Les Grades bleus du REAA – Genèse et développements. (partie 2)
Par Pierre Noël, 33e, CBCS
4. Les auteurs des rituels bleus du REAA.
Qui a rédigé ces rituels ? La question ne peut avoir de réponse assurée. Nous ne savons pas et ne saurons peut-être jamais qui en furent les rédacteurs. Ceci n’interdit empêcher d’avancer quelques hypothèses, basées sur quelques prémices simples :
- Le ou les rédacteurs connaissaient la maçonnerie habituellement pratiquée en France.
- Ils étaient familiers de la maçonnerie britannique ou américaine, notamment celle pratiquées dans les loges de Rite ancien.
- Ils disposaient de « Three Distinct Knocks » et en connaissaient suffisamment la langue pour le traduire de façon correcte.
- Enfin, ils devaient avoir un intérêt à diffuser, en France, une maçonnerie d’un style nouveau, différente de celle des loges du GODF.
Ne peuvent répondre à ces critères que des maçons ayant vécu à l’étranger et soucieux de se démarquer du Grand-Orient. Or tel était le cas de ces « Américains » qui voulurent introduire à Paris un système en 33 degrés qu’ils présentaient comme une forme maçonnique plus « universelle » que le Rite Français en 7 grades que pratiquait le Grand-Orient depuis 1786. Pour arriver à leurs fins, Ils se devaient d’offrir des rituels nouveaux pour les trois premiers grades. Or ceux-ci n’existaient pas puisque le premier Suprême Conseil du monde, celui de Charleston, avait précisé qu’il laissait aux Grandes Loges la communication des trois degrés de base.
Il fallait donc les inventer pour la cause. C’est ce que firent les rédacteurs en puisant indifféremment dans les rituels existants.
Très habilement, ils intitulèrent « ancien »
Peut-on être plus précis ? Le rituel de la Triple Unité est daté de 1804, ce qui signifie qu’il fut soit rédigé soit copié cette année-là. Le copiste, qu’il soit ou non l’auteur du rituel, devait appartenir à cette loge ou, à défaut, à une loge qui partageait les mêmes préoccupations. Comme rien ne permet d’affirmer que le rituel original fût écrit en 1804, l’enquête peut théoriquement remonter jusqu’à la date de parution de TDK mais les circonstances historiques suggèrent que sa rédaction est postérieure au retour des « Américains » dans leur mère-patrie.
Considérant les critères énoncés plus haut, trois noms viennent immédiatement à l’esprit : Grasse-Tilly, Hacquet et Fondeviolles.
Grasse-Tilly était membre du Contrat Social avant son départ pour les îles. Durant son séjour à Charleston, il fréquenta les ateliers des deux Grandes Loges locales dont l’une était de Rite Ancien
Germain Hacquet, notaire à Saint-Domingue, fut vénérable d’une loge de Port-au-Prince dépendant de la Grande Loge de Pennsylvanie. Lorsque celle-ci installa, en juin 1802, une Grande Loge provinciale dans l’île, il en fut député Grand Maître
Jean-Pierre Mongruer de Fondeviolles, propriétaire à Saint-Domingue, serait revenu en France en 1797. Membre du GODF, Rose-Croix, il fonda la Triple Unité le 25 septembre 1801 puis, en 1804, un consistoire du 32° degré grâce à une patente en blanc reçue de Kingston cette année-là
Les raisons de cette démission sont importantes car elles permettent de jeter un oeil neuf sur les activités du Suprême Conseil de France, de 1805 à 1812.
En septembre 1805, nous l’avons vu, le Grand Consistoire des 33° et 32° avait dénoncé le traité d’union et décidé que le Suprême Conseil aurait une existence indépendante du GODF. Il maintint cependant les dispositions essentielles du concordat, laissant au GO le soin de conférer les grades jusqu’au 18° et de superviser les chapitres. Ces décisions furent suivies par l’élection de Cambacérès, déjà Grand Maître adjoint du GO depuis le 13 décembre 1805, aux fonctions de Grand Commandeur (1er juillet 1806), laissées vacantes par la démission de Grasse-Tilly (10 juin 1806), et par son installation solennelle (13 août 1806). Le premier acte du Suprême Conseil fut hautement significatif : il renonça à organiser des ateliers de tous grades et décréta que les degrés supérieurs au 18° ne seraient à l’avenir conférés qu’en son sein (décret du 27 novembre 1806
Art 1 : La puissance dogmatique du REAA appartient au Suprême Conseil des GIGercée sous sa surveillance par le Grand Consistoire.
Art 2 : le SC a sous sa surveillance
- Le Souverain Grand Consistoire des 32°
- les Conseils particuliers des 32°
- les Tribunaux des 31°
L’organisation des Conseils, Tribunaux, Collèges et Chapitres particuliers, attachés aux degrés supérieurs au 18° jusques et y compris les conseils particuliers des 32° est suspendue jusqu’à ce qu’il en ait été autrement décidé par le Suprême Conseil. Tout arrêté contraire à cette disposition, précédemment pris par le Suprême Conseil est révoqué.
Art 3 : Les degrés supérieurs au 18° degré, jusques et y compris le 32°, ne seront conférés à l’avenir, jusqu’à l’organisation des conseils, tribunaux, collèges et chapitres du degré, que par le SC du 33° degré, ou en vertu d’une délégation spéciale et particulière, émanée de lui.
Art 4 : L’établissement des conseils, tribunaux, collèges et chapitres énoncés à l’article ci-dessus, ne pourra être fait, lorsqu’il y aura lieu, qu’en vertu des Chartes capitulaires accordés par le Grand-Orient ; mais la demande d’établissement ne pourra être formée que par le SC du 33° degré, comme ayant la puissance dogmatique.
Et jusques à l’obtention des chartes capitulaires, les requérans ne pourront se former en trav. du degré dont ils solliciteront les chartes, sous quelque prétexte que ce soit.
Par ce décret, le Suprême Conseil s’interdisait toute possibilité d’extension. Il se condamnait lui-même à une vie végétative, repliée sur le seul cénacle parisien. Que cette décision ait été mal vécue par tous ceux qui, 33° ou non, pratiquaient déjà les degrés supérieurs, parfois en vertu de patentes antérieures à la création du Suprême Conseil, ne peut surprendre. Qu’ils aient décidé de continuer sans tenir compte des décisions d’un organisme lointain et coupé de la base était dans l’ordre des choses. Et c’est bien ce qui se passa : les grades supérieurs du Rite furent conférés dans des ateliers de Paris et de province qui s’estimaient habilités à le faire, sans rendre de compte au Suprême Conseil.
Celui-ci en prit ombrage et, constatant, lors de sa tenue du 15 décembre 1808, que de nombreux frères se décoraient de cordons et bijoux de degrés non reconnus par lui et que les hauts-grades étaient conférés avec une facilité suspecte, il décréta quels étaient les degrés
Art 27 : La suspension de l’organisation des chapitres, collèges, tribunaux et conseils particuliers, prononcées par l’article 2 du décret du 27 novembre 1808
Décret qui réaffirmait celui de 1806. est levée ; leur organisation aura lieu dans les villes de l’Empire que le Suprême Conseil en jugera susceptibles. Elle ne pourra être faite que près les chapitres du 18° degré du REAALivre d’or. Les Chapitres dépendaient, rappelons-le, exclusivement du GODF. .
Pyron
Le 2 décembre 1811, le Suprême Conseil examina le cas du Consistoire de la Triple Unité. Celui-ci avait été fondé par Fondeviolles en vertu, disait-il, d’une charte capitulaire émanant de Kingston et reçue avant la création du Suprême Conseil. Il estimait dès lors que les décrets postérieurs ne lui étaient pas d’application. Fondeviolles ne put malheureusement fournir cette charte à la commission d’enquête, constituée de Freteau de Peni, Rampon et Rouyer. En conséquence, le consistoire fut déclaré irrégulier, décision qui amena la démission de Fondeviolles du Suprême Conseil
Sa démission fut annoncée le 20 avril 1812, en même temps que furent « régularisés » 55 membres du consistoire de la Triple Unité, car ce fut la pratique constante du Suprême Conseil de régulariser les membres de ces ateliers qu’il décrétait d’irrégularité.
Ces événements sont importants car ils démontrent que l’autorité du Suprême Conseil était bien loin d’être assurée et que son activité même se limitait à ces quelques tenues dont son livre d’or nous a laissé la trace. En-dehors de son enceinte, chacun faisait à peu près ce qu’il voulait. D’autre part, ils confirment que les 33° qui le composaient ne s’occupaient d’aucun degré inférieur au 19°, a fortiori des trois premiers grades même si, on l’a vu, le nombre de loges bleues du GODF travaillant au REAA était loin d’être négligeable. On peut légitimement en conclure qu’ils ne furent, en tant qu’institution, pour rien dans la genèse des grades symboliques de « leur » Rite.
