De saines lectures avant Noël

Les livres sont les amis des Francs-Maçons. En fait, ils nous aident à comprendre nos origines, notre histoire et bien sûr, nos grades et les symboles s’y rapportant.

Trois ouvrages ont récemment retenu notre attention.

Le premier, le plus ancien par ordre de parution est celui de Guy Chassagnard, auteur prolifique du Rite Ecossais Ancien et Accepté. Il nous gratifie d’un recueil qui devrait être dans les bibliothèques de tous maçons qui s’intéressent à l’histoire de notre Ordre. Il a remis à jour les Acta Latumorum de Claude Antoine Thory jusqu’à la date du 12 novembre 2008. Nous espérons que celle du 6 décembre de la même année figurera dans sa mise à jour. C’est un travail monumental que Guy a réalisé. Plus que ses autres ouvrages, celui ci mérite une attention toute particulière pour les extraits et documents auxquels il se réfère. Pour plus d’informations, cliquez ici.

Le second est celui d’un auteur que l’on ne présente plus, à savoir Pierre Mollier. Pierre, connu pour son érudition et sa culture historique maçonnique, publie chez “à l’Orient” un ouvrage dédié au premier Empire en se focalisant plus spécialement sur les dirigeants du Grand Orient de France sous l’Empire et les relations presque familiales qu’il avait avec la famille impériale et l’entourage proche de l’Empereur. Pierre nous a habitué aux beaux livres, à ceux que l’on regarde à la fois pour le plaisir de l’esprit et celui des yeux. Celui ci n’y fait pas exception. Cliquez ici pour en savoir plus.

Le troisième est celui d’un passionné, d’un amoureux de son rite; il s’agit de Roland Bermann qui nous offre le livre que tous les Compagnons du Rite Ecossais Rectifié devraient posséder et intégrer pour leur propre compréhension du Rite. Roland nous avait déjà honoré d’un ouvrage sur le symbolisme du Maître Ecossais de St André. Il récidive ici en nous proposant une lecture fouillée et approfondie du deuxième grade du Rite Ecossais Rectifié. Le Grade de Compagnon est généralement un grade malaimé, charnière, incompris. Roland ici lève un coin du voile sans le déchirer et oriente le lecteur sur sa richesse symbolique et ésotérique. Pour en savoir plus, cliquez ici.

Bonnes lectures

Laurent

La réception dans l’ordre

657. « Beaux seigneurs frères, vous voyez bien que l’ensemble s’est accordé pour faire ce frère : s’il y avait un de vous qui sût quelque chose pour quoi il ne dut être frère avec droiture, qu’il le dise ; car la plus belle chose serait qu’il le dise avant, que lorsqu’il sera devant nous ». Et si personne ne dit rien, il doit l’envoyer chercher, et le mettre en une pièce près du chapitre ; et puis il doit lui envoyer deux prud’hommes ou trois des plus anciens de la maison et qu’ils sachent lui montrer ce qu’il convient.

658. Et quand il sera devant eux, ils doivent bien lui dire : »Frère, demandez-vous la compagnie de la maison ». S’il dit oui, ils doivent lui montrer les grandes duretés de la maison et les charitables commandements qui y sont, et toutes les duretés ainsi qu’ils le sauront montrer. Et s’il dit qu’il souffrira volontiers tout pour Dieu, et qu’il veut être serf et esclave de la maison à tout jamais, tous les jours de sa vie, ils lui doivent demander s’il a une femme épouse, ou une fiancée ; s’il ne fit aussi ni promesse à un autre ordre ; s’il n’a aucune dette à un homme du monde qu’il ne puisse payer ; et s’il est sain de corps, qu’il n’ait aucune maladie cachée, s’il n’est serf d’aucun homme.

659. Et s’il dit que non, qu’il est bien quitte de ces choses, les frères doivent entrer en chapitre et le dire au maître ou à celui qui tient sa place : »Sire, nous avons parlé à ce prud’homme qui est dehors et lui avons montré les duretés de la maison comme nous avons pu et su. Et il dit qu’il veut être serf et esclave de la maison, et de toutes ces choses que nous lui demandâmes il en est quitte et délivré ; il n’y a aucun empêchement pour qu’il puisse et doive être frère, s’il plait à Dieu et à vous et aux frères ».

660. Et le maître doit dire avant tout que s’il y avait quelqu’un qui sût autre chose, qu’il le dise, car mieux vaudrait l’entendre maintenant qu’après. Et si personne ne dit rien, il doit dire : »Voulez-vous qu’on le fasse venir de par Dieu ? » et les prud’hommes : »Faites-le venir de par Dieu ». Et aussitôt ceux qui lui parlèrent doivent retourner, et ils doivent lui demander : »Etes-vous encore en votre bonne volonté ? ». Et s’il dit oui, ils doivent lui dire et enseigner comment il doit demander la compagnie de la maison. C’est qu’il doit venir en chapitre, et il doit s’agenouiller devant celui qui le tient les mains jointes, et doit dire : »Sire, je suis venu devant Dieu et devant vous et devant les frères et vous prie et vous demande par Dieu et par Notre-Darne, que vous m’accueilliez en votre compagnie et en vos bienfaits de la maison, comme celui qui à tout jamais veut être serf et esclave de la maison ».

661. Et celui qui tient le chapitre doit dire : »Beau frère, vous demandez une grande chose car de notre Ordre vous ne voyez que l’écorce qui est par dehors. Car l’écorce si c’est celle que vous voyez, d’avoir de beaux chevaux et de beaux équipements, et de bien boire et bien manger, et de belles robes, et que cela vous semble bien aise. Mais vous ne savez pas les durs commandements qui sont dedans ; car il y a une forte chose que vous, sire, de vous-même, que vous vous faites le serf d’autrui. Car à grand-peine vous ne ferez jamais la chose que vous voudrez : car si vous voulez être dans la terre en deçà des mers, on vous enverra au delà ; ou si vous voulez être à Acre, on vous enverra dans la terre de Tripoli, ou d’Antioche ou d’Arménie ; ou l’on vous enverra en Pouille, Sicile, ou en Lombardie, ou en France, ou en Bourgogne, ou en Angleterre, ou en plusieurs autres terres où nous avons des maisons et des possessions. Et si vous voulez dormir, on vous fera veiller ; et si vous voulez quelquefois veiller, on vous commandera que vous alliez reposer en votre lit ».

662. Et s’il est frère sergent et qu’il veuille être frère de couvent, on peut lui dire qu’on le mettra aux plus vils travaux que nous avons, par aventure au four, ou au moulin, ou à la cuisine, ou sur les chameaux, ou à la porcherie, ou sur plusieurs autres offices que nous avons. Et « souvent des autres durs commandements qu’on vous fera : quand vous serez à table, que vous voudrez manger, on vous commandera que vous alliez où l’on voudra, et vous ne saurez jamais où. Et pour beaucoup de paroles grondeuses que vous entendrez maintes fois il vous conviendra de souffrir. Or regardez, beau doux frère, si vous pourrez bien souffrir toutes ces duretés ».

663. Et s’il dit : »Oui, je souffrirai toutes ces choses, s’il plaît à Dieu », le maître ou celui qui tiendra le chapitre à sa place doit dire : »Beau frère, vous ne devez pas requérir la compagnie de la maison pour avoir des seigneuries ni des richesses, ni pour avoir l’aise de votre corps ni l’honneur. Mais vous le devez requérir pour trois choses : l’une pour échapper et laisser le péché de ce monde ; l’autre pour faire le service de Notre-Seigneur ; et la troisième pour être pauvre et pour faire pénitence en ce siècle, c’est pour le salut de votre âme ; et telle doit être l’intention pour laquelle vous devez demander ».

664. Et il doit lui demander : »Voulez-vous être, tous les jours de votre vie, serf et esclave de la maison ? » Et il doit dire : »Oui, s’il plaît à Dieu, sire ». « Et voulez-vous laisser votre propre volonté tous les jours de votre vie pour faire ce que votre commandeur commandera ? » et il doit dire : »Sire, oui s’il plaît à Dieu ».

665. Et le maître dira : »Or vous sortez dehors, et priez Notre-Seigneur qu’il vous conseille ». Quand il sera dehors, celui qui tient le chapitre peut dire : »Beaux seigneurs, vous voyez que ce prud’homme a grand désir de la compagnie de la maison, et dit qu’il veut être à tout jamais de sa vie, serf et esclave de la maison, et je vous ai dit autrefois que s’il y avait quelqu’un de vous qui sache une chose en lui pour quoi il ne dût être frère avec droiture, qu’il le dise, car après qu’il serait frère, il n’en serait rien cru ».

666. Et si personne ne dit rien, le maître dira : »Voulez-vous qu’on le fasse venir de par Dieu ? » Et ainsi diront les prud’hommes : »Faites-le venir de par Dieu ». Ainsi doit aller le chercher un des prud’hommes qui lui avait parlé avant, et lui montrer comme au début, comment il doit requérir la compagnie de la maison comme il l’avait requise avant.

667. Et quand il sera venu en chapitre, il doit s’agenouiller les mains jointes et doit dire : »Sire, je viens et devant Dieu et devant vous et devant les frères et vous prie et vous requiers pour Dieu et pour Notre-Dame que vous m’accueilliez en votre compagnie et aux bienfaits de la maison, spirituellement et temporellement, comme celui qui veut être serf et esclave de la maison tous les jours de sa vie ». Et celui qui tient le chapitre doit lui demander : »Avez vous bien réfléchi, beau frère, si vous voulez être serf et esclave de la maison et si vous voulez laisser votre propre volonté tous les jours pour faire celle d’autrui ? Et voulez-vous souffrir toutes les duretés que l’on vous fera ? » Il doit dire : »Sire, oui, s’il plaît à Dieu ».

668. Et puis celui qui tient le chapitre doit se lever et doit dire : »Beaux seigneurs, levez-vous debout et priez Notre-Seigneur et Madame Sainte Marie, qu’il le doit bien faire ». Et chacun doit dire une fois la patenôtre s’il leur plaît, et le frère chapelain doit dire après une oraison du Saint-Esprit. Et puis celui qui tient le chapitre doit prendre les évangiles et doit les ouvrir ; et celui qui doit être frère doit les prendre à deux mains et être à genoux. Et celui qui tient le chapitre doit lui dire : »Beau frère, les prud’hommes qui vous ont parlé, vous ont assez demandé, mais tout ce que vous avez dit à eux et à nous, toutes sont paroles vaines et oiseuses, et vous ni nous ne pourrions avoir grand dommage de choses que vous nous ayez encore dites. Mais voyez ici les saintes paroles de, Notre-Seigneur, et des choses que nous vous demanderons vous nous direz la vérité, car si vous en mentiez, vous en seriez parjure et en pourriez perdre la maison, ce dont Dieu vous garde ».

669. « Mais premièrement nous vous demandons si vous avez épousé une femme, ni une fiancee, par quoi elle peut et doit vous demander par le droit de la Sainte Eglise ; car si vous en mentiez et qu’il advenait demain ou après-demain ou plus tard qu’elle vienne et qu’elle puisse prouver que vous fussiez son baron, elle peut vous demander par le droit de la Sainte Eglise, on vous ôterait l’habit et on vous mettrait en gros fers, et on vous ferait travailler avec les esclaves. Et quand on vous aurait fait assez de honte, on vous prendrait par la main et on vous baillerait à votre femme, et vous auriez perdu la maison à tout jamais. »

670. « La seconde est si vous eussiez été dans un autre ordre, où vous eussiez fait voeu ni promesse, car si vous l’eussiez fait et l’on peut vous atteindre, et la religion vous demandât pour son frère, on vous enlèverait l’habit et on vous rendrait à la religion, et avant on vous ferait assez de honte et vous auriez perdu la compagnie de la maison à tout jamais. »

671. « La troisième est si vous tenez une dette à un homme du monde que vous ne puissiez payer ou par vous ou par vos amis sans rien mettre des aumônes de la maison, on vous ôterait l’habit et on vous rendrait au créancier, et puis la maison ne serait en rien tenue ni à vous, ni au créancier ».

672. « La quatrième est si vous êtes sain de votre corps, qu’en vous il n’y ait aucune maladie cachée sauf ce que nous voyons par dehors et s’il était prouvé être atteint que vous l’eussiez au siècle avant que vous fussiez notre frère, vous en pourriez perdre la maison, dont Dieu vous garde ».

673. « La cinquième est si vous avez promis de donner à un homme du siècle ni à un frère du Temple ni à un autre, or ou argent ni autre chose par quoi il put vous aider de venir en cette religion, car ce serait simonie, vous ne pourriez vous sauver en notre maison, vous en perdriez la compagnie de la maison. Ou si vous étiez serf d’un homme et qu’il vous demande, on vous rendrait à lui et vous auriez perdu la maison ». Et si le frère est chevalier on ne lui demande rien de cela, mais on peut lui demander s’il est fils de chevalier et de dame, et que ses pères soient de lignage de chevaliers ; et s’il est de loyal mariage ».

674. Après on doit lui demander, soit aux frères chevaliers, soit aux frères sergents, s’il est prêtre ni diacre, car s’il avait de ces ordres et qu’il le cache, il pourrait en perdre la maison. Et s’il est frère sergent, on doit lui demander s’il est chevalier. Et on doit leur demander s’ils sont excommuniés, qu’il soit frère chevalier ou frère sergent. Et puis celui qui tient le chapitre peut demander aux vieux hommes de la maison s’il y a autre chose à demander, et s’ils disent non, celui qui tient le chapitre dira : »Beau frère, de toutes ces demandes que nous vous avons faites, faites bien attention de nous avoir dit la vérité, car si vous nous aviez menti de quelque chose sur une de ces choses, vous pourriez en perdre la maison, dont Dieu vous garde ».

675. « Ecoutez, beau frère, ou entendez bien ce que nous vous dirons : vous promettez à Dieu et à Notre-Dame que tous les jours de votre vie vous serez obéissant au maître du Temple et à n’importe quel commandeur qui sera sur vous ? » Et il doit dire : »Oui, sire, s’il plaît à Dieu ». « Encore promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que tous les jours de votre vie vous vivrez chastement de votre corps ? » Et il doit dire : »Oui, sire, s’il plaît à Dieu ». « Encore promettez-vous à Dieu et à Notre-Dame Sainte Marie que vous, tous les jours de votre vie, vivrez sans rien en propre ? » Et il doit dire : »Oui, sire, s’il plaît à Dieu ». « Encore promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que vous tiendrez tous les jours de votre vie, les bons usages et les bonnes coutumes de notre maison, celles qui y sont et celles que le maître et les prud’hommes de la maison y mettront ? » Et il doit dire : »Oui, sire, s’il plait à Dieu ».

676. « Et encore promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que tous les jours de votre vie, vous aiderez à conquérir la sainte terre de Jérusalem avec la force et le pouvoir que Dieu vous a donnés ? » Et il doit dire : »Oui, sire, s’il plait à Dieu ». « Encore promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que vous ne laisserez jamais cet Ordre pour plus fort ni pour plus faible ni pour pire ni pour meilleur, si vous le faites par le congé du maître et du couvent qui en ont le pouvoir ? » Et il doit dire : »Oui, sire, s’il plaît à Dieu ». « Encore promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que vous ne serez jamais en un lieu ni en place où des chrétiens soient déshérités à tort ou à raison de leurs choses, ni par votre force ni par votre conseil ? » Et il doit dire : »Oui, sire, s’il plait à Dieu ».

677. « Et nous, de par Dieu et de par Notre-Dame Sainte Marie et de par monseigneur saint Pierre de Rome, et par notre père le pape et de par tous les frères du Temple, nous vous accueillons à tous les bienfaits de la maison qui ont été faits dès le commencement et qui seront faits jusqu’à la fin, et vous et votre père et votre mère et tous ceux que vous aurez accueillis dans votre lignage. Et vous aussi nous accueillez dans tous les bienfaits que vous avez faits et ferez. Et aussi nous vous promettons du pain et de l’eau et la pauvre robe de la maison et du travail assez ».

678. Et puis celui qui tient le chapitre doit prendre le manteau et doit lui mettre au cou et attacher les lacs. Et le frère chapelain doit dire le psaume que l’on dit :Ecce quam bonum et l’oraison du Saint-Esprit, et chaque frère doit dire la patenôtre. Et celui qui le fait frère doit le lever debout et le baiser sur la bouche ; et il est d’usage que le frère chapelain l’embrasse aussi. Et puis celui qui fait frère doit le faire asseoir devant lui et il doit lui dire : »Beau frère, notre sire vous a conduit à votre désir et vous a mis ainsi en belle compagnie comme est la chevalerie du Temple, par laquelle vous devez mettre grande peine en vous de garder que vous ne fassiez jamais une chose par laquelle il vous convienne de la perdre, dont Dieu vous garde. Et nous vous dirons toutes ces choses desquelles nous nous souviendrons de la faute de la maison et de l’habit après ».

679. « Ecoutez, beau frère, vous avez bien entendu les choses pour lesquelles vous pouvez perdre la maison et celles de l’habit, mais non pas toutes : vous les apprendrez et les garderez, s’il plaît à Dieu, et vous devez les demander aux frères et vous enquérir. Or, il y a des autres choses qui sont établies, que si vous les faites, il en serait pris une autre justice ; c’est que vous ne devez jamais battre un chrétien, ni toucher avec colère ni courroux ni avec le poing, ni avec la paume, ni avec le pied, ni tirer par les cheveux, ni mal dire. Et si vous le battez avec la pierre, ou avec un baton, ou avec une arme émoussée, comme je vous l’ai dit dessus, de quoi vous puissiez le tuer, le blesser d’un coup votre habit serait en la merci des frères ou de le prendre ou de le laisser. Vous ne devez jamais jurer ni de Dieu, ni de Notre-Dame, ni de saint, ni de sainte. Vous ne devez jamais prendre de service d’une femme, si ce n’était pour soigner votre corps ou par congé de celui qui peut vous le donner ; ni jamais embrasser une femme, ni mère, ni soeur, ni parente que vous ayez, ni aucune femme. Vous ne devez jamais appeler un homme misérable, puant, traître, ou autres vilaines paroles, car toutes les vilaines paroles nous sont défendues et toutes courtoisies nous sont abandonnées et tous biens à faire.

680. « Ecoutez comment vous devez dormir : vous devez tous les jours dormir en chemise et en braies et en chausses de drap et ceint d’une petite ceinture ; et vous devez avoir en votre lit draps à savoir un sac pour mettre la paille et deux linceuls et au lieu d’un linceul vous pouvez avoir une étamine si le drapier veut vous la donner ; la carpite est donnée par grâce si vous trouvez qu’il vous la donne. De la robe de vêtir vous ne devez avoir plus que celle que le drapier vous donnera, et si vous l’achetez grande justice en serait prise. »

681. « Or nous vous dirons comment vous devez venir à la table et comment vous devez venir aux cheures. Vous devez venir à tous les appels de la cloche ; quand la cloche de manger sonne, vous devez venir à table et devez attendre les prêtres et les clercs pour faire la bénédiction. Et vous devez regarder s’il y a du pain et de l’eau et du sel ou ce que vous devez boire, et puis faire la bénédiction, et puis vous devez vous asseoir et trancher votre pain. Et si vous étiez en un lieu où il n’y a pas de prêtre vous devez dire une patenôtre en paix, avant que vous vous asseyiez et tranchiez votre pain, et puis vous devez manger votre pain en paix et en silence, et ce que Dieu vous aura donné ; et vous ne devez rien demander sauf du pain et de l’eau, car on ne vous promet autre chose ; et si les frères mangent autre chose, on peut en demander en privé. Mais si vous mangez chair ou poisson et qu’elle soit crue, ou mauvaise ou passée vous pouvez demander à la changer, et s’il n’y a de quoi vous donner en échange, ou de la viande des domestiques, ou de ce qu’il y aura mieux aisé, et vous vous en devez tenir apaisé et prendre patience ».

682. « Et quand vous avez mangé, vous devez aller au moutier après les prêtres et rendre grâces à Notre-Seigneur en silence, et vous ne devez parler tant que vous ayez dit une patenôtre, et les prêtres les grâces. Et s’il n’y a point de prêtre dans la maison même ou en la plus honnête place près d’ici, vous pouvez aller à votre service. Et quand vous entendrez sonner nones, vous devez y venir s’il y a un prêtre, vous devez les entendre, et s’il n’y a pas de prêtre vous devez dire quatorze patenôtres, sept pour Notre-Dame et sept pour le jour. Et aussi vous devez venir entendre les vêpres, et s’il n’y a pas de prêtre, ni d’église, vous devez dire dix-huit patenôtres, neuf pour Notre-Dame et neuf pour le jour. Et après vous devez aller souper ; et quand vous entendrez sonner la cloche des complies, vous devez venir prendre la collation de ce qu’on vous apportera, car c’est en la volonté du maître s’il veut donner du vin ou de l’eau ; et puis si vous voulez aller commander à votre domesticité, en privé vous pouvez leur commander ce qu’il vous plaira. Et quand vous serez couché vous devez dire une patenôtre ».

683. « Et quand vous entendrez sonner matines, vous devez vous lever, s’il y a un prêtre vous devez les entendre, et s’il n’y a pas de prêtre vous devez dire vingt-six patenôtres, treize pour Notre-Dame et treize pour le jour. Et puis vous devez dire trente patenôtres pour les morts et trente pour les vivants, avant que vous buviez et mangiez, ne serait-ce que de l’eau. Et vous ne devez les laisser si ce n’est pour la maladie de votre corps, que vous ne les puissiez dire, car elles nous sont établies pour nos confrères, et pour nos consoeurs, et pour nos bienfaiteurs, et pour nos bienfaitrices que Notre-Seigneur les conduise en bonne fin et leur fasse un vrai pardon. Et quand vous aurez entendu les matines s’il y a un prêtre, et s’il n’y a pas de prêtre, dites par vous, vous pouvez aller vous coucher ».

684. « Et quand vous entendrez sonner la prime et la tierce et midi, tout l’un après l’autre, s’il y a un prêtre vous l’entendez, et s’il n’y a pas de prêtre vous devez dire quatorze patenôtres, sept pour Notre-Dame et sept pour le jour ; pour tierce autant, pour midi autant, et vous devez les dire les unes après les autres avant que vous mangiez ».

685. « Et toutes les choses que je vous ai dites vous devez les dire mais vous devez dire les heures de Notre-Dame avant, celles du jour après, pour la raison que nous fûmes établis en l’honneur, de NotreDame ; et vous dites celles de Notre-Dame debout et celles du jour assis. Et si vous êtes en la maison du Temple où un frère du Temple trépasse, ou que vous mangiez du pain de cette maison où le frère mourra, vous devez dire cent patenôtres pour son âme : dans les sept jours après, quand vous le voudrez, vous devez les dire. Et si Dieu fait son commandement du maître vous devez dire deux cents patenôtres en quelque lieu que vous soyez, dans les sept jours. Et les patenôtres des morts vous ne devez pas les laisser, si ce n’était pour malaise de votre corps ou de maladie, comme il est dit ci-dessus.

686. « Or nous vous avons dit les choses que vous devez faire et desquelles vous devez vous garder, et celles de perdre la maison et celles de perdre l’habit, et des autres justices ; et si nous ne vous avons pas tout dit et que vous voudriez savoir, vous le demanderez. Et Dieu vous laisse bien dire et bien faire ».

AMEN

Détails des pénalités

La perte de la maison
544. La première chose pour laquelle un frère perd la maison pour toujours est la simonie, car un frère qui est venu à la maison par simonie ne peut sauver son âme et a perdu la maison ; et celui qui le reçoit perd son habit. Car la simonie se fait par don ou par promesse que l’on fait au frère du Temple ou à un autre homme pour qu’il puisse l’aider à venir à la maison.

545. Il advint au temps du Maître frère Armand de Périgord qu’il y avait des prud’hommes qui reprirent leur conscience et demandèrent conseil aux sages, et trouvèrent qu’ils étaient venus par simonie. Ils furent d’un grand malaise de cœur, et vinrent devant le Maître frère Armand de Périgord et le lui dirent avec de grandes larmes et une grande tristesse de cœur et lui découvrirent tout leur fait. Et ledit Maître fut d’un grand malaise, car ils étaient prud’hommes et de bonne vie et de nette et bonne religion. Et ledit Maître réunit son conseil privé, composé des vieux hommes et des plus sages de la maison et ceux qui en savaient le plus sur ce fait ; et il leur commanda en vertu de l’obéissance de ne parler à personne de ce fait et de le conseiller en bonne foi et pour le profit de la maison.

546. Et ils le conseillèrent de cette manière. Ils regardèrent que les prud’hommes étaient si sages et de si bonne vie qu’il serait d’un grand dommage et d’un grand scandale pour la maison s’ils perdaient la maison. Et ils ne voulurent pas mener les choses trop tôt, et envoyèrent un frère à Rome voir le pape pour lui raconter le fait et il le supplia d’envoyer son pouvoir à l’archevêque de Césarée qui était un ami de la maison. Le pape le fit volontiers et lui envoya les lettres.

547. Et quand elles furent venues au maître, le maître prit les lettres et les envoya à l’archevêque de Césarée et il envoya aussi les dits frères qui avaient été au conseil privé du maître, et il fut fait de l’un commandeur et il lui donna le pouvoir de les faire frères par leur conseil. Ils vinrent devant l’archevêque avec les frères qui étaient à la maison par simonie et ils lui baillèrent la charte du pape ; et la charte disait qu’il absolve les dits frères de la manière que l’on doit absoudre de simonie. Et après les frères se conseillèrent et il leur dit qu’il convenait de leur laisser leur habit.

