Le Rite Ecossais Ancien et Accepté
Par Pierre Noël, 33e, CBCS
4. Les auteurs des rituels bleus du REAA.
Qui a rédigé ces rituels ? La question ne peut avoir de réponse assurée. Nous ne savons pas et ne saurons peut-être jamais qui en furent les rédacteurs. Ceci n’interdit empêcher d’avancer quelques hypothèses, basées sur quelques prémices simples :
- Le ou les rédacteurs connaissaient la maçonnerie habituellement pratiquée en France.
- Ils étaient familiers de la maçonnerie britannique ou américaine, notamment celle pratiquées dans les loges de Rite ancien.
- Ils disposaient de « Three Distinct Knocks » et en connaissaient suffisamment la langue pour le traduire de façon correcte.
- Enfin, ils devaient avoir un intérêt à diffuser, en France, une maçonnerie d’un style nouveau, différente de celle des loges du GODF.
Ne peuvent répondre à ces critères que des maçons ayant vécu à l’étranger et soucieux de se démarquer du Grand-Orient. Or tel était le cas de ces « Américains » qui voulurent introduire à Paris un système en 33 degrés qu’ils présentaient comme une forme maçonnique plus « universelle » que le Rite Français en 7 grades que pratiquait le Grand-Orient depuis 1786. Pour arriver à leurs fins, Ils se devaient d’offrir des rituels nouveaux pour les trois premiers grades. Or ceux-ci n’existaient pas puisque le premier Suprême Conseil du monde, celui de Charleston, avait précisé qu’il laissait aux Grandes Loges la communication des trois degrés de base.
Il fallait donc les inventer pour la cause. C’est ce que firent les rédacteurs en puisant indifféremment dans les rituels existants.
Très habilement, ils intitulèrent « ancien » Ils ne firent d’ailleurs que traduire la titulature américaine : Grand Lodge of Ancient and Accepted Freemasons. le produit de leur compilation, comme l’avait fait avant eux Laurence Dermott, Grand Secrétaire de la Grande Loge anglo-irlandaise de 1751, et, comme lui, ils qualifièrent leurs rivaux de « modernes ». Dans les deux cas, la fascination qu’exerce toute affirmation d’ancienneté suffit à donner à leur produit un aura d’authenticité Fascination dont nous avons aujourd’hui encore de nombreux exemples. . Mais ils eurent garde d’omettre la revendication « Ecossaise », laquelle eut toujours sur les maçons Français un invincible pouvoir d’attraction depuis les affirmations du chevalier Ramsay et l’apparition des premiers hauts-grades.
Peut-on être plus précis ? Le rituel de la Triple Unité est daté de 1804, ce qui signifie qu’il fut soit rédigé soit copié cette année-là. Le copiste, qu’il soit ou non l’auteur du rituel, devait appartenir à cette loge ou, à défaut, à une loge qui partageait les mêmes préoccupations. Comme rien ne permet d’affirmer que le rituel original fût écrit en 1804, l’enquête peut théoriquement remonter jusqu’à la date de parution de TDK mais les circonstances historiques suggèrent que sa rédaction est postérieure au retour des « Américains » dans leur mère-patrie.
Considérant les critères énoncés plus haut, trois noms viennent immédiatement à l’esprit : Grasse-Tilly, Hacquet et Fondeviolles.
Grasse-Tilly était membre du Contrat Social avant son départ pour les îles. Durant son séjour à Charleston, il fréquenta les ateliers des deux Grandes Loges locales dont l’une était de Rite Ancien Il en fut même grand officier. . De retour à Paris en juillet 1804, il s’employa, avec l’appui de sa loge-mère, à fonder la Grande Loge générale Ecossaise qu’il présida en l’absence de Grand Maître. Il fut le fondateur du Suprême Conseil de France dont il devint le premier Grand Commandeur et il traita de puissance à puissance avec les officiers du Grand-Orient. Le traité d’Union lui assura des fonctions importantes, tant au sein du GODF qu’au sein du Grand Chapitre Général. Son rôle fut cependant de courte durée puisqu’il démissionna de sa fonction de Grand Commandeur le 10 juin 1806 et s’en alla aux armées pour ne revenir à Paris qu’en 1814. Il ne manquait ni d’audace ni d’ambition, mais avait-il les qualités requises pour rédiger de nouveaux rituels ? On peut en douter. Rien dans sa carrière ne le prédisposait à une vocation littéraire. Il ne fut après tout qu’un militaire sans trop d’envergure (il ne dépassa pas le grade de chef d’escadron) et un noble sans ressources qui souvent vécut d’expédients et se vit reprocher d’utiliser la maçonnerie à des fins personnelles et intéressées. Tout cela n’empêche rien, certes, mais n’en fait pas le plus susceptible d’un travail ingrat et sans beaucoup d’éclat.
Germain Hacquet, notaire à Saint-Domingue, fut vénérable d’une loge de Port-au-Prince dépendant de la Grande Loge de Pennsylvanie. Lorsque celle-ci installa, en juin 1802, une Grande Loge provinciale dans l’île, il en fut député Grand Maître Baynard, 1937 : 66. . Lorsqu’il arriva en France, en avril 1804, il était muni d’une patente de député Grand Inspecteur général dont il usa pour établir au sein des loges de la Triple Unité et du Phénix, fondée par lui le 14 juin de la même année Hacquet était vénérable du Phénix lors de la réunion de septembre 1805 qui vit la dénonciation du concordat. , un Consistoire du Rite d’Hérédom (c’est à dire du Rite de Perfection en 25 degrés) pour la France. Reçu au 33° par Grasse-Tilly, il devint Grand Surveillant de la Grande Loge générale Ecossaise puis, lors du concordat, Grand Officier de seconde classe du GODF. Le 22 décembre 1804, il devint également Grand Maître des cérémonies du Suprême Conseil, fonction qu’il exerça jusqu’à son ralliement au Suprême Conseil des Rites Actuel Grand Collège des Rites. constitué par le GO en 1815, dont il devint le premier Grand Commandeur 22 novembre 1815 (in Gout, 1992 : 61). . Hacquet occupa une fonction dirigeante dans les cercles qui virent la naissance des rituels bleus du REAA. S’il n’en fut pas le rédacteur, il avait sans conteste les qualités pour le faire. Il serait plaisant que les rituels bleus du REAA aient été rédigés par le premier Grand Commandeur du Grand Collège des Rites.
Jean-Pierre Mongruer de Fondeviolles, propriétaire à Saint-Domingue, serait revenu en France en 1797. Membre du GODF, Rose-Croix, il fonda la Triple Unité le 25 septembre 1801 puis, en 1804, un consistoire du 32° degré grâce à une patente en blanc reçue de Kingston cette année-là Citation de Kloss, aimablement communiquée par Alain Bernheim. . Reçu au 33° par Grasse-Tilly le 24 octobre 1804, il fut actif dans la Grande Loge générale Ecossaise : lors de la tenue du 3 novembre 1804, il y exerça les fonctions de 2ème surveillant, tandis que Hacquet était 1er surveillant. Il assista à la réunion de septembre 1805 au titre de vénérable de la Triple Unité Ecossaise dont il devint plus tard vénérable d’honneur. Il participa régulièrement aux réunions du Suprême Conseil jusqu’à ce que ses activités parallèles le contraignent à en démissionner en 1812.
Les raisons de cette démission sont importantes car elles permettent de jeter un oeil neuf sur les activités du Suprême Conseil de France, de 1805 à 1812.
En septembre 1805, nous l’avons vu, le Grand Consistoire des 33° et 32° avait dénoncé le traité d’union et décidé que le Suprême Conseil aurait une existence indépendante du GODF. Il maintint cependant les dispositions essentielles du concordat, laissant au GO le soin de conférer les grades jusqu’au 18° et de superviser les chapitres. Ces décisions furent suivies par l’élection de Cambacérès, déjà Grand Maître adjoint du GO depuis le 13 décembre 1805, aux fonctions de Grand Commandeur (1er juillet 1806), laissées vacantes par la démission de Grasse-Tilly (10 juin 1806), et par son installation solennelle (13 août 1806). Le premier acte du Suprême Conseil fut hautement significatif : il renonça à organiser des ateliers de tous grades et décréta que les degrés supérieurs au 18° ne seraient à l’avenir conférés qu’en son sein (décret du 27 novembre 1806 Livre d’or du Suprême Conseil. ) :
Art 1 : La puissance dogmatique du REAA appartient au Suprême Conseil des GIGercée sous sa surveillance par le Grand Consistoire.
Art 2 : le SC a sous sa surveillance
- Le Souverain Grand Consistoire des 32°
- les Conseils particuliers des 32°
- les Tribunaux des 31°
L’organisation des Conseils, Tribunaux, Collèges et Chapitres particuliers, attachés aux degrés supérieurs au 18° jusques et y compris les conseils particuliers des 32° est suspendue jusqu’à ce qu’il en ait été autrement décidé par le Suprême Conseil. Tout arrêté contraire à cette disposition, précédemment pris par le Suprême Conseil est révoqué.
Art 3 : Les degrés supérieurs au 18° degré, jusques et y compris le 32°, ne seront conférés à l’avenir, jusqu’à l’organisation des conseils, tribunaux, collèges et chapitres du degré, que par le SC du 33° degré, ou en vertu d’une délégation spéciale et particulière, émanée de lui.
Art 4 : L’établissement des conseils, tribunaux, collèges et chapitres énoncés à l’article ci-dessus, ne pourra être fait, lorsqu’il y aura lieu, qu’en vertu des Chartes capitulaires accordés par le Grand-Orient ; mais la demande d’établissement ne pourra être formée que par le SC du 33° degré, comme ayant la puissance dogmatique.
Et jusques à l’obtention des chartes capitulaires, les requérans ne pourront se former en trav. du degré dont ils solliciteront les chartes, sous quelque prétexte que ce soit.
Par ce décret, le Suprême Conseil s’interdisait toute possibilité d’extension. Il se condamnait lui-même à une vie végétative, repliée sur le seul cénacle parisien. Que cette décision ait été mal vécue par tous ceux qui, 33° ou non, pratiquaient déjà les degrés supérieurs, parfois en vertu de patentes antérieures à la création du Suprême Conseil, ne peut surprendre. Qu’ils aient décidé de continuer sans tenir compte des décisions d’un organisme lointain et coupé de la base était dans l’ordre des choses. Et c’est bien ce qui se passa : les grades supérieurs du Rite furent conférés dans des ateliers de Paris et de province qui s’estimaient habilités à le faire, sans rendre de compte au Suprême Conseil.
Celui-ci en prit ombrage et, constatant, lors de sa tenue du 15 décembre 1808, que de nombreux frères se décoraient de cordons et bijoux de degrés non reconnus par lui et que les hauts-grades étaient conférés avec une facilité suspecte, il décréta quels étaient les degrés Ne pouvaient être conférés que les, 27°, 29°, 31°, 32° et 33° degrés du Rite. qui pouvaient être conférés et ajouta que seuls étaient licites les cahiers du REAA revêtus de son sceau et de la signature du secrétaire du Saint-Empire, Pyron. Le décret ne suffit pas à remettre de l’ordre dans la maison puisque, le 19 janvier 1811, le Suprême Conseil rappela avec force que les hauts grades dépendaient de lui seul : «{Jusqu’au 18° degré, l’autorité réside dans le Grand-Orient de France, de même il faut que, pour les degrés supérieurs, il y ait un centre unique, et ce centre ne peut être que le Suprême Conseil}». Dans la foulée, il revint sur sa décision de 1806 et décida qu’à l’avenir il organiserait des ateliers de grades intermédiaires dans les villes de province, seule décision susceptible d’enrayer le trafic de grades.
Art 27 : La suspension de l’organisation des chapitres, collèges, tribunaux et conseils particuliers, prononcées par l’article 2 du décret du 27 novembre 1808 Décret qui réaffirmait celui de 1806. est levée ; leur organisation aura lieu dans les villes de l’Empire que le Suprême Conseil en jugera susceptibles. Elle ne pourra être faite que près les chapitres du 18° degré du REAA Livre d’or. Les Chapitres dépendaient, rappelons-le, exclusivement du GODF. .
Pyron Pyron 1817 : 61-64. confirme que de nombreux chapitres s’étaient constitués de leur seule autorité en Grands Chapitres (du 29°), Collèges (du 30°), Tribunaux (du 31°) et Conseils Particuliers (du 32°). Il cite quatre chapitres de Paris, dont le dernier, conduit par Abraham, 32°, avait créé un Tribunal à Neufchâteau (Vosges) et reçu quelques maçons d’Angers au 31°, lesquels avaient organisé un Grand Chapitre du 29° et un Tribunal du 31° dans cette ville.
Le 2 décembre 1811, le Suprême Conseil examina le cas du Consistoire de la Triple Unité. Celui-ci avait été fondé par Fondeviolles en vertu, disait-il, d’une charte capitulaire émanant de Kingston et reçue avant la création du Suprême Conseil. Il estimait dès lors que les décrets postérieurs ne lui étaient pas d’application. Fondeviolles ne put malheureusement fournir cette charte à la commission d’enquête, constituée de Freteau de Peni, Rampon et Rouyer. En conséquence, le consistoire fut déclaré irrégulier, décision qui amena la démission de Fondeviolles du Suprême Conseil Lettre de Fondeviolles, Inspecteur du 33° degré, aux Ill et Sub Inspecteurs généraux, composant le Suprême Conseil du 33°, reçue le 9 décembre 1811 : « ILL G Inspecteurs, mon âge et mes infirmités, presque continuelles, me privent d’assister à vos travaux, comme je le voudrais ; je vous prie de vouloir agréer ma démission de membre du Suprême Conseil. Je n’en ferai pas moins des voeux pour la propagation du Rit ancien et accepté, dont vous êtes le soutien et l’appui. Agréez, …. ». .
Sa démission fut annoncée le 20 avril 1812, en même temps que furent « régularisés » 55 membres du consistoire de la Triple Unité, car ce fut la pratique constante du Suprême Conseil de régulariser les membres de ces ateliers qu’il décrétait d’irrégularité.
Ces événements sont importants car ils démontrent que l’autorité du Suprême Conseil était bien loin d’être assurée et que son activité même se limitait à ces quelques tenues dont son livre d’or nous a laissé la trace. En-dehors de son enceinte, chacun faisait à peu près ce qu’il voulait. D’autre part, ils confirment que les 33° qui le composaient ne s’occupaient d’aucun degré inférieur au 19°, a fortiori des trois premiers grades même si, on l’a vu, le nombre de loges bleues du GODF travaillant au REAA était loin d’être négligeable. On peut légitimement en conclure qu’ils ne furent, en tant qu’institution, pour rien dans la genèse des grades symboliques de « leur » Rite.
Pour en revenir à Fondeviolles, cette affaire montre qu’il ne se sentit jamais lié par les décisions du Suprême Conseil dont il était membre depuis sa fondation. Son terrain était bien plus la Triple Unité dont il était le vénérable fondateur. Peut-on imaginer qu’il ne participa point Je ne dis pas qu’il en fut l’auteur ! la rédaction du rituel du 1er degré que nous avons retrouvé, émanant d’une loge dont il était le vénérable fondateur ? Ce l’est d’autant moins qu’un rituel (de REAA) des trois premiers grades, conservé au fonds Kloss, porte la mention « Geschreven door Br. Fondeviolles Ecrit par le Fr Fondeviolles. ».
Reste Abraham. Certes, rien ne permet d’affirmer qu’il sut l’anglais ni qu’il séjourna hors de France, mais il fut très actif durant la période qui nous occupe et son intérêt pour le Rite ancien et les innovations ramenées d’Amérique ne se démentit jamais. Il accueillit Hacquet, lors de son arrivée en France, et de leur collaboration naquit le « Phénix » le 14 juin 1804. Nous avons vu qu’il publia, dès 1807, un « Art du Parfait Thuileur » qui adoptait les caractéristiques du Rite ancien. Il n’en resta pas là : un « Unique et Parfait Thuileur pour les 33 grades de la Maçonnerie écossaise », paru en 1812, lui fut également attribué, à tort ou à raison. Il fonda, en sa qualité de 32°, un Grand Chapitre du 29° et un Tribunal du 31° degré à Neufchâteau, ateliers que le Suprême Conseil déclara irréguliers les 2 décembre 1811 et 6 avril 1812. Le 8 avril 1812, une commission constituée de Hacquet, Challan et Chasset, déposa un rapport devant le Suprême Conseil qui concluait qu’Abraham avait indûment conféré des grades et délivré des cahiers de rituels aux Frères du Père de Famille d’Angers. Ce chapitre avait bien été constitué par le GODF mais celui-ci avait pour règle de ne donner que les grades qu’il était autorisé à conférer, c’est à dire jusqu’au 18°, et les grades supérieurs donnés par Abraham l’avait été de façon illégitime. Le Suprême Conseil déclara irrégulier ces ateliers (décret du 8 avril 1812) et Pyron d’ajouter que les diplômes concédés par eux étaient nuls et de nul effet et qu’Abraham fut rayé du tableau des membres du 32° degré. La même année, le 7 août, le Souverain Chapitre Métropolitain du Rite Ecossais Philosophique, présidé par le général baron Rouyer, mettait en garde contre un ouvrage, « Les Règlemens généraux de la Maçonnerie Ecossaise », publié à Paris et distribué par un M. Piat qui reconnut qu’ils les avaient reçu d’Abraham. Or celui-ci avait été employé en 1805 par le Chapitre « pour des travaux d’écriture » et il en avait profité pour dérober un exemplaire de ces Règlements. Enfin, le 14 septembre, le Suprême Conseil ordonna l’envoi d’une circulaire à tous les ateliers du Rite pour les prémunir contre le trafic des hauts-grades et cahiers de la maçonnerie, et notamment contre Abraham qui se présentait à beaucoup de loges comme revêtu des plus hauts-degrés du REAA, du REP et du Rite d’Hérédom de Kilwinning.
Qu’en conclure sinon qu’Abraham joua un rôle mal connu mais conséquent dans la diffusion des grades Ecossais, en dehors de tout contrôle du Suprême Conseil dont l’influence exacte durant la période impériale reste à écrire.
Un dernier mot concernant le Suprême Conseil d’Amérique. Réveillé par Delahogue (1744-1822), beau-père de Grasse-Tilly et son lieutenant Grand-Commandeur, il conféra lui aussi des patentes et créa des ateliers supérieurs dans la métropole dès 1810, ce qui ne l’empêcha pas de réclamer en 1813 qu’il fût établi un « Suprême Conseil pour les possessions françaises d’Amérique » auprès du SCDF. Pyron Pyron, 1817 : 69-71. relève à cette occasion qu’ils avaient reçu une quantité considérable de maçons aux 30°, 31° et même au 33° degré, et qu’ils avaient délivré nombre de diplômes de degrés supérieurs au 18° degré, tant en France qu’à l’étranger, diplômes signés à l’orient de Paris ou de Saint-Domingue Leur demande fut rejetée lors de la tenue du 30 janvier 1813 Livre d’or du Suprême Conseil de France. Séance du 30 janvier 1813. . Ceci n’empêcha pas que le nom des « Américains » soit à nouveau mentionné dans le tableau suivant, daté du 5 mars 1813 A.Bernheim, 1987, p. 37. . Malgré cette marque de bonne volonté, ces mêmes Américains s’adressèrent au GODF le 27 octobre :
Le Très-Illustre F De Grasse-Tilly, G Commandeur ad vitam du suprême conseil pour les possessions françaises d’Amérique, joint à ce titre éminent celui extrêmement précieux de premier rep particulier du G M du G O de France. Ce double lien resserre encore plus les noeuds qui lient ces pères de la maçonnerie écoss à l’étoile maç qui éclaire et dirige tous les maçons de France.
Quoique prisonnier des Anglais, le T Ill G G est cependant au milieu du sup Cons, par l’affection que chacun des chev lui porte ; les pouvoirs qui le constituent sont entre les mains des TT Ill GG II GG 33° degré, qui, réunis au T Ill F Lieut G C De la Hogue, les conservent avec les titres, chartes, constitutions, timbres et sceaux du sup Cons, qui possède avec orgueil sur son livre d’or les signatures de presque tous les ill Membres du G O de France Allusion au registre contenant le serment d’obéissance prêté au Suprême Conseil par les dignitaires du GODF, dont Roëttiers, le 29 décembre 1804 lorsqu’ils furent reçus aux 18°, 31°, 32° ou 33° degrés (texte dans Pyron, 1817 : 26 ; Jouaust, 1865 : 312 et Lantoine, 1927, II : 145-146). .
Le sup Cons pour les possessions françaises de l’Amérique, réfugié en France, n’exerce point sa juridiction pour la France ; il se borne à constater son existence maç par des procès-verbaux de carence. Il voit avec douleur s’éloigner, par la prolongation de la guerre maritime, le moment où il pourra retourner dans ses foyers. Depuis le jour où les membres du sup C ont mis le pied sur le sol de la mère-patrie, chacun d’eux a tenu à un atelier régulier sous le régime du G O de France ; plusieurs d’entre eux ont propagé la vraie lumière, et quel que soit le grade élevé dont il ait été revêtu, il s’est empressé de rendre hommage et de reconnaître l’autorité et le pouvoir suprême de ce corps législatif et sénat de la maç Française.
Le sup Cons pour les possessions françaises de l’Amérique vient donc unanimement exécuter la pensée du T Ill F de Grasse-Tilly, devenue la sienne ; il se range sous la bannière du G O de France ; il vous demande, T Ill FF, la faveur d’accueillir maintenant et pour toujours son député ; de le recevoir parmi les FF qui composent le G O de France. Le sup Cons désire y puiser de nouvelles lumières, mériter l’éloge de tous les maç de l’Amérique française, et, par sa demande franche et digne de tout vrai maç, proclamer la vérité incontestable que le G O De France est le premier et le seul pouvoir constitutif de la France, et que s’éloigner un moment du cercle de sa puissance, c’est commettre une erreur coupable et contraire au concordat signé en décembre 1804, qui a réuni dans le souv chap du G O De France, les consist et sup cons de la maç écoss
Cette époque, TT Ill FF, sera mémorable pour le sup Cons ; et lorsque la paix le ramènera dans le Nouveau Monde, il s’empressera de répandre cette vérité, qui fixera à jamais tous les consist, conseils et collèges sous le régime du G. O de France.
Fait à l’O de Paris, le 27° j du 8° mois de l’an de la v L 5813.
Signé : Le GT(trésorier) ad vitam, Hannecart-Antoine ; De La Hogue, lieut G Commandeur ad vitam du 33° degré pour les dominations françaises de l’Amérique ; Tissot, lieut G Insp Gén, 33° degré ; Devillainez, 33°, Ill G A ; Nazon.
Par commandement : le secrétaire du Saint-Empire, A. Teissier de Marguerittes. In Vassal, 1827 : 43-45. Il ne semble pas que le Grand-Orient ait répondu à cette lettre.
Il est cependant peu probable qu’ils aient participé à la rédaction des grades bleus : Delahogue était encore en Amérique en 1804 Il était, cette année-là, vénérable de la loge la Charité n° 93 à la Nouvelle-Orléans avant de recevoir, le 29 juillet une patente, délivrée par le Suprême Conseil de Charleston, de Souverain Grand Inspecteur Général du 33° degré et lieutenant Grand Commandeur des Indes occidentales françaises » (in « History of the Supreme Council, 33°. Antient Accepted Scottish Rite of Freemasonry. Northern Masonic Jurisdiction of thee United States of America», S.H.Baynard, 1937 : 65.) , la plupart de ses partisans, à l’exception d’Antoine, n’avaient jamais mis les pieds outre mer et leur Suprême Conseil ne constitua aucune loge bleue avant la Restauration.
5. L’essor du Suprême Conseil et l’abandon de l’héritage « ancien ».
La chute de l’empire vit celle du Suprême Conseil. La plupart de ses membres rallièrent le GODF et le « Grand Consistoire des Rites Il deviendra l’actuel Grand Collège des Rites du GODF. », installé le 22 novembre 1815 et présidé par Hacquet, et les irréductibles conduits par Pyron et Thory n’eurent d’autre solution que la mise en sommeil. Le Suprême Conseil d’Amérique, par contre, en trouva une vigueur nouvelle, d’autant que son grand Commandeur, Grasse-Tilly, était revenu de captivité et avait repris la direction des travaux.
Ce Suprême Conseil prit sous sa direction des loges bleues, ce que n’avait jamais fait le Suprême Conseil de France. Il n’avait en 1815 qu’une seule loge La Rose Etoilée que vint rejoindre, l’année suivante, La Rose du Parfait Silence. Le 24 octobre 1818, le Suprême Conseil d’Amérique, présidé par le comte Decazes, élu Grand Commandeur cinq jours après la démission (10 septembre ) de Grasse-Tilly, consacra la loge Les Propagateurs de la Tolérance, « mère-loge du Rite Ecossais », loge aristocratique comprenant tous les 33° en activité et présidée par le général baron Louis Joseph César de Fernig (1774-1847), initié en 1804 dans la loge Les Amis Philanthropes à Bruxelles.
Il fallut attendre 1821 pour que les survivants (entre autres Valence, Muraire, Lacépède, Fréteau de Pény) du Suprême Conseil de France décident le réveil de leur institution et acceptent sa fusion avec le Suprême Conseil d’Amérique Les querelles intestines consécutives à la scission du Suprême Conseil d’Amérique en deux organismes rivaux mais homonymes, dits de Pompéi et du Prado, n’entrent pas dans notre propos. Nous ne parlons ici que de « Pompéi ». , fusion qui fut consacrée le 24 juin, le comte de Valence devenant Grand Commandeur, le comte de Ségur lieutenant Grand-Commandeur, le comte Muraire et Fernig secrétaires. Le même jour, fut installée la loge de la Grande Commanderie, organisme qui était censé régir tous les grades jusqu’au 29ème degré. En juillet de l’année suivante, la Grande Commanderie devint la Grande Loge Centrale, portant le n° 1 sur le tableau de l’obédience tandis que Les Propagateurs de la Tolérance devenait le n° 2.
Que devint le rituel hybride concocté par les tenants du REAA ? Puisque le Guide fut publié vers cette époque, il est vraisemblable qu’il fut utilisé, en tout et en partie. Nous ignorons quel rituel était utilisé par les Propagateurs de la Tolérance. Les procès-verbaux de cette loge, conservés à bibliothèque royale de Bruxelles, font état de plusieurs initiations, entre 1818 et 1819, mais ne mentionnent des cérémonies que les « épreuves ». Tout au plus peut-on dire que cette loge connaissait les diacres. Le prince d’Arenberg était premier Grand Diacre et le comte de Castellane deuxième Grand Diacre tandis que les FF Gaborrio et Rascol étaient diacres titulaires.
Le Guide fut-il ensuite pratiqué par les loges dépendants du Suprême Conseil de France après sa réorganisation en 1821 ? La réponse ne peut qu’être nuancée. Tel quel, il était impraticable, ne fût-ce que par l’incohérence des cérémonies proprement dites et des instructions de chaque grade. Deux solutions étaient possibles : soit adapter les cérémonies aux prescriptions des instructions, ce qui revenait à faire de « l’Emulation », avant la lettre, soit réécrire les instructions et, pourquoi pas, ajouter à l’ensemble des innovations supplémentaires, aussi loin de l’exemple britannique que du « Régulateur » français. C’est, semble-t-il, la deuxième option qui fut choisie.
5.1. Les rituels de 1829.
Le manuscrit BN coté FM4 96, intitulé « Rite Ecossais Ancien et Accepté. Rituel des trois premiers degrés selon les anciens rituels », fut récemment réédité par le Suprême Conseil de France Gout 1999, pp. 297-476. . Le premier degré ne diffère guère de celui du Guide. Seule modification notable : la purification par l’eau au 2ème voyage. Le second degré par contre introduit de longs et fastidieux développements, lus au cours des voyages, sur les cinq sens, les ordres d’architecture et les arts libéraux.
Le troisième degré subit une mutation radicale : la légende d’Hiram devient allégorie solaire, mutation que nous développons plus loin.
5.2. Le rituel de la loge Le Progrès de l’Océanie.
La Franc-maçonnerie fut introduite dans les îles Hawaii en 1843 par un marin français, Georges Le Tellier, 18° degré du REAA (Suprême Conseil de France). Possesseur d’une patente de cette obédience lui permettant « de créer et constituer conformément aux règlements généraux du Rite de nouvelles loges sous l’obédience du Suprême Conseil dans tous territoires dont la juridiction n’a ni été décidée ni reconnue » Charte décernée le 20 avril 1842 et signée par le général comte de Fernig, lieutenant Grand Commandeur, et A. Genervay, secrétaire général du SCDF. , il réunit quelques maçons à Honolulu et ouvrit la loge Le Progrès de l’Océanie n° 124 le 8 avril 1843, loge qui est toujours en activité de nos jours, sous l’autorité de la Grande Loge locale. Son rituel fut traduit en anglais Traduction rééditée par Art de Hoyos, 1995. par Erik Palmer, passé maître de la loge Americus n° 535, Grande Loge de New York, à une date inconnue. Il fut, lui aussi, réédité par le Suprême Conseil de France en 1999 « Le rituel de la R L « le Progrès de l’Océanie », Ordo ab Chao, 1999, n° 39-40 : 477-650. . Ce document fondamental montre les développements du Rite de 1821 à 1843.
Les officiers de la loge sont ceux prévus pas le « Guide » : le vénérable maître, deux surveillants, un gardien, deux diacres, un secrétaire, un orateur, un maître des cérémonies, un couvreur, un expert et un aumônier. La disposition de la loge est conforme aux prescriptions de Vuillaume et de Delaunay, mais les chandeliers sont placés « L’une à Est, vers le Sud. Deux à l’Ouest, l’une vers le Sud et l’autre vers le Nord », selon la pure tradition Ecossaise. Au-dessus du trône se trouve un delta ou triangle portant le tétragramme en hébreu.
L’ouverture suit fidèlement les indications du « Guide » ou, si l’on préfère, du rituel de la Triple Unité. Seule manque la circulation du mot du grade, du vénérable au second surveillant par l’intermédiaire des diacres. Les circonstances de l’initiation suivent le même schéma, y compris la prière et la question de la croyance en Dieu, avec cependant quelques modifications non négligeables :
- C’est le premier diacre qui introduit le candidat puis le conduit lors de ses voyages (il est alors dénommé F. Terrible).
- Le candidat est purifié par l’air lors du premier voyage, par l’eau au deuxième et par le feu au troisième. De même les bruits divers, les cliquetis d’armes, le silence enfin accompagnent les trois voyages, comme c’est l’usage aujourd’hui dans les loges belges de Rite « moderne ».
- La lumière est donnée en un temps, suivant l’exemple du « Régulateur », sans l’épisode du cadavre du parjure.
L’obligation est prise devant l’autel, le candidat à genoux, la main droite sur l’épée nue, l’équerre et le livre des statuts de l’ordre (et non plus la bible), la main gauche tenant le compas ouvert à 60°, une pointe sur le coeur, l’autre dirigée vers le bas. Le vénérable renvoie ensuite le candidat à l’ouest, entre les colonnes, où la lumière lui est donnée dans le cercle des épées. Suit la consécration, à l’est, par trois coups sur l’épée placée sur la tête de l’impétrant. La formule utilisée diffère quelque peu dans les deux rituels publiés :
Au nom de Dieu, seul auteur et souverain maître de toutes choses, sous la protection de St Jean, au nom et sous les auspices des SS GG II Gén, chefs, protecteurs et vrais conservateurs de l’ordre, 33° et dern deg du Ecoss Anc Acc composant le Sup Cons du St Empire pour la France et ses dépendances, en vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés par eux et cette resp Loge je proclame le F…. que vous voyez présent entre les deux colonnes, apprenti maç et en cette qualité Membre de la resp Loge n° ….constituée sous le signe distinctif de à l’Or de (in Ordo ab Chao, 1999 : 528)
A la gloire du Grand Architecte de l’Univers, au nom et sous les auspices des Souverains Grands Inspecteurs, véritables conservateurs de l’ordre, 33° et degré du Rite Ecossais Ancien Accepté, composant le Suprême Conseil du Saint-Empire pour la France et ses dépendances. En vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés par eux et par cette vénérable loge, je vous crée, reçois et constitue apprenti maçon, premier degré du Rite Ecossais Ancien Accepté, et membre de la vénérable loge symbolique constituée sous le n° 124 et le titre distinctif Le progrès de l’Océanie, à l’orient d’Honolulu dans les îles Sandwich.(in Collactanea, 1995 : 55)
L’instruction est d’un intérêt fondamental car elle démontre que l’influence « ancienne », si prégnante dans le « Guide », fut considérablement atténuée. Les questions-réponses ont été réécrites, pour les aligner sur la cérémonie mais aussi pour les adapter au goût du discours moralisateur si caractéristique de l’époque. La description de la réception est conforme aux péripéties vécues par le néophyte et les voyages décrits comme le passage du chaos à l’ordre et à la paix. La description de la loge apporte quelques précisions inédites :
Où travaillez-vous ?
Dans une loge.
Comment se nomme votre loge ?
Elle a pour nom générique la loge saint Jean ;
Que veut dire cette dénomination ?
Comme St Jean que les Anciens nommaient Janus semble garder les portes du ciel et les ouvrir à l’astre radieux du jour la route céleste que parcourt le soleil Phrase curieuse dont manquent sans doute un ou plusieurs mots. La traduction anglaise est tout aussi incorrecte. , fut nommé le temple ou l’empire de Janus ; de même aussi la loge où travaillent les maç Pour parvenir à la connaissance de la Vérité qui est la vraie lumière, a été nommée la loge St Jean parce qu’elle est l’image de l’Univers
Comment est construite votre loge ?
C’est un carré long, sa longueur s’étend de l’Est à l’Ouest, dont la largeur est du Nord au Sud, la hauteur de la terre au cieux, et la profondeur de la surface de la terre au centre.
Comment est couverte votre loge?
Par une voûte de couleur d’azur parsemé d’étoiles sans nombre, et où circulent le soleil et la lune, et d’innombrables globes qui se soutienne par leurs attractions pondérées.
Quels sont les soutiens de cette voûte ?
Douze belles colonnes.
La loge n’a-t-elle pas d’autres appuis ?
Elle est encore fondée sur trois piliers.
Quels sont-ils ?
Sagesse, Force, Beauté. Trois des principaux attributs de la Puissance Suprême.
Comment sont représentés dans la loge ces trois attributs de la puissance Sup?
Par trois grandes lumières
Comment sont placées ces trois grandes lum?
Une à l’Est, une à l’Ouest et la 3° au Sud. Ordo ab Chao, 1999 : 544-545.
Surprenante est l’introduction de notions « ésotériques » qu’on n’attendrait pas si tôt, l’allusion à Janus par exemple qu’on croirait empruntée à René Guénon ou encore la signification des colonnes de bronze du temple comme portes solsticiales :
Que signifie le porche ?
Il marque le point de l’Est où le soleil se lève sur l’hémisphère ; c’est aussi le symbole de l’initiation aux mystères de la maçonnerie.
Que signifient les deux piliers de bronze ?
Ils marquent les deux points solsticiaux que depuis des milliers de siècles l’étoile du matin n’a jamais encore traversé comme si elle était retenue par une barrière de bronze.
Remarquons aussi que les Grandes Lumières ne sont pas constituées par l’ensemble bible-équerre-compas, selon l’usage « ancien », mais par les trois chandeliers d’angle, sans cependant qu’elles ne renvoient au ternaire « moderne », soleil-lune-maître de la loge.
Le deuxième degré amène des modifications significatives. Une préface annonce la signification nouvelle des trois degrés, inconnue des Anciens comme des Modernes, les trois âges de l’homme et introduit « l’allégorie solaire ».
De même que le gr d’app est la figure de la jeunesse, de même aussi le gr de comp représente la société dans l’âge civil … On pourrait encore en suivant l’allégorie solaire, comparer le second deg de la Maç à cette précieuse partie de l’année qui se renferme entre les deux équinoxes du printemps de d’automne… Ibid. 1999 : 550.
Le schéma de la réception est inchangé : cinq voyages, sous la conduite de l’expert et non d’un diacre, précédant la découverte de l’Etoile Flamboyante, mais leur signification n’est plus celle du « Régulateur ». Certes, ils sont toujours marqués par le port des mêmes outils et représentent, comme par le passé, les années d’apprentissage, mais l’enseignement qui les accompagne ne porte plus sur la formation opérative. Au premier voyage, le candidat découvre les cinq sens et l’Etoile Flamboyante ; au deuxième les cinq ordres d’architecture Toscan, dorique, ionique, corinthien et composite. ; au troisième, les sept arts libéraux ; au quatrième, les globes terrestre et céleste ; au cinquième, l’unicité singulière de l’Etre Suprême, « créateur et conservateur de tout ce qui est », représenté par l’Etoile Flamboyante. L’instruction finale résume cet enseignement qui « représente les âges successifs de l’homme ou de la société ».
L’ouverture de la loge de maître ne prévoit plus de diacres. La loge est obscurcie et drapée de noir, éclairée seulement par « trois étoiles mystiques ». Le candidat est introduit à reculons et ne se retourne qu’après qu’ont été examinés ses mains et son tablier. Il gagne ensuite l’orient, par-dessus le cadavre et écoute la légende d’Hiram. Celle-ci est déjà simplifiée : il n’est plus fait allusion à un complot de 15 compagnons dont douze se retirent in extremis mais seulement des trois assassins ; le parcours est (pour la première fois ?) « solaire », de la porte de l’est à celle de l’ouest et, détail capital, l’obligation que trois soient réunis pour prononcer le mot a disparu. Ni la cérémonie ni l’instruction finale ne font allusion à une perte du mot et l’accent est mis sur la résurrection de l’architecte, assimilée au retour de la lumière. Lorsque le vénérable relève le candidat, il prononce ces paroles :
Dieu soit loué ! Le Maître est retrouvé, et il paraît aussi radieux que jamais.
(Après avoir conduit le néophyte à l’orient, il ajoute) Célébrons, mes Frères, par des acclamations de joie cet heureux jour qui ramène sur notre atelier attristé depuis si longtemps la lumière qui en paraissait bannie pour toujours ; notre Maître a revu le jour, il renaît dans la personne de notre Frère… Ibid. 1999 : 631-632.
L’instruction nouvelle ne laisse aucun doute sur la signification solaire de la légende :
Que signifie donc l’histoire d’Hiram ?
Je pense que, dans la vérité, cette histoire est une figure de la marche apparente du soleil dans les signes inférieurs pendant trois mois qui s’écoulent depuis l’équinoxe d’automne ; que ces trois mois sont les trois conspirateurs, causes immédiates de sa fin apparente au solstice d’hiver.
A quelles circonstances reconnaissez-vous cela ?
Le soleil, à cette époque de deuil pour toute la nature, paraît vouloir fuir à jamais notre hémisphère. Cependant il semble bientôt se relever, retourner vers l’équateur et reparaître dans tout son éclat. De même nous voyons notre vénérable maître Hiram retiré des bras de la mort et revenir à la vie.
5.3. La mutation naturaliste
Ces deux rituels témoignent d’un éloignement évident des usages « anciens », comme de la tradition française. Certes le schéma de base des cérémonies (introduction, voyages, serment, consécration, communication) est conforme au Guide mais des apports nouveaux l’en distinguent nettement.
Au 1er grade, la purification par l’eau s’ajoute à celle par le feu, ce qui ne manque pas de logique, d’autant que le Rite Français les connaissait depuis 1786 Notons que le rituel d’apprenti du Rite de Misraïm, daté de 1839, prévoit les épreuves da la terre (cabinet de réflexions), de l’eau (1er voyage), du feu (2ème voyage) et de l’air (3ème voyage). C’est à ma connaissance la première mention explicite des quatre éléments. Ce rituel mêle éléments du Guide (notamment les secrets « anciens ») et du Régulateur. Les diacres y sont nommés « lévites » (manuscrit 1207 de la bibliothèque de Toulouse, réédité dans Serge Caillet, 1994 : 35-75). .
Les enseignements distillés au candidat lors de ses cinq voyages au 2ème grade méritent qu’on s’y arrête. Les cinq sens et les sept arts libéraux ne posent guère problème : ils étaient déjà expliqués dans l’instruction d’apprenti de TDK comme dans celle du Guide et leur insertion dans la cérémonie de réception du compagnon n’était finalement qu’une modification scénique. Par contre, l’apparition des cinq ordres d’architecture et des deux globes était une innovation réelle dont l’inspiration doit être trouvée aux Etats-Unis. Elle se trouve en effet dans un ouvrage célèbre outre atlantique, le « Freemason’s Monitor or Illustrations of Masonry » de Thomas Smith Webb (1771-1819), ouvrage, publié pour la première fois en 1797, plusieurs fois réédité du vivant de l’auteur comme après son décès, qui exerça une influence considérable sur la mise en forme des cérémonies pratiquées aux Etats-Unis et valut à Webb le titre de « père du Rite Américain » Erronément appelé, aujourd’hui, « Rite d’York » en France. Rappelons que cette expression, aux USA, désigne un ensemble de grades additionnels au trois grades symboliques, du Mark Master au Knight Templar en passant par le Royal Arch et les degrés « cryptiques ». .
Or, dans l’ouvrage de Webb, les « Remarques sur le second discours » contiennent une « exhortation à l’initiation au second degré » Webb, 1797 : 61-84. , en deux sections. La première présente une dissertation sur les cinq ordres d’architecture des Anciens et sur les cinq sens ( par eux, l’homme peut découvrir la nature et la bonté divine). La seconde illustre et explique les sept arts libéraux et la doctrine des sphères, terrestre et céleste, dont la contemplation doit inspirer la révérence pour la divinité, tous éléments qui se retrouvent dans tous les rituels américains actuels, au deuxième degré, en des termes souvent identiques à ceux de Webb. C’est là, croyons-nous, qu’il faut chercher l’inspiration des réviseurs du rituel de compagnon du REAA.
Mais Webb lui-même n’inventait rien. En effet, on sait qu’il suivit fidèlement l’oeuvre d’un de ces prédécesseurs, l’écossais (mais londonien d’adoption) William Preston (1742-1818), dont les « Illustrations of Masonry » parurent en 1772, avant de nombreuses éditions ultérieures. C’est dans cet ouvrage que se trouve le texte que copia littéralement Webb. Il s’y intitule de même « Remarques sur le deuxième discours » et contient l’explication des cinq ordres d’architecture, des cinq sens, des sept arts libéraux et des globes Preston, 13° édition, 1821 : 47-67. Dans de nombreuses loges anglaise actuelles, les piliers supportant les « petites lumières » sont respectivement d’ordre ionique (pour le vénérable maître), dorique (pour le 1er surveillant) et corinthien (pour le 2ème surveillant). Quant aux globes, ils surmontent les colonnettes placées sur le plateau des deux surveillants. .
Essentielle, enfin, est l’interprétation nouvelle du mythe d’Hiram. Son thème-clef n’est plus la perte de l’ancien mot du maître dont il n’est plus fait mention, mais bien l’identification de l’architecte au soleil. Sa mort brutale devient une allégorie du déclin de l’astre du jour lors des trois mois d’automne et de sa disparition au solstice d’hiver, tandis que sa résurrection ultérieure, affirmée par le texte même de la cérémonie, illustre le retour de la lumière. Hiram devient ainsi un avatar de ces dieux proche-orientaux « qui meurent et renaissent », Mithra ou Adonis. Très curieusement, cette innovation avait été introduite par un réformateur qui était membre du Grand-Orient de France Contrairement à ce qu’on pourrait croire, cette mutation ne fut pas le fait du Rite de Misraim que ses fondateurs tentèrent d’implanter à Paris sous la Restauration. Le grade de maître y suit fidèlement le récit du Guide (Caillet, 1994 : 95-117). : Nicolas Chaales-Des Etangs (1766-1847). Vénérable de la loge parisienne Les Trinosophes, il avait publié en 1825 un long ouvrage intitulé « Le véritable lien des peuples ou la Franc-maçonnerie rendue à ses vrais principes », qui contenait des rituels réformés des trois grades symboliques, du Rose-Croix et du Chevalier Kadosch. Apôtre d’un modernisme romantique, d’un mysticisme intellectuel où les frères de toutes confessions pourraient se retrouver, il rêvait d’une maçonnerie où La Mecque, Genève, Rome et Jérusalem seraient confondus. Au grade de maître, Hiram devient le prête-nom d’Osiris ou du soleil. Frappé par l’Ignorance, le Mensonge et l’Ambition, il est découvert par les neuf maîtres envoyés à sa recherche qui constatent avec bonheur qu’il n’est pas mort :
C’est notre Maît ! s’écrièrent-ils ; c’est notre Maît ! » L’un d’eux voulut essayer de le soulever : mais son trouble fut si grand, qu’il s’écria que la chair quittait les os !…Et leur consternation fut extrême ! Cependant le Maît les entendait ; il n’était pas mort, il avait dormi seulement Souligné par moi. ;le repos avait guéri ses blessures, et se levant doucement à l’aide d’un Maç Fidèle, il leur dit : « cessez de pleurer ; ne craignez point. Vous m’avez cherché, vous m’avez trouvé. Me voilà ! ». Et son visage devint radieux comme le soleil. Des Etangs, 1825 : 99-100.