Pour en revenir à Fondeviolles, cette affaire montre qu’il ne se sentit jamais lié par les décisions du Suprême Conseil dont il était membre depuis sa fondation. Son terrain était bien plus la Triple Unité dont il était le vénérable fondateur. Peut-on imaginer qu’il ne participa point
Reste Abraham. Certes, rien ne permet d’affirmer qu’il sut l’anglais ni qu’il séjourna hors de France, mais il fut très actif durant la période qui nous occupe et son intérêt pour le Rite ancien et les innovations ramenées d’Amérique ne se démentit jamais. Il accueillit Hacquet, lors de son arrivée en France, et de leur collaboration naquit le « Phénix » le 14 juin 1804. Nous avons vu qu’il publia, dès 1807, un « Art du Parfait Thuileur » qui adoptait les caractéristiques du Rite ancien. Il n’en resta pas là : un « Unique et Parfait Thuileur pour les 33 grades de la Maçonnerie écossaise », paru en 1812, lui fut également attribué, à tort ou à raison. Il fonda, en sa qualité de 32°, un Grand Chapitre du 29° et un Tribunal du 31° degré à Neufchâteau, ateliers que le Suprême Conseil déclara irréguliers les 2 décembre 1811 et 6 avril 1812. Le 8 avril 1812, une commission constituée de Hacquet, Challan et Chasset, déposa un rapport devant le Suprême Conseil qui concluait qu’Abraham avait indûment conféré des grades et délivré des cahiers de rituels aux Frères du Père de Famille d’Angers. Ce chapitre avait bien été constitué par le GODF mais celui-ci avait pour règle de ne donner que les grades qu’il était autorisé à conférer, c’est à dire jusqu’au 18°, et les grades supérieurs donnés par Abraham l’avait été de façon illégitime. Le Suprême Conseil déclara irrégulier ces ateliers (décret du 8 avril 1812) et Pyron d’ajouter que les diplômes concédés par eux étaient nuls et de nul effet et qu’Abraham fut rayé du tableau des membres du 32° degré. La même année, le 7 août, le Souverain Chapitre Métropolitain du Rite Ecossais Philosophique, présidé par le général baron Rouyer, mettait en garde contre un ouvrage, « Les Règlemens généraux de la Maçonnerie Ecossaise », publié à Paris et distribué par un M. Piat qui reconnut qu’ils les avaient reçu d’Abraham. Or celui-ci avait été employé en 1805 par le Chapitre « pour des travaux d’écriture » et il en avait profité pour dérober un exemplaire de ces Règlements. Enfin, le 14 septembre, le Suprême Conseil ordonna l’envoi d’une circulaire à tous les ateliers du Rite pour les prémunir contre le trafic des hauts-grades et cahiers de la maçonnerie, et notamment contre Abraham qui se présentait à beaucoup de loges comme revêtu des plus hauts-degrés du REAA, du REP et du Rite d’Hérédom de Kilwinning.
Qu’en conclure sinon qu’Abraham joua un rôle mal connu mais conséquent dans la diffusion des grades Ecossais, en dehors de tout contrôle du Suprême Conseil dont l’influence exacte durant la période impériale reste à écrire.
Un dernier mot concernant le Suprême Conseil d’Amérique. Réveillé par Delahogue (1744-1822), beau-père de Grasse-Tilly et son lieutenant Grand-Commandeur, il conféra lui aussi des patentes et créa des ateliers supérieurs dans la métropole dès 1810, ce qui ne l’empêcha pas de réclamer en 1813 qu’il fût établi un « Suprême Conseil pour les possessions françaises d’Amérique » auprès du SCDF. Pyron
Le Très-Illustre F De Grasse-Tilly, G Commandeur ad vitam du suprême conseil pour les possessions françaises d’Amérique, joint à ce titre éminent celui extrêmement précieux de premier rep particulier du G M du G O de France. Ce double lien resserre encore plus les noeuds qui lient ces pères de la maçonnerie écoss à l’étoile maç qui éclaire et dirige tous les maçons de France.
Quoique prisonnier des Anglais, le T Ill G G est cependant au milieu du sup Cons, par l’affection que chacun des chev lui porte ; les pouvoirs qui le constituent sont entre les mains des TT Ill GG II GG 33° degré, qui, réunis au T Ill F Lieut G C De la Hogue, les conservent avec les titres, chartes, constitutions, timbres et sceaux du sup Cons, qui possède avec orgueil sur son livre d’or les signatures de presque tous les ill Membres du G O de France
Allusion au registre contenant le serment d’obéissance prêté au Suprême Conseil par les dignitaires du GODF, dont Roëttiers, le 29 décembre 1804 lorsqu’ils furent reçus aux 18°, 31°, 32° ou 33° degrés (texte dans Pyron, 1817 : 26 ; Jouaust, 1865 : 312 et Lantoine, 1927, II : 145-146). .Le sup Cons pour les possessions françaises de l’Amérique, réfugié en France, n’exerce point sa juridiction pour la France ; il se borne à constater son existence maç par des procès-verbaux de carence. Il voit avec douleur s’éloigner, par la prolongation de la guerre maritime, le moment où il pourra retourner dans ses foyers. Depuis le jour où les membres du sup C ont mis le pied sur le sol de la mère-patrie, chacun d’eux a tenu à un atelier régulier sous le régime du G O de France ; plusieurs d’entre eux ont propagé la vraie lumière, et quel que soit le grade élevé dont il ait été revêtu, il s’est empressé de rendre hommage et de reconnaître l’autorité et le pouvoir suprême de ce corps législatif et sénat de la maç Française.
Le sup Cons pour les possessions françaises de l’Amérique vient donc unanimement exécuter la pensée du T Ill F de Grasse-Tilly, devenue la sienne ; il se range sous la bannière du G O de France ; il vous demande, T Ill FF, la faveur d’accueillir maintenant et pour toujours son député ; de le recevoir parmi les FF qui composent le G O de France. Le sup Cons désire y puiser de nouvelles lumières, mériter l’éloge de tous les maç de l’Amérique française, et, par sa demande franche et digne de tout vrai maç, proclamer la vérité incontestable que le G O De France est le premier et le seul pouvoir constitutif de la France, et que s’éloigner un moment du cercle de sa puissance, c’est commettre une erreur coupable et contraire au concordat signé en décembre 1804, qui a réuni dans le souv chap du G O De France, les consist et sup cons de la maç écoss
Cette époque, TT Ill FF, sera mémorable pour le sup Cons ; et lorsque la paix le ramènera dans le Nouveau Monde, il s’empressera de répandre cette vérité, qui fixera à jamais tous les consist, conseils et collèges sous le régime du G. O de France.
Fait à l’O de Paris, le 27° j du 8° mois de l’an de la v L 5813.
Signé : Le GT(trésorier) ad vitam, Hannecart-Antoine ; De La Hogue, lieut G Commandeur ad vitam du 33° degré pour les dominations françaises de l’Amérique ; Tissot, lieut G Insp Gén, 33° degré ; Devillainez, 33°, Ill G A ; Nazon.
Par commandement : le secrétaire du Saint-Empire, A. Teissier de Marguerittes.
In Vassal, 1827 : 43-45. Il ne semble pas que le Grand-Orient ait répondu à cette lettre.
Il est cependant peu probable qu’ils aient participé à la rédaction des grades bleus : Delahogue était encore en Amérique en 1804
5. L’essor du Suprême Conseil et l’abandon de l’héritage « ancien ».
La chute de l’empire vit celle du Suprême Conseil. La plupart de ses membres rallièrent le GODF et le « Grand Consistoire des Rites
Ce Suprême Conseil prit sous sa direction des loges bleues, ce que n’avait jamais fait le Suprême Conseil de France. Il n’avait en 1815 qu’une seule loge La Rose Etoilée que vint rejoindre, l’année suivante, La Rose du Parfait Silence. Le 24 octobre 1818, le Suprême Conseil d’Amérique, présidé par le comte Decazes, élu Grand Commandeur cinq jours après la démission (10 septembre ) de Grasse-Tilly, consacra la loge Les Propagateurs de la Tolérance, « mère-loge du Rite Ecossais », loge aristocratique comprenant tous les 33° en activité et présidée par le général baron Louis Joseph César de Fernig (1774-1847), initié en 1804 dans la loge Les Amis Philanthropes à Bruxelles.
Il fallut attendre 1821 pour que les survivants (entre autres Valence, Muraire, Lacépède, Fréteau de Pény) du Suprême Conseil de France décident le réveil de leur institution et acceptent sa fusion avec le Suprême Conseil d’Amérique
Que devint le rituel hybride concocté par les tenants du REAA ? Puisque le Guide fut publié vers cette époque, il est vraisemblable qu’il fut utilisé, en tout et en partie. Nous ignorons quel rituel était utilisé par les Propagateurs de la Tolérance. Les procès-verbaux de cette loge, conservés à bibliothèque royale de Bruxelles, font état de plusieurs initiations, entre 1818 et 1819, mais ne mentionnent des cérémonies que les « épreuves ». Tout au plus peut-on dire que cette loge connaissait les diacres. Le prince d’Arenberg était premier Grand Diacre et le comte de Castellane deuxième Grand Diacre tandis que les FF Gaborrio et Rascol étaient diacres titulaires.