548. Ils rendirent l’habit à celui qui était leur commandeur. Et il le prit, l’archevêque les absous et ledit commandeur et lesdits frères qui étaient en sa compagnie entrèrent dans une chambre et tinrent chapitre. Là vinrent les frères qui avaient laissé leur habit et requirent pour Dieu et pour Notre Dame la compagnie de la maison ; le commandeur les mit dehors et demanda aux frères leur avis, et ils s’accordèrent à la prière de l’archevêque qui les en avait priés, et à la requête des frères. Et ils les firent frères à nouveau comme s’ils n’avaient jamais été frères.

549. Et ces choses furent faites parce qu’ils avaient été frères de la maison avec une grande piété et qu’ils étaient sages et prud’hommes, et de bonne et religieuse vie ; et l’un d’eux fut maître du Temple . Et ces choses je les ai entendues racontées par les prud’hommes qui furent en ce temps, car je ne le sais que par eux. Et si les frères avaient été de mauvais comportement, il ne leur aurait pas été fait cette bonté. Et cela même advint auprès d’un prud’homme de la maison à cause de sa bonté.

550. La seconde est si un frère découvre son chapitre à un frère du Temple et à un autre qui n’ait été dans le même chapitre. Mais si une faute est regardée en chapitre, il peut bien la raconter mais qu’aucun frère ne soit nommé ; car s’il nommait celui qui aurait demandé merci ou celui qui regarderait la faute, il en perdrait la maison , mais si le frère est mort ou avait perdu la maison, il pourrait bien le raconter et le nommer sans avoir de dommage. Et aussi quand les baillis se font par chapitre, ils ne doivent pas raconter sur lequel un tel et un tel s’est accordé, car se serait découvrir le chapitre et une grande haine pourrait surgir.

551. Aussi lorsqu’ils sont au conseil du maître, ils doivent garder pour eux quand ils font un bailli ; mais si l’on entend qu’un prud’homme fait une assignation en chapitre, on pourrait bien le nommer, mais sans qu’il touche une faute d’un frère qui est à la maison. Mais si une nouveauté se faisait en chapitre et que le maître le sache d’une manière, le maître pourrait dire en chapitre : »J’ai entendu qu’une nouveauté a été faite, et je recommande que ces choses viennent avant ». Et il peut le dire de cette manière ; mais le maître ne peut commander hors du chapitre de dire une chose qui soit faite par chapitre, mais il peut le commander par chapitre, et l’autre peut dire alors si une nouveauté a été faite.

552. Car il advint à Château-Pèlerin que frère Pierre de Montaigu qui était maître mit des frères en pénitence et puis s’en alla à Acre. Et les frères du château les levèrent de terre ; et quand le maître le sut, il tourna en arrière, et tint chapitre, et il reprit tous les frères qui s’étaient mis d’accord de lever les frères de terre et il leur fut regardé une grande faute parce qu’ils n’avaient pas le pouvoir de les lever, car le maître les avait mis.

553. La troisième est si un frère tue un chrétien ou une chrétienne il en perd la maison.

554. Car il advint à Antioche qu’un frère qui avait nom Paris et deux autres frères qui étaient en sa compagnie, firent tuer des marchands chrétiens ; la chose fut apprise par les autres et on leur demanda pourquoi ils avaient fait cette chose, et ils répondirent que c’est le péché qui leur fit faire cette chose. Et le commandeur leur fit crier merci, et ils furent mis en répit ; et la faute vint par devant le chapitre, et il leur fut ordonné de perdre la maison et qu’ils fussent fouettés à travers Antioche, à Tyr, à Sidon et à Acre. Ils furent fouettés ainsi et criaient : »Voyez ici la justice que prend la maison envers ces mauvais hommes ». Et ils furent mis en prison perpétuelle à Château-Pèlerin, et là ils moururent. Et puis il advint à Acre, à un autre frère, un même fait semblable.

555. La quatrième est le larcin qui est entendu de plusieurs manières : on tient pour larcin celui qui dérobe ou celui qui sort d’un château ou d’une maison fermée, de nuit ou de jour, par autre part que par la porte qui est ouverte, qu’il ne daigne sortir ni par dessous ni par dessus. Ou celui qui déroberait les clés ou ferait de fausses clés pour ouvrir la porte, il lui serait compté comme larcin ; car nul frère ne doit ouvrir la porte sinon comme il est d’usage dans la maison. Et si un commandeur demande à un frère sergent qui est en son commandement, qu’il lui montre les choses qui sont en son pouvoir et par son commandement, le frère doit toutes les lui montrer là où elles sont, et s’il ne le faisait pas et retint la somme de quatre deniers en plus, il en perdrait la maison.

556. Car il advint à Château-Blanc qu’un frère qui était à la bergerie, que son commandeur lui dit de lui montrer toutes les choses qu’il avait en son commandement, et le frère lui montra tout sauf une jarre de beurre et dit qu’il n’avait plus rien. Et son commandeur sut que la jarre était là et il reprit le frère. Et le frère ne peut le nier, mais il l’octroya ; et il perdit la maison.

557. Si un frère par colère et par courroux laisse la maison et emporte des choses qu’il ne doit pas emporter, il en perd la maison car c’est un larcin. Et que tous les frères du Temple sachent que lorsqu’ils laissent la maison, ils ne doivent pas emporter une chose en double. Et qu’ils ne doivent emporter ni or, ni argent, ni emmener une bête, ni aucune arme : c’est à savoir un chapeau de fer, un haubert, des chausses de fer, une arbalète, une épée, un couteau d’arme, un jupon d’arme, des espalières, une masse, une lance, des armes turques. Et brièvement qu’ils ne prennent aucune chose qui affaire aux armes et qu’il l’emporte car ils en perdraient la maison.

558. Ce sont les choses qu’ils peuvent emporter. C’est à savoir une cotte et une guarnache à pan, un jupon de vêtir, une chemise, des braies, des chausses, des souliers ou les housses sans les souliers, un chapeau de coton, la coiffe, une ceinture, et un couteau pour trancher le pain ; et toutes ces choses sont à entendre telles qu’il en est vêtu pour primes : Et il peut porter un manteau ou la chape, mais s’il lui est demandé il doit le rendre, et s’il le retient, il perd la maison ; et s’il ne lui était pas demandé, il doit le rendre après, car s’il le retenait deux nuits au plus, qu’il lui soit demandé ou non, il en perd la maison. Car ce mauvais frère qui laisse la maison et en porte l’habit, le porterait même dans les tavernes et dans les bordels et dans les mauvais lieux, et ils pourraient les mettre en gage et pourraient les vendre à de mauvaises personnes, dont la maison aurait grande honte, grande vergogne et grand scandale : et pour cela le couvent et les prud’hommes de la maison établirent que le manteau valait plus que les souliers, ou le couteau d’arme ou une masse, car pour chacune de ces choses celui qui porterait un des habits le perdrait et il en perdrait la maison.

559. Mais pour cela qu’ils ne cassent pas le premier établissement car celui qui dormirait deux nuits dehors comme il est dit ci-dessus qu’il puisse recouvrer son habit après un an et un jour. Donc, celui qui examine, s’il vient après la prime et envoie le manteau, qu’il perde la maison, car il va contre le premier établissement celui que personne ne peut déchoir si le couvent ne l’enlève ; et aussi ceux qui le disent après un jour ou après vêpres. Mais si notre conscience est telle, que celui qui tient les deux nuits et le lendemain tout le jour jusqu’à la nuit que le jour est passé à l’heure de complies, s’il revenait ou envoyait son manteau, on pourrait aussitôt lui ordonner de perdre la maison ; car aussitôt on peut lui dire qu’il l’a retenu, outre les deux nuits, un jour entier. Et la conscience pourrait se sauver et ne saurait briser les premiers établissements ; mais parce que cette faute ne fut jamais bien éclaircie, chacun doit faire selon sa conscience. Et je n’ai pas dit la nôtre, mais je ne me charge pas d’autre assentiment car je ne l’entends pas faire clairement, mais j’ai bien entendu raconter par les vieux hommes de la maison ce que j’ai dit dessus ; mais chacun doit sauver sa conscience.

560. Il advint qu’un qui avait pour nom frère Hugues laissa la maison d’Acre, et rendit toutes les choses qu’il devait rendre, sauf le manteau qu’il retint deux nuits et l’envoya le jour après. Peu de temps après il se repentit et vint crier merci à la porte ainsi qu’il est établi à la maison, et les frères lui ordonnèrent de perdre la maison. Et des frères dirent qu’il n’était pas de raison que pour le manteau il perdit la maison, s’il ne l’avait pas retenu plus qu’il ne l’avait retenu, mais de cela ils ne dirent certainement pas combien de temps il pouvait le tenir. Et un qui a fait une faute, dont on ne sait certainement pas à quelle heure il l’avait rendu : et pour cela la plus grande partie s’accorda, parce qu’il l’avait tenu plus qu’il ne devait et que les deux nuits étaient passées, et qu’ils ne savaient à quelle heure il l’avait rendu, il ne pouvait retourner à la maison. Et sachez que ceux qui ordonnèrent et maintinrent cela s’en sont maintes fois repentis de ce qu’ils regardèrent. Et si une nouveauté se fait, pour cela il n’est pas de statuts que l’on doit tenir, et on ne doit pas le maintenir ; mais si le maître et le couvent établissent la chose, cela doit être tenu.

561. Il advint qu’un frère laissa la maison à Château-Pèlerin et rendit tout son équipement et qu’après il vint crier merci à la porte ; et au maître il fit sa demande. Il y a des frères qui disent qu’il avait retenu plusieurs choses et qu’ils le savent bien, et parce qu’elles ne furent trouvées, il en perdit la maison. Et un frère est cru de tous les frères dessus, quand il laisse la maison, quand il dit qu’il a perdu son équipement par la faute du frère qui a laissé la maison.

562. Il advint qu’un frère laissa la maison à BlancheGarde et s’en alla au Crac. En chemin il perdit un arc qu’il portait ; un sergent le trouva et le rendit à son commandeur ; et le frère dit que quand il s’en alla, il avait laissé une épée à sa place, et le commandeur ne la trouva pas , puis il retourna aux frères et cria merci et il fut mis en répit par devant le maître et le couvent, et il vint par devant le chapitre général et cria merci. Et les frères ordonnèrent que pour l’épée qui était perdue à la maison et pour l’arc qui était perdu, car la maison ne l’avait pas recouvrée par lui, pour chacune de ces choses il fut ordonné qu’il perde la maison.

563. Il advint qu’un frère chapelain venait de Tripoli par mer et une maladie le prit, et de cela il mourut avant d’arriver à Beyrouth ; et le commandeur sur qui était le port, l’alla chercher et le fit enterrer. Et le commandeur prit ses vieux vêtements et l’en revêtit, puis il ouvrit les besaces du frère chapelain et prit les vêtements dans son lieu ; après il envoya au maître toute la robe, sauf une épée. Après on dit au frère qu’il ne pouvait pas le faire, et il était simple homme, et en cria merci devant le maître. Et parce qu’il ne savait pas les usages de la maison et l’avait fait en bonne foi, et qu’aucun dommage n’était intervenu, le maître pria les prud’hommes qu’ils l’égardent et qu’ils prissent la chose sur eux avant qu’elle aille en avant. Car s’ils la voulaient mettre en avant, le frère perdrait la maison : parce que quand un frère chapelain meurt dans les parties deça des mers, tous ses livres et ses vêtements et tous ses joyaux doivent venir en la main du maître, sauf la robe pour se vétir et pour dormir et les armures qui doivent aller là où elles doivent aller ; et s’il meurt dans les parties d’outre mer, elles doivent aller en la main du commandeur de qui il dépend. Et si un frère tient des choses dessus dites, on lui comptera le larcin.

564. Si un frère brise une clé ou une serrure qui ne soit en son commandement, et prend une chose sans le congé de celui de qui elle serait, et qu’il fut atteint qu’il a pris les choses, on pourrait lui compter comme larcin.

565. Si un frère met la main à autre besace et que le frère à qui elle est, dit qu’il a perdu ce qu’il y avait dedans, et qu’il peut atteindre qu’il a eu la main mise dans cette besace et qu’il peut prouver qu’il a perdu de cette besace ce qu’il a dit, il lui sera compté comme larcin.

566. Si un frère meurt et que l’on trouve de l’or et de l’argent dans ses besaces ou dans son équipement, et qu’il soit frère de couvent, ou qu’il l’eut mis hors de la maison ou caché sans congé de celui qui peut le donner, et qu’il ne le confessa pas à sa mort à son commandeur ou un une autre frère, il ne serait pas mis dans le cimetière, mais serait jeté dehors aux chiens ; et s’il était en terre, on le mettrait dehors et cela a été fait à plusieurs autres.

567. La cinquième est le complot ; car le complot est fait par deux frères ou plus. Et si deux frères s’accordent ensemble et frappent un frère ou le reprenaient de choses qui fut un mensonge, et qu’ils soient atteint qu’ils l’eussent fait en accord, ce serait tenu comme complot et ils perdraient la maison.

568. La sixième est si un frère laisse la maison et s’en va aux sarrasins, il perd la maison.

569. Il advint que frère Roger l’Allemand fut pris à Gardara et les sarrasins lui dirent qu’il se renia, et ils lui firent lever le doigt et crier la loi ; et il fut mis en prison avec les autres frères et cria merci devant les frères et dit qu’il ne savait pas ce que c’était qu’ils lui faisaient crier. Et il fut mis en répit devant le maître et le couvent, et quand il fut délivré il cria merci au Chapitre Général, et il perdit la maison pour cette chose.

570. Il advint à Saphet qu’un frère qui était à la grosse forge partit du château avec tout son équipement par intention de laisser la maison, et alla cette nuit-là dans un casal des Allemands qui était garni de sarrasins ; et le lendemain il s’en repentit et vint à Acre, le lendemain après prime, et il vint droit à notre maison, et au premier chapitre où il fut il cria merci de cette chose. Et les frères lui ordonnèrent de perdre l’habit, et aucun prud’homme parla de ce qu’il avait passé une nuit avec les sarrasins ; et si le casal fut au commandement des chrétiens et que le bailli fut chrétien, il eut perdu la maison.

571. La septième est si un frère était de mauvaise loi et n’était pas bien croyant en la loi de Jésus-Christ.

572. La huitième est si un frère faisait quelque chose contre nature et contre la loi de Notre Seigneur, il en perdrait la maison.

573. Il y avait à Château-Pèlerin des frères qui usaient de mauvais péchés et mangeaient de nuit en chambre ainsi que ceux qui étaient près du fait et d’autres frères qui l’avaient trop souffert, dirent cette chose au maître et à une partie des prud’hommes de la maison. Et le maître, avec le conseil, demanda que cette chose ne vint pas en chapitre, parce que le fait était trop laid, mais qu’ils fissent venir les frères à Acre , et lorsqu’ils furent venus, le maître mit un prud’homme en la chambre et les autres dans la chambre en sa compagnie où ils étaient, et il leur fit ôter l’habit et les mettre au gros fer. Et un des frères, qui avait comme nom frère Lucas, s’échappa de nuit et alla aux sarrasins. Et les autres deux furent envoyés à Château-Pèlerin, et l’un pensa s’échapper, il mourut, et l’autre demeura en prison très longtemps.

574. La neuvième est si un frère laisse le gonfanon et fuit par peur des sarrasins, il perd la maison. Et notre vieil homme dit, si des frères sont envoyés au service de la maison celui qui les envoie leur donne un commandeur des chevaliers et ne porte pas le gonfanon ; et il dit, que si un frère partait de son commandeur et qu’il s’enfuît par peur des sarrasins, il en perdrait la maison. Et un autre frère dit que s’il n’y a pas de gonfanon, et qu’il laisse son commandeur dans la bataille, c’est comme s’il laissait le gonfanon ; c’est bien pour cette raison qu’on peut lui regarder la maison.

575. Si des frères qui vont en service de la maison et qu’ils n’ont pas de commandeur, et qu’ils voient qu’ils seraient en péril des sarrasins, ils peuvent bien élire l’un d’eux comme commandeur et ils doivent lui être obéissants et se tenir près de lui au combat, comme si on leur avait donné un commandeur.

576. Car il advint que les tartares étaient dans ce pays ; et le maître envoya par conseil des prud’hommes douze frères à Jérusalem. Et quatre partirent de la ville au lieu d’y demeurer. Le maître ayant eu vent du péril dans lequel étaient les frères, envoya une charte au commandeur des chevaliers et aux autres frères pour qu’ils rejoignent Jaffa afin qu’ils ne fussent assaillis par les tartares. Le commandant des chevaliers ne voulut le faire ; les quatre frères dessus-dit vinrent au commandeur et ils lui dirent de faire ce que la charte du maître lui commandait, et il répondit qu’il ne partirait pas sans les frères de l’Hôpital qui étaient venus en sa compagnie. Et les trois frères prièrent le commandeur qu’il leur commanda par commandement qu’ils demeurassent en sa compagnie ; et le commandeur dit qu’il ne le ferait pas. Et sur ce des frères qui étaient les plus vieux hommes de la maison parmi eux tous lui firent indiquer qu’ils pouvaient bien s’en aller puisque le maître commandait qu’ils s’en aillent, et qu’ils n’eussent pas peur de la justice de la maison, car on ne pouvait pas regarder une faute de cela. Ces quatre s’en retournèrent, et quand ils furent devant le maître ils crièrent merci de cette chose par leur pleine volonté.

577. Et ils dirent qu’ils avaient perdu la maison parce qu’ils avaient laissé leur commandeur et leur gonfanon par peur des sarrasins. Et la plus grande partie d’eux dirent que la charte du maître était allée au commandeur et à tous les frères, qu’ils s’en vinrent et que le commandeur ne leur voulut faire commandement de demeurer, et pour cela, le plus vieil homme parmi tous leur avait asséné qu’il pourrait venir sans avoir le dommage de la maison. Et un de ces quatre frères dit qu’il avait congé de venir quand il voudrait, et le maître lui en porta garantie et aux autres il leur fut regardé une faute sans leur habit parce qu’ils n’avaient pas attendu leur commandeur. Et celui qui fit l’indication fut mis à un jour.

578. Si Dieu fait son commandement d’un des commandeurs de province, celui qui est mis à sa place doit prendre tout l’équipement avec le conseil d’une partie des prud’hommes de la maison qui sont là autour de lui, et sceller les besaces des sceaux des commandeurs qui seront là. Et la boule du commandeur qui sera mort sera mise dedans, car les besaces doivent être envoyées au maître, et tous les autres joyaux, et l’or et l’argent doivent être mis en la huche du commandeur et scellés tout comme les besaces, et faire savoir au maître qu’il fasse son commandement car toutes les choses dessus dites, doivent venir en la main du maître sans rien ôter. Mais les bêtes et la robe pour s’habiller et pour dormir et les armures sont en la volonté du commandeur d’en faire ce qu’il lui plaira ; et si les autres choses étaient retenues, il pourrait en perdre la maison.

579. Et s’il était Visiteur de par le maître et de par le couvent ainsi qu’ils doivent le faire, et que Dieu lui fit son commandement outre-mer, on doit aussi prendre ses besaces et leur mettre le sceau, et tous ses menus joyaux que l’on pourra y mettre, et qu’elles soient bien scellées par le sceau du commandeur et des autres commandeurs et envoyées au maître. Et toutes les autres choses, or et argent ou autre chose qui sont dans sa chapelle, tout doit être mis ensemble et tout doit être envoyé au maître en la terre d’outre-mer, et même les bêtes. Car toutes les choses qui sont là, sont du maître et du couvent, si ce n’était la robe de vêtement et celle pour dormir, qui doivent être données pour Dieu.

580. Il advint que maître Sanchez était commandeur du Portugal et mourut avant de terminer sa baillie. Celui qui fut mis en sa place prit une partie des choses qu’il avait envoyée et les donna à son escient au profit du Temple ; et le frère n’avait pas été longtemps en notre maison et ne savait pas la défense. Et quand le maître sut comment ce fut donné, il envoya chercher le frère et lui fit crier merci ; et, parce qu’il ne connaissait pas l’usage de la maison, le maître avec son conseil et une grande partie des prud’hommes de la maison ne voulurent pas mener la chose à ce qu’elle put être menée, car il ne savait spécialement les établissements de la maison.

581. Et quand Dieu fait son commandement d’un des commandeurs des provinces il ne peut mettre un frère en sa place tant qu’il est vivant. Et quand Dieu lui a fait son commandement, celui qui est mis à sa place doit l’envoyer dire au commandeur de la province et faire savoir aux frères la mort de leur commandeur ; et ils doivent venir et doivent élire l’un d’eux, celui qui leur plaira, quand ils seront assemblés en un lieu convenable où il les assignera à un jour nommé. Et celui qui est en la place du commandeur doit montrer le fait de leur commandeur à ces commandeurs et à celui qui tient lieu de grand commandeur jusqu’à ce que le maître aura fait son commandement ; et celui qui sera mis à la place de commandeur doit faire savoir la mort de son commandeur et envoyer les choses comme il est dit ci-dessus.

582. Car il advint que frère Guillaume Foulques était commandeur d’Espagne et fut malade : étant en sa maladie il mit à sa place frère Adam. Et puis certains lui dirent qu’il faisait mal quand il laissait frère Raymond de Lunel ; et il dit : »De par Dieu je le laisse en ma place » et sur ce il mourut. Et quand il fut mort, frère Adam dit qu’il était en la place de commandeur et frère Raymond de Lunel dit qu’il y avait été avant lui, et sur ce sujet ils eurent une contestation. Et les frères de Castille et de Léon se tinrent avec frère Adam et ceux de Portugal avec frère Raymond de Lunel et chacun s’en alla en sa partie, et chacun tint un chapitre, et firent des baillis, et chacun usa des pouvoirs comme peut en user un frère qui est en la place de commandeur.

583. Et ils firent savoir au maître le fait tel qu’il était. Et le maître envoya un commandeur en Espagne et demanda à ces deux frères qu’ils vinssent dans ce pays ; et ils vinrent et crièrent merci de cette chose devant le maître et le couvent. Et le maître et le couvent virent que les deux frères avaient perdu la maison, et ils les mirent en répit parce qu’ils étaient deux prud’hommes de bonne vie et de bonne religion et que la chose était nouvelle. Après il advint que la bataille devait se faire à Gardara entre les chrétiens et les sarrasins, et nos gens étaient à Escalon. Et le maître assembla les frères après matines et leur demanda qu’ils prennent sur eux le fait de ces deux prud’hommes ; et ils le firent volontiers et leur pardonnèrent leur faute. Mais sachez qu’ils avaient perdu la maison selon nos établissements, parce qu’ils avaient usé de pouvoir dont ils ne devaient user, selon ce qui est dit dessus. Et les prud’hommes de la maison dirent que l’on pouvait bien noter cela comme un complot pour tous ceux qui avaient maintenu le fait.

584. La dixième est qu’un frère se soit rendu à la maison comme un homme lais se fait ordonner sans congé de celui qui peut le donner, il pourrait en perdre la maison. Et s’il était ordonné comme sous-diacre ou plus, et qu’il l’ait caché à sa promesse et qu’il en fut atteint, il pourrait en perdre la maison.

585. Car il advint que le Commandeur de France envoya en deçà des mers un frère qui était en sa baillie et s’était fait ordonner sous-diacre, et il vint au chapitre général qui se tint à Césarée. Et il y avait frère Guiraut de Braies et frère Hugues de Monlaur et beaucoup d’autres vieux hommes, et il fut ordonné de perdre la maison pour cette raison, qu’il s’était fait ordonner sans congé.

586. De toutes ces choses devant dites on pourrait en perdre la maison, et s’il y a d’autres directions. Il advint qu’il nous vint un frère chevalier et il y avait des frères de son pays qui dirent qu’il n’était pas fils de chevalier ni de lignage de chevalier, et ces paroles en furent si grandes pour la maison qu’il convint qu’elles vinrent devant le chapitre. Et ces frères dirent que s’il était en place il en serait atteint les frères s’accordèrent qu’on l’envoya chercher, car il était à Antioche. Et le maître l’envoya chercher et quand il fut venu au premier chapitre, il se leva et dit au maître qu’il a entendu les paroles qui ont été dites sur lui. Et le maître commanda que ceux qui avaient dit ces paroles se lèvent, et ils se levèrent et il fut noté que son père n’était pas chevalier ni de lignage de chevalier : on lui fit ôter le manteau blanc et donner le manteau brun, et il fut frère chapelain. Et celui qui le fit frère, était outre-mer, quand il vint en deçà des mers il cria merci de ce qu’il l’avait fait frère, et qu’il avait fait cela par commandement du commandeur du Poitou, lequel était mort, et il se trouva que ce fut vrai. Et si ce ne fut qu’il trouva garantie qu’il l’avait fait par commandement, et si ce n’était qu’il s’était bien comporté dans sa baillie et qu’il était prud’homme, on lui aurait ôté l’habit, parce que nul ne doit donner l’habit à celui qui n’a pas le droit de le recevoir. Et si telle chose advenait du maître, on lui pourrait bien faire comme il est dit ci-dessus. Ce sont les choses par lesquelles les frères perdent leur habit s’ils en sont atteints, dont Dieu les garde

La perte de l’habit
587. La première est, si un frère refuse le commandement de la maison et se maintient en indiscipline et ne veut faire le commandement qu’on lui fera, on doit lui ôter l’habit et le mettre en bons fers. Mais ce serait dureté de faire de cette manière, ainsi on doit le laisser refroidi de son courroux et aller à lui bellement et lui dire : »Frère, faites le commandement de la maison », c’est mieux selon Dieu. Et s’il le fait et que dommage n’est venu, de par Dieu l’habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Au commandement de la maison on ne doit dire « Non » mais « de par Dieu » et s’il ne le fait, on peut lui ôter l’habit et faire comme il est dit ci-dessus.