La lecture nouvelle de la légende d’Hiram lui enlevait son caractère d’origine. Son assimilation à un phénomène naturel transformait le mythe en une allégorie naïve. Il n’en est pas moins curieux de constater que cette mutation, proposée par un maçon du Rite Français, fut immédiatement adoptée par les tenants du REAA.
Un autre maçon célèbre du temps, Chemin-Dupontès Jean-Baptiste Chemin-Dupontès (1767-1850), écrivain et fondateur de la « théophilanthropie » (culte familial, déiste et humanitaire). Il fut membre de la Grande Loge Ecossaise des Propagateurs de la Tolérance, dépendant du Suprême Conseil d’Amérique, fut vénérable des Sept Ecossais Réunis (SCDF) en 1823, membre des Rigides Ecossais en 1827, puis de la loge Isis-Montyon (GODF) en 1835. En 1833, il préside la Chambre du Suprême Conseil des Rites du GODF. , membre des deux Rites, développa le thème naturaliste dans son « Cours Pratique de Franc-maçonnerie publié sur la demande et sous les auspices de la R?L? Isis-Montyon » (1841). La résurrection d’Hiram y devient « une fiction », par lesquelles la maçonnerie veut avertir ses disciples que beaucoup de faits de ce genre, contraires aux lois de la nature, ne sont que des symboles, des secrets que les Maç intelligents découvrent. L’immortalité et le génie, représentée par la lettre G, sont les deux objets principaux que le grade rappelle à l’attention du néophyte.
Dans toutes les initiations se trouve un personnage innocent arraché à la vie d’une manière barbare. Elles semblent avoir voulu nous familiariser avec la mort. Elle est en effet une grande leçon pour les vivans, et il est bon qu’ils en aient souvent l’image devant les yeux « Cours … », 1841 : 184. .
Mais l’immortalité d’Hiram est assurée :
Hiram, dont la substance corporelle est déjà en décomposition, se relève plein de force. Certes, on n’a pas voulu nous donner cette fiction comme une réalité. C’est donc un symbole, et un noble symbole, répondant bien à la fragilité de la nature humaine : c’est celui de l’Immortalité. « Cours… », 1841 : 186.
Et vient enfin l’apothéose naturaliste :
Sous le rapport astronomique, Hiram est l’emblème du soleil. Le mot Hiram marque l’élévation, et de là est venu celui de pyramide, en y ajoutant l’article oriental p. Hiram-Abi signifie père élevé; Adonhiram présente à peu-près le même sens, Adon, d’où l’on a fait Adonai, signifiant Seigneur. Comme la reconnaissance pour l’heureuse influence de l’astre vivifiant est la base générale des cultes anciens et modernes, soit directement, soit indirectement sous des formes symboliques, l’Arch ? du T? est le représentant du soleil, et pour ceux qui remontent jusqu’à son auteur, de Dieu lui-même, de Jéhovah, nom que l’on donnait au Grand-Etre, et au soleil, qui en est l’image sensible. La mort d’Hiram est donc comme celle d’Osiris, d’Iacchus, d’Hercule, de Mithra, et de bien d’autres, le symbole de la marche apparente du soleil, qui s’abaissant vers l’hémisphère austral, est dit figurément vaincu, pars suite de la même allégorie, comme le génie du mal. Mais il revient vers notre hémisphère : alors il est vainqueur, il est censé ressusciter. Aussi, dans les trav? de M?, le représentant d’Hiram se relève glorieux, et ces trav?, qui avaient commencé d’une manière lugubre finissent par un appareil d’éclat, et par des acclamations de triomphe et de joie. « Cours … », 1841 : 189-190.
Bref, la version « romantique » du REAA peut se résumer ainsi :
- Maintien des formes (disposition des colonnes, mots…) mais abandon partiel du fond du Rite
- ancien (Grandes Lumières, perte de l’ancien mot du maître, règle de trois …).
- Alignement sur le Rite Français (épreuves par les éléments).
- Emprunts aux rituels américains (les développements du 2ème degré).
- Déisme diffus et lecture naturaliste du mythe d’Hiram (allégorie solaire).
5.4. Les rituels de la Grande Loge de France de 1896.
L’histoire du Suprême Conseil de France, au cours du XIX° siècle, fut loin d’être paisible. Depuis qu’en 1821 il avait pris sous son obédience des loges bleues, il rencontrait l’opposition des maçons de base qui n’acceptaient pas la tutelle hiérarchique très lourde d’un organisme formé de membres cooptés à vie et nécessairement réactionnaires, par leur position sociale comme par leur âge. Cette opposition se manifesta à plusieurs reprises, par la création de l’éphémère Grande Loge Nationale en 1848, par celle du Comité Central du Rite Ecossais réformé en 1868, par celle enfin de la Grande Loge Symbolique Ecossaise (GLSE) en 1879. Dans tous les cas, le rejet des hauts grades et des structures oligarchiques fit l’unanimité. L’exigence démocratique se traduisit par l’apparition du slogan « le maçon libre dans la loge libre », imaginé au sein de la GLSE et destiné à faire recette.
Cette évolution alla de pair avec la tentation positiviste qui déborda largement le seul Grand-Orient. Les Maçons Ecossais attaquèrent aussi le Grand Architecte et proposèrent à la Grande Loge Centrale en 1868 sa suppression, ce qui fut accepté le 29 novembre 1869 par 26 voix contre 6. Le Suprême Conseil empêcha cette exécution mais la fronde continua. Le Grand Commandeur, Adolphe Crémieux crut trouver un accommodement en produisant fin 1873 un décret qui se voulait conciliant :
Le Suprême Conseil
Considérant que comme témoignage de la communauté des sentiments qui unissent tous les maçons, il convient d’affirmer la devise maçonnique : Liberté, Egalité, Fraternité ;
Considérant en outre qu’il est de l’intérêt du rite de ramener l’intitulé des planches à une formule uniforme :
Décrète
Toutes les pl Maç devront à partir de la date du présent décret, porter l’en-tête suivant
A.L.G.D.G.A.D.L’U.
Au nom et sous les auspices du Suprême Conseil pour la France et ses dépendances
Le nom de l’At et son numéro
Liberté, Egalité, Fraternité.
Si elles avaient fonctionné sur un mode démocratique, les loges Ecossaises auraient supprimé l’évocation du GADLU dès 1869, décision que ne prit jamais le GODF qui se contenta de la déclarer facultative le 26 octobre 1878 Le convent de septembre 1877 supprima de l’article 1er des Constitutions du GODF l’obligation de la croyance en Dieu et l’immortalité de l’âme. Le GADLU ne fut pas évoqué. . Le Suprême Conseil ne put s’y résoudre et, au contraire, adopta la résolution du convent des Suprêmes Conseils, tenu à Lausanne en septembre 1875, qui prévoyait :
La franc-maçonnerie proclame, comme elle l’a proclamé dès son origine, l’existence d’un principe créateur, sous le nom du Grand Architecte de l’Univers.
La création, le 20 novembre 1879, de la Grande Loge Symbolique Ecossaise, résolument démocratique et libre penseuse, hostile aux hauts-grades et se limitant aux trois premiers grades symboliques, vint mettre un point d’orgue à ces dissensions. Comme de juste, cette nouvelle obédience supprima toute référence au GADLU.
De longues et difficiles négociations furent nécessaires pour qu’enfin le Suprême Conseil accorde leur autonomie aux loges de sa dépendance (8 novembre 1894) et que celles-ci se constituent en Grande Loge de France (23 février 1895). L’année suivante, le 18 décembre 1896, ce nouvel organisme fusionna avec la Grande Loge Symbolique (devenue « de France » en 1894), donnant ainsi naissance à l’actuelle Grande Loge de France. Dans tout cela, il fut peu question des rituels qui n’étaient guère sujet de débat parmi les maçons français de l’époque. Soulignons sans plus que jamais la pratique du REAA ne fut remise en cause par la GLSE qui, pour révolutionnaire qu’elle fût, affirma toujours son attachement à l’écossisme La Grande Loge Symbolique Ecossaise permettait néanmoins à ses loges d’utiliser le rituel de leur choix, Rite Français ou REAA. .
Je ne dispose pas, hélas, de rituels de la GLSE, sinon du « Rituel Interprétatif pour le grade d’Apprenti » rédigé pour la loge Le Travail et les Vrais Amis Fidèles par Oswald Wirth (1893). Mais ce document, qui introduisit les interprétations alchimiques si chères à de nombreux maçons contemporains, est trop atypique pour servir utilement au débat. Par contre, je possède deux rituels imprimés dont l’un porte en page de garde l’inscription, « Rite Ecossais Ancien et Accepté. Sup Cons Mots biffés et remplacés, à la main, par « Grande Loge ». pour la France et ses dépendances. Rituel des trois premiers degrés symboliques de la Franc-maçonnerie Ecoss » (ci-après SC) ; l’autre, « Rite Ecoss Anc Acc Rituel des trois premiers grades symboliques de la franc-maçonnerie Ecoss » (ci-après GL). Le second fut « remis par la G Loge de France à la R Loge installée sous le titre distinctif Galileo Galilei (écrit à la main) à l’Or de Paris le 9 juillet 1904 (idem) et immatriculée sous le n° 359 (idem) au registre général des ateliers du Rite ». Le premier fut « remis par le Suprême Conseil Même modification. de France à la R Loge installée sous le titre distinctif La Nouvelle Jérusalem (écrit à la main) à l’Or de Paris ( idem) immatriculée sous le n° 376 ( idem)». L’un est donc antérieur, l’autre postérieur à la création de la Grande Loge. Bien peu de choses les séparent.


5.4.1. Le grade d’apprenti.
La décoration de la loge est identique dans les deux rituels. Sont décrits les tentures (rouges), la houppe dentelée, les colonnes d’occident, la place des surveillants (le 2ème au sud, le 1er au N.O.), le dais d’orient avec le « delta transparent dans lequel on lit, en caractères hébraïques, le nom du Grand Architecte de l’univers », le soleil et la lune au mur d’Orient, l’autel du vénérable avec un compas, une équerre, un maillet, une épée nue et les Constitutions. Les trois « lumières » (les chandeliers) sont placées « l’une à l’Est vers le Sud. Deux à l’Ouest, l’une vers le Sud et l’autre vers le Nord ». Le rituel GL ajoute :
En outre, et lorsqu’il s’agira d’une tenue d’initiation, on placera devant l’hospitalier un (sic) cartouche sur lequel seront écrits ces mots : la terre, L’air, l’eau, le feu. On pourra suivre ainsi les péripéties de l’initiation. Le néophyte, après avoir reçu la lumière, saisira le sens des allégories qui ont dû le frapper. Les FF sur les colonnes comprendront mieux la filiation si remarquable des études successives par lesquelles la Maçonnerie fait passer les Apprentis et les Compagnons. Au 1er degré la lutte avec la nature, l’étude des forces naturelles pour arriver ensuite au 2ème degré à l’étude de l’homme, au connais-toi toi-même des Sages de l’Antiquité.
L’ouverture est très simple, prévoyant seulement la vérification de la couverture (extérieure) de la loge et de la qualité maçonnique des assistants (les diacres ont disparu). Dans les deux rituels, les travaux sont ouverts à la gloire du Grand Architecte de l’univers Biffé dans SC. mais la batterie, Houzay-Houzay-Houzay, Biffé dans SC. Le 3 mars 1903, la tenue de Grande Loge décida que la formule du Grand Architecte figurerait sur les rituels mais les loges seraient libres d’un user ou non (Compte-rendu des travaux du Conseil fédéral, janvier-avril 1903 : 21-24, in F. Rognon, 1994 :71 ). est suivie du ternaire républicain dans GL. Le ternaire est ajouté à la main dans SC. .
Le candidat est dépouillé de ses métaux et préparé (sans habit, le pied gauche en pantoufle, les yeux bandés) par l’expert et son testament remis au maître des cérémonies. Suivent la présentation du candidat à la porte, l’interrogatoire d’identité et l’introduction sur la pointe de l’épée de l’expert.
A peine admis, le candidat est interrogé sur la liberté, la morale, la vertu, le vice en des termes qui ne diffèrent guère de ceux du « Guide ». Il lui est ensuite demandé un premier serment sur la coupe des libations. Les trois voyages sont conduits par l’expert et rythmés par les trois « obstacles » classiques depuis le TDK. Le deuxième est suivi par la purification par l’eau, le troisième par les flammes, le tout ponctué par des discours sentencieux du vénérable. Viennent alors l’épreuve de la saignée et celle de la bienfaisance, puis la montée à l’orient par les trois pas d’apprenti. L’obligation est prise debout, la main droite sur les Statuts généraux de l’Ordre, la main gauche supportant le compas. Elle comprend les mots « en présence du GADLU » et la pénalité traditionnelle. Ramené entre les colonnes, le néophyte reçoit la lumière, en un temps, dans le cercle des épées. Il est ensuite « créé, reçu et constitué apprenti maçon, 1er degré du REAA « Au nom du Suprême Conseil » dans SC, « Au nom de la Grande Loge de France » dans GL. » par trois coups de maillet sur l’épée placée sur sa tête. Les secrets sont très normalement ceux du Rite ancien.
Ajout important : le discours de l’orateur est précédé dans GL par un commentaire du vénérable sur « les quatre éléments des anciens » qui commencent par ces mots :
Autrefois, le candidat à l’initiation subissait les épreuves terribles de ces quatre éléments, la Terre, l’Air, l’Eau et le Feu.
Ce système de l’initiation antique, qui est contredit dans ses développements par la science moderne, n’est accepté par nous que comme une tradition symbolique, montrant le néophyte en lutte avec les forces de la nature…
Il se poursuit par des considérations très banales sur la composition de l’air, les états physiques de l’eau et la combustion de l’oxygène, sans allusion quelconque à l’alchimie.
Par contre, le rituel SC contient en annexe une prière (rageusement biffée d’ailleurs), dite « Actions de grâces pour les jours de réception seulement » :
Grand Architecte de l’Un, les ouvriers de ce Temple te rendent leurs actions de grâces et rapportent à toi ce qu’ils ont fait de bon, d’utile et de glorieux dans cette journée solennelle où ils ont vu s’accroître le nombre de leurs frères. Continue de protéger leurs travaux et dirige -les constamment vers la perfection.
Que l’harmonie, l’union et la concorde soient à jamais le triple ciment de leurs œuvres.
Et vous, prudence, discrétion, modeste aménité, soyez l’apanage des Membres de cet At et que rentrés dans le monde, on reconnaisse toujours, à la sagesse de leurs discours, à la convenance de leur maintien et à la prudence de leurs actions, qu’ils sont les vrais enfants de la lumière.
Cette prière mise à part, ne subsistent du Rite ancien que l’entrée sur la pointe de l’épée, les obstacles rencontrés au cours des voyages et les secrets du grade, le tout noyé dans un déluge verbal dont le Guide déjà avait donné l’exemple.
5.4.2. Le grade de compagnon.
Il débute par un avant-propos très comparable à celui du Progrès de l’Océanie, évoquant à la fois les deux âges de l’homme et l’allégorie solaire.
Les observations préliminaires prévoient quatre cartouches portant les noms des cinq sens, des quatre ordres d’architectures, des arts libéraux et des philosophes (Solon, Socrate, Lycurgue, Pythagore et, dans SC seulement, INRI). Au milieu de la loge, vers l’est, se trouvent deux sphères, placées sur « l’autel du travail » et, à l’est, une étoile Flamboyante ayant au centre la lettre G.
Après l’ouverture, le candidat est introduit et interrogé par l’expert sur quelques questions de l’instruction d’apprenti. Après avoir écouté un discours du vénérable lui apprenant qu’au grade précédent on lui a ouvert a porte des sciences et fait de lui un homme nouveau, il effectue cinq voyages sous la conduite de l’expert. Comme c’était le cas au progrès de l’Océanie, il découvre successivement les cinq sens, les quatre ordres d’architecture et les sept arts libéraux, commentés avec plus ou moins de bonheur par le vénérable Ces commentaires sont nettement plus courts dans GL. . Au quatrième voyage, il rencontre les philosophes cités plus haut. Les mots INRI, omis dans GL, sont commentés de la sorte dans SC :
INRI. Ces quatre lettres ne sont point un nom, mais l’inscription mise sur la croix du Christ, et d’après la légende chrétienne, elles signifieraient « Jesus Nazarenus Rex Judeorum ». Jésus est adoré comme un Dieu par les chrétiens, il doit être respecté comme un sage par les philosophes. Sa doctrine, essentiellement humanitaire, pourrait se résumer en ces mots : « Aimez-vous les uns les autres ». Il fut crucifié pour sa morale et ses enseignements, qui depuis ont rempli le monde.
Cela prouve que la force ne peut rien contre le Droit et la Vérité.
Le cinquième voyage exalte la Liberté mais rappelle aussi la nécessité du travail. Avant l’obligation, le vénérable prononce une ode au travail qui se terminent par ces mots :
Sois glorifié ! ô travail, sois béni par les enfants de la veuve pour tes présents du passé, et sois béni pour tes bienfaits de l’avenir.
(levant la main) Gloire au travail.
Tous les FF présents lèvent la main et répètent :
Gloire au travail.
La lettre G est découverte lors du premier et du troisième voyage, lorsque est commentée la géométrie. L’instruction du grade donne cette explication qui enlève à la lettre G toute dimension métaphysique :
On voit briller à l’est une étoile dont les cinq points figurent les sens ; elle se nomme l’Etoile flamboyante.
Cette Etoile Symb ne contient-elle aucun autre emblème ?
On voit au milieu la lettre G, qui signifie Géométrie, l’une des sciences les plus élevées qu’ait produites le génie de l’homme. C’est pourquoi je vois encore dans cette lettre le symb par excellence de l’intelligence humaine.
5.4.3. Le grade de maître.
La loge est tendue de noir, éclairée seulement par « trois étoiles mystérieuses », comme c’était déjà le cas en 1843. Les maîtres portent (pour la première fois ?) un cordon bleu moiré liseré de rouge et un tablier blanc bordé de rouge, portant au milieu les lettres M. et B. brodées en rouge. Ils sont couverts, « les bords (de leur chapeau) avancés sur les yeux en signe de détresse ». Le Très Respectable est assis au-devant de l’autel, au pied des marches.
Le candidat est introduit, à reculons, par deux experts. Soupçonné du meurtre d’Hiram, il est disculpé par l’examen de ses mains et de son tablier. Il est ensuite interrogé sur sa conception du droit, de la justice et de la loi naturelle avant d’être retourné vers l’est et de découvrir le pseudo-cadavre. Il gagne ensuite l’orient en enjambant la tombe et écoute la légende du grade. Conforme à la version du Progrès de l’Océanie, elle voit Hiram gagner successivement les portes de l’est, du sud et de l’ouest où il reçoit le coup fatal.
La suite est classique : le candidat est étendu sur le cercueil et couvert du drap noir avant d’être relevé par le très respectable et les deux surveillants, relèvement qui est plutôt une résurrection comme l’attestent les premiers mots que prononce le très respectable :
Célébrons, mes FF, par des acclamations de joie, cet heureux jour qui ramène sur notre At attristé depuis si longtemps la lumière que nous croyions à jamais perdue. Notre Maître a revu le jour, il renaît dans la personne du F N…
Retour de la lumière, sinon du soleil, tel est donc le fin mot du mythe d’Hiram. L’instruction va plus loin encore et ajoute à l’ordalie de l’architecte une inattendue réminiscence chrétienne :
Que signifie donc l’histoire d’Hiram ?
Je pense que, dans la vérité, cette histoire est une figure de la marche apparente du soleil dans les signes inférieurs pendant trois mois qui s’écoulent depuis l’équinoxe d’automne ; que ces trois mois sont les trois conspirateurs, causes immédiates de sa fin apparente au solstice d’hiver.
A quelles circonstances reconnaissez-vous cela ?
Le soleil, à notre époque de deuil pour toute la nature, paraît vouloir fuir à jamais notre hémisphère ? Cependant il semble bientôt se relever, retourner vers l’équateur et reparaître dans tout son éclat. De même nous voyons notre R M Hiram retiré des bras de la mort et revenir à la vie…
Comment, dans nos mystères, se fait la résurrection d’Hiram ?
Par le concours de trois Maîtres éclairés.
Dites-moi comment ils s’y prennent ?
Le Maître et les deux Surveillants vont pour relever Hiram et le retirer du tombeau ; l’un d’eux en lui prenant la main avec l’attouchement d’App sent qu’il lui échappe, parce que la chair quitte les os ; le second le prenant avec l’attouchement de Compagnon ne réussit pas davantage ; mais ayant réuni tous les trois leurs efforts ils parviennent à le mettre debout, et saluent avec joie son retour à la vie.
Que signifie cela ?
C’est l’image des trois premiers jours qui suivent le solstice pendant lesquels les anciens ont dû être incertains sur la marche qu’allait suivre l’astre lumineux, car ce n’est qu’au troisième jour que l’on reconnaît visiblement son retour apparent vers l’hémisphère supérieur.
La dernière réplique est exemplaire : la mort d’Hiram, personnification du soleil, est suivie de trois jours d’incertitude qui précèdent sa réapparition. Nous avons vu que l’architecte s’avérait un des ces dieux proche-orientaux qui meurent et renaissent, nous constatons ici qu’il vit, à mots voilés, la passion du christ et son séjour aux enfers avant sa résurrection le troisième jour !
Mais là ne s’arrête pas la surprise. La cérémonie se termine par un long discours du très respectable, directement inspiré de « L’histoire de la reine du matin et de Soliman prince des génies », de Gérard de Nerval Récit publié dans « Voyage en Orient », paru en 1851. , sans que la source en soit citée.
Discours du très respectable |
Nerval Gérard de Nerval, OEuvres II, bibliothèque de la Pléiade, 1961, 531-533. Nerval n’était pas franc-maçon. |
A l’heure indiqué, le Maître se dirige vers l’entrée du temple ; il s’adosse au portique extérieur, et se faisant un piédestal d’un bloc de granit, il jette un regard assuré sur la foule convoquée puis se dirige vers le centre des travaux. A un signe d’Hiram, les flots de cet océan humain pâlissent et tous les visages se tournent vers lui.Le Maître alors lève le bras droit, et de sa main ouverte, il trace en l’air une ligne horizontale, du milieu de laquelle il fait tomber une ligne perpendiculaire figurant deux angles droits en équerre, signe auquel les Syriens reconnaissent la lettre T.
A ce signe de ralliement, la fourmilière humaine s’agite, comme si une trombe de vent l’avait bouleversée. Puis les groupes se forment, se dessinent en lignes régulières et harmonieuses, les légions se disposent, et ces milliers d’ouvriers, conduits et dirigés par des chefs inconnus, se partagent en trois corps principaux, subdivisés chacun en trois cohortes distinctes, épaisse et profondes où marchent : 1° les Maîtres, 2° les Compagnons, 3° les Apprentis.
Devant cette force inconnue qui s’ignore elle-même, Salomon a pâli ; il jette un regard effaré sur le brillant mais faible cortège des prêtres et des courtisans qui l’entourent…
Eh quoi ! se dit Salomon, un seul signe de cette main fait naître ou disperse des armées ? |
A ces mots, Adoniram, s’adossant au portique extérieur et se faisant un piédestal d’un bloc e granit qui se trouvait auprès, se tourne vers cette foule innombrable ,sur laquelle il promène ses regards. Il fait un signe, et tous les flots de cette mer pâlissent, car tous ont levé et dirigé vers lui leurs clairs visages…Adoniram lève le bras droit, et, de sa main ouverte, trace dans l’air une ligne horizontale, du milieu de laquelle il fait retomber une perpendiculaire, figurant ainsi deux angles droits en équerre comme les produit un fil à plomb suspendu à une règle, signe sous lequel les Syriens peignent la lettre T, transmise aux Phéniciens par les peuples de l’Inde, qui l’avaient dénommée tha, et enseignée depuis aux Grecs, qui l’appellent tau.
Aussi, à peine Adoniram l’a-t-il tracée dans les airs qu’un mouvement singulier se manifeste dans la foule du peuple. Cette mer humaine se trouble, s’agite, des flots surgissent en sens divers, comme si une trombe de vent l’avait tout à coup bouleversée… Bientôt des groupes se dessinent, se grossissent, se séparent ; des vides sont ménagés, des légions se disposent carrément ; une partie de la multitude est refoulée ; des milliers d’hommes, dirigés par des chefs inconnus, se rangent comme une armée qui se partage en trois corps principaux subdivisés en cohortes distinctes, épaisses et profondes…
Au centre on reconnaît les maçons et tout ce qui travaille la pierre : les maîtres en première ligne ; puis les compagnons, et derrière eux les apprentis…
Troublé, Soliman recule de deux ou trois pas ; il se détourne et ne voit derrière lui que le faible et brillant cortège des prêtres et de ses courtisans…
« Quel est donc, se demandait Soliman rêveur, ce mortel qui soumet les hommes comme la reine commande aux habitants de l’air ?…Un signe de sa main fait naître des armées : mon peuple est à lui, et ma domination se voit réduite à un misérable troupeau de courtisans et dei prêtres. Un mouvement de ses sourcils le ferait roi d’Israël ». |
Et le récit se termine, dans le rituel, par une conclusion bien dans l’air du temps : « Salomon était obligé de reconnaître une force nouvelle à côté de laquelle jusqu’alors il était passé sans même la soupçonner. Cette puissance, c’était le PEUPLE ».
6. Ultimes avatars du REAA au XX° siècle.
Le rituel de la GLDF de 1952 « Le REAA à travers les âges », in l’Union Maçonnique, 4ème année, sans date mais postérieur à 1962. apporte quelques modifications aux dispositions antérieures qui témoignent surtout du désir de cette obédience de s’aligner sur l’exemple britannique.
L’autel est dit « autel des serments ». Le plateau du vénérable, situé au pied des marches d’Orient, supporte les Constitutions d’Anderson de 1723 et la Constitution de la GLDF, ouverte, sur laquelle sont placés une équerre et un compas. Au mur d’Orient se trouve le delta portant, en lettres hébraïques, le tétragramme.
Pour la première fois, au REAA, apparaissent la reconnaissance des assistants par les deux surveillants, déambulant le long des colonnes La reconnaissance des « colonnes » se faisait déjà lors de l’ouverture de la loge d’apprenti au Rite de Misraïm en 1839 (Caillet, 1994 : ). , et l’allumage rituel des flambeaux L’allumage rituel des flambeaux n’avait jamais été pratiqué jusque là au REAA, ni au rite Français d’ailleurs. Seul le connaissait le rite Ecossais Rectifié depuis la rédaction par Willermoz de la version finale des grades bleus de ce Rite (circa 1787). Il était emprunté aux Elus Coens de Martinez de Pasqually. : le maître des cérémonies les allume tandis que le vénérable et les deux surveillants prononcent les mots « sagesse » (vénérable), « force » (1er surveillant) et « beauté » (2ème surveillant). Les voyages du candidat, qui n’a pas été « préparé » physiquement, sont marqués par les purifications par les éléments (successivement l’air, l’eau et le feu).
La version de 1962 entérine une modification de taille. En effet, en 1953, le convent de la Grande Loge de France, dans l’espoir qui ne se réalisera jamais d’obtenir la reconnaissance britannique, avait adopté une motion décidant :
que les Obligations seront prêtées sur l’Equerre et le Compas et un livre de la Loi Sacrée, ce dernier étant considéré sans aucun caractère religieux particulier, comme symbole de la plus haute spiritualité dont s’inspire le Maçon qui s’engage à oeuvrer éternellement à dégager l’Ordre du chaos J.Corneloup . Universalisme et Franc-maçonnerie. Hier et aujourd’hui. 1964 : 94. .
Les « trois Grandes Lumières » furent donc replacées sur l’autel des serments, tandis que la patente de constitution était exposée devant le plateau du vénérable, l’œil symbolique remplaçant le tétragramme dans le delta. Lors de l’allumage des chandeliers, il fut spécifié qu’il s’agissait des « petites lumières » et c’est un ancien vénérable qui devait ouvrir la bible, sous l’équerre formé par la canne et l’épée du maître des cérémonies et de l’expert, comme il le fait en Angleterre sous les cannes des diacres « Deacons », erronément traduit par « experts » dans la version française du Rite Emulation en usage à la GLNF. . Après plus d’un siècle, le REAA retournait à la tradition « ancienne » de la maçonnerie britannique.
Dans cette même version, le candidat, dépouillé de ses métaux et partiellement dévêtu, porte la corde au cou, autre usage britannique. La lumière est donnée en deux temps : dans le cercle des épées au premier temps avec la scène du parjure, dans la chaîne d’union au second.
Restent constants certains ensembles symboliques du REAA d’origine : les colonnes B au N.O. et J au S.O. (ancienne), la disposition des chandeliers (écossaise), la place des officiers, la couleur rouge, la marche du pied gauche…
En 1965, le REAA fut apporté à la GLNF, qui ne connaissait jusque là que le « Rite Emulation » et le Rite Ecossais Rectifié, par des transfuges de la GLDF, dans des circonstances dramatiques qui ont fait couler beaucoup d’encre mais sortent de notre propos. Très naturellement, les rituels n’en furent guère affectés, le gros du travail étant déjà réalisé.
Le rituel dit « Cerbu », aujourd’hui en usage à la Grande Loge Nationale Française, prévoit, lors de l’ouverture des travaux, que le vénérable allume l’Etoile portée par la colonnette ionique (au S.E.) en disant : « Que la Sagesse préside à la construction de notre édifice » ; le 1er surveillant allume l’étoile de la colonnette dorique (S.O.), en disant « Que la Force la soutienne » ; le 2ème surveillant allume l’Etoile de la colonnette corinthienne (N.O.), en disant « Que la Beauté l’orne » Le recours aux ordres d’architecture est très significatif. C’est à la fois une copie de l’usage anglais, décrit plus haut, et le signe visible que les piliers et les lumières sont confondus au REAA. . Le candidat, introduit sur la pointe de l’épée, prête un premier serment après avoir entendu la lecture de la règle en douze points de la GLNF qui remplace la question-test de la croyance en Dieu. Suivent les 3 voyages et les purifications par l’air, l’eau et le feu, l’épreuve de la terre étant symbolisée par le séjour dans le cabinet de réflexions. La lumière est donnée en deux temps au candidat debout à l’occident, la première fois dans le cercle des épées (sans la scène du parjure), la seconde fois dans la chaîne d’Union. Le serment est prêté avec le compas sur le cœur et la consécration est faite par trois coups de maillet sur l’épée placée sur la tête.
Les cinq voyages du compagnon amènent la présentation successive des cinq sens, des cinq ordres d’architecture, des sept arts libéraux et des deux sphères, terrestre et céleste. Le denier voyage se termine par la glorification du travail (les philosophes ont disparu). La réception se termine par un emprunt compagnonnique totalement inédit Je ne sais ni quand ni ou cet épisode fut introduit. Notons qu’il est de pratique constante, depuis les années 1960, dans les loges belges travaillant au rite moderne, sans distinction d’obédience. : les nouveaux compagnons, munis d’un bissac, d’un quignon de pain et d’une canne enrubannée, sont accompagnés jusqu’à la porte de la loge par le vénérable. Très curieusement la lettre G n’apparaît pas dans la cérémonie, bien qu’elle soit citée dans l’instruction :
Pourquoi vous êtes-vous fait recevoir compagnon ?
Pour connaître la lettre G.
Que signifie cette lettre ?
Le G A D L U, ou bien celui qui é été élevé jusqu’au faîte du Temple. Cette lettre signifie aussi Géométrie et peut recevoir d’autres interprétations nombreuses.
Au 3° grade, un voile noir, placé à la hauteur des marches de l’Orient, isole le Debhir du Hikal. Cette disposition, inconnue des rituels du début du siècle est d’autant plus surprenante qu’elle semble bien un emprunt supplémentaire au Rite Français du XIX° siècle : le voile apparaît en effet dans les rituels réformés en 1858 sous la grande maîtrise du prince Murat Lucien Charles Murat (1803-1878), fils de Joachim Murat et de Caroline Bonaparte, Grand Maître du Grand-Orient de France de 1852 à 1861. .
Le rituel conserve quelques unes des particularités « romantiques » que nous avons décrites. Ainsi le symbolisme solaire n’a pas entièrement disparu et le thème de la résurrection est toujours bien présent. Lorsqu’il découvre le cadavre, le vénérable dit :
On croirait qu’il respire encore. Son noble visage, respecté par la mort, exprime le calme de la conscience et la paix de l’âme, tant l’empreinte de la vertu était profondément gravée sur ses traits.
Et, après le relèvement :
Gloire au G A D L U, le M est retrouvé et il reparaît aussi radieux que jamais.
Interprétation naturaliste que vient confirmer l’instruction :
…Le Tombeau d’Hiram renferme toutes les traditions perdues. Mais Hiram ressuscitera…
Comment, dans nos mystères, s’opère la résurrection d’Hiram ?
Par le concours de trois MM Maç éclairés et fidèles…
Quelle peut donc être la signification (de la fin d’Hiram) ?
Envisagé comme Rite Solaire, le drame d’Hiram peut se référer à la marche apparente du soleil : les trois meurtriers seraient alors les trois derniers mois de l’année, pendant lesquels le Soleil descend dans les Signes Inférieurs et semble fuir à jamais notre hémisphère. Cependant, après le Solstice d’Hiver, on le voit se relever et bientôt il reparaît dans tout son éclat. De manière analogue, nous voyons notre R M Hiram sortir de son tombeau et revenir à une vie nouvelle.
Rien dans la cérémonie ne rappelle la perte de l’ancien mot du Maître. Par contre l’instruction réintroduit le thème essentiel de la perte et du choix d’un mot substitué :
Comment voyagent les MM Maç ?
De l’Or à l’Occ et de l’Occ à l’Or et par toute la Terre.
Dans quel but ?
Pour chercher ce qui a été perdu, rassembler ce qui est épars et répandre partout la Lumière.
Qu’est-ce qui a été perdu ?
Les secrets véritables des MM MM
Comment ont-ils été perdus ?
Par « Trois Grands Coups », qui ont causé la fin tragique de notre R M Hiram.
Ce retour, un de plus, à la tradition « ancienne » Retour marqué également la communication du mot de passe des 2ème et 3ème degrés avant la cérémonie de réception. si longtemps négligée, est certes heureuse. Encore faut-il souligner qu’elle n’est qu’un emprunt de plus à un rituel britannique. En effet, lors de la cérémonie d’ouverture au 3ème degré, le vénérable anglais et les deux surveillants échangent le dialogue suivant :
Bro. J.W., as a M.M., whence come you ?
From the E., W.M.
Bro S.W. whither directing your course ?
Towards the W., W.M.
What induced you to leave the E. and go to the W. ?
To seek for that which is lost, which, by your instruction and our own endeavours, we hope to find.
What is that which is lost ?
The genuine secrets of a M.M.
How came they lost ?
By the untimely death of our Master, H.A.
Ainsi le REAA renoue-t-il avec ce qui le caractérise depuis l’origine : le syncrétisme et l’addition de traditions diverses. Après les influences britanniques et américaines relevées plus haut, en voici d’autres, d’origines hollandaise, compagnonnique et « Emulation ».
L’autre rituel utilisé à la GLNF est appelé « 1802 ». Il diffère peu du « Cerbu ». Comme lui, il comporte les épreuves par les éléments au 1er grade, « le juge suprême » et la conduite compagnonnique au 2ème grade. Les cinq sens, les ordres d’architecture et les arts libéraux sont présentés, mais sans commentaire cette fois, lors des voyages du compagnon. Les globes ont disparu mais le Travail, présenté comme une mission, voire une religion, est toujours bien présent au dernier voyage.
Comme dans le « Cerbu », la loge de maître est divisée en deux compartiments par un voile noir et elle n’est éclairée que par une seule lumière Rappelons qu’aux rites hérités du xviii° siècle (Français, écossais philosophique et écossais rectifié), la loge est éclairée par neuf lumières, allusion aux neuf maîtres envoyés à la recherche d’Hiram. portée par la colonnette ionique du vénérable. Le récit du drame, au cours de la cérémonie, reste bien dans l’optique naturaliste précédemment décrite (ce qui suffit à rendre anachronique la date « 1802 » indûment attribuée à ce rituel). Nulle mention n’y est faite de la perte du mot du maître. Quant à l’instruction, elle reprend l’explication allégorique d’Hiram, image du soleil, avant de poursuivre par les dialogues extraits du rituel Emulation et cités plus haut qui explicitent le thème de la perte du mot.
7. Remarques finales.
Les grades bleus du REAA ne constituent pas un ensemble monolithique et immuable. Apparus dans un contexte maçonnico-politique précis, la période napoléonienne, ils subirent des changements successifs jusqu’à rendre méconnaissable leur version d’origine. Loin de témoigner d’une tradition « de temps immémorial », ils furent sans cesse remaniés et adaptés au goût du temps, ce qui explique qu’aujourd’hui s’en réclament des loges qui utilisent des rituels très différents, diversité qu’explique l’histoire interne, si souvent négligée, des rituels eux-mêmes.
Dans le cas du REAA, on peut reconnaître, sans simplification abusive, trois époques successives.
La première, disons « impériale », est marquée par un alignement, qu’on peut trouver excessif, sur l’exemple « ancien » des Britanniques, alignement qu’explique seulement la volonté de se démarquer du GODF. Le résultat, officialisé par le Guide des Maçons, devait s’avérer impraticable dans la mesure où cet alignement allait de pair avec le maintien d’usages français empruntés au Rite du même nom ou au Rite Ecossais Philosophique. La volonté d’inclure dans un décor « Ecossais » une rituélie « ancienne » impliquait des entorses aux deux traditions qui se voyaient, par la force des choses, partiellement dénaturées.
La deuxième époque, « romantique », vit l’abandon relatif de la tradition ancienne dans le cérémonial utilisé qui ne subsista que dans diverses péripéties de l’initiation, dans la disposition des colonnes d’occident et la répartition des mots, sacrés ou « de passe ». Les rituels du Suprême Conseil des années 1829-1842 sont exemplaires de cette évolution. Le squelette des cérémonies reste celui du Guide : entrée sur l’épée, interrogatoires, voyages, obligation, consécration et communication des secrets « anciens ». La décoration de la loge reste marquée de la double influence, ancienne et écossaise. Mais l’esprit en est considérablement modifié : l’introduction des « éléments » au 1er degré permettra bientôt l’interprétation alchimique qui sera développée par Oswald Wirth, Jules Boucher et leurs émules, les commentaires des voyages du second degré introduisent des considérations pseudo-philosophiques inspirées du positivisme d’Auguste Comte, l’accent mis sur la nécessité du travail et la volonté populaire témoignent de préoccupations sociales très éloignées de la tradition maçonnique. Le plus significatif reste la mutation du mythe hiramique, devenu allégorie naturaliste, et l’occultation complète du thème de la perte de l’ancien mot du maître. Très caractéristique également est la disparition de la bible Mais non du GADLU ! qui ne devait réapparaître qu’après la seconde guerre mondiale, pour des raisons politiques : le désir de se conformer aux exigences britanniques des {Aims and Relationships of the Craft} de 1938-1949, dans l’espoir, vite déçu, de voir la Grande Loge de France reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre.
La dernière époque, contemporaine, vit un retour au spiritualisme conforme aux exigences anglaises, sans cependant que disparaisse entièrement le naturalisme naïf de l’ère romantique, toujours perceptible malgré quelques adaptations de surface. L’ensemble pêche, reconnaissons-le, par une certaine incohérence d’autant que cette dernière évolution amena aussi des emprunts inattendus à des traditions parallèles, Rite Français, « Rite » Emulation, influence compagnonnique.
7.1 Les trois lectures de la légende d’Hiram.
Dans les divulgations françaises du XVIII° siècle, dont le paradigme reste « L’Ordre des Francs-Maçons trahi… » de 1745, le thème hiramique était en fin de compte celui de l’union mystique de l’impétrant avec Dieu. Il n’est pas inutile de souligner que le Maître Hiram, assassiné dans les circonstances que l’on sait, est mort et bien mort, comme l’atteste son inhumation ultérieure. C’est le candidat, et lui seul, qui est « relevé » du tombeau et donc « renaît » par l’action conjointe du Vénérable Maître et des deux Surveillants. Mais si « renaissance » ou « résurrection » il y a, elle se déroule dans des circonstances très particulières : le tombeau dans lequel est couché l’impétrant n’est pas celui d’un quelconque architecte, mais bien celui du Dieu des trois grandes religions monothéistes, dénommé ici, à tort ou à raison, Jéhovah, puisque ce nom est inscrit sur la tombe comme le montrent les gravures des premières divulgations françaises du XVIII? siècle Jan Snoek, 1994. . Le néophyte est ainsi entré en contact intime, charnel, avec ce Dieu dont il a partagé la couche, recevant de lui un souffle, une étincelle, qui le fait dorénavant participer à l’essence divine. L’opération peut être comparée à une théophagie déguisée, très comparable à l’eucharistie chrétienne. Nul besoin dès lors d’une « perte » quelconque puisque l’expérience mystique est ainsi achevée ; nul besoin non plus de grades ultérieurs puisque tout est dit. Cet enseignement fut sans doute atténué par les développements ultérieurs du Rite Français, mais l’identification d’Hiram avec la divinité resta longtemps affirmée par l’inscription de l’ancien mot du Maître sur la tombe érigée sur ordre de Salomon.
A cette interprétation française s’oppose la version « ancienne » qui insiste sur la perte du mot, conséquence inéluctable de la mort d’un des trois protagonistes nécessaires pour qu’il soit encore communiqué. Cette version, basée sur la « règle de trois » des premiers catéchismes anglais, est foncièrement pessimiste et demande qu’un ou plusieurs grades ultérieurs viennent pallier la perte et permettent la (re)découverte du mot perdu. Ce sera le rôle du Royal Arch anglo-saxon, comme des degrés équivalents du REAA, Chevalier Royale-Arche et Grand Elu de la voûte sacrée.
Les développements romantiques du REAA donnent un tout autre sens à la geste hiramique : l’architecte devient allégorie solaire et emblème naturaliste d’un phénomène somme toute banal, la disparition du soleil au solstice d’hiver et sa renaissance ultérieure. La mort d’Hiram n’est ici qu’apparente et sa résurrection, ou son réveil, est inscrite dans l’ordre naturel. Cette mutation aligne Hiram sur l’exemple des dieux proche-orientaux « qui meurent et renaissent » et ne va pas sans donner au mythe un certain relent de paganisme qui aurait surpris, n’en doutons pas, les pasteurs londoniens des origines.
Ces deux dernières lectures sont, sous les apparences, toujours visibles dans les versions actuelles du grade de maître selon le REAA, leurs rédacteurs n’ayant, semble-t-il, pas perçu leur caractère antinomique.
7.2 Cohérence des grades bleus et des hauts-grades du REAA.
La question donc se pose : quel est le « vrai » REAA et, corollaire obligé, existe-t-il une authentique tradition qui lui assure sa légitimité, pour les grades bleus s’entend ?
La réponse, si réponse il y a, ne peut se baser que sur l’articulation de cette rituélie avec les hauts grades du REAA, les seuls finalement qui donnent au système sa cohérence et le justifient. Or cette articulation ne se fait pas sans mal. Et pour cause : les hauts-grades qu’offre ce Rite sont tous antérieurs à l’apparition des grades bleus puisque ils furent élaborés entre 1740 et 1760 pour les premiers, entre 1770 et 1801 pour les deux derniers.