Le Guide fut-il ensuite pratiqué par les loges dépendants du Suprême Conseil de France après sa réorganisation en 1821 ? La réponse ne peut qu’être nuancée. Tel quel, il était impraticable, ne fût-ce que par l’incohérence des cérémonies proprement dites et des instructions de chaque grade. Deux solutions étaient possibles : soit adapter les cérémonies aux prescriptions des instructions, ce qui revenait à faire de « l’Emulation », avant la lettre, soit réécrire les instructions et, pourquoi pas, ajouter à l’ensemble des innovations supplémentaires, aussi loin de l’exemple britannique que du « Régulateur » français. C’est, semble-t-il, la deuxième option qui fut choisie.
5.1. Les rituels de 1829.
Le manuscrit BN coté FM4 96, intitulé « Rite Ecossais Ancien et Accepté. Rituel des trois premiers degrés selon les anciens rituels », fut récemment réédité par le Suprême Conseil de France
Le troisième degré subit une mutation radicale : la légende d’Hiram devient allégorie solaire, mutation que nous développons plus loin.
5.2. Le rituel de la loge Le Progrès de l’Océanie.
La Franc-maçonnerie fut introduite dans les îles Hawaii en 1843 par un marin français, Georges Le Tellier, 18° degré du REAA (Suprême Conseil de France). Possesseur d’une patente de cette obédience lui permettant « de créer et constituer conformément aux règlements généraux du Rite de nouvelles loges sous l’obédience du Suprême Conseil dans tous territoires dont la juridiction n’a ni été décidée ni reconnue »
Les officiers de la loge sont ceux prévus pas le « Guide » : le vénérable maître, deux surveillants, un gardien, deux diacres, un secrétaire, un orateur, un maître des cérémonies, un couvreur, un expert et un aumônier. La disposition de la loge est conforme aux prescriptions de Vuillaume et de Delaunay, mais les chandeliers sont placés « L’une à Est, vers le Sud. Deux à l’Ouest, l’une vers le Sud et l’autre vers le Nord », selon la pure tradition Ecossaise. Au-dessus du trône se trouve un delta ou triangle portant le tétragramme en hébreu.
L’ouverture suit fidèlement les indications du « Guide » ou, si l’on préfère, du rituel de la Triple Unité. Seule manque la circulation du mot du grade, du vénérable au second surveillant par l’intermédiaire des diacres. Les circonstances de l’initiation suivent le même schéma, y compris la prière et la question de la croyance en Dieu, avec cependant quelques modifications non négligeables :
- C’est le premier diacre qui introduit le candidat puis le conduit lors de ses voyages (il est alors dénommé F. Terrible).
- Le candidat est purifié par l’air lors du premier voyage, par l’eau au deuxième et par le feu au troisième. De même les bruits divers, les cliquetis d’armes, le silence enfin accompagnent les trois voyages, comme c’est l’usage aujourd’hui dans les loges belges de Rite « moderne ».
- La lumière est donnée en un temps, suivant l’exemple du « Régulateur », sans l’épisode du cadavre du parjure.
L’obligation est prise devant l’autel, le candidat à genoux, la main droite sur l’épée nue, l’équerre et le livre des statuts de l’ordre (et non plus la bible), la main gauche tenant le compas ouvert à 60°, une pointe sur le coeur, l’autre dirigée vers le bas. Le vénérable renvoie ensuite le candidat à l’ouest, entre les colonnes, où la lumière lui est donnée dans le cercle des épées. Suit la consécration, à l’est, par trois coups sur l’épée placée sur la tête de l’impétrant. La formule utilisée diffère quelque peu dans les deux rituels publiés :
Au nom de Dieu, seul auteur et souverain maître de toutes choses, sous la protection de St Jean, au nom et sous les auspices des SS GG II Gén, chefs, protecteurs et vrais conservateurs de l’ordre, 33° et dern deg du Ecoss Anc Acc composant le Sup Cons du St Empire pour la France et ses dépendances, en vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés par eux et cette resp Loge je proclame le F…. que vous voyez présent entre les deux colonnes, apprenti maç et en cette qualité Membre de la resp Loge n° ….constituée sous le signe distinctif de à l’Or de (in Ordo ab Chao, 1999 : 528)
A la gloire du Grand Architecte de l’Univers, au nom et sous les auspices des Souverains Grands Inspecteurs, véritables conservateurs de l’ordre, 33° et degré du Rite Ecossais Ancien Accepté, composant le Suprême Conseil du Saint-Empire pour la France et ses dépendances. En vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés par eux et par cette vénérable loge, je vous crée, reçois et constitue apprenti maçon, premier degré du Rite Ecossais Ancien Accepté, et membre de la vénérable loge symbolique constituée sous le n° 124 et le titre distinctif Le progrès de l’Océanie, à l’orient d’Honolulu dans les îles Sandwich.(in Collactanea, 1995 : 55)
L’instruction est d’un intérêt fondamental car elle démontre que l’influence « ancienne », si prégnante dans le « Guide », fut considérablement atténuée. Les questions-réponses ont été réécrites, pour les aligner sur la cérémonie mais aussi pour les adapter au goût du discours moralisateur si caractéristique de l’époque. La description de la réception est conforme aux péripéties vécues par le néophyte et les voyages décrits comme le passage du chaos à l’ordre et à la paix. La description de la loge apporte quelques précisions inédites :
Où travaillez-vous ?
Dans une loge.Comment se nomme votre loge ?
Elle a pour nom générique la loge saint Jean ;Que veut dire cette dénomination ?
Comme St Jean que les Anciens nommaient Janus semble garder les portes du ciel et les ouvrir à l’astre radieux du jour la route céleste que parcourt le soleilPhrase curieuse dont manquent sans doute un ou plusieurs mots. La traduction anglaise est tout aussi incorrecte. , fut nommé le temple ou l’empire de Janus ; de même aussi la loge où travaillent les maç Pour parvenir à la connaissance de la Vérité qui est la vraie lumière, a été nommée la loge St Jean parce qu’elle est l’image de l’UniversComment est construite votre loge ?
C’est un carré long, sa longueur s’étend de l’Est à l’Ouest, dont la largeur est du Nord au Sud, la hauteur de la terre au cieux, et la profondeur de la surface de la terre au centre.Comment est couverte votre loge?
Par une voûte de couleur d’azur parsemé d’étoiles sans nombre, et où circulent le soleil et la lune, et d’innombrables globes qui se soutienne par leurs attractions pondérées.Quels sont les soutiens de cette voûte ?
Douze belles colonnes.La loge n’a-t-elle pas d’autres appuis ?
Elle est encore fondée sur trois piliers.Quels sont-ils ?
Sagesse, Force, Beauté. Trois des principaux attributs de la Puissance Suprême.Comment sont représentés dans la loge ces trois attributs de la puissance Sup?
Par trois grandes lumièresComment sont placées ces trois grandes lum?
Une à l’Est, une à l’Ouest et la 3° au Sud.Ordo ab Chao, 1999 : 544-545.
Surprenante est l’introduction de notions « ésotériques » qu’on n’attendrait pas si tôt, l’allusion à Janus par exemple qu’on croirait empruntée à René Guénon ou encore la signification des colonnes de bronze du temple comme portes solsticiales :
Que signifie le porche ?
Il marque le point de l’Est où le soleil se lève sur l’hémisphère ; c’est aussi le symbole de l’initiation aux mystères de la maçonnerie.Que signifient les deux piliers de bronze ?
Ils marquent les deux points solsticiaux que depuis des milliers de siècles l’étoile du matin n’a jamais encore traversé comme si elle était retenue par une barrière de bronze.
Remarquons aussi que les Grandes Lumières ne sont pas constituées par l’ensemble bible-équerre-compas, selon l’usage « ancien », mais par les trois chandeliers d’angle, sans cependant qu’elles ne renvoient au ternaire « moderne », soleil-lune-maître de la loge.
Le deuxième degré amène des modifications significatives. Une préface annonce la signification nouvelle des trois degrés, inconnue des Anciens comme des Modernes, les trois âges de l’homme et introduit « l’allégorie solaire ».
De même que le gr d’app est la figure de la jeunesse, de même aussi le gr de comp représente la société dans l’âge civil … On pourrait encore en suivant l’allégorie solaire, comparer le second deg de la Maç à cette précieuse partie de l’année qui se renferme entre les deux équinoxes du printemps de d’automne…
Ibid. 1999 : 550.