588. Il advint à Tortose que le commandeur fit un commandement à un frère, et le frère dit : »Espoir, je le ferai ». Et le commandeur fit assembler les frères, et lui fit crier merci de cette chose, et le frère dit qu’il fera le commandement. Et les frères furent tous empêchés de lui laisser 1’habit, parce qu’il n’avait octroyé le commandement à la première parole.

589. La seconde est, si un frère met la main sur un autre frère avec colère et courroux et lui fait remuer les pieds de place, et lui rompt les attaches de son manteau, 1’habit ne peut lui être laissé. Et si le coup est trop grand et laid, on peut le mettre aux fers ; et puisque le frère a été mis aux fers, il ne doit porter le gonfanon baussant, ni être en élection du maître. Et avant qu’on lui fasse crier merci de sa faute, on doit le faire absoudre. Et de même s’il avait battu un homme de religion ou un homme clerc, il doit se faire absoudre avant qu’on lui regarde sa faute.

590. La troisième est si un frère bat un chrétien ou une chrétienne avec une arme émoussée, ou une pierre ou un bâton ou avec une chose dont le coup peut le tuer ou le blesser, 1’habit est en la merci des frères.

591. Il advint à Acre que le frère Armand était commandeur de la boverie, et deux clercs prirent des pigeons qui étaient du colombier de la maison. Et le commandeur leur dit de ne plus le faire, et ils le voulurent les laisser. Et le commandeur avait un frère qui les attrapa lorsqu’ils prenaient les pigeons et le commandeur et les frères les battirent beaucoup et en blessèrent un la tête. Et les clercs en appelèrent au légat, et le Légat le montra au maître, et le maître les fit d’abord absoudre puis leur fit crier merci en chapitre, et leur habit leur fut ôté, ils furent mis aux fers et envoyés à Chypre parce que la bataille était trop laide.

592. Il advint que le couvent était à Jaffa et qu’on commanda de faire les paquets à minuit ; et des frères qui étaient en un hôtel entendirent ensemble les paroles, et un frère mit la main sur l’autre aux chevaux et il le jetta à terre, et il y eut des frères qui le virent. Et le lendemain le couvent arriva de jour à Arsuf ; ils entendirent la messe et les heures. Et frère Hugues de Monlaur était maréchal et entendit ces nouvelles ; il retint les frères à la chapelle et tint le chapitre, et il y a beaucoup de frères qui furent émerveillés, et avant tout il mit les paroles qu’il avait entendues. Le frère se leva et dit qu’il avait été battu et qu’il y avait des frères qui les avaient vu et le Maréchal demande qu’il vienne devant lui.

593. Et le frère qui avait fait cela se leva et cria merci et il l’envoya hors du chapitre et le frère chapelain avec lui, pour qu’il l’absolve ; et dès qu’il eut eté absous, il revint en chapitre et le frère chapelain dit qu’il l’avait absous. Et on lui fit crier merci une autre fois comme il l’avait fait avant, et on le jeta dehors ; et il lui fut ordonné de perdre l’habit et de le mettre aux fers. Et il y eut grand débat des vieux hommes de la maison, parce que la bataille n’était qu’apparente et qu’il n’y eut pas de sang ; et les autres maintenaient que puisqu’il avait mis la main sur le frère en colère et que les choses étaient venues au chapitre, on pouvait bien le faire. Et frère Hugues de Monlaur fit indiquer que l’on pouvait bien faire selon les usages de la maison ; et le plus grand nombre s’accorda à cela et il fut mis aux fers et envoyé à Château-Pèlerin.

594. La quatrième est si un frère est atteint de coucher avec une femme et nous tenons pour atteint le frère qui est trouvé en mauvais lieu ou en mauvaise maison avec une mauvaise femme : l’habit ne peut lui rester et il doit être mis aux fers, et il ne doit jamais porter le gonfanon baussant ni être de l’élection du maître ; et il en a été fait de plusieurs.

595. La cinquième est, si un frère met sur un autre, une chose dont il puisse perdre la maison s’il en est atteint, et le frère qui aurait été repris ne l’en puisse atteindre, l’habit ne peut lui être laissé ; et puisqu’il l’a fait crier merci en chapitre, et qu’il se dédit en chapitre, l’habit est en la volonté des frères de le lui prendre ou de le lui laisser. La sixième est, si un frère demande le congé de la maison pour aller dans un autre ordre et qu’on ne veut pas le lui donner, et qu’il dise qu’il laissera la maison, son habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Note : le chapitre concernant le septième faute est illisible dans le manuscit et ne peut donc pas être retranscrit

596. La huitième est, si un frère dit qu’il va aller aux sarrasins, s’il le dit par colère et par courroux l’habit est en la merci des frères ou de le lui prendre ou de le lui laisser. La neuvième est si un frère tua ou perdit ou blessa une bête chevaline ou mulasse, l’habit est en la volonté des frères ou de le lui prendre ou de le lui laisser. La dixième est si un frère porte une chose des gens du siècle ou d’autre que du Temple, et dit que ce fut de la maison et qu’il ne fut voir, et que les seigneuries des terres ou des mers en perdissent leurs droits et leurs péages, l’habit est en la merci de Dieu et des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. La onzième est si un frère qui n’a pas le pouvoir donna une bête vivante de quatre pieds, si ce ne fut un chien ou un chat, son habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

597. La douzième est, si un frère tua ou blessa ou perdit un esclave de la maison par sa faute, l’habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. La treizième est si un frère fait une maison neuve de pierre et de chaux sans congé du maître ou de son commandeur, l’habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser ; mais les autres maisons déchues il peut bien les redresser sans congé. La quatorzième est si un frère donna l’habit de la maison à qui il ne doit pas le donner, ou qui ne fut digne de l’avoir, son habit ne peut pas lui être laissé.

598. La quinzième est si un frère prête des aumônes de la maison en un lieu où la maison les perde, l’habit ne peut lui demeurer. La seizième est si un frère brisa la boule du maître ou de celui qui serait en sa place sans congé de celui qui peut le lui donner, l’habit ne peut lui être laissé. La dix-septième est si un frère qui n’a pas le pouvoir donne les aumônes de la maison aux gens du siècle ou d’autre part hors de la maison, l’habit ne peut lui être laissé. La dix-huitième est si un frère retient les rentes des gens du siècle en manière qu’il ne doit et dit qu’elles sont de la maison, et après qu’il soit atteint que ce ne soit pas vrai, l’habit ne peut lui être laissé. La dix-neuvième est si un frère prenait une chose des gens du siècle par intention pour les aider à être frère du Temple, l’habit ne peut lui être laissé, car c’est de la simonie.

599. La vingtième est si un frère refuse à un autre frère allant ou venant, le pain et l’eau de la maison, ou qu’il ne le laisse manger avec les autres frères, l’habit ne peut lui être laissé, parce que lorsqu’on le fait frère on lui promet le pain et l’eau de la maison, ce que nul ne peut lui enlever, si une faute ne l’exigeait. La vingt et unième est si un frère brisa la serrure sans congé de celui qui peut le donner, et qu’il en advenait des dommages, l’habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

600. La vingt-deuxième est si un frère prête sa bête à un autre frère sans congé, pour mener en un lieu où il ne peut aller sans congé, et que la bête se perdit, ou se blessa, ou mourut, l’habit est en la volonté des frères, ou de lui prendre ou de lui laisser ; mais il peut bien la prêter en amusement dans la ville où il est. La vingt-troisième est, si un frère fait le dommage de la maison en conscience ou par sa faute de plus de quatre deniers, l’habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser, car tout dommage nous est interdit. Et les dommages pourraient être si grands que l’on pourrait le mettre aux fers.

601. La vingt-quatrième est si un frère chassait et qu’il arrive dommage, l’habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. La vingt-cinquième est si un frère essaie une armure et qu’il advient des dommages, l’habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

602. La vingt-sixième est si un frère passe la porte avec l’intention de laisser la maison et puis s’en repent, on pourrait aller à l’habit. Et s’il va à l’Hôpital ou en un autre lieu hors de la maison, l’habit est en la volonté des frères, et s’il dort une nuit dehors, l’habit ne doit lui être laissé.

603. Il advint que frère Georges le Masson partit d’Acre et s’en alla aux sarrasins ; le maître le sut, il envoya des frères après lui, et il fut atteint, et ils lui trouvèrent une robe d’homme séculier dessus sa propre robe ; il fut envoyé à Château-Pèlerin où il fut mis en prison et mourut.

604. Il advint que frère Hugues, un frère qui était à la cordonnerie de Saphet, son commandeur était frère Guillaume de Chartres et qu’un sergent vint demander des souliers au caravanier de la cordonnerie, et il ne voulut les lui donner ; et le frère dit au caravanier qu’il lui donna des souliers ou qu’il lui remit les clés de l’armoire, et le caravanier dit qu’il n’en ferait rien. Alors les frères brisèrent l’armoire et prirent des souliers et les donnèrent au sergent, mais le commandeur pris mal ce geste et confisqua les souliers. Le frère implora mais il fut traduit devant le chapitre et le verdict fut de lui ôter l’habit et de l’exclure de la maison après qu’il eût restitué ce qui appartenait à l’ordre car il avait commis un larcin.

605. Il advint que le couvent était à Casal Brahim et que les frères allèrent se reposer ; et un frère prit sa masse et la jeta après un oiseau qui était sur la rive de l’eau ; la masse tomba dedans et fut perdue. Le frère cria merci de ce fait et les frères dirent qu’on pourrait lui ôter l’habit pour le dommage qui était advenu et l’habit lui fut laissé pour Dieu.

606. Il advint à Chypre qu’un homme riche avait recommandé à notre maison, son cheval qui était malade. Lorsqu’il fut guéri, le commandeur le chevaucha et il rencontra un lièvre et il courut après. Le cheval tomba et se blessa et de cette blessure il mourut. Le frère vint à Acre et cria merci au chapitre général et les frères lui regardèrent l’habit. Aucun ne le couvrit car les uns disaient que le cheval n’était pas de la maison, et les autres dirent que cela n’avait rien à voir, car il convenait que le cheval soit de la maison et qu’il n’y était pas : car on ne doit pas faire de dommage à autrui. Et le frère perdit son habit et certains dirent qu’on pourrait bien le mettre aux fers à cause de ce grand dommage.

607. Il advint qu’un frère essaya une épée à Montpellier et que l’épée se brisa ; le frère vint en deçà des mers et cria merci de cette chose, et les frères lui regardèrent l’habit et lui laissèrent pour Dieu.

608. Il advint à Sur qu’un frère avait un marc de gobelets et qu’ils tombèrent de sa main : l’un se brisa et le frère à qui étaient les gobelets les prit tous et les brisa et dit que Dieu et sa mère étaient maudits ; et le frère cria merci de ce qu’il avait fait sciemment dommage à la maison. Les frères lui regardèrent son habit parce qu’il avait causé sciemment dommage à la maison et puis le lui laissèrent pour Dieu.

609. Il advint que le commandeur de la Voûte acheta un navire chargé de froment et commanda qu’on le mit au grenier ; et le frère du grenier dit qu’il était mouillé par la mer et qu’on le mit sur la terrasse, car si on faisait ainsi il se gâterait et qu’il ne serait plus bon. Le commandeur commanda qu’il fut mis au grenier et il y fut mis. Et peu de temps après, le commandeur fit porter le froment sur la terrasse mais une grande partie était gâtée et de cela il cria merci et l’habit lui fut enlevé parce qu’il avait fait sciemment grand dommage à la maison.

610. Il advint que Jacques de Ravennes était commandeur du palais d’Acre et il prit des frères et des turcopoles et des sergents, nôtres et de la ville, et fit une chevauchée à Casal Robert . Et les sarrasins de la terre sortirent au cri et les déconfirent et les emportèrent ; et il cria merci de cela, et il lui fut pris l’habit et mis aux fers parce qu’il avait fait une chevauchée sans congé.

611. La vingt-septième est, si un frère du Temple porte gonfanon en fait d’armes et qu’il l’abaisse pour raison de charger et qu’il advient des dommages, l’habit est en la volonté des frères. Et s’il charge ou non et que des dommages adviennent, l’habit ne peut lui être laissé ; et le dommage pourra être si grand qu’on pourrait regarder de le mettre aux fers, que jamais il ne porte le gonfanon baussant, ni être commandeur de faits d’armes, car c’est une chose beaucoup défendue à la maison à cause du grand péril qu’il y a. Car si le gonfanon se baisse, ceux qui sont au loin ne savent pas pourquoi il s’abaisse, ou de bon gré ou de mauvais gré, car des turcs l’auraient plutôt pris ou ravi quand il est bas que lorsqu’il est haut : et les gens qui perdent leur gonfanon sont beaucoup ébahis, et pourrait avoir une grande déconfiture et c’est pour cette peur qu’il est si étroitement défendu.

612. La vingt-huitième est si un frère qui porte le gonfanon charge sans congé de celui qui peut le donner, s’il n’était pas en passe ou en un lieu qu’il ne peut avoir le congé ainsi qu’il est dit au retrait, l’habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et le dommage pourrait être si grand que l’habit ne pourrait lui être laissé ; et il se pourrait qu’on regarde de le mettre aux fers, et que jamais il ne portât plus le gonfanon, ni ne serait commandeur en fait d’armes, ni être à l’élection du maître, car il sera mis aux fers.

613. La vingt-neuvième est si un frère qui est en fait d’armes pointe sans congé et qu’il advient des dommages, l’habit est en la merci des frères ; et les dommages pourraient être si grands que l’habit ne pourrait lui être laissé. Mais s’il voit un chrétien en péril de mort et que sa conscience le reprend qu’il peut le secourir sans dommage ainsi qu’il est dit aux retraits, il peut le faire ; en aucune autre manière aucun frère ne peut le faire, qu’il mette son habit à l’aventure.

614. Et il advint que le couvent était hébergé à Jaffa et les turcs coururent devant et avaient tendu deux embuscades à Fontaine-Barbe ; et le turcoplier sortit le premier et on lui bailla le frère Margot avec les dix frères chevaliers pour le garder ; et le turcoplier fut pris entre les deux embuscades , et il sembla aux frères qui le gardaient qu’ils voulaient poindre sur le turcoplier, et des dix frères qui le gardaient, quatre frères partirent sans congé du commandeur, et l’un n’avait pas de chapeau de fer, et ils pointèrent sur l’embuscade. Et deux de ces frères perdirent deux chevaux ; et puis les autres qui étaient restés pointèrent par congé du commandeur, et mirent les embuscades en déconfiture, et le turcoplier pointa après et mit les autres en déconfiture.

615. Et quand l’on tint le chapitre, frère Margot ne se tint pas en paix de ceux qui avaient pointé sans congé et le dit au Maréchal devant tous les frères, et les frères se levèrent et crièrent merci ; et il fut regardé à ces deux frères qui n’avaient rien perdu qu’on pourrait les laisser avec l’habit et aux deux qui perdirent les chevaux il leur fut ordonné qu’ils ne pourraient demeurer avec leur habit. Mais parce que la chose se termina bien, et que le turcoplier aurait été en aventure si cette pointe n’avait été, à ceux qui perdirent leurs chevaux on leur laissa leur habit pour Dieu et les autres deux furent à deux jours ; et Hugues de Monlaur dit que la faute avait été bien regardée.

616. Il advint à Acre que maître frère Renaud de Vichier défendit que nul frère de jardin ne mangea ni ne but l’un avec l’autre, si ce ne fut de l’eau. Et il advint en peu de temps après, que les frères des jardins et de la Grande Vigne sortirent d’Acre et s’accordèrent d’aller ensemble souper à la Grande Vigne ; et ils demeurèrent si longtemps à souper qu’il fut grand nuit, et un frère de la Grande Vigne les accompagna un peu du chemin. Et puis les deux frères s’en allèrent ensemble et le frère de la monnaie convia le frère de la Chaene. Et quand ils eurent passé le fleuve d’Acre, ils trouvèrent les sarrasins poindre sur eux et tuèrent un frère en amenant son roncin ; l’autre en fut mauvaisement navré. Les choses vinrent au chapitre et furent mises en répit jusqu’au chapitre général et aussitôt ils crièrent merci. Et il y eut un vieil homme qui dit qu’ils n’étaient pas atteints parce que ce dommage ne fut pas venu par eux.

617. Et quand la demande vint au commandeur de la terre de Tripoli, il demanda au maître s’il avait à relaxer la défense qu’il avait faite aux frères des jardins de boire et de manger ensemble, et le maître dit que non ; donc le commandeur de Tripoli, dit qu’ils étaient atteints du dommage qui était advenu parce qu’ils avaient fait ce que le maître avait défendu et que pour cela il était venu les dommages. Car s’ils n’eussent mangé ensemble et que chacun s’en fut allé en son hôtel bellement et en paix, les dommages ne seraient pas venus , et pour cette raison et pour les autres qu’il dit, il fut regardé l’habit aux frères ; et frère Geoffroi de Fos maintint cette raison. Et après, parce que les frères avaient été malades et navrés mauvaisement comme à la mort, il leur fut faite cette bonté qu’on leur laissa leur habit pour Dieu.

618. Il advint à Chypre que des frères perdirent leur habit ; l’un avait pour nom Jean Bouche de Lièvre et l’autre frère Matthieu. Et frère Jean était commandeur de Bapho et dit à son commandeur qui avait nom Baudouin de Benrage, qu’il n’avait de quoi faire sa maison. Et il lui dit qu’il a vendu son froment tant qu’il n’arriva pas au prix de six cents besants d’argent et que de quatre cents il fit sa maison, et les deux cent autres il les garda jusqu’à ce qu’il les enverrais chercher. Après un temps, il envoya un frère pour qu’on lui remit les deux cents besants, et frère Jean dit qu’il les avaient mis en la dépense de la maison. Et le commandeur les envoya chercher et qu’on donna les besants ; il lui dit qu’il les avait mis et dépensés, et il ne sut dire pour quoi ; et le commandeur se courrouça et le reprit et il vint devant le chapitre de Ricordane, d’où un autre frère était regardé de perdre la maison selon les établissements de la maison. Mais pour ce que les frères avaient bonne renommee, et que par l’intention du couvent il ne les avait mis dans un mauvais lieu, ni jetés hors de la maison, et pour ce qu’il ne nia pas les besants qu’on lui laissa l’habit. Et si l’on sut des frères une méchanceté, l’habit ne leur peut demeurer, et encore si l’on eut en lui une mauvaise suspicion.

619. A l’autre frère qui avait nom frère Matthieu il advint qu’il était à la Casterie ; et le dit frère Jean Bouche de lièvre était son commandeur, et lui défendit d’éteindre une lumière que le frère faisait briller. Et quand le commandeur vint de son service, il s’aperçut que la lumière brillait encore ; et le frère Jean prit la justice du sergent, et reprit le frère de la lumière parce qu’il la faisait briller sur sa défense. Et il ne voulut crier merci à son commandeur qui tenait le chapitre avec six frères ; et parce qu’il ne voulut pas crier merci en son chapitre, il vint devant le couvent et cria merci. Et il fut ordonné à perdre l’habit, et le perdit avec frère Jean Bouche de lièvre en ce même chapitre de Ricordane.

620. Et pour cela le maître frère Pierre de Montaigu et frère Ansaud le bourguignon, dirent que puisque le frère s’est révolté dans son chapitre, debout, il peut lui enlever l’habit et le mettre aux fers, et il peut en faire autant d’un frère qui ne veut crier merci en son chapitre comme il est établi dans la maison. Et c’est à entendre, que si celui qui tient le chapitre fait son commandement à un frère, celui-ci doit crier merci de quelque faute que ce soit. Mais si un frère de couvent reprend l’un ou l’autre et qu’il ne veut crier merci, parce qu’il ne perdra pas son habit, car un frère n’est pas au commandement de l’autre, on pourrait lui regarder la faute. Et quand un frère reprend l’autre, il doit crier merci selon l’établissement de la maison, et s’il ne le veut faire celui qui tient le chapitre doit le lui commander. Et s’il reprend un autre frère, il ne sera jamais cru sur lui s’il n’a des garanties, car un frère est l’un et un frère est l’autre ; mais il se nomme frère, et il lui faut porter garantie. A celui-ci on ne peut lui regarder une faute grande ou petite sauf l’habit ; mais il peut dire « il y a des frères… ».

621. La trentième faute est si un frère laisse la maison et git deux nuits hors de la maison, il en perd son habit que devant un an et un jour il ne pourra le recouvrer. Et s’il retient les choses qui sont défendues, plus de deux nuits il en perd la maison.

622. La trente et unième est si un frère rend son habit par sa volonté et le jeta par courroux à terre et ne le voulut reprendre ni par prière ni par admonestation, et qu’un autre frère le leva avant qu’il ne prit son habit, avant un an et un jour il ne pourra le recouvrer ; s’il le prenait avant par sa volonté, il serait en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et si par aventure il ne voulait le prendre, et qu’un frère prit l’habit et le mit au cou du frère qui l’aurait rendu, le frère en perdrait le sien, car nul frère ne doit rendre l’habit ni faire frère hors du chapitre ; et celui à qui l’habit serait rendu de telle manière serait en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

623. Et toutes ces choses, sauf les deux dernières, de celui qui gît deux nuits hors de la maison et de celui qui rend l’habit par sa volonté, sont d’un an et d’un jour ainsi que nous l’avons dit dessus. Mais les autres fautes de 1’habit sont en la volonté des frères, selon comment la faute est faite et selon le comportement du frère, ou de lui prendre ou de lui laisser.

624. Si un frère du Temple est en répit d’une chose dont il peut perdre la maison ou l’habit, il ne doit être cru sur un autre frère de perdre le sien, ni porter garantie dont il put perdre la maison et son habit.

625. Il advint que des frères étaient en repos en demeure et le commandeur leur défendit d’entrer au casal. Et tant advint qu’un frère entra en la maison d’une femme, et pensa dormir avec lui cette nuit seulement et en fit son pouvoir. Et il en cria merci comme je l’ai dit devant, et son habit fut regardé , et puis ils lui laissèrent pour Dieu car il était de bonne renommée.

626. Il advint que des frères hébergés à Escalon portèrent leur équipement à la chevestrerie et qu’un frère prit le coussin d’un autre et il savait très bien que ce n’était pas le sien, et il l’emporta. Et il advint que le Maréchal assembla les frères et leur commanda qu’ils regardassent en leur place et que l’on rende l’équipement l’un à l’autre qui l’aurait ; et sur ce, le frère le tint trois mois, et cria merci comme je 1’ai dit ci-devant. Les vieux hommes se disputèrent sur ce fait, et les uns disaient qu’il était larron et les autres disaient que non. Et ils s’accordèrent parce qu’ils ne voulurent pas qu’il perdit la maison car il était bon frère, et ils lui laissèrent l’habit pour Dieu.

627. En quelque manière que le frère du Temple passe la porte avec l’intention de laisser la maison, il a perdu l’honneur, il ne doit jamais porter le gonfanon baussant, ni être à l’élection du maitre ; et s’il va à l’Hôpital ou ailleurs et revient le jour même, l’habit est en la merci de Dieu et des frères ; et s’il dort une nuit, l’habit ne doit lui être laissé au cou, et s’il en dort deux, il ne doit le recouvrer dans un an et un jour.

628. Si un frère est en pénitence, que son habit soit en la merci de Dieu et des frères, et qu’il s’en va et dorme une nuit dehors de la maison et revient en arrière en sa pénitence, lorsqu’il est levé on doit lui montrer qu’il laissa la maison ; et s’il dort deux nuits, il ne doit le recouvrer devant un an et un jour ; et il est quitte de cette pénitence et de toutes autres. Et s’il s’en va en étant en pénitence d’un an et d’un jour et qu’il vienne le jour même, l’aumônier doit le mettre dans son ancienne pénitence et il n’a rien perdu de ce qu’il a fait ; mais on doit lui montrer qu’il laissa la maison, quand il aura recouvré l’habit après l’an et le jour qu’il sera levé. Et s’il dort une nuit hors de la maison, l’aumônier ne doit pas le mettre en pénitence, car il a perdu ce qu’il avait fait avant, et il doit recommencer au début ; et à celui-ci ils ne doivent rien montrer par raison, parce qu’il recommence au début.

629. Si un frère est en l’infirmerie et que des autres frères sont en garde de ses bêtes à l’heure où va sonner prime, il en est dessaisi. Et si un frère est en pénitence et qu’il entre à l’infirmerie pour sa maladie, quand il est amendé et qu’il va à prime, il peut manger s’il veut ses trois repas, avant de retourner à sa pénitence, sans chevaucher. Et si un frère est en l’infirmerie, il peut manger ses trois repas, et s’il veut, il sortira le jour même sans congé. Si un frère est regardé pour sa faute afin de le mettre autre part en pénitence, on peut le mettre par devant les frères sans chapitre.