Mais ces hauts-grades eux-mêmes ne forment pas un ensemble véritablement cohérent. Hétérogènes et de facture variée, ils furent organisés en strates successives que ne lie, parfois, qu’une numérotation arbitraire : les grades hiramiques ou « ineffables », du 4ème au 14ème ; les grades dits « de l’exil » fondés sur la construction du second temple, 15ème et 16ème ; les grades chrétiens, johanniques et apocalyptiques à la fois, du 17ème au 19ème ; les grades templiers (30ème et 32ème) et … les autres, plus difficilement classables car d’inspiration hétéroclite. A vrai dire, la question d’une éventuelle cohérence avec les grades bleus ne se pose qu’entre le grade de maître et les grades hiramiques qui achèvent le thème de la construction du premier temple puisque ce sont les seuls où l’on retrouve les questions que laissait en suspens la mort d’Hiram : l’achèvement du temple (thème des grade du 4ème au 8ème ), le châtiment des assassins (9ème au 11ème grade) et la découverte du mot perdu du maître (thème des 12ème, 13ème et 14ème degrés). En clair, le rituel de la maîtrise, s’il se veut dans la ligne droite du Rite vu dans son ensemble, doit poser ces trois questions sans équivoque et s’abstenir de toute ébauche de réponse. Dans cette optique, aucune des trois versions décrites plus haut n’est entièrement satisfaisante.
La version du Guide, pour faire court, s’articule assez bien avec les grades d’achèvement, très mal avec les grades de vengeance devenus redondants, mieux avec les grades centrés sur la découverte du mot perdu. L’adoption des particularités du Rite ancien (disposition des colonnes d’orient, déplacement des surveillants, répartition des secrets) n’apporte ni n’enlève quoi que ce soit à l’économie du système, bien qu’ils ne correspondent pas aux prescrits des hauts-grades. Ceux-ci, ne l’oublions pas, furent imaginés par des maçons de tradition et de formation « Française » qui ignoraient tout du Rite Ancien d’Angleterre. Rien d’étonnant donc si les hauts-grades paraissent souvent plus « modernes » qu’ « anciens » . Ainsi les surveillants lorsqu’il y en a deux Notamment aux 14ème, 18ème, 30ème et 32ème degrés, qui sont les plus importants du système. , sont toujours disposés à l’occident, selon l’usage « moderne », les mots de passe sont communiqués durant la cérémonie et non avant, les colonnes sont placées suivant la règle moderne…
L’adaptation romantique du REAA n’est guère plus satisfaisante car la version naturaliste de la légende d’Hiram enlève toute pertinence à la perte du mot dans la mesure où Hiram « ressuscitant» ne peut l’emmener dans la tombe. Les grades clefs du REAA (13ème et 14ème) en deviennent incongrus. Par contre, l’omission du châtiment des coupables rend leur raison d’être aux grades de vengeance.
Quant aux versions contemporaines, elles tentent, maladroitement selon nous, de marier la lecture naturaliste à l’héritage ancien mais ce mariage introduit dans le grade lui-même une confusion regrettable (on ne sait finalement si le mot est perdu ou non ?).
Ces difficultés internes aux rituels eux-mêmes entraîne une conséquence inattendue aux yeux de certains thuriféraires du REAA : qui ne verra que l’articulation entre les hauts-grades du REAA et les grades bleus homonymes ne présente rien de spécifique et que les grades symboliques des autres Rites, Français, Moderne (belge), Ecossais philosophique et autres, peuvent tout aussi aisément servir d’introduction aux hauts-grades en question puisqu’ils posent les mêmes questions?
Qu’en conclure sinon qu’il a manqué au Rite un Willermoz pour établir une cohérence sans faille aux étapes successives de l’ensemble. Dans l’état actuel, aucune des variantes des grades symboliques du REAA ne justifie l’affirmation que les 33 degrés du REAA constitue un ensemble unique et obligé. Est-il hérétique de penser que les grades bleus de tout Rite prépare également à l’enseignement des hauts-grades du Rite Ecossais Ancien et Accepté ?
Bibliographie.
Baynard, S.H. (1937). « History of the Supreme Council, 33°. Antient Accepted Scottish Rite of Freemasonry. Northern Masonic Jurisdiction of the United States of America». 1 volume. Boston, Massachussets.
Bernheim, Alain (1986) « Le « bicentenaire » des Grandes Constitutions de 1786. Essai sur les cinq textes de référence historique du Rite Ecossais Ancien et Accepté » 3e partie. Renaissance Traditionnelle 70 : 89-138.
Bernheim Alain (1987). « Further Lights on the Masonic World of Joseph Glock ». Ars Quatuor Coronatorum. 100 : 33-60
Bossu, Jean (1977). « Antoine-Firmin Abraham ». Renaissance Traditionnelle. 32 : 305-307
Caillet, Serge (1994). « Arcanes & Rituels », Guy Trédaniel, Paris, Webb Thomas, 1797 : 61-84.
Charley, Christian (2000), Tradition Ecossaise n° 1.
Charrière, Louis (1938). « Le Régime Ecossais Rectifié et le Grand-Orient de France. Notice historique. 1776 à 1938 ». Paris.
Chemin-Dupontès, Jean-Baptiste (1841) « Cours pratique de Franc-Maçonnerie publié sur la demande et sous les auspices de la RLIsis-Montyon par le F C Dupontès ». Paris.
Chevallier, Pierre (1974). « Histoire de la Franc-Maçonnerie française. Vol. I. La Maçonnerie : Ecole de l’Egalité. 1725-1799 ». Fayard, Paris
Collectif (sans date). « Le REAA à travers les âges », l’Union Maçonnique, 4ème année
Collectif (1999). « Origine et évolution des rituels des trois premiers degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté » Ordo ab Chao, 39-40 : 297-476.
Corneloup, Joannis (1964). « Universalisme et Franc-maçonnerie. Hier et aujourd’hui ». Editions Vitiano, Paris.
de Hoyos, Art. (1995). Collectanea. Volume 15, 3° partie.
Delaulnaye, F.H.S. (1813). «Thuileur des 33 degrés de l’Ecossisme du rit ancien et accepté». Paris.
Désaguliers, René (1983). Renaissance Traditionnelle 54-55 : 88-101
Des Etangs, Nicolas Chaales (1825). « Le véritable lien des peuples ou la Franc-maçonnerie rendue à ses vrais principes ».
Doré, André (1991). « Le concordat maçonnique de 1804 et l’introduction en France du Rite Ecossais Ancien et Accepté ». In « Vérités et légendes de l’histoire maçonnique » pp. 141-192. Edimaf, Paris.
Fesch, Paul (1910). « Bibliographie de la Franc-Maçonnerie et des société secrètes » édité par G.Deny (1976).
Gout, Etienne (1985). « Enquête sur la fondation et les premiers Actes du Suprême Conseil de France ». Ordo ab Chao, 12 : 13 -36
Gout, Etienne (1995) « Enquête sur la fondation et les premiers actes du Suprême Conseil de France » Ordo ab chao 32: 45-95
Jouaust, A.G (1865). « Histoire du Grand-Orient de France ». Paris.
Kloss Georg (1844). « Bibliographie der Freimaurerei«. Réédition Graz-Autriche (1970).
Knoop D., G.P. Jones, D.Hamer (1943). « Dialogue between Simon and Philip » in «Early Masonic Catechisms». Rééd. Manchester University Press (1963).
Lantoine, Albert (1927). « La franc-maçonnerie chez elle ». 3 volumes . Réédition Slatkine (1981)
Le Bihan, Alain (1973). « Francs-maçons et ateliers parisiens de la Grande Loge de France au XVIII° siècle ». Paris.
Le Bihan, Alain (1990). «Loges et chapitres de la Grande Loge et du Grand-Orient de France. Loges de province ». Paris.
Ligou, Daniel (1991). préface à « Rituels du Rite Français Moderne 1786 ». Editions Slatkine
Mazet, Edmond (1980). «La Mère-Loge Ecossaise de Marseille». Travaux de la Loge de Recherches Villard de Honnecourt. I, 1 (2° série) : 62-78.
(de) Nerval, Gérard. OEuvres II. Bibliothèque de la Pléiade, 1961
Poll, Michael R. The early years of the Grand Consistory of Louisiana (1811-1815). Heredom, 2000, 8 : 39-54.
Preston, William (1772). « Illustrations of Masonry ». 13° édition (1821).
Pyron, Jean-Baptiste (1814). « Abrégé historique de l’organisation en France des 33° degrés du Rit Ecossais Ancien et Accepté ». Paris.
« Recueil des Actes du Suprême Conseil de France ou collection des décrets, arrêtés et décidions de cet illustre corps de 1806 à 1830 précédés des Grandes Constitutions de 1762 et de 1786, et du concordat passé entre le Suprême Conseil et le Grand-Orient de France » (1832). Imprimerie de Sétier, Paris.
Snoek, Jan (1994). « The lost secrets of a Master Mason ». Acta Macionica 4 : 5-53.
Snoek, Jan (1999). «De Spiegel in de tweede graad. Een historisch overzicht». Acta Macionica 8 : 359-386
Thory, Claude-Antoine (1812). «Annales originis magni Galliarum O? ou Histoire de la fondation du Grand-Orient de France et des révolutions qui l’ont précérdée… ». Paris.
Thory, Claude-Antoine (1815). «Acta Latomorum, ou Chronologie de l’Histoire de la Franche-Maçonnerie française et étrangère… ». Paris.
Vassal, Pierre-Gérard (1827). «Essai historique sur l’institution du Rit Ecossais et sur la puissance légale qui doit le régir en France par un disciple de Zorobabel». Paris.
Vatcher S. (1968). « John Coustos and the Portuguese Inquisition ». Ars Quatuor Coronatorum. 81 : 9-67
Vuillaume (1820). « Manuel maçonnique ou Tuileur de tous les rites de maçonnerie pratiquée en France…Par un vétéran de la maçonnerie ». Réédition de la 2° édition (1830) par Dervy-livres (1975)
Webb, Thomas-Smith (1797). «Freemason’s monitor or Illustrations of Masonry»
—
Le Rite Ecossais Ancien et Accepté
Par Alain Bernheim
(*) Cet essai est paru dans les numéros 68 (octobre 1986), 69 et 70 (janvier et avril 1987) de Renaissance Traditionnelle sous le titre ‘Le “Bicentenaire” des Grandes Constitutions de 1786 – Essai sur les cinq textes de référence du Rite Ecossais Ancien et Accepté’.
Introduction – LA PATENTE MORIN
La raison immédiate qui m’a incité à écrire le présent essai est que je suis parvenu récemment à redécouvrir le Livre d’Or du Comte de Saint Laurent dont une photocopie intégrale est maintenant en ma possession. Ce manuscrit contient des pièces du plus haut intérêt jusqu’ici inconnues ainsi qu’un document exceptionnel : le plus ancien exemplaire manuscrit existant et inédit de la Version Latine des Constitutions de 1786.
Ces Grandes Constitutions de 1786 sont, aujourd’hui encore, le texte auquel tous les Suprêmes Conseils du monde entier se réfèrent au début de leurs Constitutions particulières, bien que celles-ci aient très souvent modifié de nombreuses dispositions du texte originel.
Mon idée de départ avait été de me borner à examiner quelles furent les circonstances ayant accompagné l’apparition des Constitutions de 1786 sous deux formes différentes, et quels en sont les manuscrits ou leurs reproductions aujourd’hui accessibles. Les inconvénients de ces limites me sont rapidement devenus évidents. Ces Constitutions n’étaient pas apparues subitement : elles répondaient, ou voulaient répondre, à une situation historique déterminée. Elles n’avaient pas non plus surgi sans avoir eu des prédécesseurs dont elles modifiaient les dispositions. Enfin elles étaient loin d’avoir fait l’unanimité chez les maçons en Amérique et en France au moment de leur apparition ce qui, dans un cas au moins (la lignée des créations de Cerneau), avait eu des conséquences durables.
Comprendre ce contexte impliquait le rappel d’aspects particuliers de l’histoire de la Maçonnerie comme celui de l’existence et des dispositions de textes réglementaires parfois peu connus. Pour espérer être intelligible, cet essai devait tenir compte de cette double constatation.
Il faut reconnaître qu’il n’est pas encore possible, en 1986, de se livrer à une description complète, exacte et documentairement fondée de l’histoire de la maçonnerie en Europe et en Amérique pour la période 1760-1840. Les raisons de cette situation singulière sont multiples. Certes, nombre de documents ont disparu, les acteurs des événements essentiels n’ont laissé que peu de traces écrites de leurs actions ou des motifs qui les guidèrent. Mais à ces causes que l’on pourrait qualifier de naturelles, s’ajoutent d’autres facteurs qui compliquent considérablement l’étude des événements de cette époque.
Lorsque certains manuscrits du siècle précédent furent transcrits au cours du XIXe siècle, ils furent loin de l’avoir été avec la rigueur nécessaire. Les modifications point toujours involontaires qui leur furent alors apportées, les rendent parfois peu fiables et toujours délicats à utiliser.
Les auteurs d’origine américaine qui s’attachèrent à étudier le développement exceptionnellement complexe de la maçonnerie dans leur pays, furent aussi confrontés au problème d’archives souvent rédigées en français qu’ils eurent certes le mérite incomparable de transcrire et de publier en partie. Mais probablement à cause de cette double difficulté, ils prétendirent trop souvent affirmer des faits nullement démontrés, établir une chronologie qui demeure parfois incertaine et, par naïveté, ignorance relative ou, à l’occasion, pour soutenir une thèse opportune, préférèrent parfois supprimer, arranger ou modifier plutôt que de tenir compte de l’existence de faits gênants ou inexplicables qui ne cadraient pas avec les arguments qu’ils souhaitaient établir ou perpétuer.
Leurs ouvrages sont rares par le nombre et la difficulté qu’il y a à se les procurer aujourd’hui. Les maçons européens qui sont parvenus à les consulter, utilisent cette manne (sans toujours en citer explicitement l’origine, ce qui complique l’étude critique de leurs écrits) en en reproduisant aveuglément certaines affirmations péremptoires. Répétées par de nouvelles générations d’historiens, elles finissent par prendre l’aspect trompeur de vérités établies. Il devient ainsi impossible de discerner le vrai du faux, l’exact de l’imaginaire.
Face à cette situation il fallait d’abord remonter aux sources, s’efforcer de réunir ce qui avait été écrit sur l’histoire du Rite, retrouver les documents utilisés par mes prédécesseurs lorsqu’ils avaient bien voulu les mentionner, en contrôler les transcriptions lorsque cela était encore possible, vérifier si les déductions qu’on en avait tirées étaient exactes. En résumé, distinguer les faits avérés, même s’ils allaient à l’encontre d’idées reçues ou de l’esprit partisan, du domaine — parfaitement licite, à condition d’être délimité avec clarté — de l’hypothèse.
Ces documents anciens, chartes de constitutions, patentes, lettres de créances, livres de procès-verbaux, leur libellé, les expressions littérales et chiffrées qu’ils contiennent sont souvent déconcertants. N’indiquant parfois leur date et le lieu de leur délivrance qu’au moyen de codes dont les historiens semblent avoir perdu les clefs, ils ne cessent de nous poser des questions embarrassantes. Leurs auteurs auraient-ils pu être parfois, des illuminés ou des contrefacteurs ? Cette question-là ne peut pas non plus être éludée. Elle revient souvent lorsqu’on se penche sur la genèse des hauts grades. Voilà pourquoi une fois le problème des faits, des preuves et des documents plus ou moins bien résolu à force de patience, c’est avec l’appréciation de la psychologie des maçons d’il y a un ou deux siècles que de nouvelles difficultés surgissent.
Il peut paraître singulier que les historiens membres d’un ordre initiatique n’hésitent guère à qualifier de faussaires ou de prévaricateurs les prédécesseurs dont ils se réclament. C’est pourtant ce qui arrive fréquemment. Il faut aussi ajouter le racisme de certains qui, soulignant au passage ou inventant bien souvent la religion ou les origines juives de tel propagateur ou de certains fondateurs de notre Rite, ajoutent délibérément dans le même souffle le montant des sommes perçues en échange des grades décernés. Du reste, les grades sont-ils conférés gratuitement aujourd’hui plus qu’hier ?
Au risque de paraître naïf et même de l’être, comme le furent probablement les Frères qui acceptèrent de bonne foi certaines légendes maçonniques présentées alors comme des faits historiques, n’est-il pas davantage conforme à l’esprit de notre Ordre de commencer par accorder notre confiance aux auteurs de documents qui, aux hommes de la fin du XXe siècle que nous sommes, ne paraissent souvent peu crédibles que parce que nous les comprenons mal ?
N’est-il pas plus fructueux de chercher à comprendre les mobiles qui poussèrent nos Frères d’alors à accepter, souvent à transmettre et dans certains cas à créer des légendes, certes, mais des légendes qui à leurs yeux avaient un fondement et une justification ?
Et si nous revenons à ces historiens maçons évoqués tout à l’heure qui de tout temps recopièrent sans vergogne et sans esprit critique ce que leurs prédécesseurs avaient découvert ou imaginé, ne doit-on pas les juger, ceux-là, avec bien moins d’indulgence que les premiers fondateurs du Rite au XVIIIe siècle ? Parmi eux, les auteurs contemporains ont certainement encore moins d’excuses car leurs moyens d’information et de contrôle sont incomparables. Ne font-ils pas la même chose, en pire, que les maçons qui en toute bonne foi perpétuaient alors la légende d’un Roi de Prusse, protecteur des hauts grades et auteur de leurs textes constitutionnels ?
Il existe enfin aujourd’hui, comme hier, des dirigeants se moquant de la recherche de la vérité comme d’une guigne, qui n’hésitent pas à censurer les travaux historiques lorsque ceux ci leur semblent pour des raisons diverses être gênants. Comment les qualifier fraternellement, ces maçons-là ?
La période que nous allons survoler commence en 1761 avec la délivrance de la Patente Morin à Paris, elle se termine en 1872 avec la publication par le Grand Commandeur Albert Pike des Constitutions Secrètes qui portent la même date que la Patente elle-même.
C’est ici qu’il convient d’indiquer la méthode que nous entendons appliquer face aux documents d’ordre réglementaire dont nous allons faire l’énumération. Trois dates différentes doivent être prises en considération pour chacun de ces textes :
celle qu’ils portent, c’est-à-dire la date à laquelle ils auraient été rédigés,
celle à laquelle fut effectuée la plus ancienne copie dont nous ayons connaissance,
celle enfin à laquelle ils furent publiés pour la première fois.
Ces documents sont :
- La Patente Morin
- Les Constitutions de 1762
- Les Textes Intermédiaires Le sens de cette expression est expliqué plus bas.
- Les Constitutions de 1786
- Les Constitutions Secrètes.
Le premier fut imprimé pour la première fois en 1812, les trois suivants en 1832, le dernier en 1872.
Aucun manuscrit original – ou se prétendant tel – de ces textes n’est parvenu jusqu’à nous. Je ne connais pas de copie manuscrite du document N° 5 antérieure à sa première publication. Depuis que ces lignes furent écrites, j’ai eu communication de deux photocopies intégrales manuscrites de ces ‘Constitutions Secrètes’. Ces manuscrits sont commentés en Appendice.
Face aux imprécisions des dates portées sur certaines copies manuscrites et aux modifications parfois radicales que ces copies apportèrent manifestement aux originaux et en tenant compte de l’indispensable réserve qui consiste à toujours prendre en considération la possibilité, sinon la certitude, que certains d’entre eux aient été rédigés à une date postérieure à celle que leur copie indique, il nous est apparu préférable de les étudier dans l’ordre chronologique de leur première parution imprimée. Cette date-là a au moins le mérite d’être un point de repère solide.
Si ces documents furent publiés à l’intérieur d’une période de soixante ans (1812-1872) les dates qu’ils portent s’échelonnent sur un quart de siècle seulement : de 1761 (Patente Morin) à 1786 (les Grandes Constitutions) en passant par les Constitutions Secrètes (1761), les Constitutions de 1762 et les Textes Intermédiaires (1763 pour trois d’entre eux, le quatrième n’en portant aucune dans ses versions connues aujourd’hui).
J’ai indiqué ailleurs Renaissance Traditionnelle Nº 59, Juillet 1984. que les Constitutions de 1762 ne peuvent pas avoir été rédigées à cette date pour la simple raison suivante : elles reprennent parfois mot à mot le texte arrêté par les Commissaires nommés par la Grande Loge de France, un an plus tard, en 1763. Ma certitude est quasi absolue qu’il en va de même pour tous les textes subséquents : ils furent rédigés postérieurement à la date qu’ils portent.
Jusqu’à la redécouverte, au cours du XXe siècle, de lettres autographes d’Estienne Morin et à celle d’une décision de la Grande Loge de France prise en 1766, annulant « les pouvoirs précédemment donnés » à Morin et accordant un brevet d’Inspecteur au Frère P. F. Martin, l’existence même de la Patente Morin – en tout cas à la date de 1761 – fut parfois mise en doute par des auteurs sérieux, tel Begemann. Mais ces découvertes permettent aujourd’hui de confirmer les indications de Leblanc de Marconnay remontant à 1852 : Morin a bien reçu une Patente à Paris en 1761.
La Patente Morin constitue le point de départ du nouveau Rite en 33 grades dont l’existence ne sera annoncée qu’en 1802 en Caroline du Sud.
Les différentes versions de ce texte contiennent toutes la disposition suivante : Morin recevait le « pouvoir d’établir dans toutes les parties du Monde la Parfaite et Sublime Maçonnerie », pouvoir dont il usera au-delà des limites, semble-t-il aujourd’hui, que les signataires de ce document auraient jamais pu imaginer : création de l’Ordre du Royal Secret (comme l’indique la Patente que Morin délivra en 1770 à Menessier de Boissy), rédaction d’un texte constitutionnel dont Morin (et peut-être Francken) décida d’attribuer la composition à neuf Commissaires imaginaires « nommés par le Grand Conseil des Sublimes Princes du Royal Secret au Grand Orient de France » Il est intéressant de constater que dans le Manuscrit Francken Nº 3 il est écrit : « au grand Orient de Prusse et de France ». (Bordeaux ne sera interpolé que bien plus tard) fait « en Prusse et en France le 7 septembre 7762 », greffe de onze grades supplémentaires sur l’ancienne Maçonnerie de Perfection pour en faire un système en 25 degrés appelé (à tort) aujourd’hui le “Rite de Perfection”, l’œuvre organisatrice et créatrice de Morin fut considérable, ce dont on ne prend conscience que depuis peu.
Il reste entendu que Morin étant mort à la fin de 1771, sa responsabilité pour la transformation de son Ordre en 25 grades en un rite comprenant 33 grades supplémentaires, le Rite Ecossais Ancien et Accepté, est naturellement nulle. Mais la date de son décès n’est connue que depuis une quinzaine d’années, grâce aux recherches du Frère Seal-Coon, et c’est ainsi que les limites de son oeuvre doivent être situées à l’intérieur de la décennie 1761-1771, tout en tenant compte naturellement de ce que lui doit la Maçonnerie de Perfection en quatorze grades pour l’époque 1745-1761, ce qui est un sujet différent.
Examinons pour commencer les textes de la Patente aujourd’hui connus.
Il n’existe probablement pas d’auteur depuis Thory qui, se penchant sur l’origine du Rite Ecossais Ancien et Accepté, n’ait cité, en tout ou en partie, un texte de cette Patente. Thory écrit en effet :
Nous possédons une pièce manuscrite très curieuse … relative à l’introduction de la Maçonnerie de perfection dans l’Amérique … nous l’avons donnée littéralement dans l’appendice à la suite de cet ouvrage. (nº 2)
Elle a été imprimée en 1812, dans un écrit intitulé : Extrait des Colonnes gravées dans Le souverain Chapitre écossais du rite ancien et accepté du Père de famille, Vallée d’Angers… Histoire de la Fondation du Grand Orient de France (1812), note de la page 15.
On peut lire dans cette brochure de 43 pages qui reproduit les travaux de ce Chapitre à la date du 27 février 1812 :
Mais recourons au registre du G Insp député, le frère de Grasse-Tilly. Nous en avons une copie, et nous la mettons sous vos yeux. Il en existe en France plus de quarante autres […] Suivant la pièce nº 1 de ce registre, le frère Stephen Morin donna le grade d’Inspect député à Franklin [sic !]. Mais, avant tout, disons par qui Stephen Morin fut lui-même autorisé à donner ce grade. Le 27 août 1762, il lui fut délivré à Paris une patente […]
Ceci nous semble établir que la première version connue sous forme imprimée de la Patente Morin provint du Livre d’Or de Grasse-Tilly où les auteurs de l’Extrait des Colonnes la recopièrent.
Jusqu’à la parution en 1879 des Recherches sur le Rite Ecossais Ancien Accepté de Jean-Émile Daruty, c’est à cette version donnée par Thory (qui ne l’avait pas très fidèlement recopiée) que se réfèrent les auteurs. Mais Daruty avait eu l’idée de s’adresser au Grand Commandeur Albert Pike qui avait publié en 1872 son ouvrage célèbre, Ancient And Accepted Scottish Rite of Freemasonry à New York. Une partie de ce livre contenait son Historical Inquiry in Regard to the Grand Constitutions of 1786 dans laquelle se trouvait la traduction qu’avait effectuée Pike de la Patente Morin d’après le Livre d’Or de Delahogue, Ancient And Accepted Scottish Rite of Freemasonry, pp. 171-174. alors dans les archives du Suprême Conseil de la Juridiction Sud des Etats-Unis, Livre d’Or rédigé, indiquait Pike, en 1798 et 1799.
Nous devons à Daruty la transcription de la certification apposée par Pike sur le texte qu’il reçut de ce dernier de la Patente Morin, version Delahogue, certification où est indiqué que le Livre d’Or de ce dernier reçut des inscriptions entre le 20 juin 1798 et le 12 octobre 1799 et qu’y sont apposées les signatures de Delahogue et de Grasse-Tilly. Daruty, p. 196.
Daruty publia alors le texte de la Patente Morin dans son ouvrage en indiquant clairement les différences existant entre la version Delahogue et celle que Thory avait publiée, et après lui Jouaust dans son Histoire du Grand Orient de France en 1865, mais il ne semble pas qu’il ait eu connaissance de la brochure d’Angers, sinon par les extraits qu’en avait reproduits Bésuchet dans son Précis Historique de la Franc-Maçonnerie en 1829. Les auteurs du XXe siècle se référèrent dès lors à Daruty, tels Lantoine, Choumitzky et Naudon, non sans apporter, comme leurs prédécesseurs, des “améliorations” au texte qu’ils disaient reproduire.
Il faut encore citer un auteur américain, William Homan, qui dans un petit livre remarquablement utile par les différents documents qu’il reproduit en fac-similé, The Ancient Accepted Rite of Freemasonry (1905), reproduit un texte de cette Patente d’après le Registre de J.J.J. Gourgas, certifié par ce dernier à New York.
La version Delahogue/Pike se termine par la certification suivante : Daruty, p. 195.
certifié véritable et conforme traduction de l’original extraite des registres du Gd Inspr Gl H. I. Long et signé de lui et transmis par lui aux archives du Gd et Souvn Conseil des Princes Submes du Royal Secret, de Charleston, Caroline du Sud.
Adre Fçois Auguste de GrasseGd Garde des Sceaux et Archives. |
J. Bte Mie De la hogueDté Gd Inspr Gl et Pce Mon etc., etc., etc.Souvn Gd Commr du Gd Conseil. |
La version Gourgas/Homan porte à la fin :
I certify the present Patent to be a true translation from the French of the one in my register. Grand East of New York, this 24th of November, 1808… Homan 1905, p. 11.
Enfin l’attestation portée à la fin de la copie contenue dans le Livre d’ Or de Grasse-Tilly est la suivante :
Je soussigné Hyman Isaac Long Pce Mon Député Gd Inspectr genl etc etc etc certiffie que la lettre patente transcrite cy dessus et des autres parts accordée par la gde Loge et souvin Gd conseil des Subes Pces de la macie au Gd orient de france au T.P. et R.f. Stephen morin est conforme à l’original dont copie a été transmise par lui au Pce Mon Deputy Gd inspecteur Moses Cohen en L’Isle de la Jamaîque et pareillement a moy transmise par ce dernier a été fidèlement traduite et extraite de mon Registre en foy dequoi J’ay signé en présence des Ff. Delahogue, De grasse St Paul. Magnan et Robin aussi soussignés. [suivent six signatures]
André Doré reproduit avec quelques imprécisions cette dernière certification et tire argument du rapprochement des dates 1771 (mort de Morin) et 1784 (année de l’initiation de Moses Cohen à Philadelphie) pour qualifier de « grossière supercherie » le texte que nous venons de lire. Chroniques d’Histoire Maçonnique Nº 32, 1er semestre 1984, p. 42. Bien que le libellé de ladite certification lui donne sans nul doute raison du point de vue formel, il me semble que Doré se place du point de vue de notre mentalité contemporaine lorsqu’il tire de cette expression une conclusion semblable.
Avant André Doré, Paul Naudon n’avait-il pas conclu au caractère « apocryphe » des Constitutions de 1762 en comparant cette dernière année avec celle de 1765, année de naissance de Grasse-Tilly, et en faisant remarquer que le texte qui en sera publié en 1832 dans le Recueil des Actes du Suprême Conseil de France indiquait à son début : « les présens règlemens et constitutions … transmis à notre TIll F de Grasse Tilly » ! « Tout commentaire est superflu » écrit Naudon. Tout commentaire servant à mieux comprendre notre histoire maçonnique est bienvenu, pensons-nous.
Toujours est-il qu’en remontant aux sources, on s’aperçoit que les différentes “versions” de la Patente Morin proviennent bien évidemment du fait qu’elles remontent toutes au registre d’Hyman Isaac Long qui en contenait une traduction en langue anglaise provenant très vraisemblablement de la Jamaïque, de même que nous connaissons aujourd’hui les rituels de Morin dans la traduction anglaise qu’en effectua Francken dans ses manuscrits. Retraduite en français une première fois par Delahogue (ceci est une hypothèse) au moment où débute le Livre d’Or de Grasse-Tilly (septembre 1796) quoi d’étonnant à ce que cette traduction ait été revue par Delahogue lorsqu’il commencera son propre Livre d’Or, ce qui, comme nous le savons grâce à Pike et Daruty, se situe en juin 1798, près de deux ans plus tard ?
La version mère semble bien, en l’état denos connaissances aujourd’hui, être celle du Livre d’Or de Grasse-Tilly puisque le registre de Long n’existe plus.
Une fois ceci établi, c’est par la prise en considération d’un document rédigé à Charleston (Caroline du Sud) que nous allons faire précéder l’énumération des documents étudiés plus loin. Sa caractéristique essentielle est la suivante : ni sa date, ni son texte, ni le nom de ses auteurs ne prêtent à contestation. Malgré son importance extrême il n’a jamais été publié en France. Il a le mérite d’expliquer longuement ce que ses rédacteurs croyaient savoir de leur propre passé ou, peut-être, ce qu’ils souhaitaient que ses lecteurs croient que ce passé avait été. Cf. Bernheim 1985, p.14 sq.
Il contient des inexactitudes historiques nombreuses et l’amorce de légendes qui prendront ensuite, au sein du Rite Ecossais Ancien et Accepté, une importance considérable. Mais ces erreurs et ces légendes sont précisément ce qui, pour nous aujourd’hui, en fait un document exceptionnel à la saveur incomparable.
Première partie
L’apparition des textes – Premières questions
1. La Circulaire du 4 décembre 1802 et Frederick Dalcho
Le 10 octobre 1802 le Grand et Suprême Conseil des Très Puissants Souverains, Grands Inspecteurs Généraux se réunissait à Charleston pour prendre enconsidération une proposition de son Grand Commandeur, John Mitchell: convenait-il d’adresser une Circulaire aux Grandes Loges Symboliques, aux Sublimes Grandes Loges et Grands Conseils répandus sur les deux Hémisphères, leur expliquant l’origine et la nature des grades Sublimes de la Maçonnerie, et leur établissement en Caroline du Sud ?
Il en avait été ainsi décidé et trois Grands Inspecteurs Généraux, les Illustres Frères Frederick Dalcho, Isaac Auld (tous deux médecins) et Emmanuel De La Motta (marchand et commissaire-priseur) avaient été nommés membres du comité qui devait rédiger le projet destiné à être soumis à la prochaine réunion du Conseil. Le 4 décembre suivant, leur rapport était approuvé chaleureusement et il fut décidé « de l’imprimer et de l’adresser à toutes les Grandes Loges Sublimes et Symboliques [répandues] sur les deux Hémisphères ».
Accompagnée d’une lettre datée du 1er janvier 1803, signée du Grand Commandeur, John Mitchell, ce rapport fut effectivement adressé à un certain nombre de Grandes Loges – nous n’en avons pas la liste – dont aucune ne réagit favorablement et certaines décidèrent de ne pas répondre du tout. Le second paragraphe de cette lettre était ainsi rédigé :
Le [Suprême] Conseil se joint très sincèrement à son Comité [qui avait rédigé le Rapport] pour exprimer ardemment le vœu que la Société Universelle des Francs-Maçons, qu’elle soit ANCIENNE, MODERNE, ou SUBLIME puisse devenir unie par des cérémonies comme elle l’est par des principes; qu’une reconnaissance mutuelle générale puisse avoir lieu; qu’elle puisse devenir un [seul] corps, uni par la même charte, ayant les mêmes intérêts, et que la Jalousie et les sentiments d’envie puissent laisser la place aux sensations plus agréables d’Amitié et d’Amour.
Le texte du Rapport avait reçu le nom de Circular Throughout the two Hemispheres, c’est-à-dire Circulaire [adressée] d’un bout à l’autre des deux Hémisphères.
Cette Circulaire était longue de près de 5 000 mots. Son rappel de l’histoire de la maçonnerie remontait à la création du monde. Elle soulignait au passage que le symbole de la divinité représenté au grade de Compagnon ne pouvait être expliqué avec élégance que par ceux qui avaient une certaine connaissance du Talmud. Elle expliquait ainsi l’organisation des grades Sublimes :
La Sublime Grande Loge, parfois dénommée la Loge Ineffable ou la Loge de Perfection, va du 4ème au 14ème grade inclus, ce dernier grade est celui de la Perfection. Le 16ème grade est le Grand Conseil de Princes de Jérusalem qui exerce sa juridiction sur le 15ème grade, appelé Chevaliers de L’Orient, et aussi sur La Grande Loge Sublime ; il est par rapport à elle ce qu’est une Grande Loge Symbolique pour ses Loges subordonnées […] Tous les grades au-dessus du 16ème sont placés sous la juridiction du Suprême Conseil des Grands Inspecteurs Généraux, qui sont Souverains de la Maçonnerie. Quand il est nécessaire d’établir les grades Sublimes dans un pays où ils sont inconnus, un Frère du 29ème grade, appelé K. H. est nommé Député Inspecteur Général sur cette région. Il choisit parmi les maçons [among the Craft] ceux dont il pense qu’ils feront honneur à la société et confère les grades Sublimes au nombre nécessaire pour la première organisation de la Loge qui élit alors ses officiers et se gouverne au moyen de la Constitution et de la charte qui lui ont été fournies. La juridiction d’une Loge de Perfection s’étend sur [un rayon de] vingt-cinq lieues [leagues].
Reprenant sa narration historique, la Circulaire évoquait les Croisades
au cours desquelles les Princes Chrétiens avaient découvert en Palestine plusieurs manuscrits Maçonniques importants chez les descendants des anciens Juifs, … [manuscrits] sur lesquels plusieurs de nos grades sont basés. D’extraordinaires découvertes effectuées en 5304 et 5311 ainsi que des événements survenus à cette époque rendent l’Histoire Maçonnique de cette période particulièrement importante. […] A mesure que la société faisait des progrès et à l’occasion de la découverte de vieux documents, le nombre de nos grades fut augmenté jusqu’à ce qu’avec le temps le système devint complet.
D’après celles de nos archives qui sont authentiques, nous sommes informés de l’établissement des grades Sublimes et Ineffables de la Maçonnerie en Écosse, en France et en Prusse immédiatement après les Croisades. Mais à la suite de circonstances qui nous sont inconnues, après l’année 4658 4658 résulte manifestement d’une faute d’impression : lire 5658 comme le confirment les réimpressions ultérieures de 1803 et 1808. Dalcho utilise dans cette première version de la Circulaire le code + 4000 pour toutes les dates indiquées. ils tombèrent en désuétude jusqu’en 5744 lorsqu’un gentilhomme écossais visita la France et rétablit la Loge de Perfection de Bourdeaux [sic].
La circulaire affirmait alors les faits suivants :
En 5761… SM le Roi de Prusse, Grand Commandeur de l’ordre de Prince du Royal Secret, était reconnu comme le chef des grades Sublimes et Ineffables de la Maçonnerie par tous les maçons sur les deux Hémisphères.
Le 25 octobre 5762, les Grandes Constitutions Maçonniques avaient été définitivement ratifiées à Berlin, et proclamées pour le gouvernement de toutes les Loges de Maçons Sublimes et Parfaits, Chapitres, Conseils, Collèges et Consistoires … sur la surface des deux hémisphères. Il y a des Constitutions Secrètes, existant de temps immémoriaux, auxquelles il est fait allusion dans ce document.
La même année, ces Constitutions furent transmises à notre lllustre Frère Stephen Morin qui avait été nommé lnspecteur Général de toutes les Loges &c.&c.&c. dans le nouveau monde le 27 août 5761 par le Grand Consistoire de Princes du Royal Secret réuni à Paris sous la présidence du député du Roi de Prusse, Chaillon de Jonville, substitut Général de l’ordre, Très Vénérable Maître de la loge St Antoine, en France, Chef des grades éminents, Commandeur et Sublime Prince du Royal Secret, &c., &c., &c.
Arrivé à Saint-Domingue, Morin avait nommé en conformité avec sa Patente, un Député Inspecteur Général pour l’Amérique du Nord. Cet honneur fur conféré au Frère M. M. Hayes, avec pouvoir de nommer d’autres Frères, si nécessaire. Le Frère Morin nomma également le Frère Frankin pour la Jamaïque et les îles britanniques sous le Vent, et le Frère Colonel Provost pour les îles du Vent et l’Armée britannique.
Or à l’exception de la nomination de Morin à la date indiquée et très vraisemblablement aussi de l’indication de la compétence de Francken pour la Jamaïque, tous ces faits se rapportant aux années suivant 1761 étaient gravement inexacts.
La période récente était alors abordée, la Circulaire faisant état de deux faits importants pour lesquels, depuis 1802, aucune corroboration n’a jamais pu être apportée :
- L’existence d’un document intitulé “La Grande Constitution du 33ème grade, appelé le Suprême Conseil des Souverains Grands lnspecteurs Généraux”, définitivement ratifié le 1er mai 1786 par « SM le Roi de Prusse qui, en qualité de Grand Commandeur de l’ordre de Prince de Royal Secret, possédait le pouvoir maçonnique Souverain sur toute la Maçonnerie [Craft] ».
- L’inauguration (opening) le 31 mai 1801, du « Suprême Conseil du 33ème grade pour les Etats-Unis d’Amérique », en vertu des dispositions de ce document, par les Frères John Mitchell et Frederick Dalcho.
Le rapprochement de ces dates fait ressortir que quinze années s’étaient écoulées entre la ratification de cette,“Grande Constitution” et l’inauguration du Suprême Conseil pour les Etats-Unis d’Amérique (mai 1786-mai 1801) et que dix-huit mois avaient séparé ce dernier événement de son annonce publique au moyen de la Circulaire (mai 1801-décembre 1802).
Il est étrange de relever l’indication de la Circulaire selon laquelle John Mitchell avait reçu sa patente de Député Inspecteur Général le 2 août 1795 alors qu’elle porte la date du 2 avril 1795 dans le Registre (ou Livre d’Or) de Frederick Dalcho où en figure une copie visée par James Puglia, Souverain Prince de Royal Secret, Inspecteur Général et Chevalier Templier de Malte, visa daté du 25 novembre 1801, soit un an avant la Circulaire.
L’un des deux participants à l’inauguration du Suprême Conseil, l’un des trois co-auteurs de la Circulaire, voici la troisième fois que nous relevons le nom de Frederick Dalcho, futur Grand Commandeur. Il vaut certainement la peine que nous nous intéressions quelques instants à lui.
Frederick Dalcho
En ce qui concerne sa biographie profane : Dalcho, né à Londres en 1770, avait reçu son diplôme de médecin (medical degree) à Baltimore en 1790. Il avait abandonné la carrière médicale au lendemain de son second mariage (Noël 1805) pour devenir co-rédacteur en chef du Charleston Courier jusqu’en 1813. Il abandonna cette seconde profession pour être ordonné diacre de l’église épiscopale le 15 février 1814 et restera homme d’église jusqu’à sa mort, le 24 novembre 1836.
Sa biographie maçonnique – jusqu’en 1802 – est d’une brièveté remarquable : il n’y a rien. La première trace documentaire que nous ayons aujourd’hui consiste en six patentes reproduites en fac-similé dans un ouvrage américain. Harris 1964. Certaines datent de mai 1801. Les autres ne sont pas datées. J’ai montré ailleurs The Letters of Credence of Dr. Frederick Dalcho in ‘The Dating of Masonic Records’, à paraître dans AQC 99 (Novembre1987). que les indications portées sur certains de ces documents jettent des doutes graves sur les dates qu’ils portent. Le livre de procès-verbaux de La Candeur indique sa visite le 1er février 1802 : il était alors Vénérable Maître de la Loge Nº 8 de Charleston, l’Union, loge dont John Mitchell était Vénérable en 1788. On peut dire que le passé maçonnique de Dalcho commence le jour où John Mitchell lui décerne une patente de Député Inspecteur Général, le 24 mai 1801, une semaine exactement avant la date indiquée par la Circulaire comme étant celle de l’inauguration du Suprême Conseil de Charleston.
Vingt ans plus tard, en 1822, Dalcho déclarera avoir été initié en 1792 dans une loge de Savannah en Géorgie. Les Registres des loges de Savannah ayant brûlé dans les incendies de 1792 et de 1820, aucune vérification n’est possible, tous ces Registres ayant disparu. Notons que l’Encyclopédie de Coil (1961) dit que c’est dans une loge de Caroline du Sud que Dalcho aurait été initié. Pas de preuves, pas de dates ici non plus.
Ensuite, nous sommes mieux renseignés. Deux “Discours” (Orations) prononcés par Dalcho à Charleston sont parvenus jusqu’à nous. Le premier fut lu, le 23 septembre 1801, « devant les membres de la Sublime Grande Loge et ceux de la Symbolic Grand Lodge of Ancient York Masons », la plus récente des deux Grandes Loges de Caroline du Sud, fondée en 1781 par des Loges ayant été créées par la Grande Loge des Antients à Londres ou par leur Grande Loge-Fille de Pennsylvanie.
L’autre “Discours” fut prononcé le 21 mars 1803, également devant les membres de la Sublime Grande Loge dePerfection, auxquels s’ajoutaient ce jour-là des membres de la Symbolic Grand Lodge of Free and Accepted Masons, descendante de la Grande Loge Provinciale créée par la Première Grande Loge (d’Angleterre) en 1754. Ces deux Grandes Loges de la Caroline du Sud éprouvaient l’une à l’égard de l’autre une haine exceptionnelle.
Ces deux Discours de Dalcho furent d’abord publiés séparément à Charleston, chaque fois peu de temps après avoir été prononcés. Ils furent réimprimés ensemble à Dublin en 1808.
Le texte de la Circulaire du 4 décembre 1802 est, on le voit, tout fait distinct de celui des deux Discours. Mais les auteurs français ont constamment confondu ces trois documents et leurs dates respectives. Le dernier en date, Paul Naudon, p. 142 de la 4ème édition (1984) de son Histoire, Rituels et Tuileur des Hauts Grades Maçonniques : « C’est à Dalcho que revient l’honneur d’avoir donné publiquement les premières infomations [? A. B.] sur l’origine du Rite Ecossais Ancien et Accepté. Il s’agit du discours qu’il prononça à Charleston le 8 décembre 1802 [?? A. B.] … Imprimé à Charleston en 1802 [??? A. B.] par T. B. Bowen ».
