raison et à la religion, et qu’on n’y voit et n’y entend rien que de pur, de droit et d’honnête. D’abord ce serment coupable dont Nous avons parlé, et qu’on prête même dans les grades inférieurs, suffit pour que vous compreniez qu’il est défendu d’entrer dans ces premiers grades et d’y rester ; ensuite, quoique l’on n’ait pas coutume de confier ce qu’il y a de plus compromettant et de plus criminel à ceux qui ne sont pas parvenus à des grades éminents, il est cependant manifeste que la force et l’audace de ces sociétés pernicieuses s’accroissent en raison du nombre et de l’accord de ceux qui en font partie. Ainsi ceux qui n’ont pas passé les rangs inférieurs doivent être considérés comme les complices du même crime, et cette sentence de l’apôtre (Épître aux Romains, ch. 1) tombe sur eux :  » Ceux qui font ces choses sont dignes de mort, et non seulement ceux qui les font, mais même ceux qui s’associent à ceux qui s’en rendent coupables « .

Enfin, Nous Nous adressons avec affection à ceux qui, malgré les lumières qu’ils avaient reçues, et la part qu’ils avaient eue au don céleste et aux grâces de l’Esprit-Saint, ont eu le malheur de se laisser séduire et d’entrer dans ces associations, soit dans les rangs inférieurs, soit dans les degrés plus élevés. Nous qui tenons la place de Celui qui a déclaré qu’il n’était pas venu appeler les justes mais les pêcheurs, et qui s’est comparé au pasteur qui, abandonnant le reste de son troupeau, cherche avec inquiétude la brebis qu’il a perdue, Nous les pressons et Nous les prions de revenir à Jésus Christ. Sans doute ils ont commis un grand crime, cependant ils ne doivent point désespérer de la miséricorde et de la clémence de Dieu et de son Fils Jésus Christ ; qu’ils rentrent dans les voies du Seigneur, il ne les repoussera pas ; mais semblable au père de l’enfant prodigue, il ouvrira ses bras pour les recevoir avec tendresse. Pour faire tout ce qui est en Notre pouvoir et pour leur rendre plus facile le chemin de la pénitence, Nous suspendons pendant l’espace d’un an après la publication de ces Lettres apostoliques dans le pays qu’ils habitent, l’obligation de dénoncer leurs frères, et Nous déclarons qu’ils peuvent être relevés de ces censures, même en ne dénonçant pas leurs complices, par tout confesseur approuvé par les Ordinaires des lieux qu’ils habitent.

Nous usons également de la même indulgence à l’égard de ceux qui demeurent à Rome. Si quelqu’un (ce qu’à Dieu ne plaise !) était assez endurci pour ne pas abandonner ces sociétés dans le temps que Nous avons prescrit, il sera tenu de dénoncer ses complices, et il sera sous le poids des censures s’il revient à résipiscence après cette époque ; il ne pourra obtenir l’absolution qu’après avoir dénoncé ses complices, ou au moins juré de les dénoncer le plus tôt possible. Cette absolution ne pourra être donnée que par Nous, Nos successeurs ou ceux qui auront obtenu du Saint-Siège la faculté de relever de ces censures.

Nous voulons que les exemplaires imprimés du présent Bref apostolique, lorsqu’ils seront signés de la main d’un notaire public et munis du sceau d’un dignitaire de l’Église, obtiennent la même foi que l’original.

Que personne ne se permette d’enfreindre ou de contredire Notre présente déclaration, condamnation, ordre, défense, invocation, réquisition, décret et volonté. Si, néanmoins, quelqu’un se le permettait, qu’il sache qu’il s’attire par là la colère du Dieu tout-puissant et des saints apôtres Pierre et Paul.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, l’année de l’Incarnation de Notre-Seigneur 1825, le 3 des ides de Mars (13 mars), de notre Pontificat l’an II.

(Cette bulle est daté suivant l’ancien usage de la chancellerie romaine, qui commençait les années de l’Incarnation au 25 mars ; ainsi sa date répond au 13 mars de l’année 1826.)