630. Si un frère s’en va de la maison et prend une femme pour épouse, ou se met en un autre ordre, il n’aura maintenant de dommage s’il vient redemander la maison ; mais qu’il n’emporte rien qu’il ne doit emporter, et il ne sera de rien tenu à la femme, ni à l’ordre, ni à nous aussi, car il est avenu de l’un et de aussi, car il est avenu de l’un et de l’autre. Si un commandeur qui est fait par chapitre laisse la maison, nul ne peut le mettre en pénitence sauf le maître et le couvent. Si un frère est aisé des bêtes d’un autre frère et le frère trouve ses bêtes en fait d’armes, non autre part, il les prendra comme siennes.

631. Si un frère est en la place d’un commandeur de chevaliers, il n’a pas pouvoir de donner la place du lit, ni des bêtes, mais il peut bien les traiter. Si un frère est en pénitence, il doit venir le dimanche à la discipline et il doit la rendre avant que l’on ait commencé le chapitre ; et après il doit dire : »Beaux seigneurs prions Dieu qu’il nous vienne en aide ». Et si un frère demande le congé à son chapitre de le mettre en un autre ordre, autre part, hors de la maison, il ne doit jamais porter le gonfanon baussant, ni être dans l’élection du maître.

632. Et si un homme demande à être frère, à la mort, celui qui lui donne l’habit ne doit rien lui dire, mais lui mettre dessus, quant il est bien atteint. Il peut le reprendre s’il voit qu’il trépasse ; et s’il meurt avec tout l’habit, on n’est pas tenu de dire les patenôtres que l’on doit dire pour un frère.

633. Les châtelains des châteaux sont au commandement du commandeur des chevaliers en fait d’armes, où il y a le gonfanon ; et dedans les châteaux, ils n’y sont d’aucune chose, et ils peuvent envoyer un frère de leur commandement en leur besogne, sans congé du commandeur des chevaliers. Si un frère va en la terre de Tripoli ou d’Antioche et qu’il se trouve à Sidon ou à Tripoli, le commandeur de la maison fera les commandements. Mais en fait d’armes ou si le cri se levait hors de la ville, et qu’ils y aillent, le commandeur de la maison serait au commandement du commandeur des chevaliers qui gouverne ces frères.

634. Et le commandeur qui gouverne les frères, si le Maréchal l’y met et qu’il se trouve en une autre résidence, ou à Tortose ou autre part, aux commandeurs pour le chapitre général, les frères en delà ou en deçà qui sont venus, le commandeur de la résidence fera le commandement. Mais si le commandeur de la province avait dit au nouveau commandeur de la résidence : »Vous serez commandeur de la résidence », celui qui est là, est relaxé, et celui qui vient, fait les commandements. Tous les frères baillis, quand ils entrent à l’infirmerie, il convient de présenter la boule et la bourse au commandeur par le chapitre. Et ceux qui sont nommés par le maître et par le couvent ne sont pas tenus si ce n’est par le maître et le couvent.

635. Si le commandeur des chevaliers du couvent et le commandeur du Château-Pèlerin et de Saphet ou d’autres résidences se trouvent chacun menant des frères et que le couvent n’y soit, celui qui a le plus de frères est commandeur de tous les autres.

636. Si un frère chapelain faute, il doit crier merci en son chapitre, comme les autres frères, sans s’agenouiller, et il doit faire ce que les autres frères lui ordonneront. Si un frère chapelain a laissé la maison et puis revient crier merci à la porte, il doit se dépouiller à la porte du chapitre ou en une chambre qui sera la plus près du chapitre, et venir en chapitre devant les frères et crier merci sans s’agenouiller. Et s’il n’a pas fait une chose par laquelle il ne doit pas perdre la maison, on doit le mettre en pénitence, et le frère chapelain en doit prendre la discipline, et doit être un an et un jour sans son habit ; et il doit manger à la table des domestiques sans toile, et il doit faire tous les autres jeûnes que les autres frères font et qui sont en pénitence, tant que les frères ne le relaxent.

637. Et il doit venir le dimanche à la discipline en privé au frère chapelain, et peut chanter sur une semaine, en privé, sans note. Et quand les autres frères qui sont en, pénitence, travaillent avec les esclaves, le frère chapelain doit dire son psautier au lieu du travail. Et s’il y a un frère chapelain qui soit de mauvaise vie ou qui mette la discorde entre les frères ou qui mette la discorde et le scandale dans l’Ordre, on peut plus facilement se délivrer de lui et le remettre aux mains du conseil mieux qu’un autre frère car ainsi le commanda le pape quand il nous donna des frères chapelains. Et s’il fait sa pénitence avec son habit, il doit manger à la table des turcopoles sans toile.

638. Ces exemples écrits ci-dessus furent mis pour deux choses en mémoire : l’une pour que les frères qui les entendront fassent le commandement qui leur est fait et qu’on leur dira, car de ces deux choses viennent presque tous les dommages qui adviennent aux frères car ceux qui ne gardent les commandements qu’on leur fait et ne gardent pas les défenses qui leur sont faites, et sur ces dommages s’il advenait une de ces deux choses, ils peuvent perdre l’habit. L’autre chose est que ceux qui regardent les fautes à leurs frères les sachent mieux garder, qu’ils ne chargent leurs frères plus que ceux qui regardent les fautes à leurs frères les sachent mieux garder, qu’ils ne chargent leurs frères plus qu’ils ne doivent, et qu’ils sachent garder la justice de la maison.

639. Car il est chose usée entre nous, que l’on fasse d’une grande faute une petite à un prud’homme, et à celui de fol comportement d’une petite une grande, comme il est dit avant. Mais si un prud’homme de la maison qui sera de bonne vie et de bonne religion fait un méfait d’une chose dont il peut perdre l’habit ou la maison, on peut bien le déporter, de telle manière que la justice de la maison ne soit pas corrompue ; car celui qui regarderait la faute et dirait à son avis qu’il eut perdu la maison par l’usage de la maison sachez qu’il ne peut plus regarder une autre faute. Mais s’il est si prud’homme comme il est dit ci-dessus, on pourrait bien le déporter avant qu’on lui regarde d’en perdre la maison ; c’est à savoir qu’on peut le mettre en répit et l’envoyer en privé autre part au commandement de la maison parce qu’il demeure à la maison. Et qui ne lui veut faire cette bonté, avant qu’on lui ordonne de perdre la maison, on peut le regarder à ce qu’il perde l’habit mais ils peuvent dire plus, qu’à leur avis on pourrait plus en avant de la faute, parce que les jeunes gens s’aperçoivent de la faute telle qu’elle est. Et sachez que qui a desservi à perdre la maison, il a bien desservi pour perdre l’habit. Et en autre manière on pourrait lui faire bonté sans trop corrompre l’établissement de la maison.

640. Et il advint à Château-Pèlerin que frère Baudouin de Borrages était commandeur des chevaliers, et que les turcs courussent devant le château. Et quand il fut dehors il trouva les éclaireurs qui avaient découvert les turcs et ils le prièrent de retourner en arrière, car les turcs étaient si nombreux qu’il ne le pourrait souffrir ; et il n’en voulut rien faire, et ainsi alla jusqu’à Mirla, et les turcs l’encerclèrent. Et quand il fut au milieu d’eux et qu’il ne put s’échapper, il baissa le gonfanon pour attaquer et pointer au milieu d’eux et s’en alla sur le rivage de la mer et deux frères avec lui, et les autres furent tous morts et pris, et tout l’équipement perdu. Et ledit frère Baudouin eut des amis qui le firent aller outre-mer et il y demeura tant que les choses furent oubliées ; et l’un des frères alla aussi outre-mer, et l’autre demeura au Pays, et n’eut jamais de pouvoir au Temple : ainsi passèrent les choses de ce fait.

641. Et si on ordonne à un frère de perdre l’habit, il n’est pas d’usage qu’on lui regarde autre chose, mais lui laisser l’habit pour Dieu. Si l’on ordonne à un frère deux jours et le troisième, il n’est pas de mercredi au frère chapelain, mais au moins un vendredi et d’un jour à mettre au frère chapelain. Et ces choses nous les avons entendues par nos vieux hommes.

642. Et ces choses écrites avant celui qui voudra les prendre pour exemple il le pourra, et celui qui ne voudra pas il charge sa conscience laquelle chacun est tenue de bien garder. Et qu’il ne juge son frère par haine ni par courroux, ni pour amour qu’il a pour lui il ne doit laisser à maintenir la justice de la maison ; mais selon nos prédécesseurs qui ont usé de maintenir les bonnes us et coutumes qui furent mises en la maison, selon celles-là chacun doit juger son frère. Et en telle manière leur conscience sera sauve. Dieu est le commencement de toutes choses.

Les justices de la maison
643. La première est de perdre la maison, dont Dieu garde chacun. La seconde, de perdre l’habit, dont Dieu garde chacun. La troisième, quand on laisse l’habit pour Dieu à un frère, s’il est à trois jours entiers tant que Dieu et les frères le relaxent et fassent merci d’un des jours ; et il doit être mis aussitôt en pénitence, s’il n’est sans répit. Et s’il est triste l’aumônier peut lui donner du manger de l’infirmerie. Et s’il est malade, qu’il convienne d’aller à l’infirmerie, il doit montrer sa maladie à l’aumônier et il doit le montrer au maître ou à celui qui tient cet office. Et s’il en doit demander aux frères et si les frères s’accordent au levé, qu’il soit levé de par Dieu ; et s’ils ne s’accordent pas au levé, il leur doit demander s’ils s’accordent qu’il soit mis à l’infirmerie et ils doivent s’accorder si le frère en a besoin, et de suite il doit entrer à l’infirmerie. Et dès qu’il sera guéri il doit retourner à sa pénitence sans parler aux frères. Et sachez que, tout ainsi, celui qui est en pénitence il doit être levé par l’égard des frères, il doit entrer à l’infirmerie par l’égard des frères, s’il est malade, tant comme il est en sa pénitence, selon les usages de la maison.

644. Sachez que si l’habit est pris à un frère en un chapitre et qu’en ce même chapitre il lui est rendu par la prière des frères et pour sa grande repentance, puisqu’il est allé hors du chapitre sans habit, il demeure à deux jours, car le troisième lui est pardonné pour l’habit qui lui est rendu et pour la honte qu’il a reçue devant les frères.

645. Encore disent les vieux hommes de notre maison que lorsque l’habit est regardé à un frère et qu’on lui a pris, selon sa bonne repentance et selon son bon comportement on le lui rend, parce qu’il avait mangé avant un jour sans habit, il demeure un jour sans plus. Car les deux jours sont pardonnés pour la honte qui lui est faite et qu’il a reçue devant les gens du siècle. Et le frère est quitte de toutes ces pénitences qu’il a à faire selon les usages de la maison. Et quand les frères qui sont en pénitence ne sont pas levés sitôt de terre quand on leur rend leur habit ; mais puisqu’il a mangé un repas à terre en son habit, peut lui enlever qui veut, s’il a bien fait sa pénitence et s’il ne l’a pas bien faite et en paix, on peut le tenir plus longtemps. Et que tous les frères du Temple sachent que le frère qui est un an et un jour en pénitence, et s’il meurt en la faisant, on doit lui faire comme d’un autre frère.

646. La quatrième est de deux jours et le troisième la première semaine si le troisième est nommé ; et s’il n’est pas nommé, il demeure à deux jours sans plus, mais si le troisième est nommé, il doit jeûner le jour de sa faute en quelque jour que ce fut si ce ne fut un dimanche, et s’il l’a faite un dimanche il doit jeûner le lundi, car la faute doit aller avant. Et cette faute on peut la regarder au frère de qui l’on prend tout ce que l’on peut prendre sauf son habit, c’est deux jours. Et celle-là on peut la regarder au frère pour plus petite faute lorsqu’il surpasse le commandement de la maison.

647. La cinquième est de deux jours sans plus. Et un frère qui a deux jours on peut lui dire, s’il est frère chevalier ou frère sergent de couvent, qu’il prenne garde à son équipement et à un frère de métier qu’il prenne garde à son métier. Et un frère qui est à trois jours ou à deux doit mener l’âne et faire un des vils métiers de la maison et il doit venir le dimanche à la discipline au commencement du chapitre, et ils doivent être bellement et en paix toujours à leur place et s’ils savent charpenter ou autre chose, ils peuvent bien le faire. Ainsi se doivent tenir tous les frères qui sont en pénitence à trois jours ou à deux ou à quatre ; et ils ne doivent toucher aucune armure, si ce ne fut qu’elles se gâtassent en un lieu et il ne peut faire autrement.

648. La sixième est à un jour sans plus, et celui qui est à un jour n’est pas à l’âne, ni au métier, comme il est dit ci-dessus de ceux qui sont à trois jours ou à deux. La septième est au vendredi et à la discipline, mais si le vendredi leur est ordonné en chapitre, ils ne le doivent pas jeûner dans les octaves de Noël, ni de Pâques, ni de Pentecôte, ni prendre la discipline du frère chapelain. Et si le frère est malade celui qui tient le chapitre doit lui dire qu’il prendra la discipline du frère chapelain.

649. La huitième faute est quand l’on met un frère en répit devant le maître et devant les vieux hommes de la maison pour être accusé d’une chose et dont les frères ne sont pas certains. La neuvième est quand on met un frère au frère chapelain. La dixième est quand on met en paix.

650. Que tous les frères du Temple sachent que nul frère n’a pouvoir de lever l’habit sans congé de celui qui peut le donner. Le maître, ni nul autre frère n’a pouvoir de lever un frère de pénitence sans en parler aux frères, et s’ils s’accordent pour, qu’il soit levé du congé, et s’ils ne s’accordent pas, il ne sera pas levé.

651. Si le frère qui a laissé la maison veut retourner pour recouvrer la maison, il doit être à la grande porte de la maison et doit s’agenouiller à tous les frères qui vont et viennent, et les prier par Dieu qu’ils aient pitié de lui et cela ils doivent le faire souvent. Et l’aumônier doit lui donner à manger à la porte et le doit héberger et doit le remémorer à celui qui tient le chapitre et qui a pouvoir de le mettre en pénitence. Et il doit dire devant tous les frères que « celui qui fut notre frère est à la porte et requiert la maison qu’il a laissée par sa faute, et attend la merci de la maison ». Et celui qui tient le chapitre doit dire : »Beaux seigneurs frères il y a personne de vous qui sait que tel homme qui fut notre frère et il doit le nommer par son nom, ait fait ni porté une chose pour qu’il puisse, ni ne dût recouvrer la maison » ? Et s’il ne l’a fait, il doit la recouvrer comme il est dit ci-dessus.

652. Celui qui veut recouvrer la maison doit se dépouiller tout nu, en braies à la grande porte où il est, une corde au cou, et ainsi il doit venir en chapitre, devant celui qui le tient, et s’agenouiller devant lui et devant tous les frères. Et celui qui tient le chapitre doit dire : »Beau frère, vous vous êtes follement comporté puisque vous avez laissé la maison et votre Ordre ». Et celui qui vient recouvrer la maison doit dire « qu’il est beaucoup en douleur et courroucé et qu’il s’est follement comporté mais il s’amendera volontiers comme il est établi à la maison ».

653. Et si le frère est connu d’un mauvais comportement, et qu’il ne fasse sa pénitence ni bien ni en paix, celui qui tient le chapitre doit lui dire en cette manière : »Beau frère, vous savez que vous avez à faire une grande et longue pénitence, et si vous demandez le congé d’entrer dans notre Ordre pour votre âme, je pense et je crois que vous ferez ce qui est sage, et je vous le conseillerais bien ». Et s’il demande le congé, celui qui a pouvoir de le mettre en pénitence a le pouvoir de lui donner le congé avec le conseil des frères. Et s’il ne le demande, on peut le lui donner lorsqu’il n’a pas fait une chose par laquelle il doit perdre la maison ; mais avant qu’il vienne en chapitre, on peut bien le mettre en long répit et le faire attendre longuement, pour qu’il puisse connaitre sa folie.

654. Et si le frère est connu d’un bon comportement, aussitôt ils doivent le faire sortir du chapitre et le vêtir de la robe comme il lui affaire, et puis il doit retourner en chapitre et on doit le mettre en sa pénitence et le vêtir d’une chape sans croix, car ainsi est établi l’usage de la maison. Et ils doivent dire à l’aumônier qu’il prenne garde de lui, et qu’il le fasse dormir et héberger en sa maison comme il est établi. Et puisqu’il est en pénitence, l’aumônier doit lui apprendre ce qu’il doit faire ; et si le frère qui est en pénitence est malade, l’aumônier doit lui donner ce dont il aura besoin pour sa guérison ; et il doit mettre par écrit le jour où il commence sa pénitence pour que l’on s’en souvienne.

655. Un frère qui est en pénitence ne doit être appelé en conseil ni à aucun appel des frères qui se fasse pour assembler les frères, mais en privé on peut bien lui demander conseil si besoin est. Encore disent les vieux hommes de notre maison et les prud’hommes, qu’aucune faute par laquelle les frères peuvent perdre l’habit ne se doit regarder devant aucun frère qui n’ait le pouvoir de le faire frère. Et ils disent aussi qu’aucune faute, ainsi qu’il est dit, ne doit se mettre un vendredi, car alors on doit la mettre à un jour ou à plus et ainsi disent les coutumes de la maison.

656. Si un frère est en pénitence avec tout son habit et que le cri se lève, on peut lui prêter cheval et armes pour aller en cette besogne avec les autres frères, et quand il reviendra il doit retourner en sa pénitence. Nul frère qui a laissé la maison ne doit être en élection du maitre ni porter le gonfanon baussant.

Les pénitences

416. Et ce sont les pénitences dont peuvent charger les frères à ceux qui auront desservi. La première est de perdre la maison, dont Dieu garde chacun. La seconde est de perdre l’habit. La troisième est lorsqu’on laisse l’habit pour Dieu. La quatrième est à deux ou trois jours de pénitence par semaine. La cinquième quand on prend à un frère ce que l’on peut y prendre, sans l’habit, c’est-à-dire deux jours. La sixième est d’un jour. La septième est au vendredi. La huitième est au jugement du frère chapelain. La neuvième est à la réserve de la sentence. La dixième est l’acquittement.

La perte de la maison
417. La première est de perdre la maison pour toujours. On peut et on doit l’ordonner à tout frère pour neuf choses, parmi lesquelles la première est la simonie. C’est à savoir quand un frère est venu à la maison par don ou par promesse qu’il a faite, ou un autre pour lui, ce qu’à Dieu ne plaise qu’il soit : car celui qui sera venu de cette manière à la maison perdra la maison si cela est prouvé ; et celui qui de telle manière lui aura donné l’habit devra perdre le sien, et jamais ne devra avoir un frère sous son commandement et le pouvoir de donner l’habit du Temple ; et tous les frères à qui sera accordé que l’habit leur fût donné de cette manière, s’ils savaient qu’ils ne pouvaient le faire, devraient perdre leur habit et jamais on ne devrait leur demander de se faire frère.

418. La seconde est si un frère découvrait son chapitre à un homme, à un frère, à un autre, s’il n’y était. La troisième est si un frère tue un chrétien ou une chrétienne. La quatrième est si un frère est entaché du sale et puant péché de sodomie, lequel est si sale, si puant et si horrible qu’il ne peut être nommé. La cinquième est si un frère fait complot contre un autre ; car le complot se fait de deux et plus, car un homme seul ne peut faire un complot.

419. La sixième est si un frère fuit le champ, par peur des Sarrasins, tant que le baussant y est, et laisse le gonfanon. Et c’est à entendre des frères chevaliers et des frères sergents quand ils sont en armes. Mais s’il y a un frère sergent qui n’était pas armé et que sa conscience lui dicte qu’il ne peut aider ni rester là pour le besoin, il pourrait bien retourner en arrière sans dommage pour la maison, si d’autre chose n’y manquait. Mais un frère chevalier ne pourrait pas faire de cette manière, qu’il fût armé de fer ou non ; car il ne doit laisser le gonfanon pour aucune chose sans congé, ni par blessure, ni pour autre chose.

420. Mais si le frère chevalier ou le frère sergent était blessé de telle manière qu’il ne lui semblât pas possible de continuer la besogne, il peut prendre ou faire prendre congé de se retirer ; et le maréchal, ou celui qui tient sa place, doit lui donner s’il le demande, ou un autre pour le blessé, et par ce congé le frère blessé peut se retirer sans dommage pour la maison. Et s’il advenait que le frère chevalier ou le frère sergent fussent aussi armés sans fer, l’un comme l’autre, de cette manière, ils doivent demeurer avec le gonfanon tous ensemble, et le frère chevalier ou le frère sergent ; car personne ne doit partir tant qu’il y aura le gonfanon baussant. Et si un le faisait, il perdrait la maison, fût-il sergent ; car alors qu’ils sont tous communément armés, communément ils doivent prendre ce que Dieu leur voudra donner.

421. Mais s’il advenait qu’il n’y eût plus le baussant debout, qu’il y eût un autre gonfanon de chrétiens debout, ils doivent aller à celui-là, qu’ils soient armés ou non, ainsi qu’il est dit ci-dessus et spécialement à celui de l’Hôpital. Et s’il n’y avait aucun gonfanon de chrétiens, chacun peut aller en garnison là où Dieu le conseillera et lui enseignera, sans dommage pour la maison ; mais belle chose est que nos frères restent toujours ensemble s’ils le peuvent, avec le gonfanon ou sans gonfanon.

422. La septième est si un frère est trouvé en mécréandise, c’est s’il ne croit pas bien aux articles de la foi ainsi que l’Eglise de Rome y croit et commande d’y croire. La huitième est si un frère laisse la maison et s’en va aux Sarrasins.

423. La neuvième est si un frère fait larcin des choses de la maison ; et c’est péché s’il a beaucoup de direction, et en beaucoup de manières, il peut être déchu. Qu’il en prenne garde attentivement. Il en est de même toutes les fois qu’il fera de cette manière, il en perd la maison si cela est prouvé. Et sachez que l’on nomme larcin quand un frère dérobe des choses de la maison. Et si un frère sort d’un château ou d’une maison fermée de nuit sauf que par la porte, cela lui est compté comme larcin. Si le maître ou un commandeur demande à un frère qui est à son commandement de lui montrer les choses de la maison qui sont en sa possession et en son pouvoir, le frère doit toutes les montrer ; et s’il en retient une chose qu’il ne montrât pas, elle lui est comptée comme larcin.

424. Si un frère laisse la maison et qu’à son départ il emporte des choses qu’il ne doit emporter, et de la même manière, avec telle ou telle chose, s’il passe deux nuits hors de la maison, ce lui serait compté comme larcin. Si un frère met les aumônes hors de la maison de manière qu’il les donne, les prête ou les met en commande, il ne doit pas les nier si on les lui demande, mais doit les assembler ; car s’il les niait et qu’après ce soit prouvé, ce lui serait compté comme larcin. Et toutes ces choses sus-nommées font perdre la maison à tous les frères qui les font, selon les usages de la maison, sans la recouvrer.

425. Que tous les frères du Temple sachent que lorsqu’il advient qu’un frère par son péché ou pour son plus grand malheur laisse la maison et s’en va, ce frère doit prendre garde avec attention qu’il n’emporte autre chose hors de ce que nous dirons ci-après. Il peut s’en aller, comme lorsqu’il va à prime au moutier, sauf qu’il ne doit porter une chose en double, ni couteau d’armes ; mais il peut porter sa chemise et ses braies, son jupon, sa cotte, sa garnache, sa ceinture, ses chausses et ses souliers ; et s’il le peut porter un manteau ou sa chape, mais s’il emporte l’un il ne doit pas emporter l’autre. Mais si le manteau lui est demandé, il doit le rendre, et il ne doit le retenir d’aucune manière. La seconde nuit, il en perd la maison pour toujours.

426. Et sachez encore que de tout ce qui lui est demandé, le frère s’il en retient quelque chose il en perd la maison, puisqu’il est allé hors de la maison deux nuits ou plus. Et ainsi il perd pour deux nuits comme pour cent. Mais sachez bien que c’est grande chose et oeuvre de charité et de miséricorde, que le manteau lui soit demandé. Il peut emporter une coiffe et une culotte. Et toutes ces choses dessus nommées sont à entendre s’il les a sur son corps, quand il s’en va hors de la maison, mais qu’il ne les ait prises de la place d’un autre frère.

427. Les choses qu’il ne doit pas porter sont celles-ci : c’est à savoir, ni l’or, ni l’argent ni aucune armure. C’est le chapeau de fer, le jupon d’arme, les espalières, le haubert, l’hauberjon, l’épée, la lance, l’écu, la masse turque, le couteau d’arme, les chausses de fer, l’arbalète, l’arme turque, et tout ce qui se contient dans cette parole : »rien qui affaire aux armes ». Et s’il emporte une de ces choses sus-nommées, il en perdrait la maison sans la recouvrer. Aucun frère ne doit toucher à ce qui est en propre à un autre frère sans autorisation, et si, cependant, il contrevenait à cette règle, on pourrait considérer cet acte comme un larcin et un manquement à l’ordre.

428. Et si un frère fait une chose par laquelle il doit perdre la maison à tout jamais, avant qu’on lui donne congé de la maison, il doit venir tout nu dans ses braies, une corde à son cou au chapitre devant tous les frères. Il doit s’agenouiller par-devant le maître et doit faire comme il est dessus dit de celui que l’on met en pénitence d’un an et un jour ; et après le maître doit lui faire la charte de congé, qu’il s’en aille se sauver dans un ordre plus étroit.