La Circulaire fut réimprimée en Appendice au Discours de mars 1803 dans l’édition de Charleston et dans celle de Dublin. Les deux fois, Dalcho apporta à son texte des modifications identiques. Il lui ajouta aussi des notes de bas de pages qui ne se trouvaient pas dans la première édition de la Circulaire en décembre 1802 et certaines notes de l’édition de Charleston furent modifiées dans l’édition irlandaise. Ces détails chronologiques et ces précisions minutieuses sont donnés ici pour une raison bien précise : le texte intégral de la Constitution que la Circulaire disait avoir été ratifiée par Frédéric II le 1er mai 1786, ne sera publié pour la première fois qu’en 1832. Les manuscrits de cette Constitution portent des dates et des certifications – lorsqu’ils en portent ! – incertaines. Or dans l’une des notes de bas de pages des deux réimpressions de la Circulaire, se trouve le texte de quatre articles (numérotés de 9 à 12) de cette Constitution, texte dont la teneur est presque identique au libellé et des manuscrits et du Recueil des Actes, publié à Paris en 1832 (cf. fac-similé post). Voici le texte de Dalcho qui précède ces quatre articles :
Comme la connaissance des articles suivants de la Grande Constitution du 33ème grade, ou Suprême Conseil de Grands Inspecteurs Généraux, pourrait être utile aux Maçons Sublimes, je les ai transcrits ici.
A la suite des quatre articles Dalcho a ajouté dans la même note la phrase suivante :
Les Patentes des Grands Inspecteur Généraux contiennent le paragraphe suivant :
Et le paragraphe cité par Dalcho correspond (à quelques erreurs de transcription près) au texte de ces patentes tel qu’il fut imprimé à la suite de la Constitution de 1786 dans l’ouvrage de 1832.
Voyons maintenant ce qu’était cet ouvrage.
2. Publication du Recueil des Actes du Suprême Conseil de France.
Depuis des années certains maçons à Paris faisaient allusion à cette Grande Constitution de 1786. Mais fort peu pouvaient se flatter de la connaître intégralement. Ceci amena des Frères à mettre en doute son existence même. C’est ainsi qu’en 1827 le Frère Vassal écrivait page 19 de son Essai historique sur l’Institution du Rit Écossais, et sur la Puissance Légale qui doit le régir en France :
Ne perdons pas de vue que ces immenses prérogatives ne sont concédées au F de Grasse que conformément aux grandes constitutions : où sont-elles ? qui les a vues ? Le F de Grasse n’a jamais pu les exhiber. Il n’existe d’autres constitutions que les réglemens établis à Bordeaux en 1762.
Telle est probablement l’une des raisons – mettre fin à ces rumeurs – pour lesquelles fut publié en 1832 à Paris le Recueil des Actes du Suprême Conseil de France que nous désignerons désormais par le mot le Recueil. Voici la reproduction de sa page de garde. Et voici comment étaient intitulés, dans la Table par ordre numérique des Décrets. Arrêtés et Décisions, contenus dans ce volume, placée en tête de cet ouvrage, les premiers documents qu’il contenait, qui étaient publiés ici pour la première fois.


Le Nº 1 de la Table recouvrait en réalité plusieurs textes :
- Une version des Constitutions de 1762 comprenant d’importantes interpolations et modifications par rapport à la version du manuscrit Francken de 1771.
- Quatre documents portant les intitulés suivants :
- Instituts.
- Statuts.
- Règlemens Généraux.
- Extrait du Recueil des Balustres Constitutionnels. Instructions sur les Principes Généraux de la Haute Maçonnerie.
Ce groupe de quatre textes se trouvait placé après les Constitutions de 1762 et avant les Constitutions de 1786, Nº 2 de la Table. En raison de sa situation dans le Recueil désignons-le par l’expression Textes Intermédiaires. Cette situation laisserait supposer que, pour les compilateurs du Recueil, ces quatre textes auraient fait partie des Constitutions de 1762. Comme ils sont peu connus, nous les reproduisons en Appendice tels qu’ils furent publiés dans le Recueil.
Si les auteurs sont peu nombreux à s’être attachés à une étude critique des Constitutions de 1762 et de 1786, encore plus rares sont ceux dont l’attention fut retenue, même brièvement, par ces quatre documents. A cela, deux raisons. La première est qu’ils ne furent publiés en France qu’une seule fois, dans le Recueil, ouvrage fort rare. Aux Etats-Unis le Grand Commandeur Pike traduisit et ne publia en langue anglaise que les deux premiers et le quatrième au XIXe siècle, d’après les textes publiés dans le Recueil. Jusqu’en 1948, plus rien. Nous verrons ce qui se passa cette année-là au paragraphe suivant.
Les dates que portent ces Textes Intermédiaires et les indications qui les accompagnent dans le Recueil constituent une énigme. On peut lire à la fin du troisième texte, les Règlemens Généraux :
De leur pleine science et pouvoir, les chefs et vrais protecteurs de la haute Maçonnerie ont décrété et arrêté les présens instituts, statuts et règlemens généraux pour iceux être éxécutés selon leur forme et teneur.
Donné au point central de la vraie lumière, le 25e jour du 2e mois jiar, de l’an du monde 5732.
Collationné, signé, Adington,
grand chancelier.
A la gloire du Grand Architecte de l’Univers
lux ex tenebris
______
Immédiatement après ceci, sous le trait de séparation, viennent les lignes suivantes :
A l’Or du Mon sous le C C du Zenith près du Buis Ard, au point vertical répondant au 17e degré 58 minutes sud, C’est-à-dire Kingston (Jamaïque). Erreur manifeste pour nord. sous le signe du capricorne le 9e jour du 2e mois nommé jiar 5081.
Par mandement du grand consistoire souverain des PP métropolitains d’Hér, a été par moi grand chancelier, délivré et certifié extrait du recueil général des Balustres constitutionnelles (sic) du grand consistoire métropolitain, pour être remis au grand député du grand consistoire établi au point central du 18e degré, 47 minutes, latitude nord.
signé, Adington.
grand chancelier.
et en dessous :
Extrait du Recueil des Balustres Constitutionnels.
_____________
instructions sur les principes généraux de la haute maçonnerie.
______________
Le texte de ces deux fragments était de nature à décourager les plus hardis. Et que pouvaient bien vouloir signifier les deux années 5732 et 5081 ?
De premiers éclaircissements qu’aucun auteur ne semble jamais avoir relevés, étaient apportés il y a 130 ans par le Dr. Georg Kloss qui publia (1852-1853) une remarquable Histoire de la Franc-Maçonnerie en France. Dans cet ouvrage Kloss faisait état de deux manuscrits en sa possession comprenant des copies de certains des textes faisant l’objet du présent essai. Mais Kloss s’exprimait parfois de manière ambiguë et ses descriptions ne permettaient pas de comprendre clairement le contenu exact de ces deux documents. C’est ainsi par exemple que Kloss employait (en français) les mots Grandes Constitutions pour désigner celles de 1762 (Vol. I, pp.416 et 438) et celles de 1786 (Vol. II, p. 389).
Or l’un de ces manuscrits a été retrouvé par René Désaguliers à la Bibliothèque de La Haye en 1987. Il s’agit d’un cahier renfermant la copie de deux textes distincts :
- Les Constitutions de 1762 signées, certifiées et remises à Paris le 16 mars 1805 par Grasse-Tilly à Pyron « pour lui servir et valoir en temps et lieu ». La signature de Grasse-Tilly est certifiée par Vidal ; Delahogue a également certifié cette copie.
- Un second texte intitulé Extraits des Constitutions, Statuts et Reglements pour le Gouvernement du Suprême Conseil d’Inspecteur Général du 33e Grade pour le gouvernement de tous les Conseils sous leur juridiction quicomprend neuf des dix-huit articles des Constitutions de 1786. Il est suivi de la description du Cordon du Grade et des Privilèges ; ensuite vient une certification non datée de Delahogue où ce qui précède est « certifié conforme aux originaux ». Pyron, le 23 février 1806, certifia à la fin de ce cahier que la signature du tres illustre f Delahogue par lui apposée à la suite des copies ci dessus transcrites est veritable ayant été faite en notre présence…
Ce manuscrit sera analysé plus bas.
Par contre le second manuscrit décrit avec précision par Kloss, page 389 du Volume II, fut, nous dit-il, « certifié le 27 août 1805, par Baillache » Lire Bailhache qui fut le second maçon promu au 33° par Grasse-Tilly à Paris. Voir le texte de sa promotion en annexe. et comprenait les trois premiers Textes Intermédiaires. Kloss souligne les différences suivantes entre ce manuscrit et le Recueil :
- la première certification Adington, datée 5732, était placée en tête des Instituts ;
- l’année indiquant la date de la seconde certification était non pas 5081 mais 7801 (soit 1801 selon l’un des codes utilisés à cette époque) ;
- deux fragments de cette seconde certification n’avaient pas été reproduits dans le Recueil (Kloss les transcrit en allemand, je les retraduis ici en français) :
… délivré et certifié la copie des Instituts Statuts et Règlements Généraux de la haute Maçonnerie, collationnée d’après le recueil général des Balustres du Grand Consistoire Métropolitain, pour que ladite copie, jointe à la Patente de Constitution soit remise au grand député du grand consistoire établi au point central du 18e degré, 47 minutes, latitude nord.
Ainsi d’après ce manuscrit, la certification d’Adington se serait appliquée aux trois premiers Textes Intermédiaires et non pas au quatrième, comme le suggérait la disposition typographique du Recueil. D’autre part cette copie aurait été faite pour être jointe à la Patente de Constitution d’un nouvel Atelier à la date du 9 jiar 7801. Nous reviendrons plus loin sur cette date et sur la constitution d’un Consistoire établi au point central du 18e degré, 47 minutes, latitude nord.
Dans le corps du Recueil, le texte Nº 2 de la Table était intitulé :
Constitutions, Statuts et Règlemens.
Pour le gouvernement du suprême conseil des inspecteurs généraux du 33e degré, et pour celui de tous les conseils sous leur juridiction :
Fait et approuvé dans le suprême conseil du 33e degré, duement et légalement établi et constitué au grand orient de Berlin, le 1er mai, anno lucis 5785, et de l’ère chrétienne 1786.
Auquel conseil était présent en personne, sa très-auguste majesté Frédéric II, roi de Prusse, souverain grand commandeur.
Afin de pouvoir nous référer brièvement à ce texte, désignons-le par l’expression Version Française.
Remarquons que malgré l’intitulé répété aussi bien dans la Table que dans le corps du livre d’un texte en trois parties (Constitutions, Statuts et Règlemens) la Version Française ne comportait que 18 articles d’un seul tenant. Par contre sous l’intitulé: « Constitutions du souv grand consistoire établi à l’O de Bordeaux », cinq textes distincts étaient reproduits dans le Recueil.
La provenance de ces textes inédits n’était nulle part indiquée. Mais au début du livre on pouvait lire sous le titre Prospectus deux pages dont voici un extrait :
L’illustre et honorable frère Jubé, aujourd’hui 33e et membre du suprême conseil … ayant été nommé chef du secrétariat général, comprit combien il était nécessaire de réunir dans un même cadre tous les décrets, arrêtés et décisions, tant du suprême conseil que de sa commission administrative … ce travail serait devenu très-incomplet sans le concours de notre illustre et respectable lieutenant grand commandeur, qui a bien voulu y apporter ses souvenirs et donner la communication des pièces qu’il avait très-heureusement conservées.
Ce lieutenant grand commandeur était le comte Muraire.
Ainsi avait été constituée la collection de documents compris dans le Recueil, dont le choix et le texte furent approuvés par la commission administrative du Suprême Conseil de France, le 27 novembre 1831.
A peine la Version Française avait-elle été ainsi publiée pour la première fois en 1832 qu’apparaissait deux ans plus tard un texte différent, en trois parties, intégralement et exclusivement rédigé en latin, dont il était affirmé qu’il constituait le texte « véritable » que Frédéric le Grand aurait approuvé à Berlin, le 1er mai 1786.
3. Le Traité de 1834
En effet, le 23 février 1834, un Traité d’Union, d’Alliance, et de Confédération Maçonnique était conclu à Paris entre trois Suprêmes Conseils, France, Brésil et le Suprême Conseil Uni de l’Hémisphère occidental, traité auquel “le Suprême Conseil du 33e degré, séant à Bruxelles” accéda le 5 mars 1835. Le texte en quatre langues (anglais, espagnol, français et portugais) de ce Traité fut imprimé à Paris en 5836 par J.-A. Boudon, rue Montmartre 131. Un exemplaire se trouve à la Bibliothèque du Grand Orient de France. Il était suivi par un long document rédigé en latin – que n’accompagnait aucune traduction en langue vernaculaire – dont le titre général était :
Vera Instituta Secreta et Fundamenta Ordinis Veterum-Structorum-Liberorum-Aggregatorum atque Constitutiones Magnæ Antiqui-Accepti-Ritûs-Scoti Anni MDCCLXXXVI.
Ce document — désignons-le par l’expression Version Latine — comprenait trois parties respectivement intitulées :
- Nova Instituta Secreta et Fundamenta, Antiquissimae, Venerandissimæque Societatis Veterum-Structorum-Liberorum-Aggregatorum, quæ regina ac Militaria Liberæ-Artis-Fabricæ-Lapidariæ Ordo vocatur.
- Constitutiones et Statuta Magnorum Suprerorumque Conciliorum Constantium e Magnis Generalibus Inspectoribus, Patronis Ducibus, Conservatoribus Ordinis 33ii Ultimique Gradus Antiqui-Scoti-Ritus-Accepti item Regulæ Regendis Omnibus Consistoriis, Conciliis, Collegiis, Capitulis, Aliisque Societatibus Latomiis Eorumdem Conciliorum Juridictioni Subjectis.
- Appendix ad Statuta Fundamentalia Magnæque Constitutiones Supremi Concilii Trigesimitertii Gradus.
A la suite de ce long texte, assez étonnant sous certains rapports, l’usage exclusif de la langue latine n’étant pas le moindre, Il est amusant de penser ici à la remarque du Grand Commandeur du S. C. de Louisiane, Foulhouze : « This is one of many instances, where the Latin language has been used to beguile the uneducated, and to cover folly and ignorance » (cité par Folger, Documents, p. 286. se trouvait la certification suivante, rédigée, comme le texte du Traité lui-même, en quatre langues :
NOUS soussignés, SS. GG. JJ. GG., etc. etc., composant le présent Congrès Maçonnique, conformément aux dispositions de l’Article III du Traité en date de ce jour, avons attentivement collationné les copies qui précèdent ci-dessus à l’Expédition authentique des véritables Instituts secrets fondamentaux, Statuts, Grandes Constitutions et Appendices du 1er Mai 1786 (E. V.), dont les Ampliations officielles sont déposées et ont été soigneusement et fidèlement conservées dans toute leur pureté parmi les archives de l’Ordre.
NOUS, en conséquence, certifions les dites Copies fidèles et littéralement conformes aux textes originaux des ditsdocuments [sic].
En foi de quoi nous signons ces présentes, ce 15e jour de la lune d’Adar, A. L. 5883 ; (vulgo) le 23 février 1834.
« DEUS MEUMQUE JUS. »
Cette certification, comme le texte des 16 articles du Traité, était signée :
– Baron Fréteau de Peny, Orthographié PENNY sous la certification, mais PENY partout ailleurs dans la publication du Traité et dans le Recueil. Comte Thiebault, Sétier, Marquis de Giamboni, (Membres de la Commission administrative du Suprême Conseil pour la France),
– Antonio-Carlos Ribeiro De Andrada Machado-da-Silva et Luiz de Menezes-Vasconcellos de Drummond, (Membres du Suprême Conseil pour l’Empire du Brésil),
– M.-A.-N.-A.-R. de Jachim de Ste Rose de Roume de Saint-Laurent (Marquis de Sainte-Rose, Comte de Saint-Laurent) et Gilbert Mottié Marquis de Lafayette (respectivement Super-Grand-Représentant Ordinaire et Extraordinaire, et Grand-Dignitaire-Honoraire et Grand-Représentant-Ordinaire du Suprême Conseil Uni de l’Hémisphère Occidental),
– et, par mandement du Congrès, le Grand Secrétaire Général du RITE, pro tempore, Charles Jubé.
La seconde partie de cette Version Latine, les Constitutiones et Statuta, malgré son intitulé laissant attendre deux textes, ne comportait, comme la Version Française (à l’intitulé en trois parties, cf. ante) que 18 articles, eux aussi d’un seul tenant. Dans les deux Versions, les articles traitent dans le même ordre des mêmes matières. Mais certaines dispositions, notamment à l’art. 5, sont différentes pour chaque Version, ce qui sera examiné lorsque nous comparerons les différents manuscrits de ces textes.
L’article 3 du Traité était libellé de la manière suivante :
Les Puissances-Confédérées RECONNAISSENT et PROCLAMENT de nouveau, comme GRANDES-CONSTITUTIONS du Rite-Écossais-Ancien-Accepte, les Constitutions, Instituts, Statuts et Réglemens Généraux, arrêtés par les neuf Commissaires des Subl Prces du Rl Sect, le 21 Septembre 1762, modifiés par ceux du 1er Mai 1786, qu’elles RECONNAISSENT également, qu’elles PROCLAMENT et s’engagent de même à respecter, observer, défendre, sous la réserve expresse—de rectifier et d’en élaguer les altérations qui y ont été faites et qui en dénaturent les dispositions.
A cet effet, une Copie authentique desdites Grandes Constitutions de 1786, certifiée et signée de tous les Membres du présent Congrès, sera jointe à chacun des originaux du présent Traité.
On aura remarqué la manière dont cet article 3 décrit les Constitutions de 1762 : Constitutions, Instituts, Statuts et Règlemens Généraux. Cette formulation inattendue reprend en partie l’intitulé des quatre premiers textes reproduits sous le Nº 1 de la Table du Recueil.
4. Les Grandes Constitutions Secrètes
En 1860 le Grand Commandeur Pike découvrit dans les archives de la Grande Loge de Louisiane un manuscrit de l’écriture d’Antoine Bideaud lequel était devenu membre du Suprême Conseil des Iles Françaises pour l’Amérique en juillet 1802 à Saint-Domingue. Ce manuscrit, écrit en français et certifié par Bideaud « en 1805 » Selon Pike, mais ceci est manifestement un lapsus calami pour 1802. contenait deux documents :
a) un Rituel du 33º qui n’offre presque aucune ressemblance avec les manuscrits de 1805-1813 aujourd’hui connus ;
b) un document intitulé : Grandes Constitutions Secrètes ou Règlemens des Souverains Grands
Inspecteurs Généraux, 33ème degré, Grands Commandeurs à vie de la Franche et Royale Maçonnerie Ancienne et Moderne sur les deux hémisphères ; constituées à Paris, York et Berlin. Ce document en 33 articles porte in fine la date du 27 août 1761 ainsi que huit signatures que l’on trouve sur la plupart des copies de la Patente Morin. Dans la copie du MS Bideaud, il porte une certification de Grasse-Tilly datée du 8 juillet 1802, au Grand Orient du Cap (Saint-Domingue). Cette date constitue une indication essentielle.
Pike explique avoir recopié le contenu de ce manuscrit dans son Registre personnel mais que malencontreusement le manuscrit original lui fut volé en 1865 et ne fut jamais retrouvé. Il publia en 1872 le texte de la copie qu’il avait précédemment effectuée en l’accompagnant d’une longue introduction qui se terminait ainsi :
Je publie ici ces Constitutions Secrètes parce qu’elles constituent un objet de curiosité et parce que je ne suis aucunement tenu de les garder secrètes. J’avais cette intention depuis que ce texte avait été mêlé à une controverse au sujet des Constitutions de 1786, afin de montrer qu’elles (les C. Secrètes) sont complètement différentes de ces Constitutions (de 1786). Il est temps que le mystère absurde qui leur est attaché prenne fin. Des Supérieurs Inconnus ne sont pas plus ridicules que des Constitutions Secrètes inconnues de ceux qui sont gouvernés par elles. En ce qui concerne leur authenticité, la date et le lieu où elles furent faites, je laisse chacun juge. Si j’ai une opinion sur ces questions, je ne tiens pas à l’exprimer.
Ces Constitutions Secrètes prétendent, à leur article IX, être émanées (sic) « de notre P et Ill F Frédéric III, Roi de Prusse… ». Elles sont quasiment inconnues en France, mais ont une position importante aux Etats-Unis. L’historien officiel de la Juridiction Nord, Baynard, leur a consacré des pages extraordinairement surprenantes en 1938. On sait que lorsque Dalcho, qui avait succédé comme Grand Commandeur à John Mitchell décédé en 1816, décida en 1822 d’abandonner ses fonctions de Grand Commandeur et de quitter le Suprême Conseil, il emmena la plupart des archives avec lui et refusa de les remettre à ses successeurs, Auld. puis Holbrook. Ce dernier prit contact à New York avec le Frère Gourgas, membre du Suprême Conseil fondé dans cette ville en 1813 par De La Motta, alors qu’aucun lien n’existait depuis plus de dix ans entre ces deux Suprêmes Conseils. Lorsque Holbrook demanda à Gourgas de lui fournir les documents qui manquaient au Suprême Coseil de Charleston, Gourgas, nous apprend Baynard, avant d’accéder à cette demande, exigea de tous les membres du Suprême Conseil de Charleston de prêter serment sur lesdites Constitutions Secrètes, ce qui fut fait le 29 juillet 1827. La Juridiction Nord considère aujourd’hui encore ce texte comme authentique et le reproduit dans les Constitutions of the Supreme Council… for the Northern Masonic Jurisdiction of the Unites States of America.
Néanmoins la mention de Frederick III semble avoir suffisamment troublé Baynard pour qu’après avoir cité correctement le nom de ce souverain dans le corps de son livre (tome I, page 121) il n’hésita pas à le modifier en Frederick of Prussia the 2d, lorsqu’il recopie intégralement ces Grandes Constitutions Secrètes dans le même tome, pages 474 et sq. ! Lindsay écrivait dans son Rapport de 1948 :
La Juridiction Nord des Etats-Unis les accepte et les a imprimées dans son Recueil de Lois (Digest of Laws).
5. Le Report de Robert S. Lindsay (1948)
Un siècle plus tard, en 1948, ces quatre Textes Intermédiaires vont, pour la première fois, faire l’objet d’une étude approfondie… en Écosse !
En effet, le 5 août 1948 Robert S. Lindsay, alors Grand Secrétaire Général du Suprême Conseil pour l’Écosse, présenta devant celui-ci un Rapport dont l’impression immédiate fut officiellement décidée. Son titre complet était : Report on the Institutes, Statutes and General Regulations of 1763, On remarquera cette date et le fait que Lindsay l’accepte. found in the Golden Book of Dr. Charles Morison of Greenfield, Founder in 1846 of the Supreme Council for Scotland with Comments by the Grand Secretary General for Scotland on their bearings upon the history of the Ancient and Accepted Scottish Rite.
Lindsay venait de découvrir le Livre d’Or du Dr. Morison dans les archives de son Suprême Conseil, dont Morison avait été le fondateur en 1846. Tels que Lindsay les décrit au début de son Rapport, les documents contenus dans ce Livre d’Or étaient les suivants :
- Une version « légèrement différente dans sa forme de toute autre version connue » des Constitutions de 1762, accompagnée des Statuts et Règlemens pour les Loges de Perfection. Report, p. 6.
- Les trois premiers Textes Intermédiaires déjà publiés dans le Recueil, ouvrage dont Lindsay connaissait l’existence, mais qu’il n’avait jamais eu entre les mains, ce qu’il ne dit pas mais ressort à l’évidence de certaines erreurs qu’il commet dans ses commentaires. Ces trois textes portaient dans le Livre d’Or de Morison l’intitulé suivant :
Instituts, Statuts et Règlemens Généraux de la Haute Maçonnerie tels qu’ils sont observés par nos TT Ill Ill et TT Puis FF SS EE d’Ec de Su de Fr d’Al et les notres par notre Très Illustre et Très Puissant Grand Président et Frère S. M. Le Roi Frédéric II. de Prusse, et sanctionnés par lui le 25e jour du 2e mois (Jiar) 5763. Lindsay a par deux fois (pp. 6 et 40 du Report) traduit cet intitulé en anglais mais en note de la page 40, il a transcrit les mots suivants du texte original français : « TT Ill Ill et TT Puis FF SS EE d’Ec de Su de Fr d’Al et les notres. » qu’il a ainsi traduits en anglais : « Very Illustrious and Very Puissant Brethren Sublime Elect of Scotland, Sweden, France, Germany and our own ».
3. Le quatrième Texte Intermédiaire, ici intitulé :
Instructions Générales Secrètes pour les Grands Inspecteurs Généraux et Princes du Royal Secret.
Lindsay indiquait que les Règlemens Généraux et les Instructions Secrètes étaient publiés par lui dans son Rapport pour la première fois. Ceci constitue la preuve que Lindsay n’avait jamais vu le Recueil de 1832 d’une part (dans lequel ces textes avaient été publiés plus de cent ans auparavant) et probablement mal étudié les publications de Pike dans lesquelles le texte des Instructions Secrètes avait déjà été reproduit d’après le Recueil, mais naturellement sous le titre que cet ouvrage leur attribuait (page 30), différent de celui du Livre d’Or de Morison.
En appendice à son Rapport, Lindsay reproduit sa traduction en langue anglaise de ces quatre Textes Intermédiaires d’après leur version en langue française contenue dans le Livre d’Or de Morison, mais non la version légèrement différente des Constitutions de 1762 dont il indique dans le corps du Rapport certaines caractéristiques qui nous permettront de situer très précisément l’origine de ladite version (cf. infra, 2e partie, Interlude Nº 2).
Lindsay indique au début de son Rapport que le Livre d’Or de Morison avait été copié sur celui de [Henry Dupont] Franklin, précédemment 2ème Lieutenant Grand Commandeur du Suprême Conseil pour les Possessions espagnoles de Terra Firma, de l’Amérique du Sud, du Mexique et de la Nouvelle-Espagne, et leurs dépendances d’une mer à l’autre, Membre et 2ème Lieutenant Grand Commandeur Honoraire du Suprême Conseil de l’Hémisphère Occidental, Membre Honoraire du Suprême Conseil de France. Dans ses commentaires Lindsay a malencontreusement confondu le premier nommé de ces Suprêmes Conseils avec celui que Grasse-Tilly avait fondé en Espagne en 1811.
Mais ceci mis à part, ces indications sont exactes, comme nous le verrons lorsque nous évoquerons le Comte de Saint Laurent. On pourrait d’ailleurs les résumer en une seule phrase : le Livre d’Or du Dr. Morison reproduisait très fidèlement les documents inclus dans le Livre d’Or du Comte de Saint Laurent sur lequel Henry Dupont Franklin les avait recopiés.
Ignorant l’existence du Livre d’Or de Saint Laurent ainsi que la publication de tous ces documents en 1832 à Paris dans le Recueil, Lindsay accordait à sa découverte et à la publication de ces textes une importance plus grande qu’elles n’en avaient réellement. Pourtant il apportait un élément inédit en Europe en 1948 : l’intitulé de ces différents documents ainsi que leurs certifications que je reproduis ci-dessous en les retraduisant en français :
De leur pleine science et pouvoir, les Chefs et vrais Protecteurs de la Haute maçonnerie ont arrêté, sanctionné et décrété les présente Instituts, Statuts et Règlemens Généraux pour être observés selon leur forme et teneur.
Donné au Point Central de la Grande Loge le 25ème jour du 2ème mois Jiar, l’an du Monde 5767, A L 5763.
Signé FREDERICK
et plus bas Signé DE PRINZEN
Confirmé la présente copie et par ordre du Souverain Grand Président, Souverain des Souverains.
Signé DE PRINZEN
Copie et traduction conformes, extraites des archives de l’Ordre.
Signé DUQUE DE MEDINA CELI
Certifié conforme à la copie dans mes archives.
Signé LE COMTE DE GALVEZ
Certifié conforme à la copie inscrite dans mon Livre d’Or, du fº 31 au f° 33.
FRANKLIN, 33º
Pour le Grand Représentant des Suprêmes Conseils de France et de l’Hémisphère Occidental.
Le Grand Chancelier ad hoc
P. BERRYER, 33º
Ces noms semblent représenter une chaîne de transmission utile à étudier de près.
D’après le Rapport de Lindsay, ces certifications sont placées après les Règlemens Généraux Report, pp. 47-48. et à la fin des Instructions Secrètes se trouve la certification suivante :
Certifié que les quatre documents précédents Note de Lindsay : « Les trois autres documents sont : 1. Les Constitutions de 1762 […], 2. Les Statuts et Règlemens pour les Loges de Perfection de la même date […], 3. Les Instituts, Statuts et Reglemens Géneraux de la haute Maçonnerie. sont conformes aux copies tirées du Livre d’Or de l’ancien Suprême Conseil d’Amérique du Sud, Mexique ou Nouvelle-Espagne, etc. .., réunies par ordre et sous le sceau du Suprême Conseil Uni de l’Hémisphère Occidental, et inscrites dans mon Livre d’Or du fº 25 au f° 34.
FRANKLIN, 33º.
Par le Député Grand Représentant des Suprêmes Conseils de France, et de l’Hémisphère Occidental.
Grand Chancelier ad hoc
P. BERRYER, 33º.
Les deux noms précédents se retrouvent dans la Liste des Grands Dignitaires… du Suprême Conseil Uni de l’Hémisphère Occidental, publiée à New York en 1832 : Reproduite in Folger 1862, Document No. 27, pp. 221 et 226.
– HENRY DUPONT FRANKLIN, Counsellor at Law, Past Master, Sovereign Grand Inspector General, Thirty-third degree ; Honorary 2d Lieutenant Grand Commander of the United Supreme Council, and its Grand Representative in Hayti and vicinity. Port-au-Prince.
– PIERRE EMlLIE BERRYER, Merchant in the Island of Hayti ; PRS, 32d deg. ; Deputy Grand Inspector General, and Representative of Supreme Council in south part of the island.
A la suite de cette Liste se trouve une Funeral Column of the First Grand Dignitaries qui comprend les cinq noms suivants :
– Bernardo, Comte de Galves, ancien vice-roi du Mexique, Fondateur et Puissant Souverain Grand Commandeur de l’ancien Suprême Conseil, 33°, de la Nouvelle-Espagne,
– Jose Maria, Baron de Norona, ancien Lieutenant Général des armées de Sa Majesté Catholique, Fondateur et Grand Commandeur de l’ancien Suprême Conseil de l’Amérique du Sud,
– A. de Joachim, Comte de Santa Rosa, ancien Major de cavalerie dans l’armée de Sa Majesté Catholique, Fondateur et 1er Lieutenant Grand Commandeur, &c.,
– Don Francisco de Saavedra, ancien Intendant Général du Vénézuela, et 1er Lieutenant Grand Commandeur &c.,
– Dewitt Clinton, ancien Gouverneur de l’État de New York, ancien Grand Maître de la Grande Loge de cet État, et Grand Commandeur de l’ancien Suprême Conseil des États-Unis d’Amérique.
Nous étudierons ailleurs ce que l’on sait des quatre premiers Frères ici nommés, dont certains avaient retenu l’attention de Leblanc de Marconnay pour des raisons évidentes.
Le Livre d’Or du Comte de Saint Laurent ne porte à la suite des trois premiers Textes Intermédiaires que la première certification citée ci-dessus d’après le Livre d’Or de Morison et s’y trouve datée de manière identique, 5763. Il semble ainsi que la seconde date incompréhensible du Recueil — 5732 — aurait, elle aussi, été due à une erreur typographique.
Interlude Nº 1
Eléments trop brefs concernant l’histoire maçonnique américaine
Voici terminée l’énumération des textes qui, se fondant sur l’organisation créée par Morin entre 1763 (date de son retour à Saint Domingue) et 1771 (Morin meurt à Kingston au mois de novembre de cette année), tenteront d’améliorer cette organisation pour aboutir au Rite Ecossais Ancien et Accepté en 33 grades tel que nous le connaissons aujourd’hui. Nous voyons ainsi au départ la Patente reçue par Morin en 1761, au centre l’annonce de l’existence d’une organisation en 33 grades à Charleston en 1802. Ce n’est qu’ensuite, de 1812 à 1872, que les textes eux-mêmes seront imprimés.
Mais comment expliquer le passage de cette organisation et ses transformations de Saint Domingue à la Caroline du Sud?
De Saint Domingue, colonie française, cette organisation était passée à la Jamaïque, colonie anglaise, un peu par hasard si, comme nous le pensons, Morin avait fait la connaissance de Francken lors de son emprisonnement à Kingston en 1762, mais aussi parce que la Grande Loge de France ayant décidé en 1766 d’annuler sa patente, Morin s’était trouvé confronté à une situation peu confortable à Saint Domingue avec l’arrivée du Frère Martin et les contestations que l’enquête de celui-ci avait fait surgir.
De la Jamaïque l’organisation de Morin avait été transplantée en 1767 à Albany, province de New York, avant la Guerre d’Indépendance, par Francken. Son développement fut ralenti par les débuts de la révolution des colons contre l’Angleterre (1773) et ce n’est que plusieurs années plus tard, en 1781 à Philadelphie, que nous voyons l’un des Députés Inspecteurs nommés par Francken, Moses Michael Hayes, se préoccuper de développer ce Rite dans ce qui était devenu un territoire indépendant depuis la déclaration de juillet 1776.
Pour bien comprendre à quel point cette réunion de 1781 Voir plus bas. est intimement liée aux événements maçonniques ayant lieu au même moment dans l’état de Pennsylvanie, il faudrait résumer ici l’histoire de la maçonnerie dans cette partie de l’Amérique, ce qui n’est guère possible. Le point important est qu’il existait alors une Grande Loge Provinciale à Philadelphie qui avait reçu une charte de la GL des Antients à Londres en 1761 et que la précédente organisation qui provenait des Modernes avait littéralement disparu.
Mais beaucoup plus importante que la querelle d’allégeance à l’une ou l’autre des deux Grandes Loges d’Angleterre ou aux Grandes Loges provinciales qui avaient été créées par la Grande Loge d’Écosse, la déclaration d’Indépendance du 4 juillet 1776 posa un problème encore plus fondamental aux Loges américaines.
Comme l’écrivait F. Dalcho p. 178 de son Ahiman Rezon publié à Charleston en 1807 :
In consequence of the dissolution of the political connexion between the colonies of North-America and Great-Britain, by the happy issue of the revolution, the United States became a separate and independent nation. And although the principles of the society of Free-Masonry, are in no wise affected by the revolutions of empires, nor by a change in the form of government, yet for many obvious and cogent reasons, it has always been found most convenient, to have the head, or supreme power, of the society, in that country in which the Lodges meet. La rupture des liens politiques entre les colonies d’Amérique du Nord et la Grande-Bretagne, grâce à l’heureuse issue de la révolution, eut pour conséquence de faire des Etats-Unis une nation distincte et indépendante. Les principes de la Maçonnerie ne sont en aucune manière affectés par les bouleversements des empires, ni par un changement dans la forme de gouvernement, cependant pour de nombreuses raisons évidentes et impératives, on a toujours trouvé fort à propos que la direction, ou pouvoir suprême, de la société [maçonnique] résidat dans le pays où les Loges se réunissent.
C’est à peu près ce qu’écrivait 82 ans plus tard un ancien Grand Commandeur de la Juridiction Nord des Etats-Unis Josiah H. Drummond, History of Symbolic Masonry in the United States, VoI. IV, p. 301, de R. F. Gould, The History of Freemasonry (Yorston ed., 1889). :
Independence in civil government naturally suggested independence in Masonic government. The circumstances in which the Craft were situated after the Fourth of July, 1776, brought home to every member, with great force, the importance of their Masonic allegiance … could they (they then asked) properly remain under the authority of a Grand Lodge, all the members of which held that their obedience as men was due to the British Crown, of which they had just declared themselves independent ? Especially when they were in arms to maintain that declaration ? It was inevitable that they should conclude that Masonic government should be in accord with civil government. L‘indépendance du gouvernement civil impliquait tout naturellement l’indépendance du gouvernement maçonnique. Les circonstances dans lesquelles se trouva la maçonnerie après le 4 Juillet 1776, rendirent chacun de ses membres intensément conscient de l’importance de son allégeance maçonnique … pouvaient-ils (telle était leur interrogation) en droit rester sous l’autorité d’une Grande Loge dont tous les membres estimaient en tant qu’hommes devoir obéissance à la Couronne Britannique, alors qu’eux-mêmes venaient précisément de s’en déclarer indépendants ? Et précisément au moment où ils avaient pris les armes pour soutenir cette déclaration ? Leur conclusion inévitable fut que le gouvernement Maçonnique devait forcément être en accord avec le gouvernement civil.
La première Grande Loge indépendante américaine fut celle du Massachusetts qui se constitua elle-même en 1777. Un mouvement se développa en 1780 qui souhaitait créer une seule juridiction pour tous les États d’Amérique dont le Grand Maître Général serait Washington. Lorsque cinq Loges se réunirent à Philadelphie le 13 janvier 1780, élirent Washington à ce poste et s’adressèrent aux autres Grandes Loges américaines pour leur demander de se joindre à leur mouvement, c’est la distinction entre Maçons Anciens et Modernes qui semble avoir été la cause principale de l’échec du projet, la Grande Loge de Pennsylvanie refusant de prendre en considération l’adhésion de (Grandes) Loges Modernes !
Il faut remarquer qu’une des lettres échangées alors entre les négociateurs s’appuyait sur un extrait de journal rapportant l’installation du Duc Carl de Södermanland comme « Grand Maître de toutes les Loges du Royaume (de Suède) et de celles de St. Petersbourg, Copenhague, Brunswick et Hambourg, etc. »Le 15 mars 1780, le Duc venait en effet d’être installé Ordensmeister de la IXème province du système suédois alors allié aux chefs de la Stricte Observance. Mais les frères américains ne se doutaient pas que loin de signaler une unification de la maçonnerie en Europe du Nord, ces extraits de journaux allaient au contraire déclencher les hostilités entre les deux systèmes et aboutir à la démission du Duc l’année suivante, puis aux luttes du Convent de Wilhelmsbad. C’est le Frère Drummond, cité plus haut, qui relève le contenu de cette lettre (op.cit., p. 311). Le rôle des journaux allemands en 1780 est confirmé par les documents suédois récemment publiés en langue allemande parla Loge de Recherches (FO) Frederik.
C’est dans le cadre général de la recherche de l’unité et de l’indépendance nouvellement désirée de la maçonnerie américaine qu’il faut considérer les réunions de Philadelphie du printemps 1781, les nominations faites alors par Hays A noter que la Circulaire de 1802 orthographie ce nom Hayes, de même que l’« Annual Register des Frères qui composent la Sublime Grande Loge de Perfection de Caroline du Sud », publié pour l’année 1802 à Charleston par Bowen. Hayes est le dernier cité des Honorary Members (ils sont huit) dont la liste commence par le Duc de Sudermanie. On trouve les deux orthographes (cf. Oppenheim, The Jews and Masonry in the United States before 1810, (1910) : « His name is sometimes spelled ‘Hayes’ in the early Masonic records » (p. 5). Il signait Hays sans doute possible en 1781. Tatsch écrit toujours Hays (Moses Michael Hays, Boston, 1937). Mais, curieusement, la reproduction de la pierre tombale de Hays que donne Tatsch (en face de la p. 9) indique Hayes ! Il semble préferable d’adopter Hays partout en raison des fac-similés de sa signature. (que Francken avait nommé Député Grand Inspecteur près de treize ans plus tôt), de huit Députés Grands Inspecteurs et aussi le fait que ces Députés Grands Inspecteurs semblent avoir alors transformé leur titre en celui de Député Grand Inspecteur Général. C’est sur le procès-verbal de la réunion du 25 juin 1781 à Philadelphie qu’un Frère, Isaac Da Costa, fait suivre son nom du titre d’Inspecteur Général pour les Indes Occidentales et l’Amérique du Nord. Mais les procès-verbaux de la Loge de Perfection de Philadelphie montrent qu’Hays n’y viendra jamais.
Bien plus, cette Loge de Perfection décidera le 7 décembre 1785 d’envoyer une lettre au Grand Conseil à Berlin et à Paris pour les informer de l’établissement de cette [notre) Sublime Loge. lettre qu’ils adressent à Frédéric III !. Et comme les termes employés dans cette lettre sont révélateurs ! Les titres et les grades que Bush, signataire de cette lettre et Trois Fois Puissant de la Loge de Perfection, indique dans cette lettre être les siens
Chevalier d’Orient et Prince de Jerusalem, Souverain Chevalier du Soleil. et de l’Aigle Blanc et Noir, Prince du Royal Secret et Député Inspecteur Général et Grand Maître sur toutes les Loges, Chapitres et Grand Conseil des Degrés Supérieurs de la Maçonnerie en Amérique du Nord, à l’intérieur de l’État de Pennsylvanie
il dit les avoir reçus
par patente du Souverain Grand Conseil des Princes …régulièrement établi par le Sublime Grand Conseil des Princes
mais jamais on ne voit le nom de Kingston mentionné ! Il continue en disant :
Considérant que nous sommes encore au berceau dans un Jeune Empire en croissance si distant et éloigné du Grand Orient de Berlin … nous sollicitons humblement d’entrer en correspondance (avec vous) … pour nous diriger…
Peut-on en lisant ces lignes, douter un instant que les liens de subordination envers Kingston, colonie anglaise, n’existaient plus pour ces maçons de Philadelphie ? Berlin, la Prusse, ‘un’ Frédéric, oui. L’ancien colonisateur, plus jamais.
Est-ce parce qu’il se sentait encore sentimentalement attaché à Kingston que Hays, après 1781 et sa nomination de huit Inspecteurs, s’était retiré à Boston où il deviendra plus tard Grand Maître de la Grande Loge du Massachusetts ?
C’est Isaac De Costa (ou Da Costa) qui, en 1783 d’après la Circulaire de 1802, viendra créer une Loge de Perfection à Charleston en Caroline du Sud. Da Costa meurt le 23 novembre de la même année.
La Loge de Perfection de Philadelphie qui s’était réunie trois fois en octobre 1782, avait interrompu ses travaux sans en mentionner la raison jusqu’au mois d’octobre 1784. Elle ne tiendra alors pas moins de trente-neuf réunions en un an. Les 5 et 6 octobre 1785, elle reçoit la visite d’Augustine Prevost, Augustine est exact d’après le Minute Book for the Lodge of Grand Elect Perfect and Sublime Masons, in the City of Philadelphia, 25th June, 1781 (MS Vol. nº 104 des Archives de la GL de Pennsylvania, transcrit par Sachs, Ancient Documents relating to the A. and A. Scottish Rite,1915). Est-ce le même maçon que le colonel Provost ? La çuestion a fait couler beaucoup d’encre (Gould, Fairbairn Smith et alia). On peu penser que oui. On peut remarquer que si sur les fac-similés d’Albany de 1767-68, le nom est orthographié à trois reprises Augustin Prevost, dans le Pennsylvania Journal du 24 septembre 1785 (transcrit par Sachse, Fremasonry in Pennsylvania, 1909, Vol. II, p. 97), le nom est écrit : Augustine Prevost. l’un des premiers membres de la Loge de Perfection d’Albany (celle que Francken avait créée en 1767) qui, entre temps, était devenu Colonel du 60ème bataillon (Royal American) an service à la Jamaïque dans les années 1775 où Francken – l’un de ses rares actes après la mort de Morin dont la trace nous soit parvenue – l’avait nommé Député Inspecteur Général. Est-ce un hasard si c’est moins d’un mois après ces deux visites que la Loge de Perfection décide d’envoyer à Frédéric la lettre que nous évoquions plus haut ?
Certes non. On peut suivre l’action de Prevost à Philadelphie pendant plusieurs années, les patentes qu’il décerne en 1789 et 1790 en sa qualité de Député Inspecteur Général par patente du Grand Conseil de Princes des Maçons à Kingston en Jamaïque à William Moore Smith, futur Grand Maître de la Grande Loge de Pennsylvanie et à Pierre Lebarbier Duplessis qui en est le Grand Secrétaire et en sera le Député Grand Maître en 1810 !
Est-ce un hasard si la même année 1790, Samuel Stringer que Francken avait « élevé au plus haut degré de la Maçonnerie » le même jour que Hays, le 6 décembre 1768, et également constitué Député Grand Inspecteur, qui avait dirigé les travaux de L’Ineffable à Albany jusqu’en décembre 1774, mais qui n’avait plus donné de signes d’activité depuis, est-ce un hasard si Stringer surgit à nouveau en septembre 1790 pour nommer Stephen Van Rensselaer Député Inspecteur Général ?