Le schéma de la réception est inchangé : cinq voyages, sous la conduite de l’expert et non d’un diacre, précédant la découverte de l’Etoile Flamboyante, mais leur signification n’est plus celle du « Régulateur ». Certes, ils sont toujours marqués par le port des mêmes outils et représentent, comme par le passé, les années d’apprentissage, mais l’enseignement qui les accompagne ne porte plus sur la formation opérative. Au premier voyage, le candidat découvre les cinq sens et l’Etoile Flamboyante ; au deuxième les cinq ordres d’architecture
L’ouverture de la loge de maître ne prévoit plus de diacres. La loge est obscurcie et drapée de noir, éclairée seulement par « trois étoiles mystiques ». Le candidat est introduit à reculons et ne se retourne qu’après qu’ont été examinés ses mains et son tablier. Il gagne ensuite l’orient, par-dessus le cadavre et écoute la légende d’Hiram. Celle-ci est déjà simplifiée : il n’est plus fait allusion à un complot de 15 compagnons dont douze se retirent in extremis mais seulement des trois assassins ; le parcours est (pour la première fois ?) « solaire », de la porte de l’est à celle de l’ouest et, détail capital, l’obligation que trois soient réunis pour prononcer le mot a disparu. Ni la cérémonie ni l’instruction finale ne font allusion à une perte du mot et l’accent est mis sur la résurrection de l’architecte, assimilée au retour de la lumière. Lorsque le vénérable relève le candidat, il prononce ces paroles :
Dieu soit loué ! Le Maître est retrouvé, et il paraît aussi radieux que jamais.
(Après avoir conduit le néophyte à l’orient, il ajoute) Célébrons, mes Frères, par des acclamations de joie cet heureux jour qui ramène sur notre atelier attristé depuis si longtemps la lumière qui en paraissait bannie pour toujours ; notre Maître a revu le jour, il renaît dans la personne de notre Frère…
Ibid. 1999 : 631-632.
L’instruction nouvelle ne laisse aucun doute sur la signification solaire de la légende :
Que signifie donc l’histoire d’Hiram ?
Je pense que, dans la vérité, cette histoire est une figure de la marche apparente du soleil dans les signes inférieurs pendant trois mois qui s’écoulent depuis l’équinoxe d’automne ; que ces trois mois sont les trois conspirateurs, causes immédiates de sa fin apparente au solstice d’hiver.A quelles circonstances reconnaissez-vous cela ?
Le soleil, à cette époque de deuil pour toute la nature, paraît vouloir fuir à jamais notre hémisphère. Cependant il semble bientôt se relever, retourner vers l’équateur et reparaître dans tout son éclat. De même nous voyons notre vénérable maître Hiram retiré des bras de la mort et revenir à la vie.
5.3. La mutation naturaliste
Ces deux rituels témoignent d’un éloignement évident des usages « anciens », comme de la tradition française. Certes le schéma de base des cérémonies (introduction, voyages, serment, consécration, communication) est conforme au Guide mais des apports nouveaux l’en distinguent nettement.
Au 1er grade, la purification par l’eau s’ajoute à celle par le feu, ce qui ne manque pas de logique, d’autant que le Rite Français les connaissait depuis 1786
Les enseignements distillés au candidat lors de ses cinq voyages au 2ème grade méritent qu’on s’y arrête. Les cinq sens et les sept arts libéraux ne posent guère problème : ils étaient déjà expliqués dans l’instruction d’apprenti de TDK comme dans celle du Guide et leur insertion dans la cérémonie de réception du compagnon n’était finalement qu’une modification scénique. Par contre, l’apparition des cinq ordres d’architecture et des deux globes était une innovation réelle dont l’inspiration doit être trouvée aux Etats-Unis. Elle se trouve en effet dans un ouvrage célèbre outre atlantique, le « Freemason’s Monitor or Illustrations of Masonry » de Thomas Smith Webb (1771-1819), ouvrage, publié pour la première fois en 1797, plusieurs fois réédité du vivant de l’auteur comme après son décès, qui exerça une influence considérable sur la mise en forme des cérémonies pratiquées aux Etats-Unis et valut à Webb le titre de « père du Rite Américain »
Or, dans l’ouvrage de Webb, les « Remarques sur le second discours » contiennent une « exhortation à l’initiation au second degré »
Mais Webb lui-même n’inventait rien. En effet, on sait qu’il suivit fidèlement l’oeuvre d’un de ces prédécesseurs, l’écossais (mais londonien d’adoption) William Preston (1742-1818), dont les « Illustrations of Masonry » parurent en 1772, avant de nombreuses éditions ultérieures. C’est dans cet ouvrage que se trouve le texte que copia littéralement Webb. Il s’y intitule de même « Remarques sur le deuxième discours » et contient l’explication des cinq ordres d’architecture, des cinq sens, des sept arts libéraux et des globes
Essentielle, enfin, est l’interprétation nouvelle du mythe d’Hiram. Son thème-clef n’est plus la perte de l’ancien mot du maître dont il n’est plus fait mention, mais bien l’identification de l’architecte au soleil. Sa mort brutale devient une allégorie du déclin de l’astre du jour lors des trois mois d’automne et de sa disparition au solstice d’hiver, tandis que sa résurrection ultérieure, affirmée par le texte même de la cérémonie, illustre le retour de la lumière. Hiram devient ainsi un avatar de ces dieux proche-orientaux « qui meurent et renaissent », Mithra ou Adonis. Très curieusement, cette innovation avait été introduite par un réformateur qui était membre du Grand-Orient de France
C’est notre Maît ! s’écrièrent-ils ; c’est notre Maît ! » L’un d’eux voulut essayer de le soulever : mais son trouble fut si grand, qu’il s’écria que la chair quittait les os !…Et leur consternation fut extrême ! Cependant le Maît les entendait ; il n’était pas mort, il avait dormi seulement
Souligné par moi. ;le repos avait guéri ses blessures, et se levant doucement à l’aide d’un Maç Fidèle, il leur dit : « cessez de pleurer ; ne craignez point. Vous m’avez cherché, vous m’avez trouvé. Me voilà ! ». Et son visage devint radieux comme le soleil.Des Etangs, 1825 : 99-100.
La lecture nouvelle de la légende d’Hiram lui enlevait son caractère d’origine. Son assimilation à un phénomène naturel transformait le mythe en une allégorie naïve. Il n’en est pas moins curieux de constater que cette mutation, proposée par un maçon du Rite Français, fut immédiatement adoptée par les tenants du REAA.
Un autre maçon célèbre du temps, Chemin-Dupontès
Dans toutes les initiations se trouve un personnage innocent arraché à la vie d’une manière barbare. Elles semblent avoir voulu nous familiariser avec la mort. Elle est en effet une grande leçon pour les vivans, et il est bon qu’ils en aient souvent l’image devant les yeux
« Cours … », 1841 : 184. .
Mais l’immortalité d’Hiram est assurée :
Hiram, dont la substance corporelle est déjà en décomposition, se relève plein de force. Certes, on n’a pas voulu nous donner cette fiction comme une réalité. C’est donc un symbole, et un noble symbole, répondant bien à la fragilité de la nature humaine : c’est celui de l’Immortalité.
« Cours… », 1841 : 186.
Et vient enfin l’apothéose naturaliste :
Sous le rapport astronomique, Hiram est l’emblème du soleil. Le mot Hiram marque l’élévation, et de là est venu celui de pyramide, en y ajoutant l’article oriental p. Hiram-Abi signifie père élevé; Adonhiram présente à peu-près le même sens, Adon, d’où l’on a fait Adonai, signifiant Seigneur. Comme la reconnaissance pour l’heureuse influence de l’astre vivifiant est la base générale des cultes anciens et modernes, soit directement, soit indirectement sous des formes symboliques, l’Arch ? du T? est le représentant du soleil, et pour ceux qui remontent jusqu’à son auteur, de Dieu lui-même, de Jéhovah, nom que l’on donnait au Grand-Etre, et au soleil, qui en est l’image sensible. La mort d’Hiram est donc comme celle d’Osiris, d’Iacchus, d’Hercule, de Mithra, et de bien d’autres, le symbole de la marche apparente du soleil, qui s’abaissant vers l’hémisphère austral, est dit figurément vaincu, pars suite de la même allégorie, comme le génie du mal. Mais il revient vers notre hémisphère : alors il est vainqueur, il est censé ressusciter. Aussi, dans les trav? de M?, le représentant d’Hiram se relève glorieux, et ces trav?, qui avaient commencé d’une manière lugubre finissent par un appareil d’éclat, et par des acclamations de triomphe et de joie.
Bref, la version « romantique » du REAA peut se résumer ainsi :
- Maintien des formes (disposition des colonnes, mots…) mais abandon partiel du fond du Rite
- ancien (Grandes Lumières, perte de l’ancien mot du maître, règle de trois …).
- Alignement sur le Rite Français (épreuves par les éléments).
- Emprunts aux rituels américains (les développements du 2ème degré).
- Déisme diffus et lecture naturaliste du mythe d’Hiram (allégorie solaire).