429. Il est dit qu’aucun de nos frères ne doit entrer dans l’ordre de saint Benoît ou de saint Augustin, et qu’il ne doit entrer en aucun autre ordre si nous ne lui octroyons pas, car en tout ordre plus étroit, il peut entrer pour sauver son âme, si les frères de cet ordre le veulent accepter, sauf dans l’ordre de l’Hôpital de saint Jean, avec lequel il fut établi ainsi, par accord des frères du Temple et de ceux de l’Hôpital que jamais un frère qui sort de l’Hôpital ne vint au Temple pour prendre l’habit de leur maison. Ni en l’ordre de saint Lazare nul frère du Temple ne peut entrer, si ce n’est parce qu’il serait devenu lépreux ; ni dans un ordre plus large un frère qui laisse la maison du Temple ne peut entrer sans dispense de celui qui en a le pouvoir.

430. Vous devez aussi savoir qu’il y a d’autres choses par lesquelles les frères du Temple peuvent perdre la maison. Il est établi en notre maison que lorsque le maître ou un autre qui a le pouvoir de donner l’habit de la maison à un homme et veut le lui donner, il doit lui faire jurer sur les saints Evangiles qu’il dira la vérité de tout ce qu’il demandera ; et quand il aura juré et promis, celui qui doit le faire frère, doit lui dire : »Beau et doux ami, prenez garde de dire la vérité de ce que nous vous demanderons, car si vous en mentez et après qu’il soit prouvé que vous avez menti, vous seriez mis aux fers et l’on vous ferait assez de honte et vous en perdriez la maison ».

431. Après, s’il doit être frère chevalier, celui qui le fait frère doit lui demander : »Beau et doux ami, avez-vous, ni personne par vous que vous le sachiez, donné, ni promis une chose à un homme pour qu’il vous aidât à entrer dans notre ordre, car ce serait simonie et vous ne pourriez vous sauver. Etes-vous chevalier et fils de chevalier, ou êtes-vous extrait de chevaliers par votre père en manière que vous devez et puissiez être chevalier ? Etes-vous de loyal mariage ? Avez-vous fait voeu, ni promesse, ni porté l’habit d’aucun autre ordre ? Avez-vous une femme pour épouse ou fiancée ou promise : dites en vérité car si vous en mentiez et que vous en fussiez atteint, l’on vous ôterait votre habit et l’on vous ferait assez de honte, et après on vous rendrait à votre femme. Devez-vous aucune dette par quoi la maison pourrait en être travaillée : car si vous le faisiez on vous ôterait l’habit et l’on vous ferait assez de honte et puis on vous rendrait à votre créancier. Avez-vous une maladie secrète ? Etes-vous prêtre ni n’avez les ordres sacrés ?

432. Et celui qui veut être frère du Temple doit répondre brillamment à chacune des demandes dessus dites, oui ou non ; mais toutes les fois, il doit dire la vérité, car s’il mentait et qu’après ce soit prouvé qu’il eût menti et qu’il soit parjure, on devrait le mettre aux fers et lui faire assez de honte, et puis lui donner congé de la maison ; et aussi s’il a une femme, et s’il est endetté, on doit le rendre à son créancier.

433. Mais les prud’hommes de notre maison, s’ils s’accordent que celui qui en cette manière serait rendu, pouvait tant faire que sa femme entrât en un ordre et s’y rendît, ou s’il advenait qu’elle mourût, et qu’il était en autre manière de bonne vie et honnête, que, sans que les usages de la maison soient brisés, il pourrait retourner à la maison si cela plaisait aux frères, sans faire de pénitence ; mais il ferait voeu et promesse comme il est dit au début. Et de celui qui serait rendu à son créancier, il peut faire de la même manière, quand il sera délivré du créancier de telle manière qu’il ne puisse rien demander à la maison pour lui.

434. Mais s’ils étaient prêtres ou qu’ils eussent les ordres sacrés qui est : qu’ils fussent diacre ou sous-diacre, ils ne seraient pas mis aux fers, ni on ne leur ferait d’autre honte que de leur retirer l’habit et après on les rendrait au patriarche ou à l’évêque. Et les frères ne doivent souffrir qu’il demeure en habit de chevalier, car notre règle défend qu’un frère ne porte l’habit blanc, s’il n’est chevalier ; ni aussi qu’il soit d’usage qu’un frère chapelain portât le manteau blanc en la maison du Temple s’il n’est appelé à diriger un évêché ou un archevêché. Mais quand il advient qu’un frère chapelain est élu archevêque ou évêque d’une église, il peut porter le manteau blanc ; mais avant qu’il ne le porte, il doit le demander humblement et dévotement au maître et au couvent qu’on lui octroie l’habit de chevalier et ils doivent lui accorder débonnairement et volontiers pour amour de la dignité à laquelle il est arrivé et pour ce qu’il est un grand honneur à l’Ordre.

435. A un chevalier, on ne demande pas s’il est serf ou esclave d’un autre homme, car puisqu’il dit qu’il est chevalier de par son père, de loyal mariage, c’est vrai car il est franc de nature.

436. Mais s’il disait qu’il est chevalier et tel qu’il le peut et doit être ainsi qu’il est dit ci-dessus, et que ce ne fût vrai, on doit lui ôter le manteau blanc et lui donner congé de la maison, et on pourrait bien lui faire assez de honte. Mais toutefois, disent les prud’hommes de la maison, si le frère a perdu le manteau de cette façon et qu’il demande avec grande dévotion que par Dieu et par Notre-Dame et par pitié et par miséricorde on lui donnât l’habit de frère sergent et qu’il promet de servir Dieu et la maison du Temple en habit de frère sergent, bien et humblement et loyalement comme un autre frère sergent, et d’obéir aux commandements de la maison, de garder son voeu et sa promesse ainsi qu’il le promet à Dieu et à Notre-Dame et à la maison, on pourra bien le souffrir de cette manière, lui octroyer et lui donner l’habit de frère sergent. Et le maître, ou autre qui a son pouvoir, il devra lui mettre l’habit de sergent au cou et devra lui demander, avant de lui donner cet habit, s’il promet ce qu’il est dit ci-dessus. Et s’il approuve, alors on pourra lui mettre le manteau au cou, et il devra demander le pain et l’eau de la maison et les autres choses que l’on promet aux frères ainsi qu’on le fit au commencement. Et ainsi on pourra le faire notre prud’homme si cela plaît aux frères, mais il le doit par égard des frères.

437. Mais sachez bien que s’il ne semble pas bon aux frères que ce frère demeure en la maison, ils peuvent bien lui donner congé à tout jamais, et sachez que tout frère à qui l’on donne le congé de notre maison doit se rendre au plus tôt qu’il le pourra en un autre ordre plus étroit. Et il doit le faire en toute manière s’il le peut, dans les quarante jours, et s’il ne veut s’y rendre, et que les frères puissent le trouver, ils doivent le prendre et le mettre aux fers et lui donner leur soutien, et ils doivent le tenir ainsi tant qu’il n’a pas réfléchi, ou un autre pour lui, de l’ordre ainsi qu’il est dit ci-dessus. Et il fut établi ainsi pour que, aucun mauvais, une fois qu’il a quitté la maison, aille par le monde et vive honteusement et en désordre, et qu’il advienne beaucoup de dommages et de hontes à la maison, et pour cela il est établi pour qu’on puisse le faire.

438. Quand on demande à celui qui veut être frère s’il n’a aucune maladie cachée, il doit en dire la vérité ; et s’il a une maladie et qu’il nie, car lorsqu’on doit le faire frère, on le lui demande en chapitre, et après, lorsque l’habit lui est donné, qu’il soit prouvé qu’il avait menti, il pourrait être mis aux fers et perdre la maison, si la maladie fût telle qu’il en fût malade de tout son corps, ou de ses membres, ou telle que l’on croit bien voir qu’il ne puisse jamais guérir par vérité. Mais si la maladie était légère et telle qu’elle dût se terminer dans un bref délai, ce ne serait pas belle chose qu’il en perdît la maison, car ce n’est pas entendu de ces maladies légères, pour lesquelles les frères doivent lui faire merci et miséricorde.

439. Et encore si le frère était atteint d’un défaut corporel, les frères pourraient bien le souffrir dans leur maison, s’il leur plaisait, avec tout son habit, si la maladie n’avait d’autre chose laide ; mais cette souffrance devrait se faire par égard des frères. Mais sachez bien qu’il n’est pas bonne chose qu’il soit d’usage en la maison de les souffrir en cette manière, puisqu’il serait parjure. Si la maladie touche à la lèpre ou à cette mauvaise maladie que l’on appelle épileptique ou qu’il ait une autre maladie afflictive, on doit lui donner congé de la maison à tout jamais, car en aucune manière, on ne peut ni on ne doit le retenir en la compagnie des frères à qui l’on donne congé de la maison. La maison n’en est d’aucune chose tenue de prouver une chose parce qu’il avait nié quand il lui avait été demandé par serment, et il en était devenu parjure.

440. Mais celui qui de telle manière serait malade, s’il l’avait confessé devant celui qui lui aurait donné l’habit et devant tout le chapitre en audience de tous lorsque, celui qui devait le faire frère le lui demanda, et qu’après, celui qui lui aurait demandé lui donnât l’habit, tout fut fait par accord des frères devant lesquels le malade aurait avoué et reconnu sa maladie, on ne devrait ni pourrait lui ôter l’habit ni lui donner le congé de la maison s’il ne le demandait ; mais on pourrait bien le mettre en un lieu privé hors de la compagnie des frères, et en ce lieu, on devrait lui donner ce dont il aurait besoin comme à un autre frère malade.

441. Mais celui qui lui aurait donné l’habit et tous ceux qui s’en seraient accordés de cette manière, ont mérité que l’habit leur soit ôté, qui ne doit, ni ne peut leur demeurer par raison, parce que l’habit a été donné par leur accord à tel homme qui n’était digne de l’avoir. Et sachez que ces frères qui s’y seraient accordés, auraient faussé leurs consciences si faussement et si laidement que jamais on ne devrait leur demander conseil de faire un frère ; et celui qui aurait donné l’habit à un tel homme, ou à un autre qui ne fût digne à sa connaissance, ne doit jamais avoir le pouvoir de faire frère, et ainsi il doit avoir perdu ce pouvoir à toujours.

442. Et si une laide maladie advenait à un frère après qu’il eut reçu l’habit, on devrait mettre ce frère en un lieu privé ainsi qu’il est dit ci-dessus, et le pourvoir bel et bien de ce dont il aurait besoin pour sa maladie tant qu’il vivrait, si la maladie ne touche pas la lèpre, car de celui-ci il doit en être autrement et en autre manière.

443. Quand il advient à un frère que par la volonté de Notre-Seigneur il devienne lépreux et que la chose soit prouvée, les prud’hommes de la maison doivent lui conseiller et le prier qu’il demande le congé de la maison et qu’il se rende à Saint-Lazare et qu’il prenne l’habit des frères de saint Lazare ; et le frère malade, s’il est homme de bien, doit leur obéir. Et il serait encore plus belle chose qu’il requît le congé de lui-même avant qu’on le lui ait conseillé et prié. Et si le frère demande ledit congé, le maître ou celui à qui il affaire de lui donner ledit congé, il doit le faire par égard des frères ; et après le maître et les prud’hommes de la maison doivent faire des efforts et l’aider tant que l’habit de saint Lazare lui soit donné. Et ils doivent prendre garde avec soin car il est notre frère, que lorsqu’il sera rendu à Saint-Lazare, il n’ait grand manque des choses dont il aura besoin à son pauvre soutien, tant qu’il vivra.

444. Mais toutefois, sachez bien que si le frère qui de cette manière sera devenu lépreux ce lui fut si dur qu’il ne voulût pas demander le congé devant dit, ni partir de la maison, on ne doit ni on ne peut lui ôter son habit, ni le mettre hors de la maison, mais, comme il est dit ci-dessus de ceux qui ont des laides maladies, on doit le mettre en un lieu hors de la compagnie des frères, et en cette place, on doit lui donner le soutien.

445. Et sachez que toutes ces choses que l’on demande à un frère chevalier quand il doit être fait frère, on doit le demander aussi à un frère sergent de toutes ces manières et en cette même manière quand on veut lui donner l’habit ; et cette même justice, on doit la prendre s’il a menti. Et on doit demander en plus au frère sergent s’il est serf ou esclave d’un homme ; et s’il était, et qu’il le confesse par-devant les frères, on ne doit lui donner l’habit ; et s’il le nie lorsqu’on lui demande en chapitre où il a été fait frère et qu’après qu’il aurait été frère, qu’il fût prouvé qu’il avait menti, on doit lui ôter l’habit et on doit le rendre par sa main, à son seigneur.

446. Si celui qui fut frère sergent, fut chevalier et le nia aussi au chapitre, quand il demanda qu’on le fit frère, et que sur cela l’habit de frère sergent lui fut donné, et qu’après il dise qu’il a été chevalier, on doit lui ôter l’habit et le mettre aux fers, et lui faire assez de honte et lui donner le congé de la maison ; car s’il est chevalier et ainsi le doit être, il ne peut demeurer à la maison en habit de frère sergent, car ainsi comme celui qui n’est, ni ne le doit être, ne doit porter en la maison le blanc manteau, ainsi celui qui est chevalier de cette manière qu’il doit l’être, ne doit pas porter en la maison le manteau brun.

447. Mais si un dit au maître et aux frères qu’il lui plairait qu’on lui octroyât le manteau blanc par pitié et par miséricorde, qu’en cette manière ils pourraient le retenir à la maison, sans manteau blanc, il ne pourrait demeurer. Mais nous ne nous accordons pas que jamais un tel homme ne puisse demeurer en la maison, car par telles ressemblances, il s’en pourrait faire et pourchasser à tromperie et dommages à la maison et aux frères.

448. Nul frère du Temple malgré qu’il soit gentilhomme, s’il n’est chevalier avant que l’habit du Temple lui soit donné, dès qu’il a reçu l’habit, ne peut être jamais chevalier ni porter le blanc manteau si ce n’est qu’il fut nommé évêque ou plus, ainsi qu’il a été fait état dessus.

449. Au frère chapelain, lorsqu’on veut le faire frère, on doit tout lui demander de la même manière qu’il est dit du frère chevalier ou du frère sergent sauf qu’on ne lui demande pas s’il est serf ni esclave d’un homme, ni s’il a une femme épouse, ni fiancée, ni une promise car puisqu’il est prêtre il doit être franc. Et en cette même manière, il doit dire la vérité, celui que l’on veut faire frère chapelain, quand on lui demande la même chose comme si on veut le faire frère chevalier ou frère sergent. Et s’il mentait et après que ce soit prouvé qu’il eût menti, on pourrait faire comme il est dit ci-dessus d’un autre frère, sauf qu’il ne serait pas mis aux fers, ni qu’on ne lui ferait honte, mais on lui prendrait l’habit et on le rendrait au patriarche ou à l’évêque.

450. Et il y a encore autre chose par quoi un frère peut perdre la maison ; c’est à savoir si un homme se rend à la maison pour un homme lais, et qu’après il se fasse ordonner aux saints ordres sans congé de celui qui peut lui donner, on peut lui donner congé de la maison, si le maître et les frères s’y accordent. Et ils peuvent le laisser et souffrir à la maison s’ils le veulent en habit de frère chapelain ; mais en un autre habit, ni à un autre service il ne peut demeurer en habit dans notre maison, puisqu’il est ordonné aux saints ordres en notre maison. Mais ce qu’on lui fera doit être fait par égard des frères. Et si le maître et les frères souffrent qu’il demeure en la maison, ils lui doivent faire crier merci de la désobéissance qu’il a faite, car il se fit ordonner sans congé, et ils doivent le charger d’une grande et dure pénitence, selon la discrétion des frères et selon son comportement. Mais il serait plus saine chose qu’il eût congé pour toujours, pour châtier les autres.

La perte de l’habit
451. La seconde pénitence que l’on peut ordonner à un frère, la plus dure et la plus âpre après la maison, c’est celle de perdre l’habit, dont Dieu garde chaque frère ; et cette pénitence on l’ordonne pour les méfaits qui peuvent intervenir. Car on peut ordonner de perdre l’habit à un frère s’il a botté et frappé un autre frère par colère ou par courroux en manière qu’il lui ait fait remuer les pieds de sa place, ou qu’il ait rompu par courroux les lacets de son manteau. Et ce frère qui se serait conduit de cette manière serait excommunié et devrait se faire absoudre. Et ainsi comme le frère est sans son habit, ses armures doivent être rendues au magasin pour les équipements en la caravane, et aussi on peut les donner aux frères quand ils en auront besoin ; et ses bêtes aussi doivent être rendues à la caravane du maréchal, et il peut aussi les donner aux frères qui en auront besoin.

452. Et si un frère frappe par courroux un chrétien, avec une chose dont le coup peut le tuer ou le blesser, l’habit ne doit pas lui être laissé. S’il est prouvé qu’un frère a couché avec une femme, l’habit ne peut lui être laissé et on doit le mettre aux fers. Et jamais il ne pourra porter le gonfanon baussant, ni la boule, ni ne pourra jamais avoir des frères à son commandement, ni devra être à l’élection du maître, de manière qu’il ne soit un des treize électeurs.

453. Si un frère met un mensonge sur lui-même, l’habit ne peut lui être laissé. Si un frère dit qu’un autre frère a dit ou fait une chose par quoi le frère s’il eût dit ou fait cette chose dont il dût ou pût perdre la maison, si cela a été prouvé et qu’il ne peut atteindre, et qu’il en fait tout son pouvoir pour l’atteindre, et ne veut se repentir ni démentir, et qu’il demeure toujours dans son erreur, l’habit ne doit pas lui être laissé.

454. Car sachez que lorsqu’un frère met sur un autre frère, en son chapitre, une chose sur quoi le frère aurait pu perdre la maison, si cela avait été prouvé, et que le frère ne peut l’atteindre, il doit perdre son habit s’il ne veut se démentir, et dire en telle manière : »Beaux seigneurs frères, devant tout le chapitre je vous fais savoir ce que j’ai dit sur ce frère, et sachez que ce que j’ai dit en mal de lui est tout mensonge, car je ne sais vraiment tout le bien ». L’habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et sachez qu’un frère qui en cette manière se sera démenti en chapitre, ne doit jamais être cru contre un frère, d’une chose qui touche la maison et l’habit, on ne doit pas lui demander son avis car il s’est lui-même prouvé et atteint de mauvais et puisqu’il est prouvé qu’il est mauvais il ne doit plus être cru contre un homme de bien.

455. Si un frère tue ou perd un esclave par sa faute, l’habit ne doit pas lui être laissé. Si un frère dit par serment, ou encore qu’il le dise par colère et courroux qu’il ira chez les Sarrasins et que les frères l’entendent, si le frère qui a dit la parole n’est pas de bon comportement, l’habit ne peut lui être laissé ; mais si le frère est de bon comportement, l’habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.

456. Si un frère tue ou blesse une bête de selle par colère et par courroux, ou par sa faute, l’habit est en la volonté des frères. Si un frère porte des choses de gens du siècle ou d’autre que du Temple, et dit qu’elles sont de la maison et que ce ne fût vrai, et que les seigneuries des terres en perdissent leurs droits et leurs péages, l’habit ne peut lui être laissé. Si un frère qui n’a aucun pouvoir donne une bête vivante à quatre pieds, si ce n’est un chien ou un chat, hors de la maison, l’habit est en la merci des frères.

457. Si des frères se révoltent envers les commandements de la maison et qu’ils refusent de se repentir et demeurent dans leur folie et ne veuillent faire l’amendement par les prières, ni par les ordres, on peut prendre leur habit, les mettre aux fers et les tenir longuement en cette manière. Mais il est plus belle chose, lorsqu’il advient qu’un frère, ou par colère ou par courroux, dit qu’il ne fera le commandement de la maison, qu’on le laisse refroidir de son courroux ; et après on doit aller à lui et on doit lui dire bellement et en paix : »Beau frère, pour Dieu faites le commandement de la maison ». Et s’il le fait et qu’aucun dommage n’est venu, on doit lui souffrir pour Dieu et avoir bonne grâce pour lui, et on peut lui faire grande bonté et grande miséricorde , et cette manière, c’est la plus belle chose, selon Dieu. Et s’il ne veut le faire, on doit lui ôter son habit et faire de lui comme il est dit plus haut de le mettre aux fers.

458. Le maître ou un autre commandeur qui tient le chapitre, s’il commande à un frère qui soit en son commandement, qu’il crie merci, parce qu’il est resté dans son erreur, l’habit ne peut lui être laissé. Mais ce ne pourrait pas être fait de cette manière si un simple frère reprend un autre simple frère ; car si un simple frère ne veut crier merci par un autre frère qui ne soit pas son commandeur, il ne doit pas perdre l’habit ; mais on peut bien le charger d’une grande pénitence, âpre et dure. Car maintenant qu’un frère dise à l’autre : »Criez merci de telle chose », le frère en doit crier merci s’il est dans le lieu, et faire ainsi que dessus est dit.

459. Si un frère demande le congé en son chapitre et que l’on ne veuille lui donner, et que pour cela il dise qu’il s’en ira et laissera la maison, l’habit ne doit pas lui être laissé. Si un frère brise la boule du maître, l’habit ne doit pas lui être laissé. Et nos vieux hommes disent que si des frères brisent la boule de celui qui serait à la place du maître, on pourrait leur ôter l’habit pour cette même raison, tant la faute est laide et pour le dommage qui pourrait advenir.

460. Si un frère donna l’habit de la maison de la manière qu’il ne doit, ou le donna à tel homme qui ne fût pas digne de l’avoir, l’habit ne peut lui demeurer, et celui à qui on aura donné l’habit de cette manière ne doit jamais avoir le pouvoir de faire frère. Si un frère prête des aumônes de la maison sans congé à tel homme, ou à tel lieu et que la maison les perdît, l’habit ne doit pas lui être laissé. Si un frère qui n’en a pas le pouvoir donne des aumônes de la maison aux gens du siècle ou à d’autres ordres que celui du Temple sans congé, l’habit ne doit lui être laissé.

461. Si un frère s’affaire à faire une maison neuve en pierre et en chaux sans congé, l’habit ne doit pas lui être laissé. Les autres maisons déchues il peut les redresser et les appareiller sans dommages, pour cela on doit lui savoir bon gré.

462. Si un frère s’en va par colère ou par courroux hors de la maison et gît une nuit en dehors, sans congé, on peut lui prendre l’habit si l’on veut et s’il plaît aux frères, et le lui laisser s’il plaît aux frères. Mais de cela sachez que l’on doit bien regarder le frère et son comportement : s’il est de bon comportement et de bonne et honnête vie, les frères lui doivent faire plus de bonté, et en plus ils peuvent lui laisser l’habit, et plus hardiment et plus légèrement ils doivent et peuvent s’accorder de le lui laisser. Mais s’il gît deux nuits dehors sans congé, et qu’il ait rendu les choses bien plus tard qu’il doit les rendre, qu’il ait emporté plus qu’il ne le devait porter, il pourra retrouver son habit quand il aura été en pénitence un an et un jour ; mais avant qu’il n’ait été en pénitence pour un an et un jour, il ne peut le recouvrer. Mais s’il emporte une chose qu’il ne doit emporter, et qu’il gît deux nuits dehors, et qu’il fasse cette chose sans congé, il a perdu la maison pour toujours. Et sachez qu’il est chose sûre à un frère qui laisse la maison, que s’il ne veut retourner dans les deux jours et que le second jour il envoie son manteau à la maison il en pourrait perdre la maison comme il est dit ci-dessus s’il le retient les deux nuits.

463. Si un frère jette son habit à terre devant les frères par courroux, et que les frères le priassent de le reprendre, et qu’un frère le levât avant qu’il l’eût repris, il ne peut le recouvrer avant un an et un jour ; mais si un frère prend l’habit du frère qui l’aura jeté et lui remet au cou, qu’en cette manière il aurait rendu l’habit à ce frère qui l’aura jeté, il perd le sien et l’autre frère qui l’aurait recouvré de cette manière, serait en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et vous devez savoir que celui qui de cette manière rend l’habit à ce frère qui l’aura jeté, perd son habit par cette raison : que nul frère ne peut donner l’habit, ni ne peut le prendre, et s’il le fait, il en doit perdre le sien. Et ainsi comme l’on donne l’habit par chapitre, ainsi on doit le rendre par chapitre, et pour cela chaque frère doit savoir que chaque commandeur ne peut prendre l’habit du frère qui refuse son commandement, même qu’il soit sous son commandement, car les commandeurs qui ne peuvent donner l’habit ne peuvent le prendre.

464. Mais s’il advenait qu’un commandeur qui ne peut faire frère eût des frères en son commandement et que certains frères refusent son commandement, il doit le faire admonester comme il est dit ci-dessus ; et après, s’il veut faire le commandement, il peut aussitôt sonner la cloche et assembler les frères. Et lorsque les frères seront assemblés, il doit tenir le chapitre, et il doit faire crier merci à celui qui a refusé son commandement, et il doit le mettre dehors ; et les frères doivent tous s’accorder qu’il soit mis en répit, avant que le maître ou avant que le commandeur qui a le pouvoir de prendre l’habit ne vienne.