Tout ceci ne donne-t-il pas l’impression que Kingston (est-ce alors encore Francken lui-même, s’est-il donné un successeur, nous ne le savons pas) essaye de défendre ce qu’il a fondé en Amérique ?
Sur cette époque de l’histoire maçonnique entre les années 1790 et 1800, nos informations sont encore déplorablement fragmentaires. En effet le rôle du centre directeur qui existait en Jamaïque à Kingston lorsque Morin dut s’y établir est aujourd’hui totalement obscur. Lorsqu’en 1790 des Frères de Philadelphie, Abraham Forst, Moses Cohen et Abraham Jacob (le premier était certainement un Député Grand Inspecteur Général nommé par Moses Hays en 1781 à Philadelphie; le titre exact du second et l’autorité de laquelle il aurait reçu le titre de Grand Inspecteur Général sont incertains ; le troisième semble avoir été promu seulement au Grade de Patriarche Noachite et Chevalier du Soleil en novembre 1790 à Kingston par les deux premiers nommés) se retrouvèrent à Kingston, ont-ils rejoint le groupement dirigé par Francken (qui ne meurt que cinq années plus tard, en mai 1795) ou bien ont-ils créé (au nom de Philadelphie ?) un organisme concurrent ? Quel rôle jouait alors David Small, nommé en octobre 1783, sept ans plus tôt, Député Grand Inspecteur Général par Francken à la Jamaïque, ceci constituant l’ultime signe d’activité maçonnique de ce dernier ?
Voilà ce que nous ne savons pas et, parce que les archives de Kingston ont disparu, ce que nous risquons de ne jamais savoir.
Ce que nous savons, c’est que deux facteurs vont jouer au cours de cette décennie 1790-1800 un rôle capital : à Kingston un Frère Hyman Isaac Long reçoit du Frère Moses Cohen une Patente le 12 janvier 1794 et bien que les copies que nous connaissions de celle-ci semblent exclure qu’elle l’ait autorisé à exercer une autorité quelconque en Caroline du Sud, c’est à Charleston que nous le retrouvons, agissant comme Député Inspecteur Général en 1796. D’autre part, le Comte de Grasse-Tilly arrive à Saint-Domingue en 1789, épouse le 17 septembre 1792 Anne Sophie Delahogue, fille d’un notaire de l’île, et quitte Saint-Domingue avec sa nouvelle famille, chassé par la révolte des esclaves, pour arriver comme réfugié à Charleston le 14 août 1793.
Sur les activités de Grasse-Tilly et de son beau-père jusqu’au mois de juillet 1796, aucune information. Mais ils fonderont avec d’autres Français la loge La Candeur cet été-là, juste après qu’un incendie ait détruit les registres de la Loge de Perfection qu’y avait établie Isaac Da Costa en 1783. Fin 1796 ils seront avec douze autres réfugiés français, Saint Paul, Petit, Marie, Aveilhé, Toutain, Dupuy, Lefevre, Grochan, Allemand, Placide, Grand et Marie Paul Daniel Remoussin. promus Députés Inspecteurs du Rite par Long.
Il faudrait maintenant décrire également l’histoire maçonnique de la Caroline du Sud, histoire complexe et mal connue à cette époque. N’en disons que ceci : il existait alors dans cet État deux Grandes Loges rivales, se réclamant des deux Grandes Loges existant alors encore en Angleterre à la même période.
C’est à la Grand Lodge of Free and Accepted Masons, se réclamant de la Première Grande Loge, celle des “Modernes”, que se rattache La Candeur, le 2 janvier 1798. L’union des deux Grandes Loges de la Caroline du Sud ne sera définitivement réalisée qu’en 1814.
Ayant ainsi tenté de montrer brièvement comment l’organisation née à Saint-Domingue et à la Jamaïque est liée à celle qui se développera en Caroline du Sud au cours des années précédant la publication de la Circulaire de décembre 1802, retournons maintenant aux manuscrits des textes évoqués précédemment.
DEUXIEME PARTIE
L’existence des manuscrits
Problèmes résultant de leur comparaison avec les sources imprimées ultérieures
Après avoir énuméré les textes en fonction de leur parution dans des ouvrages imprimés et avoir tenté de situer brièvement le contexte historique dans lequel ils surgirent, nous devons maintenant examiner quelles sont leurs sources manuscrites lorsqu’elles existent encore aujourd’hui.
Le problème augmente en difficulté car si la plupart des ouvrages publiés que nous avons mentionnés précédemment sont fort rares, il reste qu’une fois ces ouvrages localisés dans une bibliothèque, il est généralement possible d’en faire établir une photocopie.
La question des manuscrits est plus délicate, les bibliothèques qui les détiennent refusant parfois d’autoriser à ce qu’une copie intégrale autre que manuscrite en soit faite. Ceci est la position actuelle d’un organisme non maçonnique, le British Museum, à laquelle certains corps maçonniques semblent s’être ralliés. Dans certains cas il n’est même pas toujours possible de savoir s’ils existent encore ou non. On touche là en effet au réexamen de l’histoire maçonnique, réexamen auquel certaines obédiences ne sont pas toujours par hypothèse favorables. La patience et la recherche systématique sont alors la règle de l’historien consciencieux.
Disons simplement que nous sommes loin de considérer nos recherches comme terminées mais que nous remercions tous ceux qui nous ont apporté leur aide.
Il y a encore un problème qui doit être abordé maintenant et qui devient évident lorsque l’on compare entre elles sources imprimées et sources manuscrites.
La découverte d’une version ‘princeps’ datée 1771 des Constitutions dites ‘de 1762’ dans les archives au Suprême Conseil d’Angleterre en 1977 et sa publication en 1980 par le Brigadier Jackson dans son livre Rose Croix Il est préférable pour l’exactitude du texte de se référer à la version corrigée par Jackson publiée dans AQC Nº 97 (1984) permit de constater à quel point la version du même document, publiée en 1832 dans le Recueil, avait en soixante ans subi de modifications et d’interpolations. Nous considérerons celles-ci plus loin, mais elles nous permettent de tirer une conclusion d’ordre général, essentielle pour l’étude des documents du XVIIIe siècle : il semble bien que pour les maçons d’alors, il n’y avait guère d’inconvénients à modifier ce qu’ils dénommaient la copie d’un texte, pour le rendre cohérent avec des dispositions postérieures, tout en lui conservant le même intitulé. Autrement dit, notre notion toute contemporaine consistant à mentionner qu’un texte modifié constitue une nouvelle édition revue et corrigée leur était parfaitement étrangère.
Il faut encore tenir compte des modifications, point forcément involontaires, introduites dans certains cas par des copistes. Si, entre le moment où un document avait été dressé et celui où il était recopié, les dénominations d’Atelier ou de grades avaient subi des modifications, certains copistes n’hésitaient pas à introduire lesdites modifications à l’intérieur d’un texte rédigé à une époque antérieure afin de le rendre cohérent ! Ceci tendrait à expliquer le labyrinthe que constituent les différentes appellations portées par les Inspecteurs du Rite ou les différences que l’on constate dans la dénomination des grades.
Donnons-en deux exemples : nous avons vu que la Circulaire de 1802 fut réimprimée en annexe au Discours de Dalcho de 1803. Dans cette seconde édition, Dalcho modifia le code selon lequel les dates avaient été indiquées dans la première édition et ajouta des notes de bas de page. La liste des 33 grades du nouveau Rite, énumérés à la fin de la Circulaire, était restée identique dans les deux cas. Par contre, lorsque cette Circulaire fut à nouveau imprimée en 1823 à Charleston dans un ouvrage rarissime, les Documents upon Sublime Free-Masonry… par Joseph M’Cosh, cette liste subit (sans la moindre note indiquant les modifications introduites les changements suivants :
Original 1802 |
M’Cosh 1823 |
29º |
K-H |
29° |
Knight of St.Andrew |
30º31º32º |
Prince of the Royal Secret, Princes of Masons |
30° |
K-H |
31° |
Grand Inq. Commander |
|
|
|
|
32° |
Sublime Prince of the Royal Secret, Prince of Masons |
Deuxième exemple : dans le manuscrit Francken de 1771, l’expression “Constitutions secrètes” n’apparaît qu’une fois, à la fin de l’art. 25. En raison des interpolations ultérieures qui seront reprises dans la version publiée dans le Recueil en 1832, cette expression s’y retrouve quatre fois, les trois ajouts résultant de l’interpolation de l’Introduction pour deux d’entre eux et d’une modification de l’article primitif 29/5, devenu 31/4 pour le troisième où il remplace les mots « aux présents Statuts et règlements ».
L’idée de textes secrets présentait certainement de l’attrait pour nos Frères d’alors. Mais il ne faudrait pas déduire de ce qui précède que les “Constitutions secrètes” auxquelles il vient d’être fait allusion soient le même texte que les “Instruction Secrètes”, quatrième Texte Intermédiaire, ou que les “Grandes Constitutions Secrètes” évoquées précédemment.
A cette époque, un texte nouveau peut parfaitement reprendre un intitulé déjà existant mais contenant des dispositions différentes, un texte ancien peut subir des modifications sans que son intitulé soit pour autant changé. Comme il est hautement probable que nous ne possédons plus toutes les versions différentes successives par lesquelles un texte déterminé est passé, nous éprouvons naturellement l’impression d’être mis en face de contradictions qui résultent du fait qu’un maillon de la chaîne n’existe plus.
Ceci établi, venons-en maintenant à l’étude des copies manuscrites des textes dont nous avons considéré plus haut la première apparition sous forme imprimée.
1. La Patente Morin
Nous avons dit précédemment les raisons qui nous amènent à penser que la plus ancienne version manuscrite aujourd’hui accessible de cette Patente est celle inscrite au début du Livre d’Or de Grasse-Tilly.
Pour ce manuscrit, pas de problème : on peut le consulter à la Bibliothèque Nationale de Paris où il est déposé sous la cote FM1 285. Nous avons dit également pourquoi les différences existant dans son texte chez les auteurs depuis 1812 nous semblaient facilement explicables.
Pour les textes constitutionnels que nous allons considérer maintenant, la situation est différente.
2. Les Constitutions de 1762 Cf. Bernheim 1984 in RT 59.
Il y a un siècle existait un manuscrit daté de 1767, donc plus ancien que le Manuscrit Francken 1771, qui contenait une version de ces Constitutions et une copie de la patente Morin. En effet le Frère américain Carson écrivait en 1889 :
La Collection Carson renferme le manuscrit original de ces Constitutions en langue anglaise, datées 1767 ; donné aux FF. organisateurs de la Loge de Perfection à Albany, New York, en 1767 par Henry Andrew Francken, un Député Inspecteur nommé par Morin. American Addenda, History of Freemasonry, Gould, Yorston Ed., Vol. IV, p.627.
Ce manuscrit a disparu aujourd’hui. Baynard le signale mais ne put arriver à le localiser en 1938. Vol. I, p. 30
Voici l’énumération portée fº 1 du Ms. Francken de 1771, à la suite de la liste des grades (15º-25º) contenus dans ce manuscrit :
|
Regulations and Statutes for lodges of Perfection |
|
197 |
|
The Masonick Tree of the 25 degrees |
|
217 |
|
The great statutes and Regulations Made in Prussia and France the 7th of September 7762, Resolved by the Nine Commissioners named by the grd council of the Subme Princes of the R. Secret |
|
221 |
|
Further instructions for Lodges of Perfn |
|
241 |
|
Form of the Submission, to be sign’d by Every Brother when he arrives to the 13th degree |
|
247 |
|
Copy of a Constitution of a Lodge of Perfection |
|
249 |
C’est le troisième de ces documents qui constitue la version la plus ancienne aujourd’hui connue des Constitutions de 1762.
Dans le corps du manuscrit, le dernier document recopié (fº249-fº252) est la copie de la Constitution remise par Francken aux Frères d’Albany ou plus exactement le projet rédigé par Francken pour ce document. En effet ce texte-ci est daté du 2 novembre 1767 et les reproductions en fac-similé connues d’après différents ouvrages américains montrent la date du 20 décembre suivant sur le document original définitif. Ceci explique également deux différences remarquables dans le corps du texte : le projet qualifie Morin de Gd. Inspr, le document porte Gd. Inspr Gen. Le projet – comme le document définitif – indique :
… Morin, Gd. Inspr of all Lodges Relative to the Superior Degrees of Masonry, from the 4th to the 29th degree…
mais, dans le projet, 29th a été rayé et au-dessus on peut lire : 25th.
Il convient enfin de relever que la certification de Francken :
This Book wrote and finished by H. A. Francken Prince of the Royal Secret, ard Depty Inspector etc. In Kingston the 30th of augt 7771—
qui est reproduite en fac-similé dans le livre de A. C. F. Jackson, Rose Croix, p. 53 (et non ‘30th of June 7771’, lecture fautive reproduite dans AQC 89, 1977, p. 210), se trouve dans le manuscrit placée en bas du f° 247, avant le projet du document Albany. Ceci empêche d’être certain de la date à laquelle ce projet a été recopié et ajouté au manuscrit.
Revenons aux Constitutions de 1762. Entre la version contenue dans le manuscrit de 1771 et celle publiée soixante ans plus tard, en 1832, dans le Recueil des Actes, existent des différences majeures qui sont de deux natures : il y a d’une part les fragments de texte qui ont été ajoutés à la version de 1771 et qui, à quelques variantes près, sont déjà présents dans les Livres d’Or de Grasse-Tilly (commencé en septembre 1796) et de Delahogue (20 juin 1798-12 octobre 1799); d’autre part des modifications sont apportées à certaines dénominations.
Les fragments ajoutés sont :
- L’introduction et les deux premiers articles ; le second article n’étant rien d’autre que la reproduction de la liste des 25 degrés énumérés séparément dans les Manuscrits Francken de 1771 et de 1783 sous le nom de ‘Masonick Tree of the 25 degrees’.
- L’intégralité de l’article 35.
Le rapprochement des dates que nous venons de mentionner permet de conclure que ces interpolations ont dû être effectuées entre 1783 et 1796.
Par ailleurs ce n’est que dans le Recueil (1832) que l’Atelier des Sublimes Princes du Royal Secret est dénommé ‘Souverain grand consistoire’. Dans toutes les versions antérieures cet atelier est dénommé ‘souverain conseil’ ou encore ‘souverain grand conseil’. Cohérent avec lui-même le Recueil a remplacé dans l’article 35 (ajouté) l’expression ‘Conseil Particulier de Princes Sublimes de Royal Secret’ par ‘consistoire particulier de sublimes princes de royal secret’.
Pourquoi et comment cette modification est-elle intervenue en 1832 dans le Recueil ? Le manuscrit récemment redécouvert à La Haye par René Désaguliers donne la réponse à cette énigme. Il suffisait de comparer entre elles trois versions des Constitutions de 1762 : celle du Livre d’Or de Grasse-Tilly, celle que Grasse-Tilly certifia en 1805 pour Pyron (le document de La Haye) et comparer la version imprimée en 1832 avec ces deux versions manuscrites.
Dans son manuscrit Grasse-Tilly n’utilisa jamais d’abréviation quelconque suivie des trois points placés en triangle, mais le copiste de la version Pyron (peut-être était-ce Pyron lui-même ?) utilisa cette abréviation très fréquemment. D’où une abondance de ‘cons’ là où Grasse-Tilly avait toujours écrit conseil, qui laissait la voie libre à l’imagination du rédacteur du Recueil qui prépara la version‘ imprimée en 1832. En effet ce dernier n’utilisa pas non plus d’abréviations tri-ponctuées mais compléta les mots ‘cons’ du manuscrit Pyron avec un arbitraire absolu.
Si le mot consistoire n’est utilisé qu’une seule fois dans le texte Grasse-Tilly (à l’article 30, où il est question du Consistoire des Princes Adeptes, 23° du Rite en 25 degrés), le mot Conseil est employé exactement cent fois dans la version des Constitutions de 1762 recopiée dans son Livre d’Or.
Or lorsque ce texte fut à nouveau recopié dans la version Pyron de 1805, il se passa la chose suivante : trente-neuf fois, le mot conseil fut écrit en toutes lettres, cinquante-cinq fois l’abréviation cons fut employée par le copiste, quatre fois l’abréviation consre, enfin le mot consistoire fut utilisé trois fois.
L’examen de la version Pyron me permet d’affirmer que ces choix furent arbitraires, aléatoires et qu’aucune intention n’y fut mêlée. L’abréviation ‘Souv gr Consre se trouve à la première utilisation du mot aux articles 4, 6 et 7. La dernière utilisation, sous la forme ‘Souv Gd Consist, à l’article 31. Le mot Consistoire se trouve à l’article 30, comme dans le Livre d’Or de Grasse-Tilly, pour désigner l’Atelier des Princes Adeptes, mais également aux articles 8 et 14; là encore l’inattention du copiste me paraît flagrante. Il convient de remarquer que ceci mis à part la copie Pyron est en général très fidèle, qu’elle contient un nombre minime de modifications (ainsi à l’article 28, le copiste a oublié l’adjectif grand pour désigner le Conseil des Princes de Jérusalem, adjectif constant dans la version Grasse-Tilly pour désigner cet Atelier et qui le distingue des Conseils de Chevaliers d’Orient qui, eux, ne sont pas ‘grands’).
Or le mot Consistoire se rencontre quarante-cinq fois dans la version du Recueil ! Le rédacteur a jugé utile de remplacer le mot Conseil écrit en toutes lettres dans la version Pyron par le mot Consistoire à sept reprises (articles 3, 9, 15, 32 – deux fois –, et 35 – deux fois également). Mais sa première utilisation du mot Conseil dans l’article 14 remplace le mot Consistoire employé dans la version Pyron ! Une fois, dans l’article 6, il a employé le mot chevaliers là où la version Pyron avait indiqué l’abréviation cons. Une fois sur trois environ cons est devenu conseil, pour le reste, consistoire.
Ici comme dans la version Pyron, il ne semble guère que le rédacteur du Recueil ait voulu faire oeuvre cohérente. Et dans la mesure où les historiens désirent étudier l’organisation que Morin avait imaginée pendant les dernières années de sa vie, c’est au texte du manuscrit Francken de 1771 (faute d’avoir retrouvé une version plus ancienne de quelques années) qu’il convient de se référer. Et cette constatation, faite ici pour la première fois et qui semble utile pour l’étude de cette époque du développement dela maçonnerie des ‘Hauts Grades’, montre à quel point la récente découverte du manuscrit Pyron par René Désaguliers présente une importance considérable.
Un détail montre, à mon avis, que ce manuscrit Pyron est bien le chaînon intermédiaire entre le Livre d’Or de Grasse-Tilly et le Recueil de 1832 en ce qui concerne le texte des Constitutions de 1762 : dans le Recueil, page 18, voici le texte de l’article 34, § 4º :
Le grand élu parfait célébrera en particulier la dédicace du premier temple, le 5e jour de la 3e lune ou 6e mois, répondant à notre mois de juin, où les chevaliers princes maçons sont décorés de tous leurs ornemens.
Or le mois de juin correspond bien au 6ème mois de l’année civile mais n’est jamais considéré comme tel dans les calendriers maçonniques de cette époque.
Le Livre d’Or de Grasse-Tilly contient le texte suivant pour le passage correspondant :
… la dédicace du 1er temple le 5e de la troisieme Lune, a b qui repond à notre mois de juillet…
Pyron a correctement recopié: ce dernier texte tout en remplaçant néanmoins troisieme par 3e, ce qui donnait : « le 5e de la 3e Lune a b ce qui répond à notre mois de juillet », mais la lettre b du mot ab était nettement séparée de la lettre a et cette lettre b était tracée de telle manière qu’elle ressemblait au chiffre 6. Il n’en fallut pas davantage pour que le rédacteur du Recueil lise : ou 6 au lieu de ab. Et il remplaça (pour que cela prenne un sens…) le mois de juillet – qui ne pouvait en aucun cas être ‘son’ sixième mois – par le mois de juin qui fit ainsi sa première apparition à cet endroit du texte en 1832 ! Or tout ceci est d’autant plus curieux que le mois ‘ab’ n’est jamais le troisième mois du calendrier hébraïque, mais le cinquième pour l’année religieuse ou le onzième pour l’année civile. cf. Lewisohn, Geschichte und System des jüdischen Kalenderwesens, Leipzig, 1856, p.8.
Comme les Livres d’Or de Delahogue et d’Aveilhé contiennent la même version que celui de Grasse-Tilly, il faut supposer qu’il y eut une erreur dans la copie du texte primitif, tiré probablement du Livre d’Or d’Hyman Isaac Long qui devait contenir une leçon correcte. On sait que les exilés français à Charleston eurent des difficultés à utiliser le calendrier hébraïque alors en usage pour dater les documents de l’Ordre de Prince de Royal Secret et créèrent un code simplifié. cf. mon article à paraître cette année dans AQC Nº 99 sur les codes de datation maçonnique.
Mais si on examine les Livres d’Or de Grasse-Tilly et de Delahogue et leurs versions de l’article 35, décrivant le nombre et les officiers des Conseils Particuliers de princes de Royal Secret, il semble possible qu’il y ait déjà eu ici une modification antérieure. L’examen des rituels des MSS Francken montre que les mots Conseil ou Grand Conseil peuvent s’appliquer aux Ateliers du 15eme au 17ème grades et à ceux des 23º et 25º.
En effet, toute l’organisation décrite dans la version de 1771 de ces Constitutions s’appliquait au ‘Souverain Grand Conseil Dans Rose Croix, l’article 4 portait la leçon fautive ‘Commander’, ce qui avait été relevé dans Renaissance Traditionnelle, Nº 59, p. 176, Note 4. Cette erreur de lecture a été rectifiée dans AQC 97, p. 185. de PRS de Paris et Berlin’ dont les officiers « ne pourront être choisis que parmi les Présidents des Conseils, particulièrement ceux des Princes de Jérusalem régulièrement constitués à Paris et à Berlin »(Art.4), et cet article ne traitait nulle part des Conseils de grades ‘inférieurs’, toutefois l’article 26 en prévoit la création, précisément jusqu’au grade de Princes de Jérusalem inclus.
Ne serait-ce pas alors aux Conseils Particuliers de Princes de Jérusalem – et non pas de Princes de Royal Secret – qu’une version primitive de cet article 35 aurait été applicable ? La limitation du nombre de ses membres au chiffre de 15 (dans les Livres d’Or précédemment cités) se retrouvant dans le Règlement du Grand Conseil de Princes de Jérusalem de Charleston, daté du 12 Mai 1788.
Ainsi, si on ajoute foi à cette hypothèse, ce ne serait que lorsqu’un Conseil Particulier de Princes du Royal Secret fut pour la première fois, au plus tard en 1795, C’est délibérément que j’écris ici 1795 et non 1797, date à laquelle la plupart des auteurs font remonter la création du Conseil de Princes de Royal Secret à Charleston, celui de Long, assiste des autres Français émigrés, création faite dans l’antichambre de la loge La Candeur. Ce Conseil était, à mon avis, le second. Le premier Conseil, j’en déduis l’existence d’après le texte de la Patente remise par Spitzer à John Mitchell (ceci est naturellement la lignée des Inspecteurs de Philadelphie, la lignée Morin-Francken-Hays) qui est datée du 2 avril 1795 « de l’orient du Grand et Puissant Conseil des Très Vaillants Princes et Sublimes Maçons du Royal Secret &&& sous la Voute Céleste du Zénith qui répond au 32º 40′ Latitude Nord ». Dans les patentes ultérieures, ces chiffres correspondent à la situation géographique de Charleston, seront remplaces par 32º 45′. créé à Charleston que les auteurs de cette fondation auraient remplacé les dispositions applicables aux Conseils Particuliers de Princes de Jérusalem (contenues dans un article 35 primitif que nous ne connaîtrions plus aujourd’hui) par des dispositions nouvelles s’appliquant à un Conseil Particulier de Princes du Royal Secret, donnant ainsi à leur création l’apparence d’une base réglementaire légale. C’est cette dernière version qui serait parvenue jusqu’à nous dans le Recueil de 1832.
On voit ainsi par ces quelques exemples, combien les strates de ce qu’on pouvait jusqu’en 1980, considérer comme un texte unique, constituent en réalité la manifestation de la succession d’organisations évoluant en fonction des années et des lieux où elles furent créées. Voyons par conséquent dans ces ‘variantes’ une source de renseignements codés qu’il nous appartient de déchiffrer, et non une raison de douter de l’authenticité de ces textes.
3. Les Instituts, Statuts Et Reglemens Generaux
Nous avons vu précédemment que ces textes portaient dans le MS Bailhache les dates suivantes : 5732 (?) et 7801 (= 1801), dates qui concernaient leur transmission ou certification, mais que dans les Livres d’Or de Saint Laurent et Morison, leur intitulé faisait remonter leur rédaction à 5763 (= 1763).
Malgré la découverte de ces indications nouvelles, il faut reconnaître que l’origine et la datation véritables de ce texte en trois parties constitue un problème non encore résolu.
Il me semble y avoir plusieurs raisons pour lesquelles ces textes présentent un intérêt considérable. La première est illustrée par la place qui leur est accordée dans le Recueil de 1832. Mais ceci mis à part, ces documents introduisent un vocabulaire nouveau dont voici quelques exemples :
1. Grand Inspecteur Général.
Cette dénomination n’existe pas dans le manuscrit Francken 1771 dans le corps du texte des Constitutions de 1762. Dans le manuscrit Francken de 1783, elle s’applique uniquement à Morin, (in Constitution du Grand Chapitre de Kingston, 30 avril 1770, et en tête du rituel du 15ème degré, aussi bien dans ce manuscrit que dans le troisième manuscrit Francken (cf. AQC 97, 1984, p.201). On la relève une seule fois dans la version des Constitutions de 1762 dans le Recueil à l’article 29, mais elle y a été introduite postérieurement (cet article 29 correspondant à l’article 27 du manuscrit de 1771 où, à cet endroit, on lit les mots : Grand Secrétaire Général).
2. Asile sacré de la haute Maçonnerie.
Cette expression nouvelle est introduite aux articles 12, 14, 16 et 18 des Statuts et sert à désigner les ateliers de différents degrés dépendant du Grand Consistoire.
3. Grand Consistoire.
Cette expression est nouvelle, elle aussi. On connaissait dans d’autres textes (manuscrit Francken 1783 et manuscrit X En ce qui concerne le manuscrit ‘X’, cf. Renaissance Traditionnelle Nº 65, page 9, note 10. ) l’expression Consistoire pour désigner l’atelier du 24º (1783) ou du 25º (X & 1783). L’expression ne se trouvait qu’à la fin du rituel du grade : « to open, and Close the grd chapter or Consistory ». Au début du manuscrit du 25e grade on trouvait : « …for holding of a grd chapter, or Council of the Sovereign princes of the Royal Secret ».
L’article 2 des Instituts prévoit la création d’un tel atelier en ces termes :
Le tribunal qui dirige l’administration de la haute Maçonnerie, et constitue les divers grades qui en dépendent est nommé Grand Consistoire.
L’officier qui le dirige porte le titre de souverain grand commandeur. Marquant bien ainsi la différence entre ce Grand Consistoire et un atelier composé de Princes de Royal Secret, ce dernier atelier porte le titre de ‘grand conseil’ (Statuts, art. 7 et 10).
Notons ici déjà que dans le quatrième Texte Intermédiaire (les Instructions) la possibilité de créer un ‘grand consistoire’ dans la métropole d’un État où il n’y en a pas d’établi, est prévue (art. 1, De la formation du Grand Consistoire) et que la dénomination grand conseil des sublimes princes y est reprise.
Il me semble qu’il y a continuité entre les trois premiers de ces textes (dénommés à plusieurs reprises dans les Statuts « Instituts, Statuts et Règlemens généraux de la haute Maçonnerie »)et le quatrième (les Instructions) mais que ces dernières correspondent aux nécessités d’un moment historique ultérieur, celui où il était devenu nécessaire de créer de nouveaux Grands Consistoires, et qu’ils n’ont donc pas été rédigés exactement à la même époque.
Nous avons vu qu’il conviendrait de lire 1801 comme étant l’année à laquelle ces textes auraient été transmis de Kingston au grand député du Grand Consistoire établi à Saint Domingue par 18º 47′.
D’où le Grand Consistoire de Kingston pouvait-il bien tenir ces textes en 1801 ? Essayons de prendre en considération différentes hypothèses.
A. Ils auraient été rédigés antérieurement à 1769, du temps de Morin et de Francken.
Cette hypothèse était celle de Lindsay dans son Report de 1948. Lindsay pensait que ces trois textes correspondaient à l’établissement du Grand Consistoire de Kingston par Morin et Francken (Report, pp.23 sq.). Il considérait même avoir des preuves de l’existence d’un tel atelier dès 1764 en s’appuyant sur l’expression ‘Prince Maçon’ portée sur la patente décernée le 26 octobre 1764 par Morin à Osson de Verrière, habitant cultivateur à Port-au-Prince, expression dont Lindsay estimait qu’elle s’appliquait uniquement aux membres d’un Grand Consistoire.
Il suffit de se référer à l’article 29/5 des Constitutions de 1762 incluses dans le manuscrit Francken 1771 (texte que Lindsay, bien naturellement, ignorait) pour y lire que le titre de Prince est porté dès le grade de prince de Jérusalem (‘valeureux prince’) atteint. D’autre part, les documents rédigés par Francken en 1768 en Amérique se réfèrent au Grand Conseil de Kingston.
Relevons à ce sujet qu’en l’état de nos connaissances sur l’évolution de la dénomination des ateliers de la Jamaïque entre 1765 et 1801, nous éprouvons une impression de grande confusion – sans doute en raison d’éléments manquants pour comprendre l’évolution qui y eut lieu à cette époque – en même temps que nous sommes amenés à constater à nouveau l’indifférence avec laquelle les maçons d’alors modifiaient certaines dénominations sans que cela paraisse leur causer de problèmes.
Au début du manuscrit Francken de 1783 se trouve la copie effectuée en 1794 (ce texte aurait-il pu être amendé à cette date par le copiste ?) de la Constitution signée par Morin le 30 avril 1770, décidant la création d’un Grand Chapitre de Princes de Royal Secret. Ce texte comprend le membre de phrase suivant :
… vous vous comporterez strictement en conformité avec les statuts, règles et règlements des neufs Commissaires nommés par Le Grand Chapitre [!] des Sublimes Princes de Royal Secret au Grand Orient de France et de Prusse en conséquence de la délibération du 7 décembre [!!] 7762 pour être observée et ratifiée par ledit Grand Chapitre de Prusse et de France.
Or, si on se réfère au texte du manuscrit terminé par Francken le 30 août 1771, soit un an plus tard, on s’aperçoit qu’en quelques lignes le texte que nous venons de citer indique Grand Chapitre au lieu de Grand Conseil et 7 décembre au lieu de 7 septembre. Par ailleurs ce document de 1770 recopié en 1794 se réfère à des Statutes, rules and regulations,intitulé triple, alors que le texte inclus dans le MS Francken 1771 est dénommé The Great Statutes and Regulations, intitulé double !
Si dans le manuscrit Francken de1783 la dénomination des ateliers des trois derniers degrés est la suivante :
- 23º : Conseil ou Grand Conseil,
- 24º : Chapitre (de Grand Inspecteur des Loges) ou Consistoire,
- 25º : Grand Chapitre ou Conseil des Souverains Princes de Royal Secret,
dans le manuscrit X des rituels de Morin, Consistoire a disparu du 24º mais apparaît dans le 25º sous la forme : Le Grand Chapitre ou Consistoire ! Comme le manuscrit X n’est pas daté et que je n’ai pas eu encore l’occasion de consulter le manuscrit de 1771 ni le troisième manuscrit Francken, récemment découvert à Londres, il n’est pas encore possible de déterminer la succession chronologique des dénominations des ateliers dirigeants de la Jamaïque. L’examen rapide des manuscrits 1771 et Nº3 depuis que ces lignes furent tracées, donne les résultats suivants :
- Manuscrit 1771. Le 23º est dénommé Conseil, le 24º Chapitre (on sait que les pages se rapportant au 25º ont été arrachées). Ceci montre des dénominations uniques dans le texte le plus ancien.
- Manuscrit Nº3. Les 23º et 24º portent des dénominations identiques à celles du Manuscrit 1783. Mais au début àu 25ème grade on lit : « … for the holding of a grand chapter, council or Consistory of the Sovereign princes of the Royal Secret ». A la fin du grade on trouve la même phrase que dans le manuscrit de 1783.
B. Est-il possible de supposer que ces textes auraient été rédigés après le retour de Francken d’Amérique, soit après 1769 mais avant 1790 ?
A cette hypothèse semble pouvoir être opposé le texte se trouvant à la fin du manuscrit Francken de 1783, texte de la Soumission que tous les Frères devaient signer dès qu’ils avaient atteint le 14º :
Et nous déclarons notre soumission au Suprême Tribunal et Souverain Grand Conseil des princes du Royal Secret…
Grand Conseil, et point Consistoire.
C. Pourrait-on les attribuer à ce groupe de Maçons de Philadelphie qui vinrent à la Jamaïque en 1790 ?
Mais l’auteur américain Folger, souvent bien informé mais point toujours fiable, qui nous indique leur venue, The Ancient and Accepted Scottish Rite, 1861, Documents, p.76. reproduit immédiatement après cette indication un document rédigé à la Jamaïque par ces Frères, le 9 novembre 1790, dont l’en-tête est :
De l’orient du très Puissant Conseil des… Princes du Royal Secret…
ce qui ne confirme guère cette hypothèse.
D. Reste alors la période 1790-1801 environ, en un lieu indéterminé qui pourrait bien être Saint Domingue…
Cette hypothèse semble d’autant plus envisageable que les deux versions connues de ces textes (Recueil de 1832 et Livre d’Or de Saint Laurent) sont écrites en excellent français. Mais quels en seraient alors les auteurs ?
Pourtant, s’opposant à la période envisagée, il faut relever les faits suivants : Morin lui-même décerna le 1er juin 1770 à Jacmel (Saint Domingue) un document (ou patente) à Antoine Charles Ménessier de Boissy, Sénéchal de la juridiction Royale de Jacmel, VM actuel de la R. L. du Choix des Hommes établie en cette ville, document qui commençait ainsi :
Nous les t. lll. Pces Smes, t. Eqbles & V. T. Pts Subes Gds Cdeurs de l’ordre du Royal Secret[lire : très Illustres Princes Sublimes, très Equitables et Vénérables Très Puissants Sublimes Grands Commandeurs’, me semble-t-il].
Ceci nous indique la dénomination du Rite de Morin par Morin lui-même.
Le document indique que Morin portait le titre de Grand Inspecteur Général Souverain Prince de la Maçonnerie du Royal Secret, qu’il créait Ménessier de Boissy député Inspecteur et Grand Commandeur, et l’expression asiles sacrés yrevient à trois reprises pour désigner les ateliers dépendant de l’Ordre du Royal Secret !
De plus – une homonymie semblant exclue en raison de l’identité du double prénom – c’est ce Frère Antoine Charles Ménessier qui, vingt-huit ans plus tard, le 22 décembre 1798 à Jacmel également (ce second document porte, comme le premier, l’indication 18º 17′), crée le Frère Dominique Saint Paul, Grand Inspecteur.
Ce dernier Frère est bien connu : il faisait partie du premier groupe de Frères (en faisaient également partie Grasse-Tilly et Delahogue) qui, en décembre 1796, à Charleston, furent nommés Députés Inspecteurs Généraux par Hyman Isaac Long. En 1807, il était membre honoraire du Conseil de Princes de Royal Secret La Triple Unité à Port-au-Prince (celui de Dupotet et de Cerneau), il était aussi Souverain Grand Inspecteur Général et membre du Suprême Conseil du 33º pour les îles françaises de l’Amérique…
Enfin si on compare le libellé de la patente remise par Dupotet à Cerneau en 1806, nommant ce dernier Député Inspecteur Général, Député Grand Inspecteur avec la patente Morin / Ménessier de Boissy, décernée trente-six ans plus tôt, on s’aperçoit qu’à de minimes différences près et en dehors des noms et des titres qui y sont portés, ces deux documents présentent une formulation identique !
Cette dernière constatation paraît essentielle pour la raison suivante : lorsqu’un membre du Suprême Conseil de Charleston, Emmanuel De La Motta, aura à New York la polémique que l’on sait en 1813 et 1814 avec Cerneau et les membres du Grand Consistoire que celui-ci y avait créé depuis 1807, Cf. Renaissance Traditionnelle Nº 61, janv. 1985 pp.16sq. il sera amené à écrire dans son Rejoinder (Réplique) de septembre 1814 les lignes éclairantes que voici :
Les gentlemen composant le comité de la société de M. Cerneau ont tout mélangé… ils ont appelé le (suprême) conseil, consistoire et le consistoire, un conseil.
Il semble que cette polémique ne s’explique que si on admet que Cerneau comme La Motta possédaient chacun des textes réglementaires différents et que chacun ignorait l’existence du texte réglementaire que possédait l’autre.
Il faudrait alors envisager deux évolutions différentes mais concomitantes, à Charleston et à Saint Domingue ou Kingston, hypothèse que je considère comme vraisemblable et qui serait la véritable raison de l’existence depuis 1807 de la lignée Cerneau aux Etats-Unis, existence que nos Frères Américains n’ont, depuis cette époque, jamais voulu qualifier autrement que par le terme d’hérésie.
Néanmoins cette hypothèse n’offre pas d’explication satisfaisante pour la date 1763 et les premières signatures Frederic et De Prinzen que l’on trouve dans le manuscrit du Livre d’Or du Comte de Saint Laurent. Cette question doit pour le moment rester ouverte. N’oublions pas pourtant qu’aucun de ces trois textes – pas plus que celui de la Grande Constitution de 1786 – ne se trouve dans les Livres d’Or de Grasse-Tilly ou de Delahogue, ce dernier se terminant le 12 octobre 1799.
Relevons enfin la présence des expressions chefs de La haute Maçonnerie et organisation de la puissance dogmatique dans la publication effectuée par le Suprême Conseil de France, le 1er octobre 1805, de son organisation de la puissance dogmatique du rit ancien accepté en 22 articles, expressions caractéristiques que l’on trouve pour la première fois dans les textes que nous venons de considérer.
Ces textes semblent faire leur première apparition en France lorsque le 20ème jour du mois d’Adar 5804 (20 février 1804 ?) le Grand Consistoire de France est créé à Paris. L’acte constitutif de sa création est signé Hacquet, Souv. Gd Command C’est à la très fraternelle amitié du T Ill F Etienne Gout que nous devons la connaissance de ces textes déposés à la Bibliothèque Nationale de Paris, sur lesquels il a attiré notre attention et dont il nous a adressé des photocopies. Nous l’en remercions ici à nouveau bien sincèrement. . Dans le corps de l’acte est fait référence aux Loix fondamentales, Statuts, Réglemens Généraux & Instituts de l’Ordre. Il est instructif de constater qu’une longue citation faite d’après Les Réglemens Génér, sec. 1er Chap Uniqcite, sinon textuellement, du moins d’une manière presque identique, un texte qui sera imprimé dans le Recueil sous la dénomination Instructions vingt-huit ans plus tard. Encore un exemple de dénomination différente pour un texte d’une même famille !
4. Extrait Des Balustres Constitutionnels – Les Instructions
Instructions sur les Principes Généraux de la Haute Maçonnerie dans le Recueil, Instructions Générales Secrètes pour les Grands Inspecteurs Généraux et Princes du Royal Secret dans les Livres d’Or de Morison et du Comte de Saint Laurent, citées sous forme d’extrait par Hacquet en 1804 mais sous le titre Réglemens Généraux, ces dispositions constituent aujourd’hui encore une énigme, car on n’en connaît ni la date ni l’auteur.
Certes il n’existe guère d’article de la version qu’en donne le Recueil qui ne présente une légère différence avec le manuscrit de Saint Laurent. Pourtant ces différences sont minimes et tendraient davantage à prouver que rien n’est aussi difficile que de recopier un texte plutôt que de laisser supposer deux origines distinctes. Relevons cependant que les articles numérotés 8 et 9 dans le Livre d’Or correspondent aux articles 9 et 8 du Recueil, que dans ce dernier la numérotation des articles recommence avec le chiffre 1 au début de chaque sous-chapitre alors que dans le Livre d’Or la numérotation est continue de 1 à 33 et qu’une phrase brève portant le numéro d’article 30 dans le manuscrit Saint Laurent est omise entre les articles 3 et 4 du sous-chapitre Des attributions des grande conseils des sublimes princes de royal secret dans le Recueil; phrase que voici :
lls ont le droit d’initiation définitive pour le complément de leur formation seulement, et de décisions en matières sublimes, sauf l’appel au grand consistoire.
Le manuscrit Saint Laurent ne porte aucune indication spécifique d’origine pour ce texte-ci ni decertification in fine.
Un aspect tout à fait essentiel de l’intérêt que présentent ces Instructions est le suivant : après avoir indiqué les formalités à remplir pour la formation d’un Grand Consistoire, l’article 2, De la formation du Grand Consistoire, indique :
La nomination faite des grands dignitaires du consistoire, on procèdera à l’établissement du conseil suprême des grands inspecteurs généraux…
Remarquons que, traduits en anglais, les expressions conseil suprême ou suprême conseil deviennent dans les deux cas supreme council.
Notons aussi la réponse à la question : comment devient-on grand inspecteur général ? qui est fournie par l’article 5 du même sous-chapitre :
Dans le cas où il ne se trouverait pas suffisamment de grands inspecteurs généraux pour le complément du grand consistoire, les plus anciens présidens des conseils, et, à leur défaut, les plus anciens des princes membres, sont proclamés grands inspecteurs généraux, et membres du grand consistoire.
Enfin, car ce texte négligé depuis un siècle et demi est une extraordinaire source de renseignements ou d’informations, relevons la première et unique apparition, à l’article 13, de l’expression souverain grand inspecteur général touten en précisant la genèse, indiquée dans le texte lui-même. L’article 1er dispose que le titre de souverain est pris par
le plus ancien patenté et reconnu des grands inspecteurs généraux [le mot reconnu est souligné dans le manuscrit Saint Laurent] et, à défaut de ceux-ci, [par] le plus ancien prince de royal secret… [lorsqu’on se trouve dans le cas d’un] état où il n’existe ni grand consistoire, ni grand conseil des sublimes princes de royal secret.
Ceci n’aiderait-il pas à comprendre la virgule insérée entre le mot ‘souverains’ et les mots ‘grands inspecteurs généraux’ au début de la Circulaire dedécembre 1802 de Charleston?
Il semble donc bien que ce soit en se fondant sur ces quatre Textes Intermédiaires et en se reposant sur leur autorité, que se soient constitués le Grand Consistoire de France, fondé par Hacquet antérieurement au retour en France de Grasse-Tilly, et le Grand Consistoire Cerneau à New York en 1807.
Mises à part les innovations de vocabulaire qu’ils contiennent, ces textes sont proches des Constitutions de 1762 et des Règlemens pour les Loges de Perfection remis par Francken aux Frères d’Albany (en ce qui concerne le texte intitulé Règlemens Généraux, troisième Texte Intermédiaire) et il n’est pas difficile d’établir une Table de Concordances entre ces deux familles de documents. Ils contiennent un nombre limité d’innovations à coup sûr, mais conservent, dans l’ensemble, les dispositions antérieures bien davantage qu’ils ne les modifient.
Le peu que nous savons des conditions dans lesquelles le Suprême Conseil (conseil suprême ?) de Charleston fut créé, vraisemblablement le 31 mai 1801, permet d’envisager l’hypothèse suivante : ce serait en fonction de ces textes que ce Conseil aurait été formé. Ce ne serait qu’après cette formation, une fois le texte ‘de 1786’ entre les mains des fondateurs, que le récit de décembre 1802 – postérieur de 18 mois à la fondation elle-même, disons-le une fois encore, narrant les circonstances de cette fondation – aurait été rédigé. Comment le texte de 1786 surgit-il à Charleston ? Encore une question demeurant pour le moment sans réponse.
Avant d’étudier les manuscrits de cette Grande Constitution de 1786, considérons maintenant les Constitutions Secrètes portant la date de 1761.
5. Les Grandes Constitutions Secrètes
La date du 27 août 1761 portée sur ce document a amené l’historien américain Baynard à écrire Scottish Rite Freemasonry (1938), vol. 1, p. 123). :
Il est hors de discussion (beyond cavil) que le 33º existait déjà à la date du 27 août 1761.
