Le Rite Ecossais Ancien et Accepté
Par Laurent Jaunaux
Cet article a été publié dans Acta Macionica n°14, en 2004 pour le bicentenaire du REAA en France.
Introduction
Le Rite Écossais Ancien & Accepté est il un rite « universel » ? Qu’entend-on par universalité en parlant de la Franc-Maçonnerie ? Telles sont les questions que je me suis un jour posées en voulant regarder d’un œil critique le rite qui m’a vu naître à la Maçonnerie il y a des années de cela.
Pourquoi finalement se poser ces questions ? Il apparaît que les Frères pratiquant le Rite Écossais Ancien & Accepté dans les pays francophones manifestent un très fort attachement à leur rite. Ils revendiquent paradoxalement spécificité et universalité.
Spécificité parce qu’ils considèrent qu’ils pratiquent un rite très codifié, précis, héritier d’une longue tradition ésotérique et initiatique qu’on ne trouve dans aucun autre rite et universalité parce que fort de ses spécificités ce rite s’intègre parfaitement dans l’Ordre Maçonnique Universel. Pour reprendre l’expression de Yves-Max Viton, Passé Grand Maître de la Grande Loge de France, nous pourrions dire que le REAA est un soliste dans le concert de la Franc-Maçonnerie Universelle.
Pour bien comprendre ces réflexions, il nous appartient de faire un bref rappel de l’histoire de ce Rite.
Résumé historique
Le Rite Écossais Ancien & Accepté est né il y a un peu plus de deux siècles, en 1801 exactement, à Charleston en Caroline du Sud. Il comporte aujourd’hui 33 degrés allant de celui d’Apprenti à celui de Grand Inspecteur Général, le fameux 33e degré.
C’est en décembre 1802 qu’une « Circulaire aux deux hémisphères » annonça la création d’un Suprême Conseil du 33e degré des États-Unis d’Amérique le 31 mai 1801 à Charleston.
En Europe, ce Rite est arrivé grâce au Comte Alexandre François Auguste De Grasse-Tilly, membre du Suprême Conseil de Charleston. De Grasse-Tilly s’empressa de fonder le Suprême Conseil de France qui naquit à Paris en Octobre 1804 (le Suprême Conseil de France, celui de la rue Puteaux, toujours en activité à Paris, souché sur la Grande Loge de France).
C’est grâce au traité d’Union de 1805 unissant le Rite Écossais au Grand Orient que ce dernier le reçu en son sein. Alors que le Suprême Conseil de France était en sommeil, cette obédience fonda en 1815 un Suprême Conseil des Rites qui eut Germain Hacquet, ancien Grand Officier du Suprême Conseil de France comme premier Souverain Grand Commandeur. Le Suprême Conseil de France fut réveillé en 1821. Il continua jusqu’à ce jour à diffuser l’esprit et les initiations propres à ce rite.
En Belgique, le Rite Écossais Ancien & Accepté est arrivé grâce à l’armée Napoléonienne qui comptait en son sein de nombreuses Loges. C’est la Respectable Loge « Les Amis Philanthropes » qui fut la première à utiliser ces rituels Cette Loge du Grand Orient de Belgique, toujours en activité, pratique le Rite Moderne. Cependant