465. Et aucune faute par laquelle un frère peut perdre l’habit ne doit être mise en regard, ni jugée devant celui qui n’a pas le pouvoir de donner l’habit, ni celui qui tient le chapitre ne doit le souffrir, et les frères ne doivent s’accorder ; et s’ils s’accordaient, on peut bien le mettre en égard de sa faute et le charger d’une grande pénitence, car il ne serait pas raisonnable que les frères fassent leur égard sur un frère devant une personne qui ne peut prendre à un frère ce que les frères lui auront ordonné quel que fût l’ordre des frères, grands ou petits. Et pour cela, il fut établi en la maison, selon que la faute soit grande ou petite, qu’elle se regardât devant le maître ou devant tel commandeur qui eût pouvoir d’accomplir l’égard des frères quel qu’il fût, dur ou faible.

466. Et sachez que maintes fois il advient au Temple qu’un commandeur peut faire un frère sergent et non pas un frère chevalier, et ce commandeur qui ne peut faire un frère chevalier ne doit, ni ne peut prendre l’habit d’un frère chevalier, car nul ne doit prendre ni ne peut le faire sauf celui qui peut le donner à un frère. Et ainsi chacun doit se garder de donner l’habit en la manière qu’il ne le doit, et il doit se garder qu’il ne le prenne d’un autre frère de la manière qu’il ne doit ; et s’il le faisait, il devrait passer par cette même justice. Et pour cela, afin que l’habit ne soit pris en la manière qu’on ne dût le prendre, il fut établi qu’il se prendrait devant le maître ou devant celui qui tient la place de maître. Et nul n’a pouvoir de faire frère, ni de prendre l’habit en privé, s’il ne tient la place du maître ou si le maître ne lui a spécialement donné congé de le faire.

467. Si un frère rend ou transmet son habit par sa volonté, il ne lui doit pas être redonné avant un an et un jour. Et ainsi vous devez savoir, malgré ce qui a été dit ci-dessus, que de toutes les choses qui ont été ordonnées pour qu’un frère perde l’habit, toutes les fois il est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser, hors des trois dernières : c’est à entendre de celui qui l’aura jeté, si un autre frère qui l’a levé avant qu’il l’eût repris et de celui qui l’a rendu par sa volonté et de celui qui a gît dehors deux nuits sans congé ainsi qu’il est dit ci-dessus.

468. Et sachez que tant qu’un frère est sans habit, il doit être hors la porte du moutier et doit venir le dimanche à la discipline après l’Evangile au frère chapelain, s’il est présent et si le frère chapelain n’y était, au prêtre qui fait le service, et il doit venir à la discipline avec grande dévotion et la recevoir en patience devant tout le peuple qui sera au moutier. Et quand ce frère aura reçu la discipline, il doit s’en retourner hors du moutier là où est sa robe, et il doit se vêtir de sa robe et entendre le service de Notre Seigneur bellement et en paix comme un autre frère car tout frère qui est en pénitence sans son habit est tenu d’entendre le service du Seigneur entièrement, comme un bon frère ; et quand il veut rester pour les heures, il doit prendre le congé ou le faire prendre comme un autre frère.

469. Mais s’il advenait qu’un frère qui fût à un an et un jour en pénitence, qui fût malade de telle manière qu’il convînt qu’il demeurât tout cet an ou une grande partie de l’année à sa place sans aller au moutier, à la fin de l’année, on devrait lui rendre son habit. Et on doit lui compter pour fait aussi, le temps qu’il a été malade en sa place, comme si c’était le temps où il a fait sa pénitence, et comme s’il était venu chaque jour au moutier et chaque dimanche à sa discipline ; pour cela, il en est demeuré en lui et il en fait sa pénitence ; et quand Dieu veut donner la santé ou la maladie à un homme, nul ne peut la refuser. Et si le frère meurt en faisant sa pénitence, on doit lui faire comme d’un autre frère, et on doit lui coudre la croix sur lui comme à un autre frère.

470. Et tant qu’un frère est en pénitence, il doit habiter à l’hôpital, et s’il est malade, l’aumônier doit lui faire avoir les choses dont il aura besoin pour sa maladie ; et tant qu’il est malade il peut manger à l’hôpital. Et tant qu’il est sain, il doit travailler avec les esclaves ; quand il mange, il doit s’asseoir par terre par-devant les domestiques et manger de leur viande. Tous les jours, il doit avoir revêtu la chape sans croix.

471. Et si l’aumônier fait une fois aux domestiques le don de la pitance, à ces frères qui sont à terre il n’en donnera point, qu’ils soient avec l’habit ou sans habit, car ils ne doivent point en avoir. Mais si le maître mange au couvent il peut envoyer de la viande aux frères qui mangent à terre devant lui, mais nul autre ne peut leur donner quelque chose ; ni le maître même, s’il mange à l’infirmerie, ou autre part hors du couvent, il ne peut leur donner. Et le maître peut aussi le faire au frère qui est en pénitence avec tout son habit.

472. Et chaque frère qui est sans habit en pénitence doit jeûner trois jours de la semaine au pain et à l’eau, tant que Dieu et les frères ne le relaxent du restant des jours ; et le frère, s’il fait sa pénitence bel et bien, ils peuvent le relaxer d’un jour ou de deux quand bon leur semblera. Et les jours où il doit jeûner tant qu’il est sans habit sont : le lundi, le mercredi, le vendredi. Et quand les frères relaxent un autre frère qui est sans habit d’un jour, le premier de quoi ils le relaxent doit être entendu le lundi, et le second le mercredi ; et du troisième les frères ni aucun autre ne peuvent le relaxer, c’est du vendredi. Car à tout frère qui mange à terre par égard des frères il convient de jeûner le vendredi, ou qu’il soit avec son habit, ou qu’il soit sans habit ; mais aussitôt dès qu’il est levé de terre, il est quitte du vendredi et de tous les autres jours tant comme il affaire à cette pénitence pour laquelle il fut mis à terre.

473. Et quand on rend l’habit à un frère qui a été en pénitence sans habit, il ne doit pas être levé aussitôt de terre, il doit manger à terre avec tout son habit au moins une fois ou plus. Et tant qu’il est à terre, puisque l’habit lui a été rendu, il demeure au vendredi ; mais puisqu’il a mangé une fois à terre avec tout son habit, on peut le lever quand il plaira à Dieu et aux frères ; mais on peut le tenir plus longtemps à terre, s’il plaît aux frères et s’il n’a pas fait sa pénitence de la manière qu’il devait.

474. Et nul frère ne doit laisser la maison pour entrer dans un autre ordre sans congé du maître et du couvent, et s’il le faisait autrement, qu’il en eût le congé du maître et du couvent, et qu’il veuille retourner en arrière en la maison, il ne pourrait pas recouvrer la maison avant un an et un jour qu’il n’ait fait la pénitence ainsi qu’il est dit ci-dessus et comme il est de coutume à la maison. Et encore certains disent que puisque le frère a demandé le congé d’entrer dans un autre ordre, et que le maître et le couvent le lui ont donné, et que le frère y est entré par ce congé, ce frère ne doit jamais retourner en notre maison ni le couvent ne doit l’accepter.

475. Et sachez que si Notre Père le pape qui est maître et Père de notre Ordre, sur tous, auprès de Notre-Seigneur, demande la maison pour un frère qui de cette manière ou une autre l’a laissée, il le sauve de la justice de la maison ; car il ne fait ni ne veut pas faire une légère prière pour que se perdît la justice de la maison, ainsi il veut et commande qu’elle soit prise envers ceux qui l’auront desservie selon les usages de la maison.

476. Et tout frère, puisque l’habit lui aura été pris par égard des frères, est quitte et délivré de toutes les autres pénitences qu’il avait à faire à cette heure où l’habit lui a été pris ; et ce fut établi en cette manière, parce que la pénitence lui était dure, âpre la grande maladie, la grande douleur et la grande honte qu’il avait quand il perdit son habit et l’honneur qu’il ne dut jamais avoir en la maison. Mais à ceux qui sont de un an et d’un jour et à qui ne sont pas pardonnées les pénitences qu’ils avaient faites quand ils laissèrent la maison, ils sont tenus de les faire lorsqu’ils auront recouvré leur habit, parce que à celui à qui n’a pas été fait la honte ni la prise de l’habit par-devant les frères, à cause de sa mauvaiseté il a fait honte premièrement à son corps et après à Dieu et aux frères et à la maison du Temple ; car il est départi d’une si belle et si sainte compagnie comme il est de la maison du Temple, car il se délivrera pour la si honorée et la si belle chose qu’est l’habit du Temple ; il ne doit pas avoir de profit en sa folie ni en sa mauvaiseté, en quoi il doit y avoir dommage.

477. Et nul frère qui a perdu son habit par égard des frères ou en une autre manière, par sa folie, comme il est dit ci-dessus, il ne doit jamais dire son avis en chapitre contre un frère, d’une faute qui puisse montrer de perdre la maison ou l’habit, et celui qui tient le chapitre ne doit rien lui demander. Un frère qui a perdu son habit par sa mauvaiseté ne doit jamais, ni ne peut, porter garantie contre un autre frère d’une chose qui touche à l’habit de la maison, ni on doit le croire ; mais, jusqu’à une peine de deux jours ou de trois, il peut porter garantie et dire son avis.

478. Un frère qui a perdu son habit par sa mauvaiseté ne doit jamais, au Temple, porter la boule, ni la bourse, ni doit, ni ne peut être commandeur des chevaliers, ni porter le gonfanon baussant, ni avoir des frères à son commandement ; et le maître ni aucun autre qui tient le chapitre ne doit lui demander son avis d’une chose qui se fasse par égard des frères et à un frère qui ait en chapitre faussé sa conscience s’il n’en est atteint, il ne doit rien lui dire.

479. Ni le maître, ni un autre ne peut par raison mettre un frère en paix, d’une faute qui peut perdre la maison ou l’habit, et il ne doit souffrir qu’il soit mis en paix ; et s’il le fait, il le fait contre Dieu et contre sa promesse, car la justice doit être prise en chacun des frères lorsqu’il fait ce qu’il ne doit et elle doit mieux être prise au plus grand comme au petit ; car si en plus grand lieu on tient la personne, le fait est plus laid s’il fait ce qu’il ne doit faire, et comme la faute est plus grande et plus laide, on en doit mieux prendre la justice.

480. Et si un frère fait une chose pour laquelle il peut perdre la maison et que pour cette chose il est en répit, il ne peut ni ne doit porter garantie contre un autre frère, d’une grande ou d’une petite faute, tant qu’il demeure dans ce répit.

481. Nul frère qui a fait une chose pour laquelle il peut perdre la maison et qu’un frère peut l’atteindre, même qu’il fut mis en paix, ce qui ne peut être, ni ne doit, c’est de ne jamais porter garantie contre un frère d’une grande ou petite faute, ni à ne peut, ni il ne doit donner son avis, et celui qui tient le chapitre ne doit pas le lui demander ; il ne doit ni ne peut reprendre un frère d’aucune chose qu’il ait faite, ou qu’il ait vue. Car il ne doit pas être cru contre un frère d’aucune chose ; car celui qui a fait une chose par laquelle il peut perdre la maison, n’est frère du Temple, et spécialement il peut être atteint par des frères qui le savent, deux ou plus.

482. Et sachez que les frères qui savent qu’un frère a fait une chose par quoi il doit perdre la maison, ils fautent laidement s’ils le cachent, car puisqu’il a fait ce par quoi il doit perdre la maison, il ne doit demeurer à la maison de la même manière qu’un bon frère doit y demeurer, pour cela il ne ferait jamais de profit et il pourrait y avoir de grands dommages pour la maison. Et d’aucune faute par laquelle un frère doit perdre la maison puisqu’il en est atteint, on ne peut regarder à un autre frère une autre pénitence sauf celle de perdre la maison, ainsi qu’il est dessusdit de celui qui vient en chapitre, des choses qu’on lui demande quand on le fait frère et qu’il soit ensuite prouvé qu’il ait menti.

483. Si le maître ou un autre qui tient le chapitre ou ne le tienne pas met les frères en paix d’une faute qui permet de perdre la maison, il faut le faire par-devant les frères et le frère qui est mis en paix n’est pas quitte, car un frère qui sait la vérité de la chose peut et doit le reprendre, toutes les fois qu’ils sont ensemble en un chapitre ; et il peut le faire passer par la justice de la maison si on peut l’atteindre. Et un frère qui ne peut faire un frère ne doit pas souffrir qu’une faute qui touche à la maison ou à l’habit soit regardée devant lui, s’il tient le chapitre.

484. Et que tous les frères du Temple sachent que si l’habit est pris à un frère à un chapitre et qu’en ce même chapitre il lui soit rendu par la prière des frères et pour sa grande repentance, puisqu’il est allé hors de la porte de la maison où se tient ce même chapitre, il demeure sans habit deux jours, car le troisième lui est pardonné quand l’habit lui est rendu, pour la grande honte et la grande angoisse qu’il a reçues devant les frères. Et encore en ce même chapitre, avant qu’il passe devant la porte, si l’habit lui est rendu par la prière des frères, même que l’habit lui eût été pris, il demeure deux jours, et il est pardonné pour le troisième ainsi qu’il est dit ci-dessus. Mais il ne peut pas être en usage que l’habit lui soit rendu de telle manière sans sortir hors de la porte ; car quand on prend l’habit, on le prend par une demande commune des frères, et on doit le rendre par un commun égard et par une commune demande des frères qui sont en ce chapitre.

485. Et les vieux hommes de notre maison disent que quand on doit prendre l’habit à un frère, on ne lui prend pas s’il est de grande repentance et de bon comportement ; mais sachez bien que selon les coutumes de la maison, lorsque les frères ont mis égard que l’habit soit pris à un frère, il doit lui être pris ; et si les frères veulent le laisser, après, pour la grande repentance dont ils voient le frère, il convient qu’il soit aussitôt jeté dehors et que la demande en soit faite à tous ensemble ; et donc si les frères s’accordent à lui laisser, ils peuvent le laisser. Et si le frère qui a perdu son habit mange au palais sans habit un repas et le jour même, il lui est rendu l’habit à un jour quand l’habit lui est rendu, car les deux autres jours lui sont pardonnés à cause de la honte qu’il a reçue premièrement par-devant les frères et ensuite devant les mêmes frères et les gens du siècle. Et s’il avait mangé de la même manière, au palais pendant vingt ou trente jours lorsque l’habit lui est rendu, il lui reste un jour, qui ne lui soit pas pardonné tant que le chapitre se tienne par celui spécialement qui a le pouvoir de le mettre en pénitence. Et nul qui ne peut faire frère, ni prendre son habit, ne peut mettre un frère en pénitence sans habit ; car il est nécessaire que celui qui met un frère en pénitence sans habit, ait le pouvoir de donner le congé, pour lui et pour son chapitre d’aller dans un autre ordre pour sauver son âme, s’il en demande ledit congé.

486. Et quand l’aumônier le veut rappeler devant les frères, il doit le dire en cette manière : »Beaux seigneurs, tel homme, ou tel sergent, ou tel chevalier, et il le nomme, qui fut notre frère est à la grande porte et requiert la maison qu’il a laissée par sa folie, et attend la merci de la maison ». Et celui qui tient le chapitre doit dire : »Beaux seigneurs frères, ne savez-vous rien que cet homme, qui fut notre frère, ait fait une chose, ni porté une autre chose hors de la maison par quoi il ne puisse ni ne doit retourner et recouvrer la maison » ? Et donc, s’il y a un frère qui sait quelque chose il doit le dire, et personne ne doit dire ce qui ne serait être la vérité.

487. Et s’il a fait une chose par laquelle il doit perdre la maison ainsi qu’il est dit ci-dessus, le frère fou sera mis dans un grand espace à la porte pour mieux reconnaître sa folie, et les prud’hommes lorsqu’il leur semblera qu’il soit bien qu’il vienne devant eux au chapitre, il se doit dépouiller tout nu en braies à la grande porte, là où il est, et il doit venir au chapitre avec une corde au cou, devant celui qui tient le chapitre et devant tous les frères et s’agenouiller devant celui qui tient le chapitre et de là il doit prier et supplier avec pleurs et avec larmes à tous les frères ensemble, et leur demander avec grande humilité qu’ils aient pitié de lui. Et donc celui qui tient le chapitre doit lui dire : »Beau frère, vous vous êtes follement comporté lorsque vous avez laissé la maison et votre ordre ». Et celui qui veut recouvrer la maison doit dire qu’il se repent beaucoup, qu’il est beaucoup malheureux et beaucoup courroucé de son fol comportement et qu’il veut s’en amender ainsi qu’il est établi dans la maison.

488. Et si le frère reconnaît son mauvais comportement et qu’il fera sa pénitence bien et bel, celui qui tient le chapitre doit le lui dire de cette manière : »Beau frère, vous savez que vous avez à faire une grande pénitence, et longue, et si vous demandez congé de vous rendre en un autre ordre pour sauver votre âme, je crois que vous en ferez votre profit ». Et s’il demande ledit congé comme il est dit ci-dessus, celui qui a le pouvoir de le mettre en pénitence, a aussi le pouvoir de lui donner le congé, avec le conseil des frères qui seront en chapitre auquel il demandera ledit congé. Et s’il ne demande pas ledit congé, on ne peut ni ne doit lui donner le congé, ni on doit lui nier qu’il ne retourne à la maison et qu’il la recouvre pour cela ; mais avant qu’il vienne au chapitre pour crier merci, on peut et on doit le mettre en long répit et le faire attendre longtemps à la porte afin qu’il puisse bien connaître sa folie et son malheur.

489. Mais pourtant, si le frère qui veut recouvrer la maison est connu par son bon comportement, les frères doivent aussitôt le faire sortir du chapitre et doivent le faire vêtir de la robe qui lui va, et doit avoir vêtu une chape sans croix, et de celle-ci il doit s’en tenir vêtu quelques jours. Et celui qui tient le chapitre doit dire et commander à l’aumônier qu’il prenne soin de lui, qu’il le fasse dormir, qu’il l’héberge dans sa maison, et qu’il lui enseigne les choses qu’il doit faire. Et puisqu’il est en pénitence, l’aumônier doit lui apprendre ce qu’il doit faire, et l’aumônier doit mettre par écrit le jour où il a commencé sa pénitence, pour que l’on s’en souvienne. Et quand il aura accompli son terme, c’est-à-dire un an et un jour, on doit aussitôt lui rendre l’habit, et on doit le lui rendre au chapitre et faire de lui comme il est dit ci-dessus. Et tout frère qui est en pénitence sans habit est quitte de l’année du service qui lui incombe, mais il ne doit toucher aucune armure.

490. Et sachez que quand un frère qui a laissé la maison vient pour recouvrer la maison, s’il laisse la maison en deçà des mers, on doit le transmettre là où il laissa la maison, et là, il doit être mis en pénitence et doit faire ainsi comme il est dit ci-dessus pour recouvrer la maison, s’il n’a pas fait une chose par laquelle il doit perdre la maison. Mais s’il laisse la maison en delà des mers et vient en deçà des mers pour crier merci et pour recouvrer la maison, on peut bien le mettre en deçà des mers en sa pénitence, s’il plait aux frères et si l’on est certain qu’il n’ait fait une chose, ni porté cette chose hors de la maison par quoi il doit la perdre.

491. Et sachez aussi que lorsqu’un frère s’en va par intention de laisser la maison, l’aumônier doit appeler un frère ou deux prud’hommes et doit aller en la place du frère qui s’en est allé et doit mettre en mémoire et en écrit tout ce qu’il trouvera de l’équipement du frère, ni plus ni moins ; parce que, quand le frère retournera par la volonté de Notre-Seigneur pour recouvrer la maison, que l’on se souvienne de ce qu’il a emporté, qu’il ne dut emporter, et spécialement que l’on sache si l’on trouve son équipement ou non quand il s’en est allé ; et de cela il en doit être fait ainsi qu’il est dit comme dessus de donner le congé, ou de le mettre en pénitence, ou de lui rendre l’habit.

492. Et quand on rend l’habit à un frère, celui qui le rend doit lui dire de cette manière : »Beau frère, si entre-temps que vous avez été en pénitence vous n’avez de rien dépassé les commandements de la maison, criez merci au premier chapitre où vous serez ». Et ce frère qui recouvre l’habit doit le faire ainsi que celui-ci le lui a commandé. Car sachez que tout frère qui est en pénitence se doit garder de laisser le commandement de la maison : faire ce qu’il doit faire mieux que s’il avait son habit ; et s’il a fauté de quelque chose, il doit s’amender quand il aura recouvré son habit au premier chapitre où il sera. Et à personne on ne doit égarder de son habit, ni parler sur son habit, s’il n’en a pas fait la faute par laquelle il peut le perdre ; car ce serait laide chose que l’on égardât à un frère telle pénitence qu’il ne la mérita pas ou telle justice que l’on ne doit, ni ne peut lui prendre selon l’établissement de la maison.

De laisser l’habit pour Dieu
493. La troisième faute que l’on puisse regarder à un frère, c’est quand on laisse l’habit pour Dieu et ce frère est à trois jours de pénitence par semaine jusqu’à ce que Dieu et les frères lui fassent crier merci et le relaxent de quelques jours ; et ce frère doit aussitôt être mis en pénitence sans répit, et il doit mener l’âne ou faire les plus vils services de la maison, c’est-à-dire de laver les écuelles de la cuisine, ou peler les aulx et les oignons, ou faire le feu, et celui qui mène l’âne doit y être pour aider à charger et à décharger, et il doit porter son manteau lacé bien étroit et doit aller aux plus humbles travaux qu’il pourra.

494. Et un frère ne doit pas avoir honte de sa pénitence de manière qu’on la lui laisse faire ; mais chacun doit avoir bien honte de faire le péché, et la pénitence doit être faite volontairement. Et ce frère à qui on laisse l’habit pour Dieu doit faire cette pénitence avant toute autre qu’il doit faire. Et s’il est malade, l’aumônier peut lui donner le repos de l’infirmerie ; et s’il était si malade qu’il convient de le faire entrer à l’infirmerie, il doit montrer son mal à l’infirmier ; et il doit le montrer au maître, ou à celui qui tient cet office, c’est le maréchal ou le commandeur des chevaliers. Et celui-ci doit assembler les frères et leur montrer la maladie du frère et demander conseil, et lorsque les frères auront entendu la maladie du frère, s’ils s’accordent à le lever, il doit leur demander s’ils s’accordent qu’il soit mis à l’infirmerie, et ils doivent s’accorder si le frère malade en a grand besoin.

495. Et donc le frère peut entrer à l’infirmerie, et là il doit se tenir comme un autre frère malade et s’aider et manger de tout ce qu’il croira que bon lui soit, comme un autre frère. Mais aussitôt qu’il sera guéri, il doit retourner à sa pénitence sans parler aux frères, et ne doit manger au palais sauf à terre, tant que Dieu et les frères lui font merci et l’aient levé de terre ; mais il peut rester à l’infirmerie et y demeurer tant qu’il ne pourra souffrir le repas du couvent.

496. Et sachez que tout ce qui est du frère en pénitence doit être levé par égard des frères, ainsi il doit entrer à l’infirmerie par égard des frères si la maladie survient, demeurant toutefois en pénitence suivant les usages de la maison, si les frères s’accordent autrement s’il est levé pour Dieu et pour sa maladie ; et il en doit être ainsi des pénitences que les frères doivent faire, ou de trois jours entiers, ou de deux jours et du troisième, ou de deux ou d’un jour. Et pour la pénitence, comme de laisser l’habit pour Dieu à un frère, on regarde le frère qui a fait quelque chose pour laquelle il pourrait et devrait perdre son habit et on pourrait le lui prendre s’il plaisait aux frères à raison. Et de cette faute qui perd l’habit on ne doit juger aux frères aucune petite pénitence, car on fait assez de bonté à ce frère puisqu’il a fait une chose par laquelle on doit et on peut lui prendre et ôter l’habit ; si on le lui laisse par Dieu, de cela il est en la merci des frères. A nul frère on ne peut tenir égard trois jours entiers s’il n’a fait une chose par quoi on puisse lui prendre l’habit.

De deux à trois jours de pénitence
497. La quatrième pénitence que l’on puisse tenir égard aux frères c’est à deux jours et au troisième la première semaine, si le troisième est nommé. Mais si le troisième jour n’est pas nommé il est à deux jours sans plus et cette pénitence peut être tenue en égard à un frère pour la plus petite chose qui dépasse le commandement de la maison. Et si le troisième jour est nommé simplement sans déterminer quel est le troisième, ce troisième doit être le lundi. Mais si les frères disent de cette manière : nous accordons à deux jours et, au troisième la première semaine au jour où il fit la faute, il doit jeûner pour le troisième n’importe quel jour sauf le dimanche. Et s’il a fait la faute le dimanche, il doit jeûner le lundi au lieu du dimanche, et s’il a fait la faute le mercredi ou le vendredi il doit jeûner le lundi pour le troisième jour ; et à quelque jour autre qu’il fasse la faute, il doit jeûner au jour où il aura fait la faute.

De deux jours de pénitence
498. La cinquième pénitence que l’on puisse tenir en égard à un frère est sans plus de deux jours ; et un frère qui est à deux jours ou au troisième la première semaine, ou à trois jours complets, doit mener l’âne et faire l’un des vils services de la maison. Et il doit faire la pénitence comme il est dit ci-dessus, et doit aller le dimanche à la discipline au commencement du chapitre avant que l’on fasse la prière. Et quand on regarde à un frère que l’on prenne au frère ce qu’on peut lui prendre sauf son habit, il doit être entendu qu’il soit à deux jours sans plus ; et cela pourrait être la plus grande pénitence que l’on donnât à un frère hors l’habit. Mais après, pour la diversité de certains mauvais frères qu’un fût mis le troisième jour la première semaine parce qu’il ne se voulait amender, ni se garder de faire ce qu’il devait faire.