Ceci semble une affirmation hardie. Pourtant il n’est pas facile non plus d’attribuer une date vraisemblable à ce texte. L’emploi, très fréquent, des mots 33ème degré laisserait supposer qu’il n’aurait guère pu être rédigé antérieurement à l’année 1801. Mais ne faut-il pas, ici encore, envisager la possibilité d’interpolations ? Si 33º était remplacé, dans une version primitive inconnue aujourd’hui, par Souverains Grands Inspecteurs Généraux, alors l’époque de1798 ou 1799 pourrait être prise en considération.
Deux indices semblent de nature à corroborer cette hypothèse.
Il y a une ressemblance certaine entre ces Constitutions Secrètes et l’Introduction ajoutée aux Constitutions de 1762 :
Article XVII des Constitutions Secrètes |
Introduction interpolée des Constitutions de 1762 (version Livre d’Or de Grasse-Tilly) |
[Un S G I G Grand Commandeur] doit donner les principes de sagesse de manière à faire respecter l’Ordre Royale (sic) et à faire suivre les traces des premiers Patriarches qu’on nomma les Elevés de la Perfection, dont l’avis et l’intention furent toujours que les anciennes et secrètes constitutions de l’Ordre auguste fussent entièrement et à jamais conservées et observées. |
La manière de vivre de nos premiers patriarches, Le Recueil a modifié premiers patriarches en anciens patriarches ! qui avaient été élevés dans le sein de la perfection… En conséquence… il a été résolu, voulu et déterminé, qu’outre les anciennes et secrètes constitutions de l’Ordre auguste des sublimes princes, ce qui sera à jamais et entièrement observé… |
D’autre part, dans un rituel et privilèges du grade de Souverain Commandeur du Temple de Jérusalem publié par Paul Naudon, texte pour lequel il avance la date de 1765 environ. Or à Charleston, le 21 décembre 1798, Louis Claude Henri de Montmain qui était Correspondant du premier Souverain Chapitre Métropolitain de France, décernait à Grasse-Tilly le grade de Grand Commandeur du Temple Maçon sur l’acceptation duquel, à la date précitée, Grasse-Tilly ne fait suivre sa signature que de la seule abréviation Rose +.
On relève une identité étonnante entre le privilège Nº 10 du texte de Naudon et l’article XX des Constitutions Secrètes, ainsi qu’entre les privilèges N° 1 à 5 du texte de Naudon avec l’article XXI de ces mêmes Constitutions.
Article XX des Constitutions Secrètes |
Privilège Nº10 du grade de Souverain Commandeur du Temple de Jérusalem |
Au SGIG Commandeur personne au monde n’a droit de faire le procès, pas même lui faire subir aucune pénitence. Il se l’impose lui-même ; et c’est à la Cour Souveraine des Grands Commandeurs que s’évoquent les causes qui le concernent. |
On ne peut lui faire aucun procès, ny luy faire subir aucune peine… il se l’impose luy mesme et en appelle à sa souveraine cour… |
Lorsque le Souverain Commandeur, 33ème degré est assis soit en Loge, Collège, ou Conseil., etc. il faut (sic!) seulement une profonde inclination de tête au président, qui la lui rend : puis il salue de même l’Atelier. |
quand il est sorti et qu’il veut entrer le 2e surveillant l’annonce et le fait entrer sans aucun examen… toute la Loge se lève et ne s’asseoit que lorsque le Souverain Commandeur étant assis leur a fait une inclination à laquelle la Loge répond… |
Quand il y a plusieurs Sns Commandeurs, ils restent assis quand il en entre un ; et lorsqu’il a pris sa place, il salue les dits Commandeurs, avant le président de la Loge ou Conseil ; et ils lui rendent pareillement le salut. Pike, op. cit. p. 324 |
s’il y a d’autres souverains commandeurs ils restent assis et le Souverain Commandeur qui rentre commence par eux à faire l’inclination. |
Ces ressemblances frappantes ne laisseraient-elles pas supposer que c’est à la même époque que Constitutions Secrètes et interpolations apportées aux Constitutions de 1762 auraient été faites ? L’époque charnière précédant l’établissement du Conseil de Charleston qui, dans sa Circulaire de décembre 1802,avait accordé un rôle bien secondaire à Grasse-Tilly, parti de la Caroline du Sud depuis mars 1802… !
Revenons maintenant aux deux manuscrits de ce texte devenus récemment accessibles. Les deux manuscrits signalés dans la première partie de cet essai.
Nous connaissons désormais quatre versions des Constitutions Secrètes : deux sont manuscrites et font partie des Documents Doszedardski ; deux autres furent publiées respectivement par Pike en 1872 (d’après le Cahier Bideaud) et par Baynard en 1938 d’après l’exemplaire Gourgas.
A. Origine des manuscrits Doszedardski
Écrivant au Grand Commandeur Pike (Juridiction Sud) une lettre non datée que celui-ci publia en1889, le Frère Enoch Carson, Député du Suprême Conseil de la Juridiction Nord pour l’Ohio, lui indiquait « avoir acheté quelques semaines auparavant un ensemble de manuscrits rédigés en français qui avait appartenu au Frère Jean Dorszedordsky (sic) », parmi lesquels se trouvaient deux exemplaires des Constitutions Secrètes, et il lui adressa un résumé de plusieurs de ces documents.
Carson ne savait pas qui était ce Frère et « inclinait à pense » qu’il avait résidé dans l’Ohio vers 1820. Carson utilisa brièvement une partie de ces documents dans les passages dont il est l’auteur, ajoutés à l’édition pirate de l’Histoire de la Franc-Maçonnerie du Frère Gould, publiée aux Etats-Unis en 1889.
A la mort de Carson (23 février 1899) ces manuscrits arrivèrent à la Grande Loge de l’État du Massachusetts où ils restèrent intacts dans un paquet jusqu’à ce qu’un autre historien américain, Hugo Tatsch, devînt Bibliothécaire de cette Grande Loge en 1930 et du Suprême Conseil de la Juridiction Nord en 1935. A cette époque Tatsch remit ces documents aux archives de la Juridiction Nord. En 1938 le Frère Baynard aidé dans ses recherches documentaires par le Frère Tatsch, fit largement état des Constitutions Secrètes dans son ouvrage, Scottish Rite Freemasonry, publié à Boston en 1938.
La photocopie d’une partie de ces documents fut gracieusement adressée à Paris par la Juridiction Nord en 1954.
B. Le Cahier Bideaud
Nous avons mentionné que dans le cahier que Pike avait retrouvé en 1860, cahier qui avait appartenu à Bideaud et qui contenait une version manuscrite des Constitutions Secrètes, se trouvait, avant celles-ci, .un Rituel du 33º différent des rituels manuscrits de la période 1805-1813 aujourd’hui connus. Regrettablement Pike ne reproduisit pas l’original français de ce Rituel, mais publia seulement la traduction en anglais qu’il en avait effectuée. Les fragments que nous allons citer sont donc la retraduction en français du texte anglais publié par Pike. Ce cahier est intitulé : « Le Souverain Grand Inspecteur Général du 33ème degré, ou Grand Chevalier Elu du Temple, dernier Degré de toute Maçonnerie, Ancienne et Moderne, âgée de plusieurs siècles, conféré par les Souverains Grands Inspecteurs Généraux de Stockholm à Frédéric III, Roi de Prusse, comme Grand Maître. »
Le début du Rituel indique que ce grade ne peut être conféré qu’à un Frère ayant les degrés de Royale Arche, Chevalier Kadosch, Grand Inquisiteur et Prince du Royal Secret. Mais qu’il doit aussi avoir reçu ceux d’Ecossais, Chevalier d’Orient et Rose-Croix. Il saute aux yeux que ces trois grades ne sont autres que les trois derniers ‘hauts grades’ du Rite Français en sept grades, adopté par le Grand Orient de France en 1786, Cf. Ligou, Bulletin du Grand Collège des Rites, septembre 1983, Nº100, p.138. ce qui ne manque pas d’étonner.
Encore plus surprenant est le passage situé après la partie rituelle, intitulé « Développement général de la Maçonnerie jusqu’au dernier ou 33ème Degré, Souverain Prince Inspecteur Général, 33ème degré ». Car il y est indiqué qu’en suivant les degrés en ordre descendant, après le Souverain Grand Inspecteur Général du 33º degré, on trouve le Royal Secret 32º, le Grand Inquisiteur 31º et le Kadosch, 30º…
Comme certains le constateront, ce ne sont pas seulement les dénominations de ces gradesqui, par rapport à la date indiquée sur ce cahier, 1802, sont surprenantes, mais également les chiffres qui leur sont attachés. Dans ce cahier ayant appartenu à Bideaud, que Pike retrouva en 1860 dans les archives de la Grande Loge de Louisiane, recopia puis perdit, aucune certification des Constitutions Secrètes ne suit celles de Morin et de Grasse-Tilly. Par contre le rituel du 33º qui dans ce cahier précède les Constitutions Secrètes, est certifié par Bideaud à la suite des certifications de Morin et de Grasse-Tilly. Cf. infra le texte de ces certifications. Le rituel du 33º est certifié par Grasse-Tilly le 8 juillet 1802, date à laquelle il initie Antoine Bideaud Député Grand Inspecteur Général.
Le même jour Bideaud signe sa soumission et trois jours plus tard, devant les FF. Grasse-Tilly et Dalet, il signe une ‘Obligation’ dans laquelle il jure :
… de ne donner copie des règlements du 33e grade à nul (sic) personne au monde, sans préalablement en avoir obtenu une permission par écrit du Souverain Grand Inspecteur Général, Grand Commandeur du Souverain Grand Conseil du 33e grade des lsles de l’Amérique du Vent & sous le vent établis au Cap français ou de son Lieutenant-Commandeur.
Le texte de cette ‘soumission’ et de cette ‘Obligation’ furent recopiés par Bideaud dans le Registre qu’il termina le 10 janvier 1806 à Santiago de Cuba pour servir au Frère Jean Baptiste Villadieu à qui il avait remis le même jour ses Lettres de Créance en qualité de Souverain Grand Inspecteur Général et membre du Suprême Conseil du 33º « établi dans les Isles Françaises du vent et sous le Vent ».
Le Cahier du degré de Grand Inspecteur Général 33º… littéralement copié de celui du Puissant Frère Auguste de Grasse… sera certifié par Bideaud le 25 juillet 1802.
C. La version Gourgas/La Motta publiee en 1938 par Baynard
Dans son ouvrage, History of the Supreme Council… Northern Masonic Juridiction (1938) le Frère Baynard fait à plusieurs reprises état d’une quatrième version de ces Constitutions Secrètes, qui est celle qu’il publia à la fin du Tome I de son livre, version écrit Baynard Vol. I, p. 120. qui avait été traduite en anglais par Gourgas et qui, dans la transcription que Baynard en donne, porte in fine la certification suivante :
I hereby Declare, certify & attest this copy to be correct.
Grand East of New York August 5th, 1813-
J.J.J. Gourgas, R + Scott
K-H
Sovn Gd Inspr Gal S P R S of the 33d Degrees [sic]
ce texte étant suivi de quatre autres certifications dont nous reproduisons plus loin le libellé, la dernière étant celle de La Motta, elle aussi datée du 5 août 1813 (on remarquera l’ordre, dans lequel se suivent ces certifications, celle de Gourgas précédant les certifications allant de Morin à La Motta).
Il n’est pas question d’entrer ici dans les détails de la création du Suprême Conseil de la Juridiction Nord à New York par La Motta. On ne peut cependant passer sous silence un fait qui rend hautement singulière la certification copiée ci-dessus : dans une lettre non datée mais signée de six Frères ès grades et qualités telles que Souverain Grand Commandeur du District Nord des Etats-Unis d’Amérique (Daniel Tomkins) ou SGIG du 33º, Ill. Gd. Secrétaire du Saint-Empire (Gourgas), lesdits signataires prient instamment (earnestly requiring) le Frère De La Motta,
dès que possible après son retour à Charleston, de leur adresser aussi vite qu’il lui sera possible, les Documents &&& et instructions … dont ils ont absolument besoin … en particulier … Les Grandes Constitutions du 33º … les Constitutions Secrètes, ou à tout le moins des informations satisfaisantes à ce sujet… Cette lettre, d’abord reproduite dans l’Official Bulletin (volume VII) de la Juridiction Sud, fut reprise, sous forme de photocopie agrandie, p.379 et 380 du premier volume de l’History of the Supreme Council 33º (Juridiction Sud) du Frère Harris, publié en 1964 à Washington. Son authenticité ne peut donc guère être mise en doute.
Cette lettre n’est-elle pas surprenante lorsqu’on rapproche son texte de la date identique des certifications Gourgas et L Motta que nous venons d’évoquer ?
Ayant ainsi présenté les différentes versions, manuscrites et imprimées, de ces Constitutions Secrètes, examinons maintenant les textes des certifications qui se trouvent au bas de chacune d’elles.
D. Le texte des differentes certifications
Toutes ces versions présentent, à de minimes différences près, le texte suivant, situé après le 33ème et dernier article et avant les certifications que nous reproduisons aux deux pages suivantes.
Cahier manuscrit certifié par Bideaud en 1805 contenant deux textes : |
1. Rituel du 33ème grade Le texte des certifications du Rituel a été retraduit par moi de leur traduction en anglais effectuée et publiée par le Grand Commandeur Pike en 1872 dans son ouvrage Grand Constitutions of Freemasonry (p. 354). |
2. Grandes Constitutions Secrètes |
– Moi, Stephen Morin, Souverain Député Grand Inspecteur Général, certifie que la présente copie du Sublime Degré de Grands Chevaliers Elus du Temple, Souvain G I G et Grand Commandeur du 33e, est conforme à celle inscrite dans mon registre à la page 98.(Signé) Stephen MorinGr Commandeur à vie |
|
– Moi, Alexandre Auguste de Grasse, Souverain Député Grand Inspecteur Général, Souverain Grand Commandeur, certifie que le présent cahier est correctement copié d’après le Registre du premier Commandeur, Stephen Morin, folio 98 au Grand Orient du Cap François, le 8e jour du 5e mois, appelé בא, près de la V S l’an de la Vraie Lumière, 5562, 8 juillet, 1802.(Signé) Auguste de Grasse |
– Je certifie, moi Alexandre Auguste de Grasse, Souverain Député Grand Inspecteur Général et Souverain Grand Commandeur à vie des Isles du Vent et sous le Vent. Je certifie dis-je, que les présentes Constitutions Sécrètes sont conformément à celles du Souverain Grand Commandeur Stephen Morin dont copie a été transcrite sur mon Registre Le Livre d’or de Grasse-Tilly qui est actuellement à la Bibliothèque Nationale, ne contient pas le texte de ces Constitutions Secrètes. au Grand Orient du Cape [sic], le 8eme jour du 5 mois appellé בא, pres le C C l’an de la Vraie Lumière 5562, 8 juillet, 1802Signé, Auguste de GrasseGrand Commandeur Cette certification est reproduite en français p. 338 du livre de Pike. |
– Moi, Antoine Bideaud, certifie que ce Cahier du degré de Gr Insp Génl 33e degré est littéralement copié de celui du Puissant F Auguste de Grasse, Grand Commandeur pour les Iles du vent et sous le Vent, à l’Orient du Cap François, le 5e mois, appelé בא, près de la V S, l’an de la Vraie Lumière, 5562…, 25 juillet, 1802.(Signé) Antoine Bideaud,G I G33º |
|
Manuscrits des Constitutions Secrètes |
1. Manuscrit signé Lusson(& Doszedardski) |
2. Manuscrit signé Doszedardski seul. |
3. Version publiée par Baynard, aurait appartenu à Gourgas (texte anglais) |
– Je soussigné Souv Gd Inspecteur gal du 33e dégré Souv Grand Commandeur du St Empire, ad vitam pour toutes les parties du Nouveaux Monde, certifie les présentes Constitutions Sécretes des Souverains grands Inspecteurs généraux, grands Commandeurs, conformes à celles inscrites sur mon régistte au Grand Orient. du port au prince,- le 19 février 1768.19e jour du 12e Mois 5768.-Signé Morin – |
Comme manuscrit n° 1 [mais sans abréviations] sauf :Sécrettes |
Comme manuscrit n° 1 et 2 sauf que les mots 33e degré manquent au début du texte, mais se retrouvent après les mots SS.GG.II.GG. Grand Commandeurs du 33°. |
– Je soussigné françois alexandre auguste de Grasse Souv Gd Insp gal du 33e dégré, grand Commandeur à Vie, pour les Isles de l’Amérique, du Vent et sous le Vent-, Certifie et ateste, que les présentes – Constitutions Sécretes, sont Conformes à celles extraites du T Ill et puissant f Etienne Morin dont Copie, a été transcrite sur mon Régistre, au Gd Orient du Cap le 8e jour ; du 5e Mois, appellé , près le C.C. l’an de la vraie L 5562 8 juillet 1802Signé Auguste de Grasse |
Comme manuscrit n° 1 [mais sans abréviations] sauf :attesteSécrettes
la Copie
le B.A. C.C.
5562 et de l’Ere Vulgairre 1802. |
Comme manuscrit n° 1 [avec abréviations] sauf :du 5e Mois, appellé Abl’an de la V. L. 5802 |
– Je soussigné Souv Gd I gral du 33e dégré, – Certifie les présentes Constitutions Sécretes conformes à Celles, inscrites sur le Régistre des Souverains Gds lnspecteurs généraux du 33e dégré, duement et légalement constitué en Conseil Sup du 33e grade à Kinston Jamaïque. Kinston Jamaïque le 19e Août, 1809.- 19e jour du 6e. Mois 5809Gl JastramS Gd I g 33 D |
Comme manuscrit n° 1 [mais sans abréviations] sauf :Sécrettesduëment
constitués
Kingston
Kingston Jamaïque le 19ejour, du 6e mois, appellé
l’An Hébrque 5809. et de l’Ere Vulgaire, le 19, Aout, 1809. |
– Correspond à une traduction en anglais du manuscrit n° 1 (Kingston Jamaïque est répété, la date est indiquée comme dans le manuscrit n° 1) |
– Je soussigné Souv Gd I gral du 33e grade, Certifie les presentes Constitutions Sécretes conformes à celles inscrites sur le Régisre du très Illustre et p f f gabriel Jastram à l’Ort de la Nouvelle Orléans. le 10e. Jour du 9e Mois, appellé KislevLucis 5809 ; et de l’Ere Chrétienne, le 10. Novembre 1809. de la Restauration 5569Louis J. Lusson
Souv Gd I gal Du 33e D. |
Comme manuscrit n° 1, sauf :Sécretteset p f F Gabriel
Orient
l’An Hébrque 5809
de la Restauration, 5569. et de l’Erre Chrétienne Le 10, Novembre 1809. |
– Les certifications Lusson et Doszedardski sont remplacées par la certification suivante :Nous soussigné Emanuel De La Motta, S.G.I.G.du 33°, Ill. Trés. Gal du St Empire, pour le District Sud des Etats-Unis d’Amérique, Certifie et atteste la présente Copie des Constitutions Secretes du 33º conforme à celles inscrites sur le registre des S.G.I.G. du 33º duement et légalement établis et constitués en Grand et Suprême Conseil du 33º au Grand Orient de Charleston Caroline du Sud : En témoignage de quoi Nous avons signé et délivré les présentes au Grand Orient de New York sous le C C par 40º.42′ N L le 9e jour du 5e mois nommé Ab Aº. M 5573 de la restauration 2343, A° Ls 5813 et de l’Ere Chrétienne le 5e jour d’Août 1813 Signé E.De La Motta S.G.I.G. du 33° &&& |
– Je soussigné Souverain Grand Inspecteur Gal du 33e Dégré, certifie les Présentes Grandes Constitutions Sécrettes conformes à celles inscrites sur le Régistre du Très Illustre Frère Louis Jean Lusson ; à l’Orient de la Nouvelle Orléans ; – 5me Jour, de la 3me Lune, ; l’An de la Restaur 5573 l’An Hébraïque 5813. l’An de la Grande L 7813. et de l’Ere Chrétienne, le 5 mai, 1813J .. DoszedardskiSouv Gd Insp gal du 33D. |
Comme manuscrit n° 1, sauf :Général du 33me Grade ;les Présentes Constitutions Sécrettes
Très Illustre et Puissant F
Lumière
Souv Gd Insp gal 33D. |
|
Le texte ci-dessous est celui du Manuscrit Lusson (l’un des deux documents Doszedardski) :
La Maçonnerie n’a pas été jetté au hasard ; son Type annonce un But réel, et moral. –. –. –.
Ô Hommes ! oh, Vous, qui deviez être nos semblables ! N’encenserez-vous jamais que de vaines ldoles ? Faut-il, que le Temple de la Vérité soit si désert ! Une Initiation antique et sacrée ; La Franche Maçonnerie, Vous met encore à portée de Voir : mais Vos yeux vous sont inutiles ; – le Temple s’ouvre ; le bandeau tombe ; et Vous ne voulez pas voir : qu’on Vous demande : Qu’avez-vous vû ? Vous répondez : RIEN. –. –. –.
Eh bien ! Apprenez que l’objet de nos recherches, est, de détruire le Mensonge, et de connaître la Verite-. –.–.
Tous les Souverains Grands Inspecteurs Généraux, Grands Commandeurs de l’Ordre, sont tenus d’avoir toujours avec eux, les présentes Constitutions Secrètes, pour s’en servir au besoin –
Et y avons apposé le Sceau de Nos Illustres Commandeurs du 33meDégré ; du Souverain Sénat, et celui de Notre Grand Conseil : Orient de Paris, sous le C C l’An de la vraie Lumière 5761, Ere Vulgaire, le 27, Août, 1761. en helus 573א le 2. 7bre 1761. –. –. –.
Ainsi signé :
Chaillon de Joinville, grand Commandeur 33e Dégré
Comte de Choiseuil, gd Commandeur 33e Dégré
Maximilien de St Simon, Souv gd Inspecteur Gal 33e Dégré
Topin, Gd ambassadeur Prince Maçon .-. –. – 33e Dégré
Le Prince de Rohan, Prince Maçon -. –.- 33e Dégré
Brest de la Chaussée, prince Souverain du 33e Dégré
Boucher de l’enoncour, prince Maçon d–
D’Aubertin, prince Maçon
E. Origine maçonnique des signataires des Versions Lusson, Doszedardski et Gourgas
Examinons maintenant les noms que nous trouvons au bas des certifications portées sur les exemplaires de ces Constitutions Secrètes dans les manuscrits Lusson et Doszedardski, le Cahier Bideaud ne portant que celle de Grasse-Tilly.
Dans ces deux manuscrits, nous trouvons d’abord les certifications de Morin et de Grasse-Tilly – pas de certification Bideaud – puis successivement celles des FF. Jastram, Lusson et Doszedardski. Dans la version Gourgas publiée par Baynard se trouvent d’abord celles de Morin et de Grasse-Tilly puis celles de Jastram et de La Motta, ces quatre certifications faisant suite à celle de Gourgas.
Essayons de déterminer qui étaient ces Frères, à quelles Loges ils appartenaient et quels étaient les organismes directeurs maçonniques à Saint Domingue entre 1778 et 1806.
a) Les organismes directeurs de Saint Domingue
- Une Grande Loge Provinciale y avait été créée par le Grand Orient de France le 1er octobre 1778. Cf. Daruty, p.141. Le Frère Huet Lachelle en fut le second ‘Administrateur’.
- Une Grande Loge Provinciale et Sublime Chapitre relevant de l’Ordre Hérédom de Kilwinning à Édimbourg et de sa Grande Loge Provinciale à Rouen (cette dernière fondée le 1er mai 1786). Huet Lachelle en était également Grand Maître. Il se réfugia à New York en 1797 où, en ses différentes qualités, il créera plusieurs Ateliers.
- Une Loge (ensuite ‘Mère-Loge’), Le Choix des Hommes, dont la fondation remontait à 1762. Après avoir reçu en 1768 de nouvelles Constitutions d’un ami de Morin, le capitaine Texier, puis d’autres Constitutions du Grand Orient de France en 1785, elle se rallia à la Mère-Loge du Contrat Social à l’Orient de Paris et fut installée le 21 novembre 1787 à Jacmel par un de ses députés, le Frère Couppé (que nous retrouverons à la Jamaïque, en 1801). Elle dut « à cause des événements de la guerre » s’exiler dans la partie espagnole de l’île et on la retrouve en 1804 et 1807 dans la ville de Santo Domingo, portant alors le titre de Mère-Loge Ecossaise de l’île de Saint Domingue.
- Une Grande Loge Provinciale fondée par la Grande Loge de l’État de Pennsylvanie le 9 janvier 1802. Son premier Grand Maître Provincial fut Antoine Mathieu Dupotet avec, pour Grand Maître Provincial adjoint, Germain Hacquet. Cette fondation fut annulée le 7 avril 1806, puis la Grande Loge Provinciale fut remise en activité le 15 septembre suivant avec une compétence territoriale étendue à celles des Loges de Saint Domingue que la guerre ou la révolution avaient forcé de se réfugier dans l’île de Cuba.
b) Les Loges
1. Lorsque Grasse-Tilly arriva de Charleston à Saint Domingue au début. de 1802, il s’affilia à la Loge des Sept Frères Réunis créée par le G.O.D.F. le 23 sept.1798. Mais c’est à la Mère-Loge Ecossaise de France à l’Orient de Marseille que cette Loge s’adressa le 30 mai 1802 pour demander des « Lettres Capitulaires pour l’érection d’un Souverain Chapitre Ecossais de R C près ladite loge » (demande accordée par décision de Marseille en novembre 1802) et au G.O.D.F. que les mêmes Frères adressèrent une demande identique le lendemain, 31 mai 1802.
Le Frère Dalet était Vénérable Maître de cette Loge depuis sa création et Très Sage du Chapitre en 1803, Grasse-Tilly et Armand Caignet Premier et Deuxième (Grand) Surveillants des deux Ateliers, Louis Héro respectivement Premier Expert de l’un et Grand Secrétaire de l’autre. Ces noms ne sont pas indifférents puisque avec celui de Delahogue, nous les retrouvons sur le Tableau du Suprême Conseil daté 21 février 1802, La date de ce Tableau est connue seulement par le texte du Registre établi par Bideaud, reproduit p. 431 du Vol. VI de l’Official Bulletin de la Juridiction Sud, Suprême Conseil des Etats-Unis. Elle y est indiquée comme suit :
« Tableau des membres du Suprême Conseil au 33° Grade établis aux Isles françaises de l’Amérique. Suprême Conseil du 33e Grade Gds Insp’rs Généraux établis aux Isles françaises de l’Amérique du vent et sous le vent, le 21e Jour du 12e mois de l’an Maçonnique 5801. »
On remarquera que dans cette transcription américaine, le mot établis est au pluriel. Il s’agirait donc de l’établissement (aux isles) des Grands Inspecteurs Généraux, non de celui du Suprême Conseil lui-même.
Par ailleurs il est évident lorsqu’on connaît tant soit peu le code maçonnique employé pour désigner les dates à cette époque, que celle qui est ici indiquée équivaut au 21 février 1802. Mais ce codage a donné lieu à des erreurs savoureuses : Lindsay (p. 59 du Rite Ecossais pour l’Ecosse, éd. française) qui n’a d’autre source que l’Official Bulletin que nous venons de citer, la traduit par 21 février 1801 ! Naudon (Histoire, Rituel et Tuileur…) muet sur cette date dans les deux premières éditions de ce livre, decouvrit ensuite dans l’Historical Inquiry de Pike (éd. de 1904) la date erronée du 21 février 1803 (!) et la reprit dans les 3ème et 4ème éditions de son propre ouvrage (p. 139 les deux fois) . Ces deux fausses lectures ne favorisèrent naturellement pss la justesse des déductions que ces trois auteurs tirèrent de cette date! établi aux Isles Françaises de l’Amérique du vent et sous le vent par Grasse-Tilly.
2. Il y avait d’autre part une Loge La Réunion des Cœurs à l’Orient de Jérémie constituée par le G.O.D.F. en 1788. En 1801 son Vénérable Maître était Antoine Bideaud. L’un de ses fondateurs et ancien Vénérable était Etienne Fourteau.
3. Sous le même titre distinctif, ou presque, existait à Port-au-Prince (ou, selon l’époque, Port Républicain) une Loge intitulée L’Union des Cœurs Franco-Américains qui avait été constituée sous le Nº47, 18 décembre 1789, par la Grande Loge de Pennsylvanie. En 1801 son Vénérable Maître était Germain Hacquet (l’année suivante Député Grand Maître Provincial de la Grande Loge de Pennsylvanie), Dupotet en avait été Vénérable Maître et Joseph Cerneau en était Garde des Sceaux et Archives en 1801. Fourteau était Député de cette Loge-ci auprès de la Loge précédente.
La Loge Nº47 se rattacha à la Mère-Loge Ecossaise de Saint Domingue avant 1804 et fut « installée au Rite Ecossais » par le Frère Jastram (originaire de la Martinique où il était membre de la Sincérité des Cœurs), alors membre de cette Mère-Loge Ecossaise et son second Surveillant de 1803 à 1807.
La Mère-Loge Ecossaise de l’Ile de Saint Domingue qui s’était placée sous les auspices du Grand Orient de France et de la T.R. Mère-Loge Ecossaise de Saint Alexandre d’Écosse, Orient de Paris (qui avait repris ce titre en juin 1801), s’était appelée précédemment Saint Jean d’Écosse du Choix des Hommes lorsqu’elle s’était affiliée, le 21 novembre 1787, à la Mère-Loge du Contrat Social. Dominique Saint Paul, après son retour de Charleston (où il avait fait partie du Conseil de Princes du Royal Secret établi par Hyman Isaac Long) en avait été Vénérable Maître.
En mai 1797 Saint Paul avait remis une patente de Député Grand Inspecteur Général au Frère Aveilhé. Ce dernier avait, à la fin de la même année, élevé le Frère Lusson à la même dignité (expulsé de Charleston, on retrouvera le Frère Aveilhé en 1817 à New York où il deviendra membre du Consistoire Cerneau).
Quant à Bideaud, il était reparti pour la France onze ans plus tôt. Mais passant par New York pendant l’été 1806, il y avait initié cinq Frères, membres du Chapitre R+ Hérédom de Kilwinning, fondé en 1798 par Huet Lachelle, au grade de Prince du Royal Secret; parmi eux, le célèbre Frère Gourgas.
F. De Saint Domingue a la Louisiane
Dans les trois versions des Constitutions Secrètes, la certification du Frère Jastram suit directement celle de Grasse-Tilly. A la fin de 1809, le Frère Jastram résidait à la Nouvelle-Orléans muni d’une patente de 33º du Suprême Conseil de Kingston à la Jamaïque. Il y retrouva le Frère Lusson auquel il décerna le 33º le 10 novembre 1809. C’est à cette date que Lusson reçut de Jastram le texte des Constitutions Secrètes comme l’indique sa certification à cette date. Ensemble et avec d’autres Frères réfugiés de Saint Domingue ils créeront à la Nouvelle-Orléans différentes Loges et Ateliers.
Dix Frères Princes du Royal Secret à la Nouvelle-Orléans avaient demandé le 22 mars 1811 au Frère Jastram (membre du Suprême Conseil de la Jamaïque) des patentes constitutionnelles pour établir en cet Orient un Sublime Conseil de Princes du Royal Secret. Ce Conseil fut installé le 7 avril suivant en présence du Très Illustre et Très Puissant Frère Lusson.
La Louisiane ayant été admise comme État par le Congrès des Etats-Unis le 8 avril 1812, ce Conseil (dont faisait partie Louis Jean Lusson) se mit sous la juridiction de Charleston, le 12 mai 1812, tout en restant attaché au Suprême Conseil de Kingston.
Jean Doszedardski, à la Nouvelle-Orléans, le 3 avril 1813, adressa sa ‘soumission’ au Frère Lusson, Souverain Grand Inspecteur Général 33º qui représentait le « Souverain Grand Conseil séant à Kingston » à la Louisiane. Cette soumission ne put être ratifiée par Kingston en raison de la guerre. Un mois plus tard, le 5 mai, Lusson signait une patente de 33º au nom du Frère Doszedardski et lui remettait le même jour un exemplaire du texte des Constitutions Secrètes.
Le 19 juin de la même année un Consistoire (ou un autre Conseil) fut établi à la Louisiane. On connaît la liste de ses Officiers qui ne comprend ni le nom de Lusson ni celui de Doszedardski. Les Frères de cet Atelier-ci avaient adressé leur pétition au Souverain Grand Consistoire Cerneau à New York.
Le 28 septembre 1814, le Frère deLa Motta Il ne nous a pas paru utile de rappeler ici qui était le Frère Emanuel de la Motta. Nous avons mentionné tout au début de cet essai qu’il avait été l’un des trois co-signataires de la Lettre Circulaire du 4 décembre 1802. Il est passé à la postérité pour avoir fondé dans des circonstances particulièrement obscures le Suprême Conseil de la Juridiction Nord des USA à New York. qui manifestement n’avait pas encore établi le Suprême Conseil de la Juridiction Nord à New York puisqu’il signait à cette date « Illustre Trésorier Général du Saint Empire dans les États-Unis d’Amérique »adressait de New York une lettre au Frère Lusson, « SGIG du 33º, Membre et Représentant à la Louisiane Le Grand et Suprême Conseil des T.P.S.G.I.G. du 33º séant à Kingston, Isle de la Jamaïque pour les Isles Anglaises de l’Amérique », le nommant « le Représentant particulier du … Grand et Suprême Conseil du 33º séant à Charleston … auprès de tous les corps légalement constitués et maçons sublimes réguliers dans la Haute et Basse Louisiane » et donnant pouvoir au Frère Lusson « dans le cas malheureux où tous moyens de douceur et fraternels deviendraient inutiles auprès d’eux [c’est-à-dire Cerneau et son représentant à la Louisiane, Emmanuel Gigaud] de les poursuivre eux et leur prétendu Conseil, en notre Nom … le tout à la charge de nous rendre compte le plus tôt possible un compte exact de tout ce qui aura eu lieu à cet égard ».
On admirera au passage la connaissance qu’avait La Motta – en ses titres et qualités – du Suprême Conseil établi à Kingston « pour les Isles Anglaises de l’Amérique »,expression caractéristique de la Version Française des Constitutions de 1786. Notons également que la lettre citée en partie ci-dessus est rédigée en français.
La Motta avait donc nommé Lusson son représentant à la Louisiane le 28 septembre 1814 à la suite des lettres que Lusson lui avait adressées pour mettre en garde le Suprême Conseil de Charleston contre le Consistoire fondé le 18 (ou 19) juin 1813 à la Nouvelle Orléans, qui s’était rattaché au Grand Consistoire Cerneau à New York, alors que Lusson avait précédemment (en 1811) créé un Sublime Conseil de Princes de Royal Secret dans cette ville, placé sous les auspices conjoints des Suprêmes Conseils de Kingston et de Charleston en 1812.
On sait d’autre part que La Motta était ami depuis 1780 avec Solomon Moralès (en 1815, Grand Secrétaire du Saint Empire du Suprême Conseil de Kingston dont Itter était Grand Commandeur), et que Moralès lui adressa une lettre le 13 juillet 1815, regrettant que la guerre (depuis 1812) ait interrompu leur correspondance commencée 35 ans plus tôt.
G. La fausse interpretation de Baynard
Revenons maintenant à Doszedardski et aux Constitutions dites ‘Secrètes’.
Baynard, lorsqu’il découvrit vers 1935 les deux manuscrits des Constitutions Secrètes évoqués plus haut, commit une erreur qui, s’il s’en était aperçu, l’aurait amené à supprimer les longs passages de son livre Scottish Rite Freemasonry, où il pense établir un rapport entre Doszedardski et ce texte. En effet, le folio de tête des Constitutions Secrètes dans l’un de ces deux manuscrits, à mon avis le plus ancien des deux, se présente ainsi (fº M 65.) :
Le présent Régistre, contenant trente sept
feuillets ; le présent non compris, a été paraphé,
et cotté par nous, Souv gd Insp Général du
33me = Dégré ; et Fondateur du S Gd Ceil et de
Ral Sé constitué au Port au prince, en l’îsle de Saint
Domingue ; sous le Titre distinctif de Triple Unité,
par le S pme Conseil des Ral Sécret, créé et
constitué à Kingston, dans l’île de la Jamaïque,
pour servir à l’enregistrement des Constitutions
Sécretes de l’Ordre ; Réglement particulier,
Constitution et Création. Le 10me= jour de la neu-
vième Lune, ou du 9me= Mois appellé Kislev ; de la
Restauration 5569 ; Anno Lucis 5809 ; et de
l’Ere Chretienne ; le 10, Novembre, 1809.
|
J DoszedardskiS Gd I Gal du 33D |
Louis J lussonS Gd insp Gal 33D |
Si tu es sincère Maçon ;
Ouvres et lis sans Réflexion ;
Mais, n’observe pas pourquoi,
et tais-toi :
Commence par la Tête ; finis au Pied,
Mais ne touche pas au Corps
Ce manuscrit est parfaitement lisible. L’usage du singulier (Souv. gd. Insp. Général, Fondateur) ne fait aucun doute et il est évident (pour un Français) que le mot nous du début est un pluriel dit de majesté. Il me semble que ce manuscrit-ci était l’exemplaire que Jastram avait remis le 10 novembre 1809 à Lusson dont il porte la signature et que la seconde signature, celle de Doszedardski, y fut apposée ultérieurement, aussi bien que la dernière certification, celle de Doszedardski (dont l’écriture est d’ailleurs différente).
Malheureusement Baynard au vu du ‘nous’ et des deux signatures, écrivit en 1938 que cette introduction aux Constitutions Secrètes, datée du 10 novembre 1809, avait été signée par Lusson et Doszedardski, S.G.I. Généraux 33º et fondateurs (au pluriel !) du Souverain Grand Conseil et du (sic) Royal Secret constitué à Port au Prince à Saint Domingue sous le titre distinctif de Triple Unité par le Suprême Conseil du Royal Secret créé et constitué à Kingston, Jamaïque, pour servir de registry (mot anglais désignant le lieu où sont conservés les registres) pour les Constitutions Secrètes de l’Ordre. op. cit. Vol.1, p.39, 126 et 133.
Cette aimable absurdité Certes le texte en tête du Registre n’est pas d’une clarté limpide. Mais si on le lit attentivement, n’est-il pas évident que c’est le présent Registre qui doit servir à l’enregistrement des Constitutions Secrètes de l’Ordre et non pas le Conseil de Kingston ? fut reprise en 1958 par Lindsay dans Le Rite Ecossais pour l’Ecosse où elle devient « a Records center at Kingston »(p.37 de l’édition anglaise) et page 54 de la traduction française de 1961 « un centre d’archives »qui aurait été créé par Morin (!) en 1770 dans un « Grand Chapitre »du25ème grade… On la retrouve, sous la forme originale que lui avait donnée Baynard, dans The Rise of the Ecossais Degrees de J. F. Smith (1965).
La conclusion que tire Baynard de la signature de Doszedardski « SGIG du 33º » sur ce document daté de novembre 1809, alors que Baynard a aussi connaissance de la patente de 33º remise par Lusson à Doszedardski trois ans et demi plus tard, le 5 mai 1813 à la Nouvelle Orléans, est d’une logique démente et irréfutable : le titre de SGIG du 33º porté par Doszedardski sur le document de 1809 prouve (selon Baynard) que ce titre faisait référence à un autre rite que le Rite Ecossais Ancien et Accepté, le Rite Ancien et Moderne dont Doszedardski aurait été le représentant !!! Baynard, vol. 1, p.126.
Est-ce qu’il n’y a pas de quoi rester rêveur… ?
Ce qu’il y a à la fois de curieux et d’intéressant (et ce qui a probablement troublé Baynard), c’est que sur le second manuscrit – celui qu’à mon avis Doszedardski a reçu de Lusson le 5 mai 1813, date de sa promotion au 33º aussi bien que de sa certification in fine du manuscrit –, le folio du début recopie avec de minimes modifications le texte du premier f° du Manuscrit Lusson du 10 novembre 1809 ! Erreur probablement involontaire.
Voici le texte du premier fº du manuscrit numéro 2 :
Le présent Régistre,
contenant trente sept Pages ; la présente non-
comprise ; a été paraphé et côté par Nous Souvn
Grand Inspecteur Général du 33e Dégré : et Fonda=
teur du Souvain Grand Conseil ; et de Royal Sécret,
constitué au Port au Prince ; en l’Isle de Saint
Domingue ; sous le titre distinctif, de Tripl§e Unité ;
par le Suprême Conseil de Royal Sécret ; créé et
constitué à Kingston ; dans l’Isle de la Jamaique :
pour servir à l’Enrégistrement des Constitutions Sécrettes
de l’Ordre ; Réglement particulier ; Constitution et
Création. Le 10me jour de la Neuvième Lune : ou
du 9e Mois, appellé Kislev : de la Restauration, 5569 ;
Anno Lucis, 5809. et de l’Ere Chrétienne, le 10. Novbre=
1809. Jean Doszedardski Souv Gd Insp Général du 33me Dégré.
Si tu es sincère Maçon ;
Ouvres et Lis sans Réflexion ;
Mais, n’observe pas ; Pourquoi ;
Et tais-Toi. –. –. –
Commence par la Tête ; finis
au Pieds :
Mais ne touche pas au Corps ! Dans la version publiée par Pike, ce petit poème voit non seulement sa ponctuation modifiée encore une fois, mais au lieu du mot sans on lit le mot avec… (le mot avec se trouve aussi dans le MS de J.J.J. Gourgas). Il n’est naturellement pas possible de déterminer aujourd’hui l’auteur de cette modification. Voici la version publiée par Pike :
Si tu es sincère Maçon,
Ouvre et lis avec réflexion !
Mais ? N’observe pas pourquoi,
Et tais toi ! –
Commence par la tête !
Finis par les pieds !
Mais ? ne touche pas au corps !
Il est évident que cette copie de 1813 et tout particulièrement l’erreur que nous venons de relever n’ont pu qu’encourager Baynard à considérer Doszedardski comme fondateur du Souverain Grand Conseil de Port-au-Prince. Mais ayons l’honnêteté de reconnaître qu’après avoir cité le premier fº du manuscrit Lusson, Baynard ajoutait : « Ces déclarations constituent une énigme que nous devons admettre avec franchise ne pas être capable de résoudre aujourd’hui ». Op. cit., p. 133.
H. L’énigme que constituent les Grandes Constitutions Secrètes
L’existence des Constitutions Secrètes et les certifications qui y sont apposées constituent elles aussi une énigme pour nous. Nous n’avons pas les mêmes problèmes que l’historien américain Baynard il y a cinquante ans. Il nous semble avoir montré que l’hypothèse du « centre d’archives de Kingston fondé par Morin dans un ‘Grand Chapitre’ du 25e grade en 1770 » était due uniquement à la mauvaise lecture des deux manuscrits provenant de la collection Doszedardski par Baynard, erreur reprise ensuite par plusieurs auteurs.
L’original du Cahier Bideaud ayant disparu, tout espoir de vérifier si la signature de Grasse-Tilly qui y était apposée était authentique doit être abandonné. Essayons d’examiner deux possibilités.
Si Grasse-Tilly, le 8 juillet 1802, avait bien certifié ce document et en avait transmis, dans la version que nous en connaissons, le texte à Bideaud, comment Grasse-Tilly était-il entré en possession de ce texte (1ère question) et pourquoi est-ce ce texte-ci qu’il aurait transmis, et non celui des Constitutions de 1786 (2nde question) ? Et si Grasse-Tilly avait apporté ce texte de Charleston à Saint Domingue, peut-on émettre l’hypothèse que ce texte aurait été connu par les maçons de Charleston avant que celui des Constitutions de 1786 soit connu ou utilisé par eux ? Le seul élément qui pourrait permettre d’envisager cette possibilité est celui que nous signalions plus haut, § 5, Les Grandes Constitutions Secrètes. indice faible, certes, mais néanmoins troublant. Ce que les signataires de la Lettre Circulaire de décembre 1802 disent de la création d’un Suprême Conseil du 33º à la date du 31 mai 1801 ne permet pas, à mon avis, d’infirmer cette hypothèse qui va seulement à l’encontre de la tradition historique…
Si nous devions envisager l’hypothèse que Grasse-Tilly n’a rien à voir avec ce document, il faudrait alors supposer que son apparition incombe à Jastram auquel il aurait été transmis soit par Bideaud, soit par une personne inconnue, portant les certifications de Grasse-Tilly et de Bideaud. De Jastram, il serait parvenu d’une part à Lusson puis à Doszedardski, d’autre part à La Motta. Mais cette dernière transmission est elle-même singulière, car on ne connaît pas de preuves derelations ayant existé entre Jastram et La Motta. Par contre, si Bideaud avait été en possession de ce texte, il n’est pas interdit d’imaginer que Gourgas en aurait eu par lui connaissance, puisqu’on sait que Bideaud initia Gourgas au grade de Prince du Royal Secret à New York en 1806.