5.4. Les rituels de la Grande Loge de France de 1896.
L’histoire du Suprême Conseil de France, au cours du XIX° siècle, fut loin d’être paisible. Depuis qu’en 1821 il avait pris sous son obédience des loges bleues, il rencontrait l’opposition des maçons de base qui n’acceptaient pas la tutelle hiérarchique très lourde d’un organisme formé de membres cooptés à vie et nécessairement réactionnaires, par leur position sociale comme par leur âge. Cette opposition se manifesta à plusieurs reprises, par la création de l’éphémère Grande Loge Nationale en 1848, par celle du Comité Central du Rite Ecossais réformé en 1868, par celle enfin de la Grande Loge Symbolique Ecossaise (GLSE) en 1879. Dans tous les cas, le rejet des hauts grades et des structures oligarchiques fit l’unanimité. L’exigence démocratique se traduisit par l’apparition du slogan « le maçon libre dans la loge libre », imaginé au sein de la GLSE et destiné à faire recette.
Cette évolution alla de pair avec la tentation positiviste qui déborda largement le seul Grand-Orient. Les Maçons Ecossais attaquèrent aussi le Grand Architecte et proposèrent à la Grande Loge Centrale en 1868 sa suppression, ce qui fut accepté le 29 novembre 1869 par 26 voix contre 6. Le Suprême Conseil empêcha cette exécution mais la fronde continua. Le Grand Commandeur, Adolphe Crémieux crut trouver un accommodement en produisant fin 1873 un décret qui se voulait conciliant :
Le Suprême Conseil
Considérant que comme témoignage de la communauté des sentiments qui unissent tous les maçons, il convient d’affirmer la devise maçonnique : Liberté, Egalité, Fraternité ;
Considérant en outre qu’il est de l’intérêt du rite de ramener l’intitulé des planches à une formule uniforme :
Décrète
Toutes les pl Maç devront à partir de la date du présent décret, porter l’en-tête suivant
A.L.G.D.G.A.D.L’U.
Au nom et sous les auspices du Suprême Conseil pour la France et ses dépendances
Le nom de l’At et son numéro
Liberté, Egalité, Fraternité.
Si elles avaient fonctionné sur un mode démocratique, les loges Ecossaises auraient supprimé l’évocation du GADLU dès 1869, décision que ne prit jamais le GODF qui se contenta de la déclarer facultative le 26 octobre 1878
La franc-maçonnerie proclame, comme elle l’a proclamé dès son origine, l’existence d’un principe créateur, sous le nom du Grand Architecte de l’Univers.
La création, le 20 novembre 1879, de la Grande Loge Symbolique Ecossaise, résolument démocratique et libre penseuse, hostile aux hauts-grades et se limitant aux trois premiers grades symboliques, vint mettre un point d’orgue à ces dissensions. Comme de juste, cette nouvelle obédience supprima toute référence au GADLU.
De longues et difficiles négociations furent nécessaires pour qu’enfin le Suprême Conseil accorde leur autonomie aux loges de sa dépendance (8 novembre 1894) et que celles-ci se constituent en Grande Loge de France (23 février 1895). L’année suivante, le 18 décembre 1896, ce nouvel organisme fusionna avec la Grande Loge Symbolique (devenue « de France » en 1894), donnant ainsi naissance à l’actuelle Grande Loge de France. Dans tout cela, il fut peu question des rituels qui n’étaient guère sujet de débat parmi les maçons français de l’époque. Soulignons sans plus que jamais la pratique du REAA ne fut remise en cause par la GLSE qui, pour révolutionnaire qu’elle fût, affirma toujours son attachement à l’écossisme
Je ne dispose pas, hélas, de rituels de la GLSE, sinon du « Rituel Interprétatif pour le grade d’Apprenti » rédigé pour la loge Le Travail et les Vrais Amis Fidèles par Oswald Wirth (1893). Mais ce document, qui introduisit les interprétations alchimiques si chères à de nombreux maçons contemporains, est trop atypique pour servir utilement au débat. Par contre, je possède deux rituels imprimés dont l’un porte en page de garde l’inscription, « Rite Ecossais Ancien et Accepté. Sup Cons
5.4.1. Le grade d’apprenti.
La décoration de la loge est identique dans les deux rituels. Sont décrits les tentures (rouges), la houppe dentelée, les colonnes d’occident, la place des surveillants (le 2ème au sud, le 1er au N.O.), le dais d’orient avec le « delta transparent dans lequel on lit, en caractères hébraïques, le nom du Grand Architecte de l’univers », le soleil et la lune au mur d’Orient, l’autel du vénérable avec un compas, une équerre, un maillet, une épée nue et les Constitutions. Les trois « lumières » (les chandeliers) sont placées « l’une à l’Est vers le Sud. Deux à l’Ouest, l’une vers le Sud et l’autre vers le Nord ». Le rituel GL ajoute :
En outre, et lorsqu’il s’agira d’une tenue d’initiation, on placera devant l’hospitalier un (sic) cartouche sur lequel seront écrits ces mots : la terre, L’air, l’eau, le feu. On pourra suivre ainsi les péripéties de l’initiation. Le néophyte, après avoir reçu la lumière, saisira le sens des allégories qui ont dû le frapper. Les FF sur les colonnes comprendront mieux la filiation si remarquable des études successives par lesquelles la Maçonnerie fait passer les Apprentis et les Compagnons. Au 1er degré la lutte avec la nature, l’étude des forces naturelles pour arriver ensuite au 2ème degré à l’étude de l’homme, au connais-toi toi-même des Sages de l’Antiquité.
L’ouverture est très simple, prévoyant seulement la vérification de la couverture (extérieure) de la loge et de la qualité maçonnique des assistants (les diacres ont disparu). Dans les deux rituels, les travaux sont ouverts à la gloire du Grand Architecte de l’univers
Le candidat est dépouillé de ses métaux et préparé (sans habit, le pied gauche en pantoufle, les yeux bandés) par l’expert et son testament remis au maître des cérémonies. Suivent la présentation du candidat à la porte, l’interrogatoire d’identité et l’introduction sur la pointe de l’épée de l’expert.
A peine admis, le candidat est interrogé sur la liberté, la morale, la vertu, le vice en des termes qui ne diffèrent guère de ceux du « Guide ». Il lui est ensuite demandé un premier serment sur la coupe des libations. Les trois voyages sont conduits par l’expert et rythmés par les trois « obstacles » classiques depuis le TDK. Le deuxième est suivi par la purification par l’eau, le troisième par les flammes, le tout ponctué par des discours sentencieux du vénérable. Viennent alors l’épreuve de la saignée et celle de la bienfaisance, puis la montée à l’orient par les trois pas d’apprenti. L’obligation est prise debout, la main droite sur les Statuts généraux de l’Ordre, la main gauche supportant le compas. Elle comprend les mots « en présence du GADLU » et la pénalité traditionnelle. Ramené entre les colonnes, le néophyte reçoit la lumière, en un temps, dans le cercle des épées. Il est ensuite « créé, reçu et constitué apprenti maçon, 1er degré du REAA
Ajout important : le discours de l’orateur est précédé dans GL par un commentaire du vénérable sur « les quatre éléments des anciens » qui commencent par ces mots :
Autrefois, le candidat à l’initiation subissait les épreuves terribles de ces quatre éléments, la Terre, l’Air, l’Eau et le Feu.
Ce système de l’initiation antique, qui est contredit dans ses développements par la science moderne, n’est accepté par nous que comme une tradition symbolique, montrant le néophyte en lutte avec les forces de la nature…
Il se poursuit par des considérations très banales sur la composition de l’air, les états physiques de l’eau et la combustion de l’oxygène, sans allusion quelconque à l’alchimie.
Par contre, le rituel SC contient en annexe une prière (rageusement biffée d’ailleurs), dite « Actions de grâces pour les jours de réception seulement » :
Grand Architecte de l’Un, les ouvriers de ce Temple te rendent leurs actions de grâces et rapportent à toi ce qu’ils ont fait de bon, d’utile et de glorieux dans cette journée solennelle où ils ont vu s’accroître le nombre de leurs frères. Continue de protéger leurs travaux et dirige -les constamment vers la perfection.
Que l’harmonie, l’union et la concorde soient à jamais le triple ciment de leurs œuvres.
Et vous, prudence, discrétion, modeste aménité, soyez l’apanage des Membres de cet At et que rentrés dans le monde, on reconnaisse toujours, à la sagesse de leurs discours, à la convenance de leur maintien et à la prudence de leurs actions, qu’ils sont les vrais enfants de la lumière.
Cette prière mise à part, ne subsistent du Rite ancien que l’entrée sur la pointe de l’épée, les obstacles rencontrés au cours des voyages et les secrets du grade, le tout noyé dans un déluge verbal dont le Guide déjà avait donné l’exemple.
5.4.2. Le grade de compagnon.
Il débute par un avant-propos très comparable à celui du Progrès de l’Océanie, évoquant à la fois les deux âges de l’homme et l’allégorie solaire.
Les observations préliminaires prévoient quatre cartouches portant les noms des cinq sens, des quatre ordres d’architectures, des arts libéraux et des philosophes (Solon, Socrate, Lycurgue, Pythagore et, dans SC seulement, INRI). Au milieu de la loge, vers l’est, se trouvent deux sphères, placées sur « l’autel du travail » et, à l’est, une étoile Flamboyante ayant au centre la lettre G.