499. Et le frère qui a deux jours de pénitence, ou trois jours entiers, ou même un jour, s’il est chevalier ou sergent du couvent, peut demander, quand on le punit, qu’on veille sur son équipement et, s’il est frère de métier, qu’on prenne en charge son travail et son office.

D’un jour de pénitence
500. La sixième pénitence est à un jour sans plus et le frère qui est à un jour n’en est pas tenu à l’âne, ni au travail comme il est dit ci-dessus de ceux qui sont à deux jours ou à deux jours et au troisième, ou à trois jours complets.

501. Et un frère qui est en pénitence à terre ne doit toucher les armures si ce n’est parce qu’elles se gâtent en un lieu et qu’il ne peut les réparer autrement. Et sachez que chaque frère quand il est en pénitence, doit se tenir bellement en sa place tous les jours et s’il sait travailler la charpenterie ou autre chose, il doit le faire. Et ainsi doivent se tenir tous les frères qui sont en pénitence. Et un frère, tant qu’il est en pénitence, ne doit aller à aucun appel, ni à aucun commandement qui se fasse par rassemblement des frères, mais en privé on peut leur demander conseil si besoin est. Et si un frère, ou deux, ou plus sont en pénitence et que le cri est poussé et que l’on ait besoin des frères, le chapitre peut leur prêter des chevaux et des armes sans les lever de terre et sans avoir un grand merci, mais aussitôt qu’ils seront retournés du cri ils doivent retourner à leur place comme ils étaient avant, et se tenir de la même manière qu’avant. Ni le maître, ni autres ne peut leur prêter des chevaux et des armes, ni leur donner le congé sans accord des frères, ni par eux-mêmes, ni par autres, ainsi ils n’ont pas le pouvoir de prendre leurs chevaux, ni leurs armures comme les autres frères sans le congé tant qu’ils sont en pénitence. Et sachez qu’un frère qui est à un jour ne va pas le dimanche à la discipline, comme le font ceux qui sont à deux jours ou plus.

502. Quand le maître ou celui qui en a le pouvoir veut mettre un frère en pénitence, il doit lui dire : »Beau frère, allez vous dépouiller, si vous êtes aisé », et s’il est aisé, il doit se dépouiller et après il doit venir devant celui qui tient le chapitre et doit s’agenouiller. Et alors celui qui tient le chapitre, ou qui doit prendre la discipline, doit dire : »Beau seigneur frère, voyez si votre frère vient à la discipline, priez Notre Seigneur qu’il lui pardonne ses fautes ». Et chaque frère doit ainsi faire et dire une patenôtre, et le frère chapelain, s’il est présent, doit aussi prier Notre Seigneur pour lui de la manière qu’il lui semblera bien. Et quand la prière est faite, celui qui tient le chapitre doit prendre la discipline du frère avec des courroies s’il le veut, comme il lui semblera, et s’il n’a pas de courroies, il peut prendre sa ceinture.

503. Et sachez que quand les frères font la prière en chapitre ou autre part, ils doivent être debout si ce n’est un jour où l’on fait les inclinations au moutier, mais tous les jours où l’on fait les inclinations au moutier, si le chapitre se tient, tous les frères doivent s’agenouiller à toutes les prières que l’on fait ensemble au chapitre, et à celle du début ; et au jour où l’on fait neuf leçons ils doivent s’agenouiller à la prière que l’on fait, sauf celui qui tient le chapitre, lequel doit être debout tant que la prière n’est pas faite, mais après il doit s’agenouiller quand le frère chapelain donne l’absolution ou quand il dira sa patenôtre. Et pour cela il fut établi que les frères sont à genoux pour cette prière, car le maître ou celui qui tient le chapitre les laisse seuls du pouvoir qu’il a, avant de commencer sa prière.

504. Après la prière de celui qui a tenu le chapitre, chaque frère doit dire sa confession, et le frère chapelain, après que les frères ont dit leur confession, doit faire l’absolution comme bien lui semblera. Et si le frère chapelain n’y est, quand celui qui tient le chapitre a fait sa prière, chaque frère qui est à genoux, ainsi qu’il est dit ci-dessus, doit dire une patenôtre et puis il peut s’en aller s’il veut, s’il n’y a d’autre commandement.

505. Mais si le frère qui doit être mis en pénitence dit qu’il n’est pas en aise, le maître ou le commandeur ne doit pas le forcer à entrer en pénitence si ce n’est un frère à qui on eût laissé l’habit pour Dieu, car ce frère doit entrer aussitôt en pénitence, qu’il soit sain ou malade, à moins que la maladie ne fût si grave qu’apparemment il y eût grand péril ; et s’il en est de cette manière, il doit être mis à l’infirmerie par égard des frères et aussitôt qu’il sera guéri, il doit entrer en pénitence sans répit. Et si le frère qui doit entrer en pénitence dit qu’il a une maladie par quoi il ne peut entendre la discipline en chapitre, celui qui tient la place, peut l’envoyer au frère chapelain, qui doit en prendre la discipline ; et il doit être fait de la même manière de tous les frères qui ont une maladie cachée, quand on veut les mettre en pénitence, ou si le vendredi leur est tenu en égard. Et tout frère qui doit entrer en pénitence doit prendre la discipline avant de commencer sa pénitence.

506. Et sachez que chaque frère doit faire les pénitences l’une après l’autre en ordre, ainsi qu’ils en sont chargés, celle qui lui fut donnée la première et les autres ensuite de la même manière, si ce n’est un frère à qui on laissa l’habit pour Dieu, car ce frère à qui on laisse l’habit doit faire cette pénitence la première, même qu’il en ait d’autres, et il doit être aussitôt mis en pénitence sans répit, comme il est dit dessus ; ou si ce ne fût que les frères tiennent égard à un frère expressément qu’il fit premièrement la pénitence que l’on ait tenu en égard la dernière. Car maintes fois si on tient égard à un frère, pour son mauvais comportement, ou parce qu’une faute est trop laide, ou parce qu’il a coutume de fauter, qu’il soit mis aussitôt dans la pénitence qui lui a été chargée la dernière, comme la toute première. Et il doit être fait ainsi que les frères l’ont ordonné.

507. Et il doit aussitôt être mis en pénitence s’il en est aise, mais s’il n’en est pas aise, on doit le souffrir tant qu’il n’est pas guéri. Mais celui qui tient le chapitre ne peut le relaxer d’entrer aussitôt en pénitence, ni pour sa maladie, ni pour autre chose, sans en parler aux frères, ni leur demander ; mais les frères doivent le respecter tant qu’il n’est pas guéri. Mais aussitôt qu’il sera guéri, il doit le faire savoir à celui qui a le pouvoir de le mettre en pénitence ; et celui-ci doit assembler les frères après Prime, dans un lieu privé, si ce n’est un jour où l’on doit tenir le chapitre, et lorsque les frères sont assemblés ce frère doit se dépouiller comme s’il était en chapitre, et ensuite il doit venir devant celui qui a le pouvoir de le mettre en pénitence, et il doit s’agenouiller. Et aussitôt celui qui tient cet office doit dire aux frères : »Beaux seigneurs, voyez ici votre frère qui vient à la discipline, priez Notre-Seigneur qu’il lui pardonne ». Et comme ci-devant, ils doivent faire la prière et la discipline comme s’ils étaient en chapitre.

508. Et tout frère qui doit rendre la discipline au maître ou à un autre qui tient le chapitre, doit être revêtu de son manteau sauf que les attaches doivent être hors de son col quand il prend la discipline. Et tous les frères que l’on met en pénitence au jour du chapitre, on doit les mettre à la définition du chapitre, si ce n’est un frère que l’on y eût mis aussitôt que sa faute lui a été mise en égard ainsi qu’il est dit ci-dessus.

509. Et quand le maître ou un autre qui en a le pouvoir veut prendre la discipline d’un frère, il doit dire au frère, avant qu’il la prenne, lorsque la prière est faite pour lui : »Beau frère, vous repentez-vous de ce que vous avez failli en cette manière » ? et celui-ci doit répondre : »Sire oui, beaucoup ». Et le maître ou celui qui en tient lieu, doit lui dire : » Garderez-vous en vous ce qui est ci-devant » ? et le frère doit dire : »Sire, oui, s’il plaît à Dieu ». Et aussitôt il peut prendre la discipline telle comme il plaît et comme il est de coutume à la maison. Et quand il l’a prise de cette manière, il doit dire : »Allez vous vêtir » ; et quand il est vêtu, il doit retourner devant lui et il doit lui dire : »Allez-vous-en dehors ». Et le commandeur peut lui dire, s’il le veut, qu’il prenne garde de son équipement, s’il est frère du couvent, et qu’il peut le laisser s’il le veut ; et s’il est frère de métier, le commandeur peut lui commander s’il le veut qu’il prenne garde de son travail.

510. Et le frère qui est en pénitence ne doit pas se démettre de son équipement ni de son travail si on ne lui commande, mais il doit dire à un frère : »Beau frère, prenez garde de notre équipement » ; et le frère à qui celui-ci aura recommandé son équipement doit le garder comme le sien ; et il doit le faire aussitôt. Et il est plus belle chose que le frère qui est en pénitence commande son équipement pour le faire garder à un frère, plutôt qu’il le garde lui-même, parce que si le maréchal ou le commandeur des chevaliers a besoin de l’équipement pour les besoins de la maison, et fasse un rang pour prendre l’équipement des frères malades, que celui à qui est commandé de garder l’équipement du frère qui est en pénitence se mette en rang pour l’équipement dont il a la garde ; et ainsi doit se mettre en rang un frère à qui on le demande, pour l’équipement dont il a la garde d’un autre frère, comme il ferait pour le sien s’il était en commandement. Et sachez que lorsqu’on commande que les frères qui ont l’équipement du frère malade se mettent en rang, les frères qui sont en pénitence doivent se mettre en rang et on peut ainsi prendre de ces frères comme de ceux qui sont à l’infirmerie.

511. Et sachez que celui qui tient le chapitre doit prendre la discipline de tous les frères qui sont en pénitence, par-devant lui, si ce n’est à cause de leur maladie ; et si le malade y est, celui qui tient le chapitre doit le transmettre au frère chapelain comme il est dit ci-dessus. Ou si un frère est mis en pénitence dans les octaves de Noël et de Pâques ou de Pentecôte, le frère chapelain devrait prendre la discipline en privé. Et si un frère chapelain est mis en pénitence, un autre frère chapelain devra en prendre la discipline. Et le frère chapelain doit prendre toutes les disciplines qu’il prend des frères, en privé, sauf celles qu’il prend le dimanche après l’évangile du frère qui est en pénitence sans habit.

512. Et chaque frère qui est en pénitence à terre avec tout son habit, doit manger sur le pan de son manteau ; et si un chien ou un chat mange avec le frère tant qu’il est à terre il doit le chasser. Et pour cela il fut établi que quand les frères mangent à terre, on met devant eux un banc ou autre chose et un frère sergent doit les garder, afin que la domesticité, ni une bête, ni autre, ne puissent leur faire de tourments. Et tant qu’un frère sera en pénitence et mange ainsi, il doit se tenir bellement et humblement du mieux qu’il pourra, et il ne doit ni rire, ni plaisanter.

513. Quand un frère est en pénitence, on doit regarder le comportement du frère, et s’il est de bon comportement en la pénitence et sans violence, les frères en doivent avoir plus facilement la merci, que d’un autre qui est d’une autre manière. Mais vous devez savoir que le maître, ni un autre qui ait le pouvoir de mettre un frère en pénitence, ne doit prendre la discipline des frères dans les octaves de Pentecôte ; mais s’il advenait que l’on tînt chapitre dans les octaves desdites fêtes et que le vendredi fût ordonné à un frère en ce chapitre, le maître ou celui qui tient sa place, doit dire à ce frère, lorsqu’il lui aura raconté l’ordre des frères, qu’il prenne la discipline du frère chapelain quand les octaves seront passées.

514. Et si les frères ordonnent à un frère qu’il soit à un jour ou à deux et au troisième, ou qu’il soit aussitôt mis en pénitence, il doit être respecté jusqu’au lundi après les octaves, et aussi celui qui lui ordonne d’avoir le même entendement. Et aussitôt celui qui a le pouvoir doit assembler les frères après Prime, et il doit mettre ce frère en pénitence, ainsi qu’il est dit ci-dessus du frère que l’on met en pénitence à un jour où l’on ne tient pas le chapitre. Et tout cela fut établi de cette manière pour l’honneur et pour la révérence du corps de Notre-Seigneur que les frères ont reçu.

515. Mais pourtant, si le frère à qui la pénitence serait ordonnée était de trop mauvais comportement, ou si sa faute était trop laide, ou si on lui a laissé l’habit pour Dieu, on pourrait bien et on devrait le mettre en pénitence dedans lesdites octaves, si les frères s’y accordaient ; mais le frère chapelain devrait lui prendre la discipline en privé, car aux jours de fêtes et aux autres jours, on doit contraindre le mauvais frère qu’il fasse sa pénitence et le corriger de sa mauvaiseté et de son mal-faire.

516. Et sachez que quand un frère crie merci en chapitre de sa faute, celui qui tient le chapitre ne doit, ni ne peut le faire retourner s’asseoir ni le retenir dedans, et aussitôt il doit le mettre dehors, ainsi qu’il est dit ci-dessus, car la règle commande que le frère qui a fauté soit soumis au jugement du maître ou de celui qui en tient la place et des frères, ceci plusieurs fois, parce que la faute est légère ou pour éviter la querelle ; et on le fait retourner s’asseoir, quoique ce soit déraisonnable.

517. Mais sachez que le maître ou un autre qui tient le chapitre s’il veut le faire retourner s’asseoir, les frères peuvent le mettre dehors, et celui qui tient le chapitre doit leur obéir, qu’il soit maître ou autre. Mais quand le maître met un frère en pénitence devant lui, nul ne peut le lever de terre sauf le maître, s’il ne le faisait par congé du maître, ni ne peut le laisser faire du service tant que le maître est présent en cet état où le frère fait sa pénitence sans congé. Mais si le maître s’en va hors de cet état, il peut pardonner le frère de son travail et des jeûnes, sauf le vendredi, lequel jour il doit jeûner tant qu’il demeure en terre ; mais de terre on ne peut le lever sans le congé du maître.

518. Et si les frères sont en herbage et ne mangent en couvent, les frères qui seront en pénitence doivent manger en la tente du maître s’il y est, et si le maître n’a pas tendu sa tente et que le maréchal ait tendu la sienne, les frères de la pénitence doivent manger dans celle-là ou dans la tente du commandeur de la terre si les autres tentes qui sont nommées n’y étaient.

519. Et chaque frère qui est en pénitence, doit venir manger quand le couvent mange et souper quand le couvent soupe, si ce n’est un jour où il jeûne et où le couvent mange deux lois, car à tel jour il ne doit manger pas tant que les nones ne soient chantées. Et quand le frère qui est en pénitence vient au palais pour manger, il doit venir à la place où il doit manger quand on commencera la bénédiction. Et si un frère qui est en pénitence veut boire de nones à complies il doit venir boire comme les autres frères qui ne sont pas en pénitence, mais quand il mangé au palais il doit boire le vin des domestiques. Et tant que les frères sont en pénitence, ils doivent boire deux ensemble dans un hanap à moins qu’il n’y eût un frère qui soit turcopole ; et s’il advient qu’un frère ne puisse souffrir le vin aussi bien que l’autre, il est dit que l’on pourrait bien leur donner un hanap chacun.

520. Et quand un frère fait bien et bellement sa pénitence et qu’il soit resté comme il semblera raisonnable à celui à qui il revient de le lever pour son bon comportement ou par prière d’un prud’homme ou par une bonne raison, celui qui en a le pouvoir doit assembler les frères lorsqu’il lui semblera bon et il doit dire aux frères : »Beaux seigneurs, tel frère a été en pieuse pénitence, et il me semblerait bien qu’il soit levé si cela vous plait ». Et s’il en a été prié par un prud’homme, il doit le dire devant les frères, et il doit nommer le prud’homme qui lui a fait cette demande. « Toutefois la justice de la maison est en Dieu et en vous, et tant que vous la maintiendrez Dieu vous maintiendra ; je vous demanderai et vous en direz ce que mieux vous semblera ». Ensuite il doit leur demander à tous, et premièrement à ceux qui valent plus et qui en savent plus. Et si la plus grande partie s’accorde au lever, tous les frères doivent s’agenouiller avant qu’on le fasse venir et ils doivent faire ensemble une courte prière pour lui, que Dieu lui donne sa grâce qu’il puisse se garder du péché.

521. Et après ils doivent se lever, et celui qui tient ce lieu, doit le faire venir devant les frères, et il doit lui dire devant tous : »Beau frère, les frères vous font une grande bonté car ils pourraient vous tenir plus longtemps dans la pénitence s’ils le voulaient, selon les usages de la maison, et ils vous lèvent maintenant de terre, et pour Dieu gardez-vous aussi bien de ce que vous ne devez faire comme s’ils vous y eussent tenu longuement ». Et aussitôt ce frère qui est levé de sa pénitence doit remercier tous les frères, et dès lors, il doit faire de lui-mème et de son équipement et des autres choses comme il le faisait avant qu’il fût mis en pénitence, et mieux s’il peut. Et maintes fois il advient que lorsque les frères sont levés de pénitence par la prière d’un prud’homme du siècle, chevalier, ou évêque ou un grand personnage, on commande aux frères qui ont été levés, qu’ils aillent les remercirer. Et il peut bien le faire s’il le veut et il peut laisser s’il le veut, et le plus honnête il me semblerait le laisser que le faire.

522. Mais sachez bien que le maître, ni un autre, n’a pouvoir de lever un frère de sa pénitence sans en parler aux frères et sans leur ordre ; et si les frères s’accordent à lever sa pénitence, qu’il soit levé par Dieu, et s’ils s’accordent tous ou la plus grande partie qu’il soit levé, le frère doit demeurer en sa pénitence tant qu’il plaira à Dieu et aux frères ; et autrement il ne doit être levé.

Du vendredi et de la discipline
523. La septième est au vendredi et à la discipline ; et au frère dont les frères ont ordonné le vendredi, il doit rendre la discipline en cette même place, tant que celui qui tient le chapitre lui aura notifié l’ordre des frères, avant qu’il retourne s’asseoir, si ce n’est à cause de sa maladie ou que l’on soit dans les octaves de Noël ou de Pâques ou de Pentecôte, car pour cette raison celui qui tient le chapitre doit le transmettre au frère chapelain, et le frère chapelain doit en prendre la discipline. Et ce frère à qui le vendredi est ordonné par le chapitre, doit jeûner au pain et à l’eau le premier vendredi qu’il lui sera aisé, et doit manger au couvent et du même pain que mangera le couvent, si ce n’est un vendredi dans les octaves des fêtes nommées car il ne jeûnera pas, mais le premier qui viendrait il doit jeûner s’il en est aise. S’il était dans un lieu où l’on ne mangeât, il pourrait manger le pain et l’eau a l’heure établie où les frères qui jeûnent doivent manger.

524. Et si le frère qui est envoyé au frère chapelain fût en un lieu où il ne peut trouver un frère chapelain, le commandeur qui serait au-dessus des autres et qui en aurait le pouvoir, assemblerait les frères après prime, et devant les frères il prendrait la discipline lorsque le frère serait amendé. Mais le commandeur et les frères qui sont présents doivent faire de la discipline et de la patenôtre et des autres choses ainsi qu’il est dessus dit que l’on doit faire aux frères que l’on met en pénitence, sauf si ce frère ne jeûne hors le vendredi qui lui a été chargé par le chapitre, ainsi qu’il est dit ci-dessus. Et sachez que toutes les disciplines que le maître, ou un autre frère, qui ne soit frère chapelain, prend, il doit les prendre devant tous les frères, hors celle du frère qui a une maladie, laquelle, s’il n’y a de frère chapelain, le maître ou un autre commandeur pourrait la prendre ; mais ils doivent la prendre en privé.

525. Et il est dit qu’un prêtre du siècle, qui sert la maison à la charité, peut prendre la discipline d’un frère, s’il n’y a un frère chapelain ; mais malgré que ce soit en cette manière, il nous semble plus belle chose que le maître ou un autre commandeur la prenne en privé, ainsi que le fait le frère chapelain, mais qu’il soit chevalier, sauf les disciplines que les frères chapelains donnent en pénitence aux frères, car celles-ci le frère chapelain doit les prendre s’il y est, et s’il n’y était pas, un autre prêtre prud’homme qui sert la maison pourrait la prendre en privé après matines ou quand il semblerait bon au frère de prendre la discipline.

A la décision du frère chapelain
526. La huitième est aux frères chapelains ; et puisque les frères ont ordonné à un frère qu’il soit au frère chapelain, il est au jugement du frère chapelain et il doit faire à son pouvoir ce que le frère chapelain lui commandera, car autrement il ne ferait l’égard des frères ni du couvent.

La réserve de la sentence
527. La neuvième est quand on met un frère en répit jusque devant le maître ou devant les autres prud’hommes de la maison. Et que tous les frères sachent que quand une faute vient en chapitre, et que la faute touche à l’habit, ou si elle est nouvelle, ou si elle est laide, ou si elle est telle que les frères ne sont pas certains de ce qu’ils doivent faire, ils doivent le mettre en répit, tant qu’ils ne le conduisent devant le maître ou devant tel prud’homme frère de la maison qui en a le pouvoir et le savoir en telle manière que ce soit selon Dieu et les usages de la maison.

528. Et sachez qu’un frère qui a un mauvais comportement on peut et on doit le mettre en répit tant que devant le maître et devant les autres prud’hommes de la maison, même pour une petite faute, pour qu’il en ait plus de honte et pour qu’il soit mieux châtié, et pour que la faute lui soit montrée de plus près. Car sachez que le maître est tenu, plus que tout autre, de prendre la faute plus près qu’un autre frère, au fol frère et à l’étourdi, qu’il lui fasse grand d’une petite faute, ainsi qu’il est dit ci-dessus jusqu’à deux jours et au troisième ; mais il doit rien prendre en plus, si la faute ne touche à l’habit ainsi qu’il est dit ci-dessus de ne lui faire aucune dureté s’il l’eût desservi, laquelle le maître peut lui faire par cela même.

529. Et si le frère est mis en répit d’une faute par ordre des frères tant que devant le maître, le frère doit crier merci de cette faute de laquelle il aura été mis en répit jusqu’au premier chapitre où viendra le maître, si le frère y est présent. Et sachez que le maître, quand il aura entendu la faute du frère, qu’elle soit grande ou petite, il doit le mettre dehors, car il ne peut, ni ne doit le faire retourner s’asseoir sans égard des frères, puisque par ordre des frères il est mis en répit ; car le premier égard des frères ne serait plus tenu, si la faute n’était plus regardée au frère pour lequel les frères avaient ordonné qu’il y fût ordonné ou jugé.

530. Et si un frère est mis en répit d’une faute dans la terre de Tripoli ou d’Antioche, tant que ce soit devant le commandeur de cette même terre, cette faute ne doit pas être mis en égard devant aucun bailli du Temple, sinon devant lui, ou devant le maître, devant lequel les frères ont ordonné que la faute soit jugée ; et de cette même manière il doit être fait de toutes les fautes qui sont mises en répit devant tous les autres baillis qui tiennent en leur province lieu de maître, parce qu’ils sont en lieu du maître.

L’aquittement
531. La dixième est quand l’on met un frère en paix ; et cet égard on peut le faire sur un frère quand il est d’avis à ceux qui ordonnent la faute, ou ce de quoi le frère a crié merci, qu’il n’a failli en rien, ni de peur, ni de moins. A ce frère qui tient l’autre pour fautif, on ne doit pas accorder qu’il soit mis en paix, car de ce même couvent qu’il l’envoie au frère chapelain, car aucun péché ne doit être sans pénitence, grande ou petite ; mais celui qui le tient de ne pas avoir failli se doit et peut accorder qu’il soit mis en paix, car ce ne serait pas belle chose qu’on le charge d’une pénitence sans péché, et sur cette chose qu’il soit mis en égard parce qu’il n’y avait aucune faute.

532. Après que les frères se sont amendés de leurs fautes ainsi qu’il est dit ci-dessus, et que leurs pénitences leur ont été ordonnées, bien et bel, selon les usages de la maison et que le chapitre est près de finir, le maître ou celui qui tient le chapitre, avant qu’il parte, doit montrer aux frères et leur apprendre comment ils doivent vivre ; et il doit leur apprendre et leur ordonner en partie les établissements, et les usages de la maison et il doit les prier et les commander qu’ils se gardent de mauvais semblants et de plus mauvais faits, et qu’ils s’efforcent et étudient de se porter de bonne manière en leur chevauchée, en leur langage, en leur ordre, en leur manger et en toutes leurs oeuvres afin que l’on puisse noter aucune superfluité d’aucune raison, et qu’ils prennent spécialement garde à leur habit et à leur robe, et qu’il n’y ait pas de désordre.

533. Après qu’il aura montré aux frères ce qui lui semblera que bon lui soit, s’il veut mettre des frères en pénitence avant qu’il parte de son chapitre, il peut bien mettre ceux qui auront des pénitences à faire, et il peut les laisser, s’il veut et s’il a besoin des frères ; mais sachez bien qu’il est plus belle chose de faire pénitence.