On voit combien il est difficile de situer ce texte dans la lignée Constitutions de 1762, Textes Intermédiaires, Constitutions de 1786.
Pour tenter d’expliquer l’absence de nombreux documents, on sait que plusieurs historiens américains ont fait état d’incendies, tel celui qui détruisit les procès-verbaux de la Loge de Parfaits et Sublimes Maçons de Charleston, le 13 juin 1796 (évoqué en tête des Règlements de la ‘Sublime Grande Loge de la Caroline du Sud’ datés du 11 juillet 1801). Soit. Mais qu’en est-il des documents que Pike énumérait dans son Historical Inquiry de1872, Livres d’Or ou Registres , documents que Pike déclarait exister au moment où il écrivait sa brochure et qui, jusqu’à aujourd’hui, ne furent jamais intégralement transcrits pour certains d’entre eux et aucunement transcrits pour d’autres ?
Que s’est-il passé entre les membres du Suprême Conseil de Charleston et les deux Grandes Loges rivales de la Caroline du Sud antérieurement à 1814 ? Avant de se livrer à une tentative de reconstitution historique en ce qui concerne le Rite Ecossais Ancien et Accepté en Amérique du Nord, voilà les documents qui seraient indispensables, sans parler des procès-verbaux du Consistoire Cerneau, qui eux aussi existaient encore au 20ème siècle, ou des procès-verbaux des Grandes Loges de la Caroline du Sud.
Si nous devions nous risquer à formuler une hypothèse, ce serait la suivante :
- Il existait en 1797 non pas un, mais deux Consistoires de Princes de Royal Secret à Charleston : l’un avait nommé Mitchell à ce grade dès 1795 et le centre de l’autorité du Rite qui avait créé ce Conseil se trouvait à Philadelphie. L’autre fut créé par Long deux ans plus tard; ses premiers fondateurs furent plusieurs Français exilés de Saint Domingue, parmi lesquels Grasse-Tilly et Delahogue ; ceci fut créé au nom de l’autorité de Kingston.
- En 1799 et en 1800, John Mitchell était Député Grand Maître de la Grande Loge des Antient de Caroline du Nord et sa loge, l’Union Blue Lodge Nº 8, était naturellement une loge Antient.
Au contraire la première loge créée par Grasse-Tilly et Delahogue à Charleston en août 1796, La Candeur, portait le Nº 12 sur le registre de la Grande Loge Modern des Free & Accepted Masons de la Caroline du Sud. Mais Grasse-Tilly fonda à Charleston une seconde loge après avoir démissionné de la première, le 4 août 1799, qui s’appela La Réunion Française et prit le Nº 45 sous l’obédience des Antient.
Or les Maçons français qui fondèrent cette loge avec Grasse-Tilly sont ceux qui avaient été promus Députés Inspecteurs Généraux par Long dans un second temps (après la première série de promotions qui avait permis l’établissement du Consistoire sous l’autorité de Kingston) et que les premiers promus avaient refusé de reconnaître. Il s’agit des FF. Allemand, Dupuy, Groschant, M. D. Remoussin, et Toutain, auxquels il faut ajouter les FF. Placide et Grand.
Je suppose que le rapprochement entre les deux Consistoires s’est produit à cette époque, c’est-à-dire en 1799 ou en 1800. Dans la mesure où la guerre franco-anglaise qui se termine à la fin de 1801 avait coupé les relations avec la Jamaïque, une réorganisation des hauts grades eut probablement lieu alors à Charleston.
A ce que, dans un premier temps, un grade supérieur à ceux existant alors, grade qui serait celui de Souverain, Grand Inspecteur Général, ait été créé dans le cadre de ce rapprochement entre les deux Consistoires, rien d’impossible. Surtout si on se reporte aux lignes du début des Constitutions Secrètes dans la version publiée par Pike et qui serait la plus ancienne :
Elles [ces Constitutions] contiennent les trois Rits, Ancien, Moderne, et Ecossais de la Franche maçonnerie Royale et Militaire, sur les deux Hémisphères.
Le but n’aurait pas été seulement de rapprocher les hauts grades mais aussi les grades symboliques, sous l’autorité des ‘SouverainsGrands Inspecteurs généraux, Grands Commandeurs à vie’.
A ma connaissance, un seul document, imprimé en 1801 à Charleston, se rapporte au Suprême Conseil : le Discours que Dalcho prononça en sa qualité de Grand Orateur de la Sublime Loge de Perfection, le 23 septembre 1801. John Mitchell y est qualifié non pas de Grand Commandeur, mais de Président du Suprême Conseil des Maçons pour les Etats-Unis.
Mais comme les dispositions des Constitutions Secrètes sont fort différentes de celles des Constitutions de 1786 dont l’existence ne sera annoncée qu’un an plus tard, il est nécessaire de supposer que ces dernières ne remplacèrent les Constitutions Secrètes qu’après que Grasse-Tilly ait quitté Charleston au printemps 1802, lorsqu’il reprit du service dans l’armée française à Saint Domingue.
Autre argument pour justifier certains points de la Lettre Circulaire de décembre 1802 : ne se serait-on pas aperçu à Charleston que le nom de Frédéric III, contenu aussi bien dans le Rituel de 33º transmis à Bideaud par Grasse-Tilly que dans les Constitutions Secrètes, n’était pas un patronage satisfaisant et ne serait-ce pas là la raison du recours à Frédéric II pour les ‘nouvelles’ Constitutions (celles de 1786) et, quitte à faire, pour celles dites de ‘1762’ et, tant qu’on y était, pour la patente Morin ?
Et si on se demande comment et quand Grasse-Tilly aurait été mis au courant des ‘nouvelles’ Constitutions de 1786, forcé de formuler une nouvelle hypothèse, on fera remarquer que Dalcho est porté comme ‘affilié libre’ sur le Tableau des Sept Frères Réunis (avec Bideaud d’ailleurs !) pour l’année 1802, à l’Orient du Cap Français.
6. La Grande Constitution du 33ème degré
Décrivant le contenu de la Circulaire issue à Charleston le 4 décembre 1802, nous en avons cité la phrase suivante (cf. 1ère partie p. 253 et 280) :
Le 1er mai 1786, la Grande Constitution du 33ème grade, appelé le Suprême Conseil de Souverains Grands lnspecteurs Généraux, fut définitivement ratifiée le 1er mai 1786 par Sa Majesté le Roi de Prusse qui, en qualité de Grand Commandeur de l’ordre de Prince de Royal Secret, possédait le pouvoir Maçonnique Souverain sur toute la Maçonnerie.
Cette phrase contient la première annonce de l’existence de cette Constitution. Il n’existe aujourd’hui aucun texte antérieur au 4 décembre 1802 qui y fasse allusion. On ne connaît pas davantage de Suprêmes Conseils qui se seraient créés en fonction des dispositions de ce texte, antérieurement au Suprême Conseil séant à Charleston. A l’exception, bien entendu, du Suprême Conseil dont Saint Laurent prétendait avoir été Grand Commandeur dès 1795 (cf. infra 3e partie). Dans cette Circulaire, il était déclaré que la création (pour citer exactement la Circulaire il faudrait employer un équivalent du mot anglais opening, inauguration ou ouverture) de ce dernier remontait au 31 mai 1801. D’après la Circulaire, son intitulé était alors Le Suprême Conseil du 33ème degré pour les États-Unis d’Amérique.
Nous avons également indiqué plus haut que quatre articles de cette Constitution étaient cités par Dalcho dans le corps d’une note qu’il avait (lui-même, semble-t-il) ajoutée lorsque cette Circulaire fut imprimée une seconde fois en annexe à un Discours qu’il avait prononcé à Charleston, le 21 mars 1803. Nous allons maintenant énumérer et examiner les manuscrits du texte intégral de cette Constitution appelée communément Constitutions de 1786.
Relevons l’emploi, aujourd’hui devenu usuel, du mot Constitutions au pluriel pour désigner les Constitutions de 1786 alors que le texte de la Circulaire l’emploie au singulier (La Grande Constitution du 33ème degré). Il semble vraisemblable que ce pluriel provient de la lecture erronée d’une autre phrase de la Circulaire qui disait :
Le 31 mai 5801, le Suprême Conseil du 33ème degré pour les États-Unis d’Amérique fut ouvert avec les hauts honneurs de la Maçonnerie par les Frères John Mitchell et Frederick Dalcho, Souverains Grands Inspecteurs Généraux, et dans le cours de la présente année [comprendre ici 1802, l’année de la rédaction de la Circulaire] l’effectif des Grands Inspecteurs Généraux fut complété, conformément aux Grandes Constitutions.
—
La lecture attentive de l’ensemble de la Circulaire indique que ce pluriel englobait la Grande Constitution du 33ème degré et aussi le texte qui, à la page précédente de cette Circulaire, était intitulé The Grand Masonic Constitutions… finally ratified at Berlin… on the 25th of october 5762,c’est-à-dire les Constitutions de 1762. Pour éviter les équivoques et nous conformer à l’usage nous emploierons également l’expression Constitutions de 1786.
Nous avons vu qu’il existe deux familles de textes des Constitutions de 1786 que nous avons distinguées en les surnommant Version Française (parce que celle-ci avait été pour la première fois intégralement publiée dans cette langue à l’intérieur du Recueil de 1832) et Version Latine (car celle-ci avait été pour la première fois publiée en latin en appendice à l’impression du texte du Traité de 1834, en 1836).
Considérons d’abord les manuscrits de la Version Française.
I. Les Versions Françaises
De cette Version Française je connais l’existence de six manuscrits différents dont cinq, sous forme de fac-similé ou de photocopies, sont en ma possession :
- le manuscrit de Dalcho
- le manuscrit Delahogue
- les manuscrits Thory
- le manuscrit Pyron (partiel)
- le manuscrit Grasse-Tilly de 1817.
A. Le manuscrit Dalcho
Il est reproduit en fac-similé dans l’ouvrage de Harris, History of The Supreme Council 33º, paru à Washington en 1964. Harris étant décédé le 22 avril 1963, la publication de cet ouvrage fut préparée par James Carter. Ce livre est extrêmement utile en raison des documents qu’il reproduit pour la première fois. Mais il contient aussi, dans ses commentaires ou les légendes des documents qu’il reproduit, des erreurs regrettables qui en font un instrument délicat à utiliser. Signalons par exemple la légende de la page 168 écrivant comme le portrait du Frère Holbrook ce qui est en réalité un portrait du Frère Gourgss (respectivement Grands Commandeurs des Juridictions Sud et Nord). De même la lettre signée du Grand Commandeur Mitchell qui accompagnait l’envoi, au début de l’année 1803, de la Circulaire de Décembre 1802, porte la légende : Circulaire de Mitchell concernant l’unité. Il y a là une confusion avec les deux circulaires que le même John Mitchell signa les 24 juin et 31 décembre 1799 en sa qualité de Député Grand Maître de la Grande Loge de Caroline du Sud , Anciens Maçons d’York, circulaires qui proposaient au nom de sa Grande Loge, de réunir les différentes Grandes Loges Américaines et de créer une Grande Loge générale des Etats-Unis, projet qui n’aura pas de suite. Le manuscrit Dalcho, publié dans l’ouvrage de Harris, ne comporte ni date, ni certification, ni signature. Il est rédigé en langue anglaise. Son attribution à Dalcho est faite en fonction de la similitude de l’écriture du scripteur avec d’autres manuscrits que l’on sait être de la main de Dalcho. La description qu’en fait l’ouvrage américain est accompagnée des commentaires suivants :
… un manuscrit entièrement de la main de Dalcho. Il constitue l’équivalent en anglais du manuscrit Delahogue en français. On croit que c’est le manuscrit de Charleston sur lequel Delahogue effectua sa traduction en français. Cet exemplaire de la main du Dr. Dalcho se trouve actuellement dans les archives du Suprême Conseil de la Juridiction Nord à Boston. Op. cit. p. 92.
Aucun autre détail n’est fourni par Harris. On ne sait pas si ce manuscrit fait partie d’un recueil ou s’il est isolé.
L’historien officiel de la Juridiction Nord, S. Baynard, mentionne dans son ouvrage Scottish Rite Freemasonry NMJ U.S.A. (1938, Vol. II, p.152) que le Frère Carson avait publié dans les procès-verbaux du Cons de Délibération de l’État d’Ohio pour 1884, cette Constitution de 1786
d’après différentes versions imprimées et manuscrites, mais plus spécialement d’après l’exemplaire dans les archives de Boston.
En réalité on lit, page 20 des procès-verbaux (Proceedings) de ce corps maçonnique pour les 21, 22 et 23 février 1882, que le Frère Carson avait publié les Constitutions de 1786 en appendice aux procès-verbaux de la Juridiction Nord pour l’année 1869. D’autre part, page 26 des Proceedings pour l’Ohio de mars et mai 1884, il est fait allusion
à la copie manuscrite qui se trouve dans les archives de notre Suprême Conseil (i.e. la Juridiction Nord. AB) depuis son organisation en 1812 (sic) publiée pour la première fois à Paris en 1832…
Considérons 1812 comme un lapsus calami pour 1813, naturellement, mais relevons que la version des Constitutions de 1786 publiée dans l’ouvrage de Baynard (version qui est certifiée par Gourgas mais cette certification n’est pas datée) est différente de la version du manuscrit Dalcho.
En examinant la reproduction du manuscrit Dalcho le lecteur est frappé par l’existence de corrections manuscrites qui ont été effectués par une main étrangère. Ces modifications concernent :
- Le style : la répétition d’un mot est supprimée à l’article 1er et the same est remplacé par which dans le même article ; à l’article 3, l’ordre des mots two first est inversé et nominates est remplacé, en deux endroits, par appoints; à l’article 6, les derniers mots with the high honors due to them ont été remplacés par … to which they are entitled.
- Le sens : à l’article 12 la version primitive évoque les pouvoir dont S.M. Frédéric II Roi de Prusse was possessed. Une correction opportune évite de parler au passé d’un souverain censé avoir approuvé ce tex dont le passage incriminé devient is now possessed.
- Des interpolations : à l’article 13 un ajout très difficilement déchiffrable (avec une disposition correspondante ajoutée à l’article 17 donne au Grand Commandeur le droit de députer un Frère pour fonder un Conseil du 33º dans un pays (étranger), pendant les vacances du Suprême Conseil, mais à condition qu’il obtienne l’autorisation de ce dernier. Nous suggérons la lecture suivante :
+the Sov. Gr. Com. may during their recess and authorized under his Supreme Council (depute) a brother who is well qualified…
Les notes ajoutées à la réimpression du Discours de Dalcho en 1803 présentent les différences suivantes avec notre manuscrit :
- à l’article 10, or au lieu de nor (MS) ;
- à l’article 12, Frédérick II au lieu de Frederick the 2nd (MS). La rectification de l’article 12 relevée plus haut (was remplacé par is now) est faite dans le corps des notes.
Il n’existe aucune indication permettant d’avancer une date quelconque pour la rédaction de ce manuscrit.
B. Le manuscrit Delahogue
Ce second manuscrit est rédigé en français.
L’ouvrage de Harris en reproduit le dernier fº, p.76 en l’accompagnant, p.75, d’une traduction fautive et fantaisiste et indique qu’il provient de la Collection Kloss actuellement en possession de la Bibliothèque du Grand Orient des Pays-Bas. Comme dans le manuscrit Dalcho, le texte est intitulé ici :Constitution, Statuts & Règlemens. Aucune de ces deux versions n’indique ce qu’étaient les Statuts et Règlements annoncés.
Dans le manuscrit Delahogue le texte des Constitutions de 1786 fait suite à un rituel et à l’instruction du 33e Grade Souverain Grand Inspecteur Général. Voici le texte de la certification, signée par Delahogue mais non datée :
Tiré des archives du Grand Conseil Sublime du 33e Degré séant à L’orient de Charleston Caroline du Sud des Etats unis de L’amérique Septentrionale et traduit de L’anglois, par moi soussigné premier fondateur des Conseils, Chapitres, Colleges et Grands Conseil, et Consistoire du 32e Degré séants aux orients de Charleston Caroline du Sud des Etats unis de L’amerique et de la Nouvelle Orléans capitale de la Louisiane et certifié conforme aux originaux.
J.M.B. Delahogue K.H.P.R.S.
Ex Souvn des dits Conseils, Chapitres, Colleges et des Grands Conseils et Lieutenant Souvn Grand Commandeur du 33e Degré Dans les Isles et Dominations françaises de l’amerique.
Comme Delahogue ne reçut une Patente du ‘Suprême Conseil des Grands Inspecteurs Généraux du 33ème degré dans les Etats-Unis d’Amérique’ l’autorisant à établir des Loges, Chapitres et Conseils en Nouvelle-Orléans que le 29 juillet 1804, il semble vraisemblable que la certification de Delahogue est postérieure à cette date.
C. Les manuscrits Thory
Le pluriel ici employé (les manuscrits T.) peut surprendre les lecteurs connaissant un manuscrit comportant une certification de Thory ainsi qu’une certification de Delahogue, (manuscrit reproduit intégralement dans un ouvrage de Paul Naudon), intitulé :
Cérémonies de l’initiation d’un Grand Inspecteur Général du trente troisième Degré du rite Ancien et Accepté suivi De la Constitution de Cet ordre en 18 articles.
Naudon l’accompagne des commentaires suivants :
Un document tombé entre nos mains… comportant…le texte des Grandes Constitutions de 1786… certifié conforme à la date du 13 juillet 1805 par le F Caignet… en outre authentifié à la date du 18 mars 1813 par le Suprême Conseil de France… Histoire, Rituels et Tuileur des Hauts Grades Maçonniques, 4ème Ed., 1984, p. 140.
C’est là, pensons-nous, une des copies authentiques les plus certaines et les plus anciennes des Grandes Constitutions. Ibid. p. 153.
Copie manuscrite de 1813 faite sur le rituel original de 1805 du Suprême Conseil de France. Ibid note p.431.
L’ouvrage de Naudon comportant le fac-similé des deux dernières pages de ce manuscrit, le lecteur pourra s’y reporter. Nous l’appelons manuscrit Thory parce que c’est à lui que se rapporte l’indication se trouvant sur la dernière page de ce manuscrit : « fait à Paris le 18 mars 1823 signé, … Souverain grand inspecteur général trésorier du saint empire » Les indications et les commentaires de Paul Naudon sont-ils exacts ?
En 1937 le Frère Clément publia un livre intitulé Contribution à l’Étude des Hauts Grades de la Franc-Maçonnerie et particulièrement à l’Histoire du Rite Ecossais Ancien et Accepté (Bruxelles, Édition du Sup Cons de Belgique). Clément utilisa le Registre de Thory De ce Registre Thory, nous ne savons que ce qu’indique ici Clément. qui se trouvait dans les archives du Suprême Conseil de Belgique et, page 76 de son livre, il écrit ceci :
Nous avons ainsi par le registre de Thory une copie du registre de de Grasse. Et nous apprenons par celui-ci que de Grasse ne possédait aucune copie des Grandes Constitutions car sans cela il n’eut pas manqué de la transcrire comme il avait transcrit la patente Morin et les Constitutions de 1762. Thory… a certainement cherché à se procurer ces Grandes Constitutions, et ce n’est qu’en 1813 qu’il y est parvenu, et encore, en superposant des renseignements fragmentaires. Entre le 30 janvier et 11 février, il obtient communication d’une copie certifiée par Delahogue le 10 mars 1809 dans laquelle il trouve Les Art. 5, 7, 9, 12 et 16. Encore n’est-ce que fragmentairement car nombre d’annotations marginales sont venues ultérieurement compléter les articles transcrits. Thory termine cette copie « d’extraits des règlements qu’on attribue à Frédéric II, roi de Prusse » en attestant « qu’il. n’a jamais vu l’original » mais que « dans les archives du 33º de France se trouve une copie dans laquelle on lit les 18 articles ».
Peu après – vers le 11 mars – il transcrit les articles 2, 3, 4, 6, 13, 17 et 18 sans préciser de qui il en a obtenu communication et immédiatement à la suite de ceux-ci, un « autre supplément » contenant les articles 14 et 15 trouvés dans un autre manuscrit portant une attestation de Caignet qui déclare avoir reçu le texte du Suprême Conseil de Charleston » en même temps que sa patente de 33º et l’avoir transmis à Delahogue à Paris le 13 juillet 1805.
On comprend en lisant ces lignes de Clément pourquoi la certification de Thory commence par ces mots embarrassés : « Sans rien décider sur l’autenticité (sic !) de ces pièces… »
On aura remarqué l’indication semblant singulière – mais sait-on jamais ? – de Caignet, citée par Clément, selon laquelle Caignet aurait reçu sa patente de 33º du Suprême Conseil de Charleston. Et, si l’on ajoute foi aux indications du registre Thory rapportées par Clément, un texte des Constitutions de 1786 aurait été transmis de Charleston (par qui ?) à Caignet antérieurement au 13 juillet 1805, texte que Caignet aurait alors remis à Delahogue. Était-ce le premier exemplaire de ce texte à parvenir en France ? Nous l’ignorons, tout comme nous ignorons la date à laquelle Delahogue revint en France.
On sait par contre que Grasse-Tilly qui avait été mis à la disposition du Ministère de la Guerre le 29 juin 1804 avait adressé une lettre datée du 4 juillet 1804 au Général Quentin (membre en 1803 du Souverain Chapitre des Sept Frères Réunis à l’Orient du Cap Français dont Grasse-Tilly était le 1er Grand Surveillant) disant : « Mon Général, j’arrive à l’instant à Bordeaux… ». Demême son Livre d’Or nous indique que la première promotion que Grasse-Tilly effectua à Paris fut celle de Joseph Louis Louvier de Pescheloche au grade éminent de Prince de Royal Secret trente-deuxième degré du rit ancien et accepté le 28 août de la même année. La transcription du texte de cette promotion est reproduite en annexe. Mais nous ne saurons sans doute jamais si Grasse-Tilly avait en sa possession à ce moment un manuscrit des Constitution de 1786.
On doit enfin relever que les dernières lignes du manuscrit Thory reproduit par Naudon indiquent que Thory y avait porté la longue annotation suivante :
Collationné la pièce ci contre sur les grandes constitutions qui sont dans les archives du trente troisième degré elle est entièrement conforme. Voici la mention qui termine cette pièce du trente troisième degré :
certifié conforme à la grande constitution du grand et sublime conseil du trente troisième degré établi à l’orient de Kingston en l’île de la Jamaïque par moi sousigné (sic) premier fondateur de la loge symbolique de la candeur nº 12 à Charlestown, caroline du sud, et des conseils, chapitres, et grands conseils du dit lieu ; vénérable et membre perpétuel de la loge nº 93 à l’orient de la nouvelle Orléans, premier fondateur des conseils du dit lieu, membre perpétuel du sublime conseil du trente troisième degré à l’orient de Charlestown et lieutenant grand commandeur du sublime grand conseil du trente troisième degré pour les îles françaises de l’amérique du vent et sous le vent signé JBM Delahogue
On aura remarqué ici le libellé des premières lignes de cette certification de Delahogue, résolument différente de celle qu’il avait apposée sur ce que nous appelions le manuscrit Delahogue, différente par la mention du grand et sublime conseil du trente troisième degré établi à l’orient de Kingston. L’absence de toute virgule ne permet pas d’affirmer si le début de cette certification doit être lu comme signifiant : certifié… par moi ou bien établi… par moi.
Mais il est singulier, en tout cas, de devoir constater que dans la première certification, Delahogue déclarait le texte des Constitutions tiré des archives du Grand Conseil Sublime du 33ème degré séant à l’orient de Charleston etdans la seconde certification conforme à la grande constitution du grand et sublime conseil du trente troisième degré établi à l’orient de Kingston…
Delahogue ne cessera jamais de nous étonner !
Aucune indication ne semble pouvoir établir que le texte des Constitutions de 1786 reçu par Caignet de Charleston, et transmis par lui à Delahogue le 13 juillet 1805, n’aurait pas été le premier à arriver en France.
D. Le manuscrit certifié par Pyron le 23 février 1806
La seconde partie du manuscrit retrouvé récemment par René Désaguliers à la Bibliothèque de La Haye Cf. 1ère partie. comprend certains articles – pour certains, une partie seulement de l’article – des Constitutions de 1786. Ces articles sont les suivants :
– nº 1, intégral,
– nº 5, seulement le dernier paragraphe,
– nº 7, 8, 9, 10 et 11, intégraux,
– nº 12, le début, jusqu’au mot revêtu,
– nº 16, les treize premiers mots (jusqu’au mot créance) puis le dernier paragraphe.
Ensuite se trouvent successivement :
– un paragraphe, intitulé Cordon du grade dont le texte dans les manuscrits Delahogue et Thory, se trouve au début du rituel du 33º,
– un paragraphe intitulé Privilèges dont le texte, dans les deux mêmes manuscrits, se trouve après le rituel et avant le libellé du certificat dont le possesseur du 33º doit être porteur,
– les certifications de Delahogue, puis de Pyron.
La comparaison entre ce manuscrit Pyron d’une part et les manuscrits Delahogue et Thory ainsi qu’avec le texte publié dans le Recueil de 1832, ne permet pas d’établir une filiation indiscutable entre le manuscrit Pyron et ces autres textes.
Le manuscrit Pyron présente en effet dans le texte de certains articles, certains mots qui ne se retrouvent pas dans les autres versions. Étant donné que nous avons constaté une très grande fidélité du copiste de ce manuscrit lorsqu’il recopia le Livre d’Or de Grasse-Tilly, on ne peut que se demander quel est le modèle qu’il utilisa pour établir ce document. C’est ainsi que le manuscrit Pyron emploie les tournures particulières suivantes :
– dans la phrase qui précède l’article premier, pour le gouvernement en conseil, les trois autres versions utilisant ici le mot des,
– à l’article 7, pouront (sic) au lieu de peuvent dans les trois autres versions,
– à l’article 9, aucun pays, au lieu de un pays,
– à l’article 11, Prince Royal Secret au lieu de Prince de Royal Secret.
– à l’article 16, les becs dorés au lieu de les becs d’or (Delahogue) ou le bec d’or (Thory et Recueil) et, au même article, déployées, tenant alors que nous trouvons déployées et tenant dans les trois autres versions de comparaison.
De même, dans le texte des Privilèges, ce manuscrit Pyron est le seul à utiliser le mot porte au lieu de portera des trois autres versions et à évoquer la loge de perfection, là où les autres textes parlent de celle de parfait maçon.
Mais il est intéressant de constater que le texte de la certification de Delahogue est exactement identique à celle qu’il emploie pour certifier son propre manuscrit. Par contre les titres dont Delahogue faisait suivre sa signature sont ici plus brefs :
KH P.R.S. Lieutt. Gd. Commandr. du 33 degré pour les Isles et Dominations françaises de l’Amérique.
ainsi qu’on pourra le constater en comparant avec le texte reproduit ci-dessus. § B. Le Manuscrit Delahogue.
L’existence de ce manuscrit pose ainsi un point d’interrogation supplémentaire quant à la version-mère dont il descendrait.
E. Le manuscrit Grasse-Tilly de 1817
C’est encore dans le livre de Clément que nous trouvons la reproduction en fac-similé du document que Grasse-Tilly remit aux Frères de Bruxelles, Clément, entre les pp. 76 et 77. constitués par lui en Suprême Conseil, document décrit parClémentcomme étant :
une copie calligraphiée sur parchemin, dûment scellée et signée par le comte de Grasse et son secrétaire, le baron de Fernig, en date du 1er avril 1817. Clément, p. 75.
Cette version présente la particularité de ne comporter que 17 articles, son article 2 remplaçant les articles 2 et 3 des versions précédentes. Clément pense que ceci
fait ainsi ressortir une modification apportée pour une organisation différente et plus facile. Clément, p. 78.
Nous en donnons la reproduction en annexe.
Il est intéressant de donner un détail supplémentaire : la Patente que Grasse-Tilly remit le même jour aux Frères belges et au début de laquelle, comme c’était l’usage, il énumérait ses titres, porte la mention que voici :
Nous, Alexandre-François-Auguste, comte de Grasse de Rouville, marquis de Tilly… Souverain Grand Commandeur par légale Patente du T Ill F Yman (sic) Isaac Long, délivrée à Charlestown, Caroline du Sud Amérique… Patente transcrite in-extenso in Clément, pp. 115-117.
N’est-il pas inattendu de lire Grasse-Tilly se réclamer de la Patente que Long lui avait délivrée trois ans et demi avant la date traditionnelle de l’inauguration du Suprême Conseil de Charleston qui, dans la Circulaire de décembre 1802, déclarait avoir nommé le Député Inspecteur Général Grasse-Tilly, Grand Inspecteur Général et Grand Commandeur des Indes Occidentales Françaises le 21 février de la même année ???
II. LES VERSIONS LATINES
Ici encore il est possible que l’emploi du pluriel surprenne quelques lecteurs, mais nous allons voir qu’il est parfaitement justifié. Lorsque Naudon écrit :
Ce texte (la Version latine) donne des Grandes Constitutions de 1786 une version considérablement augmentée par rapport au texte de 1832 (la Version française du Recueil)… Naudon 1984, p. 150
il me donne l’impression de jouer sur les mots et l’ignorance à peu près générale des membres du Rite en ce qui concerne ces textes. Car dans l’une et l’autre version, il y a le même nombre d’articles (18 à l’exception de la version du manuscrit Grasse-Tilly de 1817) aux dispositions parfois différentes, certes, mais les deux textes ont sensiblement la même longueur.
Ce qui caractérise les Versions Latines, c’est qu’elles apportent deux textes supplémentaires encadrant les 18 articles constitutionnels, deux textes que nul ne connaissait avant que la première Version Latine ne fasse son apparition.
Le premier de ces textes expose les raisons de la création du nouveau Rite ainsi que l’origine (provenant d’autres Rites) des grades ajoutés pour, de vingt-cinq, parvenir à trente-trois grades. Il est signé par Frédéric seul.
L’autre texte, dénommé Appendice aux Statuts Fondamentaux et Grandes Constitutions du 33ème degré, décrit l’étendard de l’Ordre, les insignes distinctifs des Grands Inspecteurs Généraux et le grand sceau de l’Ordre. Il porte, outre la signature de Frédéric, celle de quatre autres membres d’un Grand et Suprême Conseil du 33ème degré régulièrement constitué, convoqué et assemblé… à Berlin… le 1er mai 1786. Ces mêmes signatures sont portées à la fin des 18 articles de la Grande Constitution dans cette Version Latine, alors que la Version Française n’en comportait aucune.
D’autres signatures auraient été portées également sur ces documents mais seraient
devenues illisibles ou… effacées par l’effet du frottement, ou par l’eau de mer à laquelle l’ampliation originale de ces documents, écrite sur parchemin, a été accidentellement exposée plusieurs fois. Nota portée à la dernière page de l’édition (1836) du Traité de 1834.
Comment cette Version Latine est-elle devenue accessible ? Par le Comte de Saint Laurent qui l’avait apportée en Europe.
Citons ici la lettre que ce dernier adressa en juin 1834 au Suprême Conseil de Belgique, lettre que Lindsay publia en traduction anglaise dans The Scottish Rite for Scotland mais que Corneloup, lorsqu’il traduisit le livre de Lindsay en français, dut retraduire de l’anglais, faute de posséder la version originale que Clément avait publiée en 1937 en fac-similé Clément, entre les pp. 80 et 81. :
Vous trouverez à la fin du traité déjà ratifié par l’Ill et V f duc de Choiseul Grand Commandeur du Conseil de france, et par ce Conseil même, une traduction faite de l’Original Latin des Véritables Grandes Constitutions de 1786 – Cet original, signé manu propria par l‘Ill f de Wowelner certifiant copie conforme de la minute, signée depuis par l’Ill f de galvez, ancien vice Roi du Mexique & par d’autres Ill Grands Commandeurs, qui en ont eu et qui en ont conservé précieusement le dépot, était entre mes mains depuis 1795, en ma qualité de G C. de la Nouvelle Espagne & J’en avais donné communication au Prince Cambacérès, aux ff:. de lacépède, de Grasse &c. &c. mais je n’ai jamais voulu permettre qu’il en fut fait des copies.
Je l’ai déposé aux archives du S. C. Uni de l’hémisphère occidental, aux termes des stipulations du traité de 1832 dont j’ai eu l’honneur de vous donner un Exemplaire à Bruxelles en 1833 – C’est de la copie authentique de ce précieux document, inserré [sic] officiellement dans mon livre d’or, que le Congrès a fait tirer la traduction que vous recevrez avec le traité que nous venons de conclure.
Le moment où surgit à Paris cette Version Latine est marqué par une déclaration renversante de sept Frères qui affirment par écrit le 23 février 1834, ainsi qu’en atteste la version imprimée du Traité de 1834) :
Nous… avons attentivement collationné les copies qui précédent ci-dessus à l’Expédition authentique des véritables Instituts secrets fondamentaux, Statuts, Grandes Constitutions et Appendices du 1er Mai 1786 (E. V.) dont les Ampliations officielles sont déposées et ont été soigneusement et fidèlement conservées dans toute leur pureté parmi les archives de l’Ordre.
NOUS, en conséquence, certifions les dites Copies fidèles et littéralement conformes aux textes originaux des dits documents.
Le malheur, c’est que lesdits signataires n’avaient jamais vu lesdits originaux de leur vie ! L’un d’eux était le marquis de Lafayette qui mourra peu de mois plus tard. Comment soupçonner ce héros d’avoir fait, fut-ce par naïveté, une fausse déclaration ? Et ce qui vaut pour Lafayette vaut pour un baron (Freteau de Peny), un comte (Thiebault), un marquis (Giamboni), tous signataires de cette imprudente déclaration d’authenticité avec quelques autres Frères moins titrés qu’eux. Mais … causa locuta !
L’apparition de cette Version Latine est inséparable d’événements relatifs au développement du Rite sur le continent nord-américain, événements qui ne sont narrés par aucun ouvrage d’histoire maçonnique écrit en français ou en allemand, raison pour laquelle ils sont ignorés des auteurs européens ! Les Suprêmes Conseils d’Irlande et d’Angleterre ayant été fondés l’un par la Juridiction Sud, l’autre par la Juridiction Nord des États-Unis, ne tiennent nullement à regarder de trop près le passé de leurs parents respectifs. Quant aux auteurs américains… il faudrait un autre chapitre pour décrire la disparition progressive, dans leurs livres d’histoire maçonnique, d’événements indéniablement prouvés par des documents, mais dont la narration ne fait honneur ni au Rite lui-même, ni aux acteurs d’alors.
Qu’il suffise de dire que l’histoire de la Juridiction Sud, jusqu’à l’arrivée du Grand Commandeur Pike à sa tête en 1859, est celle d’un long sommeil entremêlé de disputes sanglantes (notamment la démission du Grand Commandeur Dalcho, successeur du premier Grand Commandeur John Mitchell) et qu’à celle de la Juridiction Nord, qui ne lui cède en rien sur ces deux points, s’ajoute tout au long du XIXe siècle une série de schismes, scissions et mises en procès de ses dirigeants divers (on ne compte qu’avec difficulté le nombre de Suprêmes Conseils rivaux ayant simultanément existé dans la Juridiction Nord au milieu du XIXe siècle !) auprès desquels l’existence, aujourd’hui en France, de trois Suprêmes Conseils fait figure de conte de fées pour enfants sages.
Cet effacement voulu et progressif d’événements historiques n’est pas propre à l’histoire de la maçonnerie américaine : l’Histoire de France n’essaye-t-elle pas systématiquement de rayer l’histoire de la Commune des livres de classe ?
Retenons seulement qu’à vouloir écrire l’histoire en se contentant de compiler des sources récentes délibérément édulcorées, les auteurs européens ne parviennent à donner des événements qu’ils prétendent rapporter, qu’une version déformée, n’offrant plus qu’un tableau qui n’a presque rien de commun avec ce qui fut, qu’on le veuille ou non, le passé… NOTRE passé.
Lorsqu’il reproduit cette Version Latine, Paul Naudon indique en note : « Extrait de l’ouvrage d’Albert Pike, Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry, New York, 1872 ». Naudon 1984, p. 459. Cet ouvrage de Pike reproduit en effet en Latin, en anglais et en français un texte que nous allons examiner. Mais comment le Grand Commandeur Pike en avait-il eu connaissance ?
Il l’explique dans le même livre, au début de son Historical Inquiry in regard to the Grand Constitutions of 1786, c’est-à-dire Enquête Historique concernant les Grandes Constitutions de 1786. Pike déclare ceci :
Ce SC (celui de Charleston) n’avait jamais eu la version Latine dans ses archives jusqu’à ce que l’actuel Grand Commandeur (Pike lui-même), aux environs de l’année 1855 (Pike n’était alors ni Grand Commandeur ni membre du Suprême Conseil de la Juridiction Sud auquel il ne fut élu qu’en 1858) fut pourvu à la Nouvelle-Orléans (où Pike exerçait alors la profession d’avocat) d’une copie originale du Traité imprimé en France en 1834 (sic !) à laquelle sont ajoutées les Grandes Constitutions en latin. Historical Inquiry, p. 126.
Pike déclarera assez curieusement douze ans plus tard (dans son allocution devant le Suprême Conseil de la Juridiction Sud en octobre 1884) n’avoir découvert cette Version Latine qu’en 1857 mais renouvellera son erreur quant à la date de 1834. Il semble qu’un exemplaire du Traité de Paris était en possession de Samory qui l’avait envoyé à Mackey. Ce dernier avait conféré les degrés du Rite du 4e au 32e à Pike (qui avait été initié en 1850) le 20 mars 1853. C’est Mackey qui semble avoir transmis cette brochure à Pike. Mais d’où provenait le texte imprimé en 1836 en annexe au Traité de 1834 ?
Entre maintenant en scène le Comte de Saint Laurent.
INTERLUDE Nº2
LE COMTE DE SAINT LAURENT ET SON LIVRE D’OR
Dans une note ajoutée page 149 de la quatrième édition de son ouvrage Histoire, Rituels et Tuileur… Naudon indique que notre Frère Etienne Gout parvint à retrouver la date et le lieu du décès du Comte de Saint Laurent, le 9 juin 1857 à Paris. En dehors de ce renseignement précieux, Naudon se contente, en ce qui concerne Saint Laurent, de reprendre les informations de Ragon (sans mentionner sa source) comme l’avaient fait quelques-uns de ses prédécesseurs. Folger avait, en 1862, cité Ragon en estimant ses informations littéralement véridiques Folger, p. 204. et Baynard en 1938 avait fait de même.
Dans un manuscrit qu’il eut la gentillesse de me communiquer, Etienne Gout ajoutait avoir récemment découvert grâce à ses recherches personnelles que Saint Laurent
avait été membre du Suprême Conseil des Iles Françaises de l’Amérique en exil en 1814 à Paris et qu’il devint en 1832 ou 1833 membre honoraire, puis en 1834 membre actif du Suprême Conseil de France.
Il citait également l’auteur américain Voorhis qui indiquait dès 1965 que Saint Laurent était né à Santa Lucia de santa Fé près de Bogota, le 21 janvier 1774. The Story of the Scottish Rite of Freemasonry, New York, 1965. Etienne Gout relevait enfin la similitude de nom de notre Saint Laurent avec celui de Philippe Rose Roume de Saint Laurent, né en 1743 à La Grenade en 1791 fut membre de la commission de pacification de Saint Domingue, s’était précédemment consacré au développement de l’île de la Trinité (Trinidad) et avait pu, grâce à l’appui de don Francisco Saavedra et de don Bernardo Galvez, neveu du Ministre des Indes, faire approuver ses vues par ce dernier.
Et Gout de remarquer que Saint Laurent portera le nom de ce dernier à partir de 1814 en tout cas, et qu’il fera inscrire les noms de Galvez et de Saavedra dans l’annuaire du Suprême Conseil de France du 24 juin 1838 parmi les membres défunts de son propre Suprême Conseil de la Nouvelle-Espagne.
Ayant ainsi rendu hommage au seul Frère qui se soit interrogé sur la vie du comte de Saint Laurent, en ne se contentant pas de recopier Ragon, essayons d’aller de l’avant. En effet Saint Laurent n’était pas plus apparu à New York en 1832 Lindsay, p. 69 du Rite Ecossais pour l’Ecosse. que Morin n’avait surgi du néant à Paris en 1761 pour y recevoir sa Patente.
Il suffisait de demander communication du Livre d’Or du Comte de Saint Laurent, aujourd’hui préservé dans une bibliothèque des Etats-Unis pour en recevoir une photocopie intégrale, riche en renseignements. Il s’agit de la Bibliothèque de la Grande Loge de Pennsylvanie dont je remercie ici l’Associate Librarian and Curator, le Frère John H. Platt, pour son aide précieuse.
Notons qu’un des prédécesseurs du Frète Platt, Julius F. Sachse, dans un ouvrage intitulé Ancient & A&ASR Documents, paru en 1915, avait transcrit certains fragments de ce Livre d’Or. Mais certaines pièces ne lui avaient sans doute pas paru mériter d’être transcrites – ainsi une Version Latine des Constitutions de 1786 qui, lorsque j’en eus connaissance, se révéla être la version princeps de ce texte ! – et d’autre part il y avait dans son livre, au demeurant précieux, certaines erreurs de transcription. Toujours est-il que le Frère Sachse avait eu le mérite considérable de retrouver ce document dans les archives de sa Grande Loge, de signaler sa présence dans son livre, et d’en indiquer le contenu. Ajoutons encore que dans ce manuscrit vis-à-vis du texte latin des Constitutions de 1786, se trouve une version en langue française du même texte dont le Livre d’Or indique en marge qu’il s’agit d’une
Traduction faite d’après la partie espagnole de la minute (fº23) Document reproduit en annexe.
On voit ainsi qu’il s’agit là d’un document d’une importance considérable.
Description des documents contenus dans le Livre d’or de Saint Laurent
Ce Livre d’Or contient d’une part la transcription de documents qui y furent recopiés et certifiés à la date du 15 août 1832 lorsque Saint Laurent était sur le point de quitter New York pour l’Europe.
Ces documents constituent la première partie du Livre d’Or et peuvent être eux-mêmes divisés en deux groupes.
– Le premier groupe est caractérisé par la mention suivante, précédant chacun des documents qu’elle concerne:
Extract from the Minutes deposited in the archives of the United Supreme Councilfor (of) the Western Hemisphere.
Dans deux cas le mot Abstract remplace Extract dans la phrase ci-dessus. Mais le mot-clef est ici deposited c’est-à-dire déposé.
Ce groupe comprend manifestement les documents que Saint Laurent avait en sa possession avant d’entrer en contact avec le Suprême Conseil des Etats-Unis d’Amérique séant à New York et qu’il déposa dans les archives de ce dernier qui, à la suite de son union avec le Suprême Conseil de Saint Laurent, reconstitué à New York, prit alors le nom de Suprême Conseil Uni de l’Hémisphère Occidental.
– Le second groupe est précédé pour chaque document concerné par la phrase suivante:
Abstract from the Minutes of the United Supreme Council of Sovereign Grand Inspectors General for the Western Hemisphere.
Ces documents sont ceux que les FF de New York avaient déjà dans leurs archives au moment où Saint Laurent entre en contact avec eux.
Voyons maintenant quels sont pour ces deux groupes les documents en question.
A – Premier groupe.