Après l’ouverture, le candidat est introduit et interrogé par l’expert sur quelques questions de l’instruction d’apprenti. Après avoir écouté un discours du vénérable lui apprenant qu’au grade précédent on lui a ouvert a porte des sciences et fait de lui un homme nouveau, il effectue cinq voyages sous la conduite de l’expert. Comme c’était le cas au progrès de l’Océanie, il découvre successivement les cinq sens, les quatre ordres d’architecture et les sept arts libéraux, commentés avec plus ou moins de bonheur par le vénérable
INRI. Ces quatre lettres ne sont point un nom, mais l’inscription mise sur la croix du Christ, et d’après la légende chrétienne, elles signifieraient « Jesus Nazarenus Rex Judeorum ». Jésus est adoré comme un Dieu par les chrétiens, il doit être respecté comme un sage par les philosophes. Sa doctrine, essentiellement humanitaire, pourrait se résumer en ces mots : « Aimez-vous les uns les autres ». Il fut crucifié pour sa morale et ses enseignements, qui depuis ont rempli le monde.
Cela prouve que la force ne peut rien contre le Droit et la Vérité.
Le cinquième voyage exalte la Liberté mais rappelle aussi la nécessité du travail. Avant l’obligation, le vénérable prononce une ode au travail qui se terminent par ces mots :
Sois glorifié ! ô travail, sois béni par les enfants de la veuve pour tes présents du passé, et sois béni pour tes bienfaits de l’avenir.
(levant la main) Gloire au travail.
Tous les FF présents lèvent la main et répètent :
Gloire au travail.
La lettre G est découverte lors du premier et du troisième voyage, lorsque est commentée la géométrie. L’instruction du grade donne cette explication qui enlève à la lettre G toute dimension métaphysique :
On voit briller à l’est une étoile dont les cinq points figurent les sens ; elle se nomme l’Etoile flamboyante.
Cette Etoile Symb ne contient-elle aucun autre emblème ?
On voit au milieu la lettre G, qui signifie Géométrie, l’une des sciences les plus élevées qu’ait produites le génie de l’homme. C’est pourquoi je vois encore dans cette lettre le symb par excellence de l’intelligence humaine.
5.4.3. Le grade de maître.
La loge est tendue de noir, éclairée seulement par « trois étoiles mystérieuses », comme c’était déjà le cas en 1843. Les maîtres portent (pour la première fois ?) un cordon bleu moiré liseré de rouge et un tablier blanc bordé de rouge, portant au milieu les lettres M. et B. brodées en rouge. Ils sont couverts, « les bords (de leur chapeau) avancés sur les yeux en signe de détresse ». Le Très Respectable est assis au-devant de l’autel, au pied des marches.
Le candidat est introduit, à reculons, par deux experts. Soupçonné du meurtre d’Hiram, il est disculpé par l’examen de ses mains et de son tablier. Il est ensuite interrogé sur sa conception du droit, de la justice et de la loi naturelle avant d’être retourné vers l’est et de découvrir le pseudo-cadavre. Il gagne ensuite l’orient en enjambant la tombe et écoute la légende du grade. Conforme à la version du Progrès de l’Océanie, elle voit Hiram gagner successivement les portes de l’est, du sud et de l’ouest où il reçoit le coup fatal.
La suite est classique : le candidat est étendu sur le cercueil et couvert du drap noir avant d’être relevé par le très respectable et les deux surveillants, relèvement qui est plutôt une résurrection comme l’attestent les premiers mots que prononce le très respectable :
Célébrons, mes FF, par des acclamations de joie, cet heureux jour qui ramène sur notre At attristé depuis si longtemps la lumière que nous croyions à jamais perdue. Notre Maître a revu le jour, il renaît dans la personne du F N…
Retour de la lumière, sinon du soleil, tel est donc le fin mot du mythe d’Hiram. L’instruction va plus loin encore et ajoute à l’ordalie de l’architecte une inattendue réminiscence chrétienne :
Que signifie donc l’histoire d’Hiram ?
Je pense que, dans la vérité, cette histoire est une figure de la marche apparente du soleil dans les signes inférieurs pendant trois mois qui s’écoulent depuis l’équinoxe d’automne ; que ces trois mois sont les trois conspirateurs, causes immédiates de sa fin apparente au solstice d’hiver.A quelles circonstances reconnaissez-vous cela ?
Le soleil, à notre époque de deuil pour toute la nature, paraît vouloir fuir à jamais notre hémisphère ? Cependant il semble bientôt se relever, retourner vers l’équateur et reparaître dans tout son éclat. De même nous voyons notre R M Hiram retiré des bras de la mort et revenir à la vie…Comment, dans nos mystères, se fait la résurrection d’Hiram ?
Par le concours de trois Maîtres éclairés.Dites-moi comment ils s’y prennent ?
Le Maître et les deux Surveillants vont pour relever Hiram et le retirer du tombeau ; l’un d’eux en lui prenant la main avec l’attouchement d’App sent qu’il lui échappe, parce que la chair quitte les os ; le second le prenant avec l’attouchement de Compagnon ne réussit pas davantage ; mais ayant réuni tous les trois leurs efforts ils parviennent à le mettre debout, et saluent avec joie son retour à la vie.Que signifie cela ?
C’est l’image des trois premiers jours qui suivent le solstice pendant lesquels les anciens ont dû être incertains sur la marche qu’allait suivre l’astre lumineux, car ce n’est qu’au troisième jour que l’on reconnaît visiblement son retour apparent vers l’hémisphère supérieur.
La dernière réplique est exemplaire : la mort d’Hiram, personnification du soleil, est suivie de trois jours d’incertitude qui précèdent sa réapparition. Nous avons vu que l’architecte s’avérait un des ces dieux proche-orientaux qui meurent et renaissent, nous constatons ici qu’il vit, à mots voilés, la passion du christ et son séjour aux enfers avant sa résurrection le troisième jour !
Mais là ne s’arrête pas la surprise. La cérémonie se termine par un long discours du très respectable, directement inspiré de « L’histoire de la reine du matin et de Soliman prince des génies », de Gérard de Nerval
Discours du très respectable | Nerval |
A l’heure indiqué, le Maître se dirige vers l’entrée du temple ; il s’adosse au portique extérieur, et se faisant un piédestal d’un bloc de granit, il jette un regard assuré sur la foule convoquée puis se dirige vers le centre des travaux. A un signe d’Hiram, les flots de cet océan humain pâlissent et tous les visages se tournent vers lui.Le Maître alors lève le bras droit, et de sa main ouverte, il trace en l’air une ligne horizontale, du milieu de laquelle il fait tomber une ligne perpendiculaire figurant deux angles droits en équerre, signe auquel les Syriens reconnaissent la lettre T.
A ce signe de ralliement, la fourmilière humaine s’agite, comme si une trombe de vent l’avait bouleversée. Puis les groupes se forment, se dessinent en lignes régulières et harmonieuses, les légions se disposent, et ces milliers d’ouvriers, conduits et dirigés par des chefs inconnus, se partagent en trois corps principaux, subdivisés chacun en trois cohortes distinctes, épaisse et profondes où marchent : 1° les Maîtres, 2° les Compagnons, 3° les Apprentis. Devant cette force inconnue qui s’ignore elle-même, Salomon a pâli ; il jette un regard effaré sur le brillant mais faible cortège des prêtres et des courtisans qui l’entourent… Eh quoi ! se dit Salomon, un seul signe de cette main fait naître ou disperse des armées ? |
A ces mots, Adoniram, s’adossant au portique extérieur et se faisant un piédestal d’un bloc e granit qui se trouvait auprès, se tourne vers cette foule innombrable ,sur laquelle il promène ses regards. Il fait un signe, et tous les flots de cette mer pâlissent, car tous ont levé et dirigé vers lui leurs clairs visages…Adoniram lève le bras droit, et, de sa main ouverte, trace dans l’air une ligne horizontale, du milieu de laquelle il fait retomber une perpendiculaire, figurant ainsi deux angles droits en équerre comme les produit un fil à plomb suspendu à une règle, signe sous lequel les Syriens peignent la lettre T, transmise aux Phéniciens par les peuples de l’Inde, qui l’avaient dénommée tha, et enseignée depuis aux Grecs, qui l’appellent tau.