534. Et s’il veut mettre des frères en pénitence, il doit le dire en cette manière : »Tous ceux qui ont à faire quatre pénitences ou deux, ou de plus comme il semblera, qu’ils viennent avant s’ils sont aisés de faire pénitence ». Et tous ceux qui en ont à faire beaucoup comme il dit, doivent venir devant celui qui tient le chapitre ; et celui qui tient le chapitre doit dire aussitôt aux frères que de telle manière ils seront venus devant lui pour faire pénitence, tous ensemble. S’il lui semble bon que tous soient mis aussitôt en pénitence, ou à une partie, s’il y en a trop, ou s’il lui semblait bon d’en retenir une partie pour le profit de la maison, qu’ils aillent se dépouiller ; et ils doivent le faire. Et quand ils seront dépouillés de la façon qu’il est usé dans la maison, ils doivent retourner devant celui qui tient le chapitre et doivent s’agenouiller humblement et avec grande dévotion ; et après, aussitôt, le commandeur et les frères doivent faire la prière et la discipline ainsi qu’il est dit des frères que l’on met en pénitence.

535. Et si celui qui tient le chapitre voulait retenir des frères qui sont venus pour faire pénitence, il peut bien le faire ; et si le commandeur de la maison avec un autre qui a des frères à son commandement dit à celui qui tient le chapitre : »Beau sire, pour Dieu, souffrez-vous de mettre tel frère en pénitence autant qu’une autre fois, car j’ai un travail pour lui, pour le profit de la maison ». Et il peut en souffrir s’il le veut, et il peut le mettre en pénitence s’il le veut aussi. Mais sachez que chacun doit entendre le profit de la maison autant qu’il le peut sans dommage pour son âme, mais pour le dommage de son âme nul ne doit le faire à son escient pour aucune chose que ce soit.

536. Et sachez que toujours on doit mettre en pénitence premièrement ceux qui ont plus de pénitence à faire s’ils en sont aise ; et à nul autre dès que le chapitre est commencé on ne doit mettre des frères en pénitence, hors ceux que l’on y met par égard des frères alors que l’égard des frères leur a été donné, car il convient de les mettre aussitôt, parce que les frères les ont mis en égard, ainsi qu’il est dit ci-dessus.

537. Et sachez que lorsqu’un frère va outre-mer par le commandement de la maison, il est d’usage dans notre maison qu’avant qu’il se recueille, il doit demander au maréchal ou à celui qui est en sa place qu’il rassemble les frères, et celui-ci doit le faire ; et quand les frères sont assemblés, celui qui doit aller outre-mer doit venir devant eux et doit les prier humblement et leur requérir pour Dieu et pour Notre-Dame, que s’il a fait une chose qu’il ne dût contre eux, qu’ils le pardonnent et que par Dieu et par miséricorde, ils le fassent, et qu’ils le relaxent des pénitences qu’il a à faire, pour l’angoisse et pour le travail qui lui conviendra de souffrir et sur mer et dans les autres parties par le commandement de la maison. Et nos vieux hommes disent que les frères peuvent et doivent pardonner à ce frère toutes les pénitences qu’il aurait à faire ; et ils disent que si les frères lui pardonnent, il est quitte de toutes ces pénitences et que s’ils ne lui pardonnent pas, il n’est pas quitte.

538. Après, quand celui qui tient le chapitre a mis les frères en pénitence, ainsi qu’il est dit ci-dessus, s’il n’y a autres choses ni à dire, ni à faire, il peut bien terminer le chapitre de cette manière et doit dire : »Beaux seigneurs, nous pouvons bien fermer notre chapitre ; car, merci à Dieu, il n’y a rien sinon le bien ; à Dieu et à Notre-Dame faisons place, qu’il en soit de cette manière, et que le bien croisse toujours par Notre-Seigneur ». Et il doit dire : »Beaux seigneurs frères, vous devez savoir comment il est du pardon de notre chapitre, et de ceux qui prennent parti ou non, car sachez que ceux qui vivent ainsi qu’ils ne doivent et se sauvent de la justice de la maison et qu’ils ne s’en confessent, ni ne s’amendent de la manière qui est établie en la maison, et ceux qui tiennent les aumônes de la maison en nom propre ou de manière qu’ils ne le doivent, et ceux qui les jettent en leur nom hors de la maison à tort et à péché et par déraison, ne prennent partie au pardon de notre chapitre ni aux autres biens qui se font en notre maison.

539. « Mais ceux qui se confessent bien de leurs fautes et ne se lassent de dire ni de confesser leurs fautes par honte de la chair ni par peur de la justice de la maison, et qui sont bien repentants des choses qu’ils ont mal faites, ceux-là prennent bonne partie de la part de notre chapitre et des autres biens qui se font en notre maison ; et à ceux-ci je fais pardon comme je le puis de par Dieu et de par Notre-Dame, et par mon seigneur saint Pierre et de mon seigneur saint Paul apôtre, et de la part de notre père le pape, et par vous-mêmes qui m’en avez donné le pouvoir ; et je prie Dieu que par sa miséricorde et par l’amour de sa douce mère et par les mérites de lui et de tous les saints vous devez pardonner vos fautes ainsi qu’il pardonna à la glorieuse sainte Marie-Madeleine.

540. « Et moi, beaux seigneurs, je crie merci à vous tous ensemble et à chacun en particulier, de ce que j’ai fait ou dit envers vous des choses que je ne dusse ou que je vous ai courroucé par aventure d’une chose, que vous pour Dieu et pour sa douce mère me le devez pardonner ; et pardonnez-vous les uns aux autres pour Notre-Seigneur, que ni le courroux, ni la haine ne puissent demeurer entre vous ». Et ainsi notre Sire l’octroie par sa miséricorde, et les frères le doivent faire en cette manière qu’on leur prie et leur commande.

541. Après il doit dire : »Beaux seigneurs frères, vous devez savoir que, toutes les fois que nous quittons notre chapitre, nous devons prier Notre-Seigneur pour la paix ». Et il doit commencer sa prière du plus beau et du mieux que Dieu lui enseigna, et il doit prier spécialement pour la paix et pour l’Eglise et pour le saint royaume de Jérusalem, et pour notre maison et pour tous les bienfaiteurs de notre maison, morts ou vivants ; et tous jusqu’au dernier, ils doivent prier pour tous ceux qui sont allés de ce siècle et qui attendent la miséricorde de Notre-Seigneur, et spécialement pour ceux qui gisent en nos cimetières, et pour les âmes de nos pères et de nos mères ; que notre Sire par sa douceur leur pardonne leurs fautes et les amène prochainement au lieu du repos. Et ces prières nous devons les faire tous les jours à la fin de nos chapitres ; et si à celui qui tient le chapitre il lui semble bon de faire pius de prières c’est en sa discrétion.

542. Après, si le frère chapelain est présent il doit dire : »Beaux seigneurs, dites vos confessions avec moi ». Et ils doivent dire ainsi que le frère chapelain leur enseigna ; et quand tous auront dit leur confession, le frère chapelain doit dire l’absolution et absoudre tous les frères ainsi qu’il lui semblera bon et comme il est de coutume dans la maison. Car sachez que le frère chapelain a grand pouvoir de par notre père le pape d’absoudre les frères toutes les fois selon la qualité et la quantité de la faute. Mais si le frère chapelain n’y était, chaque frère doit dire après la prière une patenôtre et une fois le salut de Notre-Dame.

543. En quelle manière les prières des chapitres doivent se faire et en quelle manière les frères doivent être tant que les prières se font, et quand ils doivent s’agenouiller et faire les inclinations, et quand ils ne le font pas, il a bien été ordonné dessus ; pour cela nous nous en taisons maintenant.

Les chapitres

386. Chaque frère, quand il entre en chapitre, doit se signer au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et doit ôter son chapeau de coton et sa coiffe, s’il n’est chauve, et s’il est chauve il peut garder la coiffe ; et debout, il doit dire une patenôtre avant de s’asseoir, et puis il doit s’asseoir, et chacun doit faire ainsi. Et quand tous les frères ou la plus grande partie seront venus, celui qui doit tenir le chapitre, avant de commencer son sermon, doit dire à ses frères : »Beaux seigneurs, mettez-vous debout, et priez Notre Seigneur qu’il transmette aujourd’hui sa sainte grâce entre nous » ; et ainsi tous les frères doivent se mettre debout et chacun doit dire une patenôtre.

387. Et le frère chapelain, s’il est présent, doit faire aussi sa prière tel qu’il lui semblera, avant que le chapitre commence, c’est le sermon. Et puis ils doivent s’asseoir, et sachez qu’ils doivent prendre garde attentivement qu’aucun homme, s’il ne fut frère du Temple, ne puisse entendre quand on tient le chapitre.

388. Quand la prière est faite, celui qui doit tenir le chapitre doit commencer son sermon au nom de Dieu, et le faire du plus beau et du mieux qu’il pourra, et il doit conseiller les frères et les prier et leur commander qu’ils s’amendent. Et dès que le sermon est commencé, nul frère ne doit remuer de sa place pour aller en arrière sans congé, mais il peut aller devant sans congé.

389. Quand celui qui tient le chapitre aura fini son sermon, chaque frère qui croit avoir fauté doit se mettre debout, il doit faire avec son chapeau et sa coiffe comme il est dit dessus, il doit venir devant celui qui tient le chapitre et doit s’agenouiller une fois, ou deux, ou plus, il doit se tenir humblement comme celui qui se confesse, et doit dire de cette manière : »Beau sire, je demande merci à Dieu et à Notre-Dame et à vous et aux frères de ce que j’ai fauté de telle manière », et il raconte la faute entièrement et avec vérité ainsi qu’elle aura été, il ne doit pas mentir ni par honte de la chair, ni par peur de la justice de la maison ; car s’il mentait, ce ne serait pas une confession, et sachez que notre chapitre fut établi pour que les frères se confessent de leurs fautes et s’en corrigent.

390. Après que le frère aura dit tout ce dont il croit avoir fauté, et se sera bien confessé entièrement, celui qui tient le chapitre doit lui commander d’aller dehors, et le frère doit s’en aller dans un lieu où il ne puisse écouter et entendre ce que diront les frères qui seront au chapitre ; car aucun frère, puisqu’il est hors du chapitre ou par sa faute, ou parce qu’il est en pénitence, ne doit écouter ce que les frères qui sont en chapitre et ce qu’il font, ni disent, ni délibèrent. Après, quand le frère est hors du chapitre, celui qui tient le chapitre doit raconter toute la faute du frère devant tout le chapitre, et doit prendre garde de n’en rien changer ; et quand il leur aura raconté ainsi que le frère l’aura confessé, il doit demander communément leur avis et faire ce que la plus grande partie jugera.

391. Et quand les frères communément auront dit leur avis comme il leur semblera, et que le commandeur aura entendu à quelle chose la plus grande partie s’accorde, il doit faire retourner le frère devant lui et il doit montrer la faute, et raconter comme elle est grande et comment les frères le tiennent en faute ; et il doit commander ce que les frères lui ont ordonné, et il doit lui dire les ordres des frères ; mais il ne doit pas dire : »Tel frère fit tel ordre », ou « s’accorda à ce que », car il aurait découvert le chapitre.

392. Quand un frère crie merci en chapitre d’une faute, tous ceux qui croient être entachés de ce péché doivent aussi crier merci avec lui ; et chaque frère, quand il crie merci d’une faute, doit crier merci de toutes les fautes dont il croit avoir failli ; et de tant de fautes qu’il aura faites, tant qu’il en a, mais on ne pourra lui donner qu’une pénitence, puisqu’il aura crié merci de toutes ensemble. Quand un frère crie merci d’une faute, nul autre frère ne se doit lever pour crier merci de sa faute tant que celle-ci ne soit pas regardée, s’il n’était entaché de cette même faute comme il est dit ci-dessus. Si un frère crie merci de dix fautes en une fois et qu’il convienne qu’il soit en répit d’une de celles-ci, il convient qu’il soit en répit de toutes.

393. Quand les frères sont en chapitre, tous doivent être contre celui qui fait ou dit déraison, et chacun doit se tenir bellement et en paix ; et nul ne doit parler, si on ne lui demande aucune chose, ou si ce n’est qu’un fasse ou dise déraison ; car tous doivent être contre celui qui fait ou dit déraison. Chacun peut le reprendre sans se lever de sa place et sans congé, mais qu’il le fasse aussitôt qu’il aura fait ou dit la déraison, et chacun est tenu de le faire amender, et en nulle autre manière un frère ne peut reprendre un autre frère de sa place, sauf le maître. Et le maître peut et doit reprendre de sa place, tout autre frère qu’il veut, sans bouger.

394. Chaque frère, quand il vient en chapitre, doit venir se recueillir et se souvenir s’il n’a failli de rien, ni oublié son voeu et sa promesse et, au chapitre même, il doit bien réfléchir : s’il a bien entendu ou dit les heures, s’il a courroucé son frère d’une chose, et s’il a bien gardé les commandements de la maison. Et s’il croit avoir fauté de quelque chose, il doit crier merci et s’amender avant qu’il ne quitte le chapitre. Car dès que le sermon du chapitre est terminé, un frère ne doit pas reporter sa faute du chapitre, ainsi il doit s’amender s’il le peut en toutes manières ; et s’il reporte dans sa conscience cette faute elle serait plus grande et il s’en irait désobéissant.

395. Mais sachez bien que le maître ou un autre qui tient le chapitre ne doit faire aucune chose qui se doit faire par chapitre et par regard des frères, avant qu’il ait fait la prière et le sermon comme il lui semblera ; car en toutes les assemblées de chapitre que nous faisons, nous devons requérir la grâce de Notre-Seigneur dès le commencement.

396. Nul frère ne peut s’absenter du chapitre sans congé s’il n’est malade à l’infirmerie. Nul frère ne se doit départir du chapitre sans congé, avant que le chapitre soit terminé même s’il croit qu’il reviendra vite en ce même chapitre. Nul frère ne peut rien montrer à un autre frère dès que le sermon est fini, sans congé, de manière qu’il se lève de sa place, ni que lui-même se lève ; mais tant que le frère est debout par-devant celui qui tient le chapitre, chacun peut se lever de sa place sans congé et reprendre le frère debout de ce qu’il saura de sa faute.

397. Quand un frère sait que son frère a fait ou dit quelque chose qu’il ne doit, il doit le faire corriger au premier chapitre où ils seront ensemble tous les deux, et il ne doit pas le laisser sortir du chapitre sans qu’il soit corrigé ; mais belle chose est que le frère qui sait que son frère a fait cette chose, il doit le rappeler au frère qui aura fauté, avant qu’il entre en chapitre, à part, et qu’il le fasse corriger par-devant un frère ou deux de telle manière : »Beau frère, souvenez-vous de telle chose » ; et il doit raconter la faute ; et il doit dire : »Amendez-vous au premier chapitre où vous serez ». Et le prud’homme dit qu’un frère en a assez dit à un autre lorsqu’il lui a dit : »Souvenez-vous de telle chose » ; et celui à qui on a dit cette parole doit se tenir pour repris et doit s’en amender au premier chapitre où il sera, ainsi qu’il est dit ci-dessus.

398. Nul frère ne doit reprendre un autre frère pardevant un homme, s’il n’est frère du Temple ; et un frère ne peut ni ne doit reprendre, en chapitre ni hors du chapitre, ni porter défense contre un frère par ouï-dire ; mais, de ce qu’il aura vu et entendu, il peut le reprendre et porter une caution contre lui ; et s’il le faisait autrement, ce serait trop laid et pourrait être tenu en union avec lui.

399. Quand un frère veut en reprendre un autre, il doit prendre garde qu’il ne le reprenne de choses oiseuses, mais s’il le reprend en dehors du chapitre comme il est dit ci-dessus, ou encore s’il l’a repris et que le frère ne veuille s’amender, il doit le faire de cette manière quand ils seront en chapitre ; car avant de se lever, il doit dire à celui qui tient le chapitre : »Commandeur » ou « Beau sire, donnez-moi congé de parler à un frère » ; et celui-ci doit lui donner congé.

400. Quand il a eu le congé, il peut se lever et doit appeler par son nom le frère qu’il veut reprendre, et celui-ci doit se lever debout et doit ôter son chapeau et sa coiffe, s’il est appelé, et doit venir devant celui qui tient le chapitre. Alors le repreneur doit lui montrer bellement et en paix la chose de laquelle il sait qu’il a fauté ; car par imagination ou croyance nul ne doit reprendre un frère. Et il doit dire de cette manière : »Beau frère, criez merci de telle chose », et il doit raconter la chose ou la faute comme elle aura été dite ou faite. Et celui qui aura été repris doit dire : »Beau sire, je crie merci à Dieu et à Notre-Dame, et a vous et aux frères, de la chose sur laquelle celui-ci m’a repris » ; et il doit s’agenouiller chaque fois qu’il sera repris.

401. Et s’il sait de quoi il est repris en vérité, le frère qui est repris doit le dire devant tous les frères, car nul ne doit mentir en chapitre. Mais si la chose dont il est repris est un mensonge, il doit le dire de cette manière : »Beau sire, je crie merci à Dieu et à Notre-Dame et à vous et aux frères de ce dont je suis repris (et il doit s’agenouiller) mais sachez que la chose n’est pas de cette manière ». Ou il peut dire : »Messire non, plaise à Dieu que je ne fisse jamais cette chose » ou : »Sire, la chose est autrement ». Et il doit dire entièrement la chose ; car ainsi qu’il est dit ci-dessus, il ne doit pas mentir par honte de la chair, ni par peur de la justice de la maison.

402. Et celui qui aura besoin de défendre ne doit pas appeler par son nom celui qu’il veut défendre, ni le nommer, sans congé, mais il doit dire à celui qui tient le chapitre : »Sire, il y a un frère qui sait cette chose, un ou plus » ; et alors le commandeur doit dire : »S’il y a un frère qui connaît cela, qu’il vienne devant ». Et s’il y en a un qui sait comment la chose a été, il doit se lever et venir devant le commandeur, et doit porter garantie de ce qu’il a vu ou entendu ; et il ne doit dire autre chose que la vérité, et il ne doit ni la cacher, ni la changer, par amour, ni par mauvaise vue, d’une ou d’autre partie, car ce serait un trop grand péché, et pourrait être compté comme union.

403. Et si le frère qui sait la chose ne voulait pas se lever, lorsque le commandeur le lui aura demandé une fois ou deux de la manière qui est dite ci-dessus, le commandeur doit dire au frère qui veut donner la défense à l’autre frère : »Beau frère, faites-le venir devant ». Et alors, celui-ci peut l’appeler par son nom, et il doit se lever et faire comme il est dit ci-dessus de la défense. Et au frère qui doit porter la défense, on pourrait et devrait lui regarder comme une grande faute et le charger d’une grande pénitence, s’il sait quelque chose pour quoi il est appelé en défense, parce qu’il ne se leva pas aussitôt lorsqu’on lui fit le commandement.

404. Et si le frère qui est repris, veut reprendre celui qui l’a repris et qu’il sait qu’il a fauté, il peut bien le reprendre, sans congé, tant qu’il est debout ; et il doit le reprendre et lui montrer sa faute ainsi qu’il est dit ci-dessus.

405. Et celui qui sera atteint de sa faute, le commandeur doit le mettre dehors, ou les deux s’ils sont atteints, mais il ne doit pas mettre hors du chapitre pour une chose sur laquelle le frère est repris, s’il n’en est atteint. Et lorsque les frères seront dehors, le commandeur doit raconter la chose ou la faute pour laquelle ils auront crié merci et seront atteints, ainsi qu’elle aura été racontée devant lui, et après, il doit demander communément aux frères qui sont en chapitre de donner leur avis, et faire ce que la plus grande partie s’accordera. Et lorsque les frères auront dit ce qui leur semblera commun, il doit faire de ceux qui sont dehors comme il est dit ci-dessus de ce frère qui crie merci de sa faute par sa volonté.

406. Et si les frères ordonnent que les frères qui sont dehors soient mis dès maintenant en pénitence, le commandeur doit les y mettre aussitôt que l’ordre des frères aura été dit. Et encore si les frères ne lui ordonnent qu’ils fussent mis en leur pénitence aussitôt, le commandeur qui tient le chapitre peut leur dire, aussitôt que l’ordre des frères aura été dit « Allez vous dépouiller », et il peut prendre la discipline et les mettre aussitôt en pénitence s’il voit que c’est bien ; et les frères en sont aidés, car c’est en sa discrétion.

407. Un frère peut reprendre un autre frère de la même manière qu’il est dit ci-dessus, ou deux, ou trois, ou vingt ; mais un frère ne peut atteindre un autre frère de lui-même, mais deux frères peuvent atteindre un autre frère ou deux ou cent, lorsque les deux ou les cent voient que les deux ou les cent remarquent que les choses ne sont pas de cette manière, tant qu’ils sont en chapitre, car la garantie n’est pas reçue en notre chapitre, car on ne peut l’atteindre par une autre direction.

408. Mais si un frère ou deux disaient en chapitre à un autre frère : »Beau frère, vous avez fait telle faute à Château-Pèlerin dimanche, demandez merci », et le frère répond : »Non, plaise à Dieu, car dimanche j’étais à Beyrouth » ; et qu’il puisse le prouver par un autre frère ou par plus de vérité, le frère qui est repris doit être quitte, et les frères qui l’auront repris sont atteints parce qu’ils ont menti sur lui, on peut les blâmer ensemble ; car de telle manière, on peut atteindre la garantie non par un autre fait ni par une autre direction.

409. Et s’il advenait que deux frères ou plus reprennent un autre frère, ou deux, ou plus, et que le maître, ou celui qui tient le chapitre, doute que les frères aient fait la réprimande par malice, il peut et doit faire sortir un des frères hors du chapitre et entendre l’autre sur la chose dont il reprend son frère, et savoir comment il connaît la chose sur laquelle il le reprend, et s’il le vit ou l’entendit ; et quand il aura bien demandé la chose, il doit et peut le faire sortir dehors et appeler l’autre et entendre aussi de lui comme de l’autre ce qu’il sait de cette chose. Si les deux s’accordent, le frère qui a été repris est atteint, et s’ils ne s’accordent pas, le frère qui a été repris est quitte et délivré de cette chose dont ils l’avaient repris ; et ainsi, on peut noter assez de mal sur les deux autres et leur compter une grande méchanceté et encore une union.

410. Et sachez que nul frère du Temple ne peut être atteint par un homme du siècle, ni d’un autre ordre, ni par deux, ni par plus sinon par un frère du Temple, de la même manière qu’il est dit ci-dessus, d’aucune chose de telle manière que la justice de la maison courût sur lui.

411. Mais si un prud’homme du siècle ou d’un autre ordre, tels qu’ils fussent dignes d’être crus ou qui fussent confrères de la maison, disent au maître en vérité que tel frère a fait la honte de la maison, le maître pour la garantie de ces prud’hommes peut travailler ce frère, il doit l’interroger et il doit le faire après en avoir parlé aux frères et avec leur ordre. Et sachez que le mauvais frère doit être éloigné des bons, par les bons maîtres, ainsi que le commande la règle.

412. Quand celui qui tient le chapitre demande aux frères leur avis sur une chose, en chapitre, il doit le demander premièrement à ceux qui connaissent le plus cette chose et les usages de la maison ; ensuite aux autres communément, selon qu’ils valent plus, qu’ils savent et selon qu’ils sont de meilleure vie. Chaque frère, lorsqu’on lui demande son avis en chapitre, il doit le donner du mieux qu’il lui semblera, car il ne doit le laisser par amour pour l’un ou par haine de l’autre ; mais il doit avoir pleinement Dieu devant les yeux, et pour l’amour de Dieu il doit le faire et doit dire ce qu’il doit dire ou ce qu’il doit faire. Un frère ne doit pas reprendre un autre frère, sauf par charité et par intention de lui faire sauver son âme.

413. Quand un frère est repris d’une chose ou d’une faute qu’il a faite, il ne doit pas s’en courroucer, mais il doit remercier celui qui l’aura repris ; et si un frère en reprend un autre de choses oiseuses, il se peut bien qu’on lui donne une pénitence.

414. Que tous les frères du Temple sachent que lorsqu’un frère est mis hors du chapitre, ou parce qu’il a été repris d’une faute, ou même parce qu’il a crié merci de son gré, on doit regarder le comportement du frère, de sa vie, de la qualité et de l’importance de sa faute. Et si la personne est de bon comportement et que la faute est légère, les frères doivent passer légèrement ; et si la personne est d’un mauvais comportement et que la faute est grande et laide, les frères doivent lui donner une pénitence âpre et dure ; et, maintes fois, on donne au prud’homme une petite pénitence pour une grande faute, et au mauvais une grande pour une petite : car ainsi on doit avoir du profit pour les bons et avoir honneur de leur bonté, ainsi pour le mauvais on doit avoir dommage et honte de sa mauvaiseté. Et sachez que pour la plus petite faute et la désobéissance par quoi un frère laisse le commandement de la maison, on peut lui regarder deux jours entiers la première semaine selon le comportement du frère, on ne peut pas lui regarder une faute si elle touche à l’habit ou à la maison, ce dont Dieu garde chacun des frères.

415. Et vous devez savoir que lorsque celui qui tient le chapitre a mis un frère hors du chapitre pour regarder sa faute, ce frère ne peut retourner au chapitre pour reprendre un autre frère sans congé ; mais pour crier merci d’une faute qu’il a oubliée, il peut bien retourner et doit y retourner sans congé. Chaque frère doit faire bien et volontiers la pénitence que lui a donnée le chapitre.