Les documents ‘déposés’ dans les archives du Suprême Conseil Uni de l’Hémisphère Occidental sont :
a) – (Muy Secreto) Dogma E Doctrinas, un document rédigé en langue espagnole, accompagné de sa traduction en langue anglaise. (fº 2-fº 5),
b) – Des décrets (dont le plus ancien est daté du 25 février 1795) se rapportant à l’activité maçonnique antérieure du comte de Saint Laurent, ainsi que différents documents, les derniers de ceux-ci étant constitués par les procès-verbaux de trois réunions du Suprême Conseil de l’Amérique Méridionale réorganisé à New York au mois de février 1832 (fº 38-fº 51).
c) – Les Instructions Générales Secrettes Pour les Grands Inspecteurs généraux et Pces de Royal Secret (fº 20-fº 22) en langue française.
d) – Les Nova Instituta Secreta & fundamenta… en latin et, en face, leur traduction française d’après la partie espagnole de la minute (partie espagnole qui ne se trouve pas dans le livre d’Or) : Nouveaux Instituts Secrets et Fondamentaux… (fº 22-f° 37).
Au bas du fº37 vº se trouve l’annotation suivante:
Nta. J’avais confié ce manuscrit (rare et précieux par lui-même autant que par les signatures qui s’y trouvent) au marquis de St Angelo, qui l’a égaré pendant plusieurs mois. Comme je voulais avoir sur mon registre les copies de toutes mes pièces je continuai à y écrire laissant la place présumée suffisante pour copier les lois de l’ordre. Mais les copistes ayant mal pris leurs dimensions, le certificat de ces pièces se trouve compris dans celui qui est porté à la page 49 de ce registre.
(signé) Cte de St Laurent
Au bas du fº49 rº se trouve la certification suivante:
The foregoing writings are the true copies by abstract of the respective originals thereof, from page 22 vº to this present
Witness my hand and the seals and stamps of the United Sup. Council & sections
The Grand Secretary and Chancel of the H E
Geo Smith 33°
B – Le second groupe, correspondant aux documents qui sont copiés dans ce Livre d’Or d’après les Minutes du Suprême Conseil Uni de l’Hémisphère Occidental, est composé comme suit :
a) – les Réglements et Constitutions, faits par les neuf Empereurs-princes, nommés par les grands conseils souverains des souverains empereurs d’Orient et d’Occident, sublimes princes du royal secret et chevaliers princes de la maçonnerie ancienne et moderne et approuvés par lesdits conseils souverains.
Pour être observés par les dits grands conseils souverains et par tous les conseils particuliers, régulièrement établis et constitués sur les deux hémisphères.
=============================================================
du 6e Jr de la 3e semaine de la 7e Lune 7762 (5520 de l’Ere hebraique) Il y a à cet endroit du manuscrit une première date rayée où il semble qu’on avait écrit: 5762. Puis la date mise entre parenthèses a été elle-même surchargée avec la rectification : 5520 mais on peut lire 1762 en-dessous de 5520.
La parenthèse s’appliquait dans la graphie première à la date 1762. Le correcteur semble avoir ajouté les mots: de ‘L’Ere hébraique, et pour cela avoir transformé le signe de fin de parenthèse, en lettre ‘d’ au début des trois mots : de l’Ere hébraique, et avoir ajouté un nouveau signe de fin de parenthèse après ces mots rajoutés. Le premier état aurait ainsi été : de la 7ème lune 5762 (1762) et serait devenu après rectification celui que nous indiquons ci-dessus dans le corps du texte. Les doubles traits entourant la date semblent, eux aussi, avoir été rajoutés.
=============================================================
A la fin de cette version des Constitutions de 1762, fº 13 recto, se trouve la mention suivante:
a l’orient du monde sous la Céleste Voute, les jours et ans susdits (signé)
mention suivie de dix noms, de Chaillon de Jonville à D’aubertin, que l’on trouve sur la plupart des versions de la patente Morin. (fº 5 vº-fº 13 rº)
b) – les « Statuts et Réglements Pour le Gouvernement des Loges de Perfection, arretés conjointement entre les divers Grands et souverains conseils des sublimes princes par leurs comissaires(sic) réunis a Bordeaux, d’après les anciennes lois de l’ordre acceptées (sic). » (fº 13 vº-fº 15 vº).
Face à l’article 1, dans la marge se trouvent les mots reglements généraux soulignés.
A la suite du 25ème et dernier article se trouve la phrase suivante:
De leur pleine science et pouvoir, les chefs et vrais protecteurs de la maçonnerie, ont décrété et arrété les présents statuts, réglements généraux desquels copie sera jointe à chaque patente de député ou d’inspecteur général provincial ou métropolitain afin qu’ils en maintiennent l’éxécution. On comparera, non sans étonnement cette phrase avec celle que nous avons citée, lère partie p. 22 , d’après le Recueil, p. 29, qui lui est presque identique.
Comme nous l’avons déjà indiqué précédemment, 1ère partie p. 266 , ce sont ces trois textes qui ici, comme dans le Livre d’Or de Morison, portent la mention des signatures de Frederic et De Prinzen.
Fait et arrété, Dans un lieu saint et secret, sous la V C près du B A le 21 jour du 9e mois maçonnique 5762 sous les seings et sceaux des sublimes princes du Royal Secret composant la comission (sic) générale de l’ordre (signé)
suivi des mêmes dix noms, mais dont quatre ont été rajoutés dans la marge.
c) – Précédés des trois mots Lux ex tenebris,les « Instituts, Statuts et Reglements Généraux de la haute Maçonnerie révisés d’après les observations de nos très illustres et très puissants frères des SS EE D’Ec de Su de Fr d’Al et les notres, par (+) notre tres illustre royal et très puissant grand président et frère S M le roi Frédéric second de Prusse, et sanctionnés par lui le 25e jour du 2e mois Yiar 5763. » Comparer aussi avec Morison (1ère partie, p. 265).
Dans la marge correspondant au signe (+) l’annotation suivante: agrément ceci est fautif ; Lisez avec l’agrément de (fº 16 rº – fº 19 vº).
Tels sont les deux groupes de documents composant la première partie du Livre d’Or de Saint Laurent.
La seconde partie ne nous concerne pas ici. Elle a trait à l’union de son Suprême Conseil de l’Amérique méridionale réorganisé à New York en février 1832, avec le Suprême Conseil des États-Unis d’Amérique, dont le Frère Elias Hicks était Grand Commandeur.
Du Traité d’Union entre ces deux Suprêmes Conseils, signé le 5 avril 1832, naît alors le Suprême Conseil Uni pour l’Hémisphère Occidental. Les documents se référant à cette union (fº 56-fº 72) sont suivis par le texte de la Patente que ce nouveau Suprême Conseil remit à Saint Laurent qui en était devenu l’Assistant Grand Commandeur – dignité manifestement créée pour l’occasion – et par différents documents postérieurs dont le dernier est daté du 3 avril 1837 (l’inspection par Saint Laurent de la Loge Ecossaise La Nouvelle Thèbes à l’orient de Paris).
Après cette nomenclature des documents contenus dans le Livre d’Or de Saint Laurent, on aimerait donner une analyse de certaines des pièces qui se rapportent à son activité avant sa présence à New York où il arriva en 1832, forcé par des persécutions récentes de venir chercher un asile dans les Etats-Unis de l’Amérique du Nord,comme le dit le procès-verbal du 1er février 1832. La place nous manque pour nous livrer à cette analyse.
Mais on ne saurait passer sans une certaine indignation sur les lignes que traçait Lindsay en 1957 qui furent reprises, bien sûr, dans la traduction de son ouvrage en français paru en 1961. Lindsay ne faisait que recopier Ragon :
L’histoire débute en 1832 à New York… (alors) apparut un mulâtre originaire de Saint Domingue (!) qui se paraît du nom de Marie Antoine Nicolas Alexandre Robert de Jachin de Sainte Rose de Roume de Saint Laurent, marquis de Sainte Rose, Comte de Saint Laurent, un ancien capitaine de navire et Commandant d’une flotille de la marine mexicaine. Il prétendait être Souverain Grand Commandeur d’un Suprême Conseil jusque-là inconnu (!) portant le titre impressionnant de “Suprême Conseil de la Nouvelle Espagne, du Mexique, de la Terre Ferme, d’Amérique Méridionale d’une mer à l’autre, des Iles Canaries, etc. etc.” Son but était de trouver à New York un siège pour son Suprême Conseil, sans domicile et jusque-là inconnu (!).
Naudon reprend sans gêne ces indications navrantes avec la réserve suivante : à la suite du membre de phrase Ce Suprême Conseil dont nul jusqu’alors n’avait entendu parler (affirmation que Naudon écrit et signe comme si elle était de lui), il ajoute « si ce n’est la vague référence de 1818», car Naudon avait indiqué que Saint Laurent figurait « déjà en 1818 parmi ceux des Souverains Grands Inspecteurs absents, sur le Tableau des membres du Suprême Conseil pour la France et les possessions françaises de l’Amérique et des Indes». Naudon 1984, p. 149.
Or voici le texte des pouvoirs accordés par Grasse-Tilly à Saint Laurent le 16 août 1816, pouvoirs qui se trouvent à la suite des lettres de créance accordées par les Souverains Grands Inspecteurs Généraux pour les Iles Françaises de l’Amérique, reconnaissant Saint Laurent en sa qualité de
Souverain Grand Inspecteur Général et T Puiss Souv Gr Commandeur ad vitam de l’ordre pour les Possessions espagnoles du Continent de l’Amérique du Sud et du Golfe du Mexique sur les deux mers et membre de notre Suprême Conseil des Iles Françaises de l’Amérique : « Je donne de plus et spécialement à mon f et collègue le Comte de St Laurent, la mission et le Pouvoir de me représenter pendant mon absence des lieux de ma domination et d’y exercer mon autorité en mon nom, comme il exerce la sienne propre dans les vastes contrées de sa souv puissance voulant qu’il y soit obéi… »
Voudrait-on considérer qu’en 1816 Grasse-Tilly n’est plus une autorité, une figure représentative du Rite? Dira-t-on alors la même chose du comte Muraire en 1822 ? Voici la lettre que ce dernier adresse à Saint Laurent, le 28 juin 1822, en sa qualité de Secrétaire du Saint Empire du Suprême Conseil pour la France, dignité à laquelle Muraire avait été élu le 7 mai 1821 :
En ce qui vous concerne personnellement le Sup Cons pour la France qui, en vertu de la fusion de celui pour les Amériques, opéré dans son sein, le 7e jour du 3e mois 5821, ainsi que vous le verrez par les pl imprimées ci jointes, se trouve porté à son complet, a regretté de ne plus avoir le moyen de vous nommer l’un de ses membres effectifs ; mais désirant vous donner une preuve de son estime et de son attachement a décidé que vous seriez inscrit sur son tableau, en qualité de membre honoraire, et je me ferai un vrai plaisir de vous en adresser de sa part, le brevet : en attendant, l’extrait ci joint de la délibération du Sup Cons vous en tiendra lieu…
A la suite de cette lettre Saint Laurent transcrivit dans son Livre d’Or l’extrait de la délibération du Suprême Conseil pour la France qui était joint à la lettre de Muraire :
… arrête encore que, pour reconnaître le zèle avec lequel cet Ill f se prête à la propagation du Rit ancien et accepté, et à multiplier les relations du Sup Conseil, son nom sera porté et très honorablement inscrit sur le tableau général de l’ordre et du Suprême Conseil avec la qualité de membre honoraire, et qu’en lui envoyant expédition de cet arrêté, il lui sera exprimé, au nom du Sup Conseil, le regret de ne pouvoir lui donner à raison des distances et de l’éminente dignité dont il est déja revétu dans un autre Sup Conseil une qualité et des fonctions plus actives dans son sein.
Telle est la manière dont s’exprimait en 1822 un membre éminent du Suprême Conseil de France.
Voici comment, 142 ans plus tard s’exprimait, à l’égard du même frère un ancien membre de ce même Suprême Conseil:
C’est dans ces circonstances qu’arriva en 1832 à New York, cet autre Frère, aventurier pittoresque et myrionyme dont nous avons déjà parlé. Naudon 1984, p. 180.
Passons !
Comparaison des textes – généalogie des traductions
Les Francs-Maçons sont des gens singuliers; dans l’une des premières phrases du présent essai, nous constations que les Grandes Constitutions de 1786 constituent « le texte auquel tous les Suprêmes Conseils du monde entier se réfèrent au début de leurs Constitutions particulières, bien que celles-ci aient très souvent modifié de nombreuses dispositions du texte originel ».
Nous ne songerions pas une seconde à mettre ici en doute ce ‘droit à modifier’. Mais n’est-il pas évident qu’il conviendrait de commencer par connaître avec précision le texte que l’on entend changer et les dispositions qu’il exposait ? Il ne semble pas que ce raisonnement trop cartésien ait effleuré nombre de Suprêmes Conseils.
Nous avons montré la chaîne qui va du manuscrit Saint Laurent à la publication en 1836 à Paris du Traité de 1834, la découverte du texte latin des Constitutions de 1786 dans un exemplaire de ce Traité par le Grand Commandeur Pike et la publication qu’il en fit, pour la première fois en Amérique en 1859, puis en 1872, réédité après sa mort en 1904. Ces textes sont-ils identiques entre eux? La réponse est non, ils ne le sont pas.
Il faut ajouter que les maçons ne sont que rarement latinistes. Ce sont donc sur des traductions qu’ils se basent pour connaître leurs Constitutions. D’où proviennent ces traductions?
- C’est Charles Laffon de Ladébat qui avait traduit en français la Version Latine ‘améliorée’ que Pike publia en 1859, en se basant sur celle publiée en annexe au Traité de 1834 qui avait déjà ‘amélioré’ la version contenue dans le manuscrit Saint Laurent de 1832.
- C’est en se basant sur la traduction française de Ladébat que Pike effectua sa traduction en langue anglaise comme il l’écrit d’ailleurs dans sa préface de 1872:
The French translation is that published in 1859, and as then made by the Ill Bro CHARLES LAFFON DE LADEBAT, 33d, of Louisiana, Active Member of the Supreme Council. I have carefully re-translated them into English, correcting some errors of the original translation, and making the re-translation more close and literal.
- C’est cette traduction en langue anglaise de Pikequi fut rééditée en 1979 par le Suprême Conseil de la Juridiction Sud des Etats-Unis en appendice à un essai intitulé Authentics of fundamental law for Scottish Rite Freemasonry du Grand Commandeur Clausen.
- C’est en se basant sur la traduction française de Ladébat que le Brigadier Jackson publia en 1980 une nouvelle version en anglais du texte des Constitutions de 1786 dans son livre Rose Croix. Comme il l’indique en tête de sa traduction, p. 267.
- En 1967 le Frère allemand Walther Teufel avait publié une traduction allemande de ces Constitutions de 1786 en se basant sur la traduction anglaise de Pike.
- Lorsqu’en 1986 un autre Frère allemand voulut à son tour ‘améliorer’ la version allemande de Teufel, il indiqua fièrement qu’il se basait pour corriger quelques « erreurs de transcription » sur les versions nº 3 et 4 précédentes ! Une revue maçonnique suisse publia à son tour cette version ‘triplement’ améliorée’ ! Les Areopag-Nachrichten, Bern, mars 1986.
On ne saurait ici comparer intégralement ces différentes version entre elles. Mais voici deux exemples intéressants :
Le premier est extrait de la première partie du texte latin, les Nova Instituta Secreta et Fundamenta.
- Le texte latin du manuscrit Saint Laurent que nous prenons pour base,
- Le texte latin publié en 1836 (abréviation: 36)
- Le texte latin publié par Pike (abréviation: P).
Omnes gradus Rituum supra agglomeratorum (, P) a primo in (ad 36 & P) octavum decimum, in gradibus Ritus perfectionis (, P) ordini suo respondenti & ex sua analogia & similitudine (, P) collacabuntur, & XVIII …. [les quatre points sont supprimés dans 36 et P] primos gradus Ritus (Scotici ajouté dans 36 et P) antiqui accepti component : (. au lieu de : dans P) Undevigesimus gradus (, ac tertius et vigesimus gradus Ritus ajouté dans 36 et P) qui primœvus vocatur, vigesimus ordinis erit.
Ceci donne en français (nous conservons la version en langue française du manuscrit Saint Laurent comme base et la comparons avec la traduction Ladébat)
Version Saint Laurent Voir infra. |
Traduction Ladébat |
Tous les degrés des Rites ci-dessus agglomérés du premier au dix-huitième seront classés à leurs rangs correspondans, et d’après leur analogie ou leur similitude,dans ceux du Rite de la Perfection et formeront les dix-huit premiersDegrés du Rite ancien accepté – le 19º degré du Rite dit Primitif sera le 20º de l’ordre ; |
Tous les degrés des Rites réunis comme il est dit ci-dessus du premier au dix-huitième seront classés parmi les degrés du Rit de Perfection dans leur ordre respectif et d’après l’analogie et la similitude qui existent entr’eux; ils formeront les dix-huit premiers degrés du RIT ECOSSAIS ANCIEN ACCEPTE ; le dix-neuvième Degré, et le vingt-troisième Degré du Rit Primitif formeront le vingtième degré de l’ORDRE |
Comparons maintenant de la même manière le 1er alinéa de l’article 5 des Constitutions.
Rappelons d’abord le texte des Versions Françaises :
– Dans le Recueil de 1832, cet article était ainsi rédigé:
Chaque conseil suprême est composé de neuf inspecteurs-généraux, dont cinq doivent professer la religion chrétienne.
– Dans le manuscrit Dalcho:
Each Supreme Council is to be composed of Nine Inspectors general, at least five of whom, must profes the Christian Religion –
– Et dans le manuscrit Delahogue:
Chaque Supreme Conseil doit etre composé de Neuf Inspecteurs Generaux dont cinq desquels, au moins, doivent professer la religion Chretienne….
– La version du manuscrit Thory/Naudon est identique à celle du Recueil, la version Grasse-Tilly de 1817 étant :
Chaque Conseil Supreme est composé de neuf inspecteurs generaux dont cinq desquels doivent professer la religion Chrétienne.
Voici le texte latin du manuscrit Saint Laurent:
Supremum Concilium quodlibet constabit ex novem magnis Inspectoribus generalibus XXXIII gradus, quorum saltem quatuor, latius diffusam religionem (catholicam) profiteri debebunt.
– Dans la version de 1836, nous lisons (après le mot quatuor):
maxime extentam (1) religionem profiteri debebunt.
et la note (1) de bas de page indique : (1) Catholicam.
– Dans la publication de Pike le mot catholicam a disparu. Il ne se trouve ni entre parenthèses dans le texte, ni en note.
Voici la traduction de Ladébat :
Tout Suprême Conseil se composera de neuf Souverains GIG du 33º, dont quatre au moins, devront professer la religion dominante du pays.
Bien évidemment les traductions postérieures ont fait également disparaître le mot catholicam.
Mais les nuances de traduction sont intéressantes pour le mot latin debebunt. Debebunt – et je prie les lecteurs d’excuser ces remarques portant sur la grammaire latine! – est la troisième personne du pluriel du futur du verbe debeo, je dois. On pourrait donc traduire en français: devront. Mais y a-t-il ici obligation ?
La consultation d’une grammaire latine donne une réponse intéressante : un tel verbe exprimant l’obligation peut s’employer en latin dans le sens du conditionnel français, à l’indicatif (ce qui est le cas ici) mais seulement au présent, à l’imparfait et au parfait. Or l’auteur de cette Version Latine a ici employé le futur ; s’il savait ce qu’il faisait, il voulait ainsi exprimer l’obligation.
En anglais celle-ci s’indique par must (employé dans l’article correspondant de la Version Française, dispositions différentes, il est vrai, dans le manuscrit Dalcho). Mais en retraduisant le texte établi par Ladébat, c’est aussi le mot must qu’a employé le Brigadier Jackson.
Par contre dans sa traduction, Pike a usé du mot anglais ought qui indique une condition souhaitable mais non contraignante. Relevons que le frère allemand auquel nous faisions allusion plus haut et qui ‘améliora’ la traduction de son prédécesseur, se garda bien de rectifier le sollen de ce dernier (équivalent allemand de ought) pour le remplacer par müssen (qui correspond à must) !
On voit par ces deux exemples combien il paraît souhaitable de revenir au texte latin originel d’une part, mais aussi d’effectuer – ou de faire effectuer – une traduction française de ce texte latin par un latiniste compétent.
MEHR LICHT…
Nous nous sommes attachés à mettre en lumière la double origine des documents divers recopiés en 1832 dans le Livre d’Or de Saint Laurent.
Cette double origine n’a pas seulement le mérite d’apporter une confirmation à ce que l’on savait déjà, c’est-à-dire que la Version Latine provient directement de Saint Laurent. Les pièces rédigées en langue espagnole transcrites dans son Livre d’Or indiqueraient qu’il les avait en sa possession subséquemment au 25 février 1795, date d’une réunion extraordinaire du
Suprême Conseil des Dominions Espagnoles de Terre Ferme et autres provinces du Continent de L’Amérique depuis le milieu du Golfe du Mexique, de l’une à l’autre Mer [,]
réunion qui se serait tenue, d’après le procès-verbal de cette réunion, sous la présidence de Don Francisco de Saavedra, Second Lieutenant Grand Commandeur, le Grand Commandeur (le baron Don Jose Maria de Norona) étant décédé et le Premier Lieutenant Grand Commandeur, le marquis don Jachin de Santa Rosa, Senor de Sta Lucia étant absent. C’est au cours de cette réunion que
don Jachin de Sta Rosa (el Marques) = (Maria=Antonio=Nicolas=Alexandro=Roberto) Natoral y senor de Sta Lucia de Sta fé, donde nascio el dia 21 de Enero de 1774
fut reconnu et proclamé
Commendador Mayor ad vitam
Certes je serai le premier à souligner la réserve avec laquelle il convient de considérer ces indications. Il conviendra, dans les mois qui viennent, de transcrire avec le plus grand soin ces pièces, de les traduire, de les analyser et de les contrôler. Il. est exclu de les accepter sans en vérifier la teneur. Mais on ne saurait, je crois, les repousser sans un examen approfondi. Peut-être contiennent-elles une part de vérité. Il faudra déterminer laquelle. Car si nous jetons un regard en arrière sur l’histoire maçonnique liée à la personne de Morin, à l’apparition du Suprême Conseil de Charleston, les éléments d’information que nous possédons aujourd’hui, ne permettent d’aucune façon d’expliquer ce qui s’est passé avec précision et en accord avec les documents qui sont en notre possession. Nous continuerons donc à poursuivre cette recherche de la vérité.
La double origine des documents du Livre d’Or de Saint Laurent me semble avoir un second mérite: celui de jeter une lumière nouvelle sur ce que fut l’action du maçon français Cerneau à New York depuis 1807. Ici encore il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur, mais de tenter de comprendre les éléments d’une situation avec un oeil neuf.
Le Suprême Conseil séant à New York avec les membres duquel Saint Laurent entre en contact en février 1832, le Suprême Conseil pour les États-Unis d’Amérique, leurs territoires et dépendances, était le descendant – légitime ou non, la question ne nous concerne pas ici – du Suprême Conseil que Cerneau avait créé dans cette même ville. Il me semble hautement vraisemblable – ceci est une hypothèse dont je revendique la responsabilité – que les archives de son Suprême Conseil étaient celles que possédaient les Frères de New York en 1832, archives transcrites dans le Livre d’Or de Saint Laurent précédées de l’indication “Abstract from the Minutes of the United Sup Council”. Si cette hypothèse est exacte, Cerneau aurait eu en sa possession:
- Une version des Constitutions de 1762,
- Une version des Statuts et Réglements pour les loges de Perfection,
- Les trois premiers ‘Textes Intermédiaires’.
C’est armé de ces textes (notamment les Instituts) qu’il s’opposait à La Motta. D’où Cerneau tenait-il son autorité ? On chercherait en vain dans les ouvrages maçonniques rédigés en langue française une réponse à cette question capitale.
Cerneau avait reçu une patente le 16 juillet 1806 de Mathieu Dupotet à Baracoa, Cuba. Dans ce document, Dupotet se décrivait ainsi:
Grand Commandeur ou Président Souv: du t: Pt: G: Consl: des S’ins: P’ces: du R’al: Secret établi au Port au Prince, Isle St. Domingue par patente Constitutive des 16 janvier et 19 avril, 1801, sous le titre distinctif de la Triple Unité, transféré à Bararoa isle de Cuba à cause dea événements de la guerre.
Comment ne pas rapprocher cette date du 19 avril 1801 et la localité de Port au Prince à Saint Domingue, des indications fournies par Kloss auxquelles nous faisions allusion plus haut ? Kloss cite en effet la certification – différente de celle transcrite dans le Recueil – portée (dans le manuscrit que lui, Kloss, possède) au début des trois premiers Textes Intermédiaires et cette certification non seulement comporte la date suivante : « le 9e [jour] du 2nd mois nommé Jiar 7801 », mais encore la mention supplémentaire:
pour que cette copie [des Instituts, statuts et Règlements généraux de la haute Maçonnerie) conjointement avec la Patente Constitutive soient remises au Grand Député du Souverain Grand Consistoire érigé par 18º 47′ Nord.
Or 18º 47′ est la latitude de Port-au-Prince.
La transcription exacte du 19 avril 1801 devrait être 6 jiar 5561 pour le calendrier hébraïque. Mais très souvent les maçons non-juifs employaient des méthodes approximatives pour ces transcriptions complexes. La date indiquée dans le Recueil étant « le 9ème jour du 2e mois nommé jiar 5081 » on voit qu’ou bien le 6 a été renversé à la composition et donna un 9 (avec une grave erreur pour l’année) ou bien, si 7801 était bien indiqué sur la patente, le 1 a disparu à la composition et ceci donna 9 au lieu de 19.
La chaîne allant de ce Grand Consistoire Métropolitain situé à Kingston en 1801, jusqu’au Livre d’Or de Saint Laurent, passe bien par Cerneau. Et on peut remonter la chaîne des patentes qui arrive à Cerneau par Dupotet : ce dernier avait reçu dès 1799 sa patente de Hacquet et de Saint Paul à Port Républicain. Nous avons vu précédemment que Saint Paul avait reçu son autorité de Menessier de Boissy qui lui-même avait reçu, en 1770, une patente de Morin.
Ce sont ces chaînes, jusqu’ici négligées parce que extraordinairement difficiles à reconstituer, qui vont peut-être nous permettre d’écrire un jour la véritable histoire de notre Rite. On ne pourra pas alors, comme le font la plupart des auteurs américains vouloir discerner une lignée ‘orthodoxe’ (celle de Charleston) et une lignée ‘hérétique’ (celle de Cerneau et de Hacquet) pour la bonne raison qu’il y eut des deux côtés de nouveaux documents (ou d’anciens, modifiés) qui servirent à répondre aux conditions politiques d’une époque et d’un pays donné. Si le mot politique choque ici un lecteur, qu’il relise les lignes tracées par Dalcho en 1807, que nous citions plus haut.
Cette véritable Histoire reste certes à écrire, mais la plupart des éléments pour ce faire sont désormais à portée de main. Encore faut-il qu’une censure quelconque, celle que nous évoquions au début de cet essai, ne tente pas, au nom d’une vérité historique officielle, de s’opposer à sa diffusion.
C’est par les exemples que nous annoncions, que nous terminerons ces lignes. En les mettant sous l’égide d’une phrase extraite des la Déclaration de Droits de l’Homme de 1793 : LA RESISTANCE A L’OPPRESSION EST LE PLUS SACRÉ DES DEVOIRS
DE LA CENSURE…
J’ai rencontré la censure au sein de la franc-maçonnerie – à mon grand étonnement – dans les circonstances suivantes : je venais de retrouver le texte – considéré jusqu’à Marcy comme perdu – des Statuts de St Jean de Jérusalem de 1755. Ceci se passait en 1967. J’étais maçon depuis quatre ans et pas peu fier de ma (re)découverte, je le reconnais.
J’arrivai, un peu faraud, à une réunion de la Commission d’Histoire du Grand Orient de France et mit mon document, vieux de plus de deux siècles, sous le nez du Président (qui était un ancien Grand Maître) en attendant silencieusement quelques fleurs. Mon Président découvrit assez vite l’article 29 qui commençait ainsi : « Le jour de St Jean la Loge assistera à la messe… », n’alla pas plus loin et déclara : Il n’est pas question de publier ce texte !
Ce texte et quelques autres qui n’étaient pas sans intérêt furent quelques années plus tard publiés par les Cahiers de Villard de Honnecourt grâce à mon Frère Baylot (qu’au nom de la vérité et de l’exactitude historiques j’avais copieusement couvert de reproches dans une Lettre Ouverte publiée par Le Symbolisme en 1969 mais qui ne m’en avait pas tenu rigueur) que je remercie encore aujourd’hui pour l’aide qu’il m’apporta alors.
Je saute par-dessus quelques anecdotes ejusdem farinae que je conserve pour les Mémoires que je n’écrirai sans doute jamais car je n’en ai aucune, pour arriver à la plus récente manifestation de celle que Le Canard Enchaîné appelait pour une raison qui m’a toujours écbappé, Anastasie.
Fêtant à sa manière le deuxième centenaire de la symbolique année 1786, une revue maçonnique suisse publia l’article d’un membre du Suprême Conseil d’Allemagne, consacré à ces fameuses Constitutions. Le rédacteur en chef de cette revue, Ernst Ackermann, membre du Suprême Conseil de Suisse, avait fait précéder ce texte de quelques lignes introductives dans lesquelles il écrivait, entre autres, ceci :
Nous serions heureux de publier encore en 1986 d’autres contributions de 4 à 6 pages (ce pourraient être des lettres de lecteurs) concernant [ce] travail… Nous avons besoin de jugements critiques [Beurteilungen dans le texte !] qui se prévaudraient éventuellement de points de vue différents. Aucun de nous n’est infaillible !
Bête comme on ne saurait l’être, je pris ma plume et les mots précédents au pied de la lettre et lui adressai (car, en plus, je le considérais comme un ami – pas seulement comme un Frère !) trois ou quatre pages dans lesquelles plusieurs indications contenues dans le présent essai étaient résumées.
Il s’ensuivit un échange de lettres entre lui (qui avait estimé nécessaire d’adresser mes remarques à l’auteur de l’article qu’il avait publié) et moi, d’abord courtoises et vagues, puis agacées, enfin arriva sa réponse définitive: Non, il ne publierait pas ma lettre. Et sans battre un cil, deux numéros plus tard, il déplorait de ne pas recevoir assez d’articles à publier en s’excusant ainsi du fait que le Nº 58 de sa revue contenait un peu trop d’articles sortis de sa propre plume!
Ces choses-là sort rudes… a dit un autre maltraité, bien avant moi.
Il n’en demeure pas moins qu’à vouloir exposer que l’histoire maçonnique s’est peut-être déroulée d’une manière différente de celles que racontent certains porteurs de reliques, on risque tout simplement de ne plus pouvoir être publié dans certains lieux…
« La Tolérance, il y a des maisons pour cela » aurait dit Paul Claudel.
La censure aussi ?
TABLE CHRONOLOGIQUE La présente Table Chronologique ne fait aucune distinction entre les faits certains, vraisemblables, douteux ou faux. Elle ne fait que répertorier les dates mentionnées au cours du présent essai.
1. DE LA PATENTE MORIN A LA MORT DE MORIN
1761 27 août Patente Morin
27 août Constitutions Secrètes
1762 7 septembre Constitutions (d’après les MS Franken 1771 et nº 3)
20 ou 21 septembre Constitutions (d’après le Recueil des Actes – 1832)
7 décembre Copie (1794) des Constitutions accordées le 30 avril 1770
1753 21 janvier Après avoir été prisonnier à la Jamaïque, Morin arrive à Saint-Marc (St. Domingue)
20 avril Statuts de la Grande Loge de France
25 jiar (25 avril?) Textes Intermédiaires
1766 17 juillet La Grande Loge de France révoque « les pouvoirs précédemment donnés » à Morin
1767 20 décembre Constitutions, accordées par Francken à la Loge de Perfection d’Albany (NY)
1768 19 février Morin certifie les Constitutions Secrètes
6 décembre Francken décerne des patentes aux FF Hays et Stringer à New York.
1770 30 avril Constitutions accordées par Morin au Grand Chapitre de Princes de Royal Secret à Kingston, Jamaïque, (copie de ce document effectuée en 1794)
1 juin Morin décerne une Patente de ‘député Inspecteur et Gd Commandeur’ à Menessier de Boissy
1771 30 août Francken termine son premier manuscrit
17 novembre (avant) Mort de Morin
2. DE LA MORT DE MORIN A LA MORT DE FRANCKEN
1774 |
1 février |
Francken décerne une patente à Prevost |
1781 |
25 juin |
Chapitre auquel assistent six Députés Grands Inspecteurs à Philadelphie |
1783 |
février (?) |
Etablissement d’une Grande Loge de Perfection à Charleston |
|
30 octobre |
Francken termine un autre manuscrit dans lequel David Small Grand Inspecteur est décrit comme “Député Général dans les Indes Occidentales et l’Amérique du Nord” |
|
23 novembre |
Mort d’Isaac Da Costa “Député Grand Inspecteur Général pour l’Amérique du Nord et les Indes Occidentales” |
1786 |
11 février |
Le Grand Orient de France adopte officiellement un système de quatre Hauts Grades |
|
1 mai |
Etablissement d’une Grande Loge Provinciale et d’un Grand Chapitre à Rouen (France) par l’Ordre Royal d’Ecosse |
|
1 mai |
Frédéric le Grand ratifie la Grande Constitution du 33º à Berlin |
1787 |
24 mars |
Création de la Grande Loge d’Ancient York-Masons à Charleston pour l’Etat de la Caroline du Sud |
1788 |
12 mai |
Réglements du Grand Conseil de Princes de Jérusalem établi à Charleston |
1789 |
? |
Arrivée de Grasse-Tilly à Saint Domingue |
|
1 février |
Prevost remet une Patente à du Plessis à Philadelphie |
1790 |
9 novembre |
Moses Cohen remet une Patente à Abraham Jacobs à Kingston |
1793 |
14 août |
Grasse-Tilly arrive à Charleston |
1794 |
12 janvier |
Moses Cohen remet une Patente à Isaac Long à Kingston |
|
24 juin |
Copie effectuée du document du 30 avril 1770 |
1795 |
25 février |
Premier décret contenu dans le Livre d’Or de Saint Laurent |
|
2 avril |
Spitzer remet une Patente à John Mitchell à Charleston |
|
20 mai |
Francken meurt à Kingston |
3. DE LA MORT DE FRANCKEN
AU RETOUR DE GRASSE-TILLY EN FRANCE
1796 |
25 juillet |
La Candeur tient sa première réunion à Charleston. Elle ne se rattachera à la Grande Loge des Free & Accepted Masons de Caroline du Sud, qu’en 1798 |
|
3 septembre |
Premier acte de Grasse-Tilly enregistré dans son Livre d’Or |
|
12 décembre |
Long remet des patentes à plusieurs réfugiés français à Charleston |
1797 |
13 janvier |
Un Sublime Conseil de Princes du Royal Secret est établi à Charleston dans le hall de la Loge La Candeur |
1798 |
20 juin21 décembre |
Début du Livre d’Or de DelahogueL.C.H. de Montmain décerne à Grasse-Tilly le grade de Grand Commandeur du Temple à Charleston |
|
22 décembre |
Menessier de Boissy remet une patente à Saint-Paul |
1799 |
10 août |
Installation de la Loge La Réunion Française Nº 45 (GL AYM) à Charleston |
|
12 octobre |
Fin du Livre d’Or de Delahogue |
1801 |
16 janvier – 19 avril |
Patentes Constitutives pour La Triple Unité, Grand Conseil de Souverains Princes du Royal Secret, établi à Port-au-Prince |
|
24 mai |
Mitchell remet deux Patentes à Dalcho à Charleston |
|
31 mai |
Ouverture du Suprême Conseil du 33° pour les États-Unis d’Amérique à Charleston |
|
11 juillet |
Réglements de la Loge de Perfection de Charleston |
|
23 septembre |
Premier Discours de Dalcho à Charleston en présence des membres de la Loge de Perfection et de membres de la Grande Loge des Ancient York-Masons de l’Etat de la Caroline du Sud |
1802 |
21 février |
Tableau des membres du Suprême Conseil du 33° ‘établis aux isles françaises de l’Amérique’ |
|
13 mars (après le) |
Départ de Grasse-Tilly pour Saint Domingue |
|
8 juillet |
Grasse-Tilly certifie les Constitutions Secrètes et un Rituel du 33º au Cap Français (Saint Domingue) |
|
4 décembre |
Le Suprême Conseil de Charleston approuve le projet de Lettre Circulaire rédigé et présenté par Dalcho, Auld et De La Motta |
1803 |
21 mars |
Deuxième Discours de Dalcho à Charleston devant les membres de la Loge de Perfection et de membres de la Grande Loge Symbolique des Free & Accepted Masons de la Caroline du Sud |
1804 |
20 février (?) |
Grand Consistoire fondé par Hacquet à Paris |
1804 |
4 juillet (avant)29 juillet |
Arrivée de Grasse-Tilly à BordeauxPatentes remises par le Suprême Conseil de Charleston à Delahogue concernant la Louisiane |
1805 |
16 mars |
Grasse-Tilly remet à Pyron, à Paris, le texte des Constitutions de 1762 |
|
13 juillet |
Caignet certifie une copie des Constitutions de 1786 à Paris et la transmet à Delahogue |
|
27 août |
Bailhache certifie le texte des trois premiers Textes Intermédiaires à Paris |
1806 |
10 janvier |
Antoine Bideaud « membre du S’me et Souverain Grand Conseil des Grands Inspecteurs Généraux établi au Cap français » termine un registre pour Jean Baptiste Villadieu à St Yago de Cuba |
|
23 février |
Pyron certifie un Extrait des Constitutions de 1786 |
|
16 juillet6 août |
Dupotet remet une patente à Cerneau à Baracoa (Cuba)Bideaud crée à New York un Sublime Grand Conseil et Consistoire. Il initie Gourgas au grade de Prince de Royal Secret |
1807 |
|
Dalcho publie à Charleston sa version révisée d’Ahiman Rezon |
|
28 octobre |
Cerneau ouvre un Grand Consistoire à New York |
1808 |
24 novembre |
Gourgas, Député Inspecteur Général, certifie à New York la patente Morin |
1809 |
10 novembre |
Jastram remet une Patente du 33° à Lusson ainsi qu’un exemplaire des Constitutions Secrètes |
1812 |
|
Première publication du texte de la Patente Morin |
|
25 mai |
Inauguration par Cerneau d’un Suprême Conseil à New York |
1813 |
18 mars |
Thory signe une copie des Constitutions de 1786 |
|
1 mai |
La Motta élève au 33º Gourgas et Simson à New York |
|
5 mai |
Lusson élève au 33º Doszedardski et lui remet un exemplaire des Constitutions Secrètes |
|
5 août |
Gourgas certifie un exemplaire des Constitutions Secrètes à New York |
|
|
Thory publie Histoire de la Fondation du Grand Orient de France |
1814 |
28 septembre |
La Motta adresse une lettre à Lusson |
1815 |
13 juillet |
Morales adresse une lettre à la Motta |
1816 |
25 janvier |
Mort de John Mitchell. Dalcho devient Grand Commandeur du Suprême Conseil de Charleston |
|
16 août |
Grasse-Tilly à Paris accorde certains pouvoirs à Saint Laurent |
1817 |
26 décembre |
Union des deux Grandes Loges de la Caroline du Sud |
1823 |
juin |
Joseph M’Cosh, membre du Suprême Conseil de Charleston, publie Documents upon Sublime Free-Masonry in the United States of America à Charleston |
|
7 novembre |
Dalcho démissionne de sa charge de Grand Commandeur |
1827 |
|
Vassal publie à Paris Essai Historique sur l’institution du Rit Écossais |
|
29 juillet |
Tous les membres du Suprême Conseil de Charleston, sauf l’ancien Grand Commandeur Dalcho, prêtent serment sur les Constitutions Secrètes à la demande des Frères “du District et de la Juridiction Nord” |
1829 |
|
Bésuchet publie Précis Historique de la Franc-Maçonnerie |
1832 |
|
Publication à Paris du Recueil des Actes du Suprême Conseil de France |
|
1 février |
Premier procès-verbal du Suprême Conseil de l’Amérique Méridionale réorganisé à New York par Saint Laurent |
|
5 avril |
Traité d’Union conclu à New York entre le Suprême Conseil de Saint Laurent et le Suprême Conseil des Etats-Unis d’Amérique, descendant du Suprême Conseil que Cerneau avait inauguré à New York, le 25 mai 1812 |
|
15 août |
Certification des documents recopiés dans le Livre d’Or de Saint Laurent |
1834 |
23 février |
Signature à Paris du Traité d’Union, d’Alliance, et de Confédération Maçonnique conclu entre le Suprême Conseil pour la France, le Suprême Conseil Uni de l’Hémisphère Occidental et le Suprême Conseil pour l’Empire du Brésil. Le “Suprême Conseil du 33°, séant à Bruxelles” accédera à ce Traité le 5 mars 1835 |
|
(?) juin |
Lettre de Saint Laurent adressée au Suprême Conseil du 33° séant à Bruxelles |
1836 |
|
Parution à Paris du Traité du 23 février 1834 qui contient en annexe la Version Latine des Constitutions de 1786 dont ceci constitue la première publication |
|
24 novembre |
Mort de Frederick Dalcho |
1852-53 |
|
Kloss publie Geschichte der Freimaurerei in Frankreich |
1859 |
2 janvier |
Albert Pike est élu Grand Commandeur du Suprême Conseil, Juridiction Sud, des Etats-Unis d’Amérique |
|
|
Charles Laffon de Ladébat traduit en français la Version Latine des Constitutions de 1786 |
1860 |
|
Pike découvre un manuscrit de la main de Bideaud contenant un rituel de 33º et le texte des Constitutions Secrètes dans les archives de la Grande Loge de Louisiane |
1870 |
|
Publication par le Grand Commandeur Pike du premier volume de l’Official Bulletin de la Juridiction Sud |
1872 |
|
Pike publie à New York Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry qui contient son Essai A Historical Inquiry ainsi que le texte des Grandes Constitutions Secrètes |
5. DE LA PUBLICATION DES CONSTITUTIONS SECRÈTES PAR PIKE
A NOS JOURS
1879 |
|
Daruty publie à l’Ile Maurice et à Paris Recherches sur le Rite Ecossais Ancien Accepté |
1889 |
|
L’historien américain Carson acquiert les manuscrits ayant appartenu à Doszedardski |
1891 |
2 avril |
Mort du Grand Commandeur Pike |
1892 |
juin |
Publication de la 2ème partie du volume X et dernier de l’Official Bulletin de la Juridiction Sud |
1905 & 1906 |
|
Homan publie à New York deux ouvrages d’histoire maçonnique comprenant des fac-similés importants |
1915 |
|
Sachse, Bibliothécaire de la Grande Loge de Pennsylvanie, publie Ancient Documents relating to the A. and A. Scottish Rite reproduit ou transcrit des documents provenant des archives de sa Grande Loge |
1927 |
6 mai |
Le Frère Sitwell présente à Londres devant la loge Quatuor Coronati une étude intitulée: ‘Some Mid-Eighteenth Century French Manuscripts’ |
1928 |
3 avril |
Le Frère N. Choumitzky présente à Paris devant la Loge St-Claudius (G.L.N.I. & R.) une conférence intitulée ‘Etienne Morin’ |
1937 |
septembre |
Clément publie à Bruxelles sa Contribution à l’Etude des Hauts Grades de la Franc- Maçonnerie |
1938 |
|
Baynard publie à Boston History of The Supreme Council… Northern Masonic Jurisdiction |
1948 |
5 août |
Lindsay, Grand Secrétaire général du Suprême Conseil pour l’Ecosse, présente un Report devant son Suprême Conseil à propos du Livre d’Or du Dr Morison |
1964 |
|
Publication posthume de l’ouvrage de Harris, History of The Supreme Council (premier volume) |
1980 |
|
Le Brigadier A.C.F. Jackson publie à Londres Rose Croix, où est reproduite en appendice la version des Constitutions de 1762 contenue dans le manuscrit Francken de 1771, que Jackson a recopiée sur ce manuscrit, possession du Suprême Conseil pour l’Angleterre et le Pays de Galles |
1984 |
|
Une version revue et corrigée de ce dernier texte est publiée dans le vol. 97 d’Ars Quatuor Coronatorum |
|
|
Alain Bernheim démontre dans le Nº 59 de Renaissance Traditionnelle que le texte des Constitutions de 1762 a été recopié sur celui des Statuts de la Grande Loge de France de 1763 et que par conséquent leur date est forcément inexacte |
—