Aussi, à peine Adoniram l’a-t-il tracée dans les airs qu’un mouvement singulier se manifeste dans la foule du peuple. Cette mer humaine se trouble, s’agite, des flots surgissent en sens divers, comme si une trombe de vent l’avait tout à coup bouleversée… Bientôt des groupes se dessinent, se grossissent, se séparent ; des vides sont ménagés, des légions se disposent carrément ; une partie de la multitude est refoulée ; des milliers d’hommes, dirigés par des chefs inconnus, se rangent comme une armée qui se partage en trois corps principaux subdivisés en cohortes distinctes, épaisses et profondes… Au centre on reconnaît les maçons et tout ce qui travaille la pierre : les maîtres en première ligne ; puis les compagnons, et derrière eux les apprentis… Troublé, Soliman recule de deux ou trois pas ; il se détourne et ne voit derrière lui que le faible et brillant cortège des prêtres et de ses courtisans… « Quel est donc, se demandait Soliman rêveur, ce mortel qui soumet les hommes comme la reine commande aux habitants de l’air ?…Un signe de sa main fait naître des armées : mon peuple est à lui, et ma domination se voit réduite à un misérable troupeau de courtisans et dei prêtres. Un mouvement de ses sourcils le ferait roi d’Israël ». |
Et le récit se termine, dans le rituel, par une conclusion bien dans l’air du temps : « Salomon était obligé de reconnaître une force nouvelle à côté de laquelle jusqu’alors il était passé sans même la soupçonner. Cette puissance, c’était le PEUPLE ».
6. Ultimes avatars du REAA au XX° siècle.
Le rituel de la GLDF de 1952
L’autel est dit « autel des serments ». Le plateau du vénérable, situé au pied des marches d’Orient, supporte les Constitutions d’Anderson de 1723 et la Constitution de la GLDF, ouverte, sur laquelle sont placés une équerre et un compas. Au mur d’Orient se trouve le delta portant, en lettres hébraïques, le tétragramme.
Pour la première fois, au REAA, apparaissent la reconnaissance des assistants par les deux surveillants, déambulant le long des colonnes
La version de 1962 entérine une modification de taille. En effet, en 1953, le convent de la Grande Loge de France, dans l’espoir qui ne se réalisera jamais d’obtenir la reconnaissance britannique, avait adopté une motion décidant :
que les Obligations seront prêtées sur l’Equerre et le Compas et un livre de la Loi Sacrée, ce dernier étant considéré sans aucun caractère religieux particulier, comme symbole de la plus haute spiritualité dont s’inspire le Maçon qui s’engage à oeuvrer éternellement à dégager l’Ordre du chaos
Les « trois Grandes Lumières » furent donc replacées sur l’autel des serments, tandis que la patente de constitution était exposée devant le plateau du vénérable, l’œil symbolique remplaçant le tétragramme dans le delta. Lors de l’allumage des chandeliers, il fut spécifié qu’il s’agissait des « petites lumières » et c’est un ancien vénérable qui devait ouvrir la bible, sous l’équerre formé par la canne et l’épée du maître des cérémonies et de l’expert, comme il le fait en Angleterre sous les cannes des diacres
Dans cette même version, le candidat, dépouillé de ses métaux et partiellement dévêtu, porte la corde au cou, autre usage britannique. La lumière est donnée en deux temps : dans le cercle des épées au premier temps avec la scène du parjure, dans la chaîne d’union au second.
Restent constants certains ensembles symboliques du REAA d’origine : les colonnes B au N.O. et J au S.O. (ancienne), la disposition des chandeliers (écossaise), la place des officiers, la couleur rouge, la marche du pied gauche…
En 1965, le REAA fut apporté à la GLNF, qui ne connaissait jusque là que le « Rite Emulation » et le Rite Ecossais Rectifié, par des transfuges de la GLDF, dans des circonstances dramatiques qui ont fait couler beaucoup d’encre mais sortent de notre propos. Très naturellement, les rituels n’en furent guère affectés, le gros du travail étant déjà réalisé.
Le rituel dit « Cerbu », aujourd’hui en usage à la Grande Loge Nationale Française, prévoit, lors de l’ouverture des travaux, que le vénérable allume l’Etoile portée par la colonnette ionique (au S.E.) en disant : « Que la Sagesse préside à la construction de notre édifice » ; le 1er surveillant allume l’étoile de la colonnette dorique (S.O.), en disant « Que la Force la soutienne » ; le 2ème surveillant allume l’Etoile de la colonnette corinthienne (N.O.), en disant « Que la Beauté l’orne »
Les cinq voyages du compagnon amènent la présentation successive des cinq sens, des cinq ordres d’architecture, des sept arts libéraux et des deux sphères, terrestre et céleste. Le denier voyage se termine par la glorification du travail (les philosophes ont disparu). La réception se termine par un emprunt compagnonnique totalement inédit
Pourquoi vous êtes-vous fait recevoir compagnon ?
Pour connaître la lettre G.Que signifie cette lettre ?
Le G A D L U, ou bien celui qui é été élevé jusqu’au faîte du Temple. Cette lettre signifie aussi Géométrie et peut recevoir d’autres interprétations nombreuses.
Au 3° grade, un voile noir, placé à la hauteur des marches de l’Orient, isole le Debhir du Hikal. Cette disposition, inconnue des rituels du début du siècle est d’autant plus surprenante qu’elle semble bien un emprunt supplémentaire au Rite Français du XIX° siècle : le voile apparaît en effet dans les rituels réformés en 1858 sous la grande maîtrise du prince Murat
Le rituel conserve quelques unes des particularités « romantiques » que nous avons décrites. Ainsi le symbolisme solaire n’a pas entièrement disparu et le thème de la résurrection est toujours bien présent. Lorsqu’il découvre le cadavre, le vénérable dit :
On croirait qu’il respire encore. Son noble visage, respecté par la mort, exprime le calme de la conscience et la paix de l’âme, tant l’empreinte de la vertu était profondément gravée sur ses traits.
Et, après le relèvement :
Gloire au G A D L U, le M est retrouvé et il reparaît aussi radieux que jamais.
Interprétation naturaliste que vient confirmer l’instruction :
…Le Tombeau d’Hiram renferme toutes les traditions perdues. Mais Hiram ressuscitera…
Comment, dans nos mystères, s’opère la résurrection d’Hiram ?
Par le concours de trois MM Maç éclairés et fidèles…Quelle peut donc être la signification (de la fin d’Hiram) ?
Envisagé comme Rite Solaire, le drame d’Hiram peut se référer à la marche apparente du soleil : les trois meurtriers seraient alors les trois derniers mois de l’année, pendant lesquels le Soleil descend dans les Signes Inférieurs et semble fuir à jamais notre hémisphère. Cependant, après le Solstice d’Hiver, on le voit se relever et bientôt il reparaît dans tout son éclat. De manière analogue, nous voyons notre R M Hiram sortir de son tombeau et revenir à une vie nouvelle.
Rien dans la cérémonie ne rappelle la perte de l’ancien mot du Maître. Par contre l’instruction réintroduit le thème essentiel de la perte et du choix d’un mot substitué :
Comment voyagent les MM Maç ?
De l’Or à l’Occ et de l’Occ à l’Or et par toute la Terre.Dans quel but ?
Pour chercher ce qui a été perdu, rassembler ce qui est épars et répandre partout la Lumière.Qu’est-ce qui a été perdu ?
Les secrets véritables des MM MMComment ont-ils été perdus ?
Par « Trois Grands Coups », qui ont causé la fin tragique de notre R M Hiram.
Ce retour, un de plus, à la tradition « ancienne »
Bro. J.W., as a M.M., whence come you ?
From the E., W.M.Bro S.W. whither directing your course ?
Towards the W., W.M.What induced you to leave the E. and go to the W. ?
To seek for that which is lost, which, by your instruction and our own endeavours, we hope to find.What is that which is lost ?
The genuine secrets of a M.M.How came they lost ?
By the untimely death of our Master, H.A.
Ainsi le REAA renoue-t-il avec ce qui le caractérise depuis l’origine : le syncrétisme et l’addition de traditions diverses. Après les influences britanniques et américaines relevées plus haut, en voici d’autres, d’origines hollandaise, compagnonnique et « Emulation ».
L’autre rituel utilisé à la GLNF est appelé « 1802 ». Il diffère peu du « Cerbu ». Comme lui, il comporte les épreuves par les éléments au 1er grade, « le juge suprême » et la conduite compagnonnique au 2ème grade. Les cinq sens, les ordres d’architecture et les arts libéraux sont présentés, mais sans commentaire cette fois, lors des voyages du compagnon. Les globes ont disparu mais le Travail, présenté comme une mission, voire une religion, est toujours bien présent au dernier voyage.
Comme dans le « Cerbu », la loge de maître est divisée en deux compartiments par un voile noir et elle n’est éclairée que par une seule lumière
7. Remarques finales.
Les grades bleus du REAA ne constituent pas un ensemble monolithique et immuable. Apparus dans un contexte maçonnico-politique précis, la période napoléonienne, ils subirent des changements successifs jusqu’à rendre méconnaissable leur version d’origine. Loin de témoigner d’une tradition « de temps immémorial », ils furent sans cesse remaniés et adaptés au goût du temps, ce qui explique qu’aujourd’hui s’en réclament des loges qui utilisent des rituels très différents, diversité qu’explique l’histoire interne, si souvent négligée, des rituels eux-mêmes.
Dans le cas du REAA, on peut reconnaître, sans simplification abusive, trois époques successives.
La première, disons « impériale », est marquée par un alignement, qu’on peut trouver excessif, sur l’exemple « ancien » des Britanniques, alignement qu’explique seulement la volonté de se démarquer du GODF. Le résultat, officialisé par le Guide des Maçons, devait s’avérer impraticable dans la mesure où cet alignement allait de pair avec le maintien d’usages français empruntés au Rite du même nom ou au Rite Ecossais Philosophique. La volonté d’inclure dans un décor « Ecossais » une rituélie « ancienne » impliquait des entorses aux deux traditions qui se voyaient, par la force des choses, partiellement dénaturées.
La deuxième époque, « romantique », vit l’abandon relatif de la tradition ancienne dans le cérémonial utilisé qui ne subsista que dans diverses péripéties de l’initiation, dans la disposition des colonnes d’occident et la répartition des mots, sacrés ou « de passe ». Les rituels du Suprême Conseil des années 1829-1842 sont exemplaires de cette évolution. Le squelette des cérémonies reste celui du Guide : entrée sur l’épée, interrogatoires, voyages, obligation, consécration et communication des secrets « anciens ». La décoration de la loge reste marquée de la double influence, ancienne et écossaise. Mais l’esprit en est considérablement modifié : l’introduction des « éléments » au 1er degré permettra bientôt l’interprétation alchimique qui sera développée par Oswald Wirth, Jules Boucher et leurs émules, les commentaires des voyages du second degré introduisent des considérations pseudo-philosophiques inspirées du positivisme d’Auguste Comte, l’accent mis sur la nécessité du travail et la volonté populaire témoignent de préoccupations sociales très éloignées de la tradition maçonnique. Le plus significatif reste la mutation du mythe hiramique, devenu allégorie naturaliste, et l’occultation complète du thème de la perte de l’ancien mot du maître. Très caractéristique également est la disparition de la bible
La dernière époque, contemporaine, vit un retour au spiritualisme conforme aux exigences anglaises, sans cependant que disparaisse entièrement le naturalisme naïf de l’ère romantique, toujours perceptible malgré quelques adaptations de surface. L’ensemble pêche, reconnaissons-le, par une certaine incohérence d’autant que cette dernière évolution amena aussi des emprunts inattendus à des traditions parallèles, Rite Français, « Rite » Emulation, influence compagnonnique.
7.1 Les trois lectures de la légende d’Hiram.
Dans les divulgations françaises du XVIII° siècle, dont le paradigme reste « L’Ordre des Francs-Maçons trahi… » de 1745, le thème hiramique était en fin de compte celui de l’union mystique de l’impétrant avec Dieu. Il n’est pas inutile de souligner que le Maître Hiram, assassiné dans les circonstances que l’on sait, est mort et bien mort, comme l’atteste son inhumation ultérieure. C’est le candidat, et lui seul, qui est « relevé » du tombeau et donc « renaît » par l’action conjointe du Vénérable Maître et des deux Surveillants. Mais si « renaissance » ou « résurrection » il y a, elle se déroule dans des circonstances très particulières : le tombeau dans lequel est couché l’impétrant n’est pas celui d’un quelconque architecte, mais bien celui du Dieu des trois grandes religions monothéistes, dénommé ici, à tort ou à raison, Jéhovah, puisque ce nom est inscrit sur la tombe comme le montrent les gravures des premières divulgations françaises du XVIII? siècle
A cette interprétation française s’oppose la version « ancienne » qui insiste sur la perte du mot, conséquence inéluctable de la mort d’un des trois protagonistes nécessaires pour qu’il soit encore communiqué. Cette version, basée sur la « règle de trois » des premiers catéchismes anglais, est foncièrement pessimiste et demande qu’un ou plusieurs grades ultérieurs viennent pallier la perte et permettent la (re)découverte du mot perdu. Ce sera le rôle du Royal Arch anglo-saxon, comme des degrés équivalents du REAA, Chevalier Royale-Arche et Grand Elu de la voûte sacrée.
Les développements romantiques du REAA donnent un tout autre sens à la geste hiramique : l’architecte devient allégorie solaire et emblème naturaliste d’un phénomène somme toute banal, la disparition du soleil au solstice d’hiver et sa renaissance ultérieure. La mort d’Hiram n’est ici qu’apparente et sa résurrection, ou son réveil, est inscrite dans l’ordre naturel. Cette mutation aligne Hiram sur l’exemple des dieux proche-orientaux « qui meurent et renaissent » et ne va pas sans donner au mythe un certain relent de paganisme qui aurait surpris, n’en doutons pas, les pasteurs londoniens des origines.
Ces deux dernières lectures sont, sous les apparences, toujours visibles dans les versions actuelles du grade de maître selon le REAA, leurs rédacteurs n’ayant, semble-t-il, pas perçu leur caractère antinomique.
7.2 Cohérence des grades bleus et des hauts-grades du REAA.
La question donc se pose : quel est le « vrai » REAA et, corollaire obligé, existe-t-il une authentique tradition qui lui assure sa légitimité, pour les grades bleus s’entend ?
La réponse, si réponse il y a, ne peut se baser que sur l’articulation de cette rituélie avec les hauts grades du REAA, les seuls finalement qui donnent au système sa cohérence et le justifient. Or cette articulation ne se fait pas sans mal. Et pour cause : les hauts-grades qu’offre ce Rite sont tous antérieurs à l’apparition des grades bleus puisque ils furent élaborés entre 1740 et 1760 pour les premiers, entre 1770 et 1801 pour les deux derniers.
Mais ces hauts-grades eux-mêmes ne forment pas un ensemble véritablement cohérent. Hétérogènes et de facture variée, ils furent organisés en strates successives que ne lie, parfois, qu’une numérotation arbitraire : les grades hiramiques ou « ineffables », du 4ème au 14ème ; les grades dits « de l’exil » fondés sur la construction du second temple, 15ème et 16ème ; les grades chrétiens, johanniques et apocalyptiques à la fois, du 17ème au 19ème ; les grades templiers (30ème et 32ème) et … les autres, plus difficilement classables car d’inspiration hétéroclite. A vrai dire, la question d’une éventuelle cohérence avec les grades bleus ne se pose qu’entre le grade de maître et les grades hiramiques qui achèvent le thème de la construction du premier temple puisque ce sont les seuls où l’on retrouve les questions que laissait en suspens la mort d’Hiram : l’achèvement du temple (thème des grade du 4ème au 8ème ), le châtiment des assassins (9ème au 11ème grade) et la découverte du mot perdu du maître (thème des 12ème, 13ème et 14ème degrés). En clair, le rituel de la maîtrise, s’il se veut dans la ligne droite du Rite vu dans son ensemble, doit poser ces trois questions sans équivoque et s’abstenir de toute ébauche de réponse. Dans cette optique, aucune des trois versions décrites plus haut n’est entièrement satisfaisante.
La version du Guide, pour faire court, s’articule assez bien avec les grades d’achèvement, très mal avec les grades de vengeance devenus redondants, mieux avec les grades centrés sur la découverte du mot perdu. L’adoption des particularités du Rite ancien (disposition des colonnes d’orient, déplacement des surveillants, répartition des secrets) n’apporte ni n’enlève quoi que ce soit à l’économie du système, bien qu’ils ne correspondent pas aux prescrits des hauts-grades. Ceux-ci, ne l’oublions pas, furent imaginés par des maçons de tradition et de formation « Française » qui ignoraient tout du Rite Ancien d’Angleterre. Rien d’étonnant donc si les hauts-grades paraissent souvent plus « modernes » qu’ « anciens » . Ainsi les surveillants lorsqu’il y en a deux
L’adaptation romantique du REAA n’est guère plus satisfaisante car la version naturaliste de la légende d’Hiram enlève toute pertinence à la perte du mot dans la mesure où Hiram « ressuscitant» ne peut l’emmener dans la tombe. Les grades clefs du REAA (13ème et 14ème) en deviennent incongrus. Par contre, l’omission du châtiment des coupables rend leur raison d’être aux grades de vengeance.
Quant aux versions contemporaines, elles tentent, maladroitement selon nous, de marier la lecture naturaliste à l’héritage ancien mais ce mariage introduit dans le grade lui-même une confusion regrettable (on ne sait finalement si le mot est perdu ou non ?).
Ces difficultés internes aux rituels eux-mêmes entraîne une conséquence inattendue aux yeux de certains thuriféraires du REAA : qui ne verra que l’articulation entre les hauts-grades du REAA et les grades bleus homonymes ne présente rien de spécifique et que les grades symboliques des autres Rites, Français, Moderne (belge), Ecossais philosophique et autres, peuvent tout aussi aisément servir d’introduction aux hauts-grades en question puisqu’ils posent les mêmes questions?
Qu’en conclure sinon qu’il a manqué au Rite un Willermoz pour établir une cohérence sans faille aux étapes successives de l’ensemble. Dans l’état actuel, aucune des variantes des grades symboliques du REAA ne justifie l’affirmation que les 33 degrés du REAA constitue un ensemble unique et obligé. Est-il hérétique de penser que les grades bleus de tout Rite prépare également à l’enseignement des hauts-grades du Rite Ecossais Ancien et Accepté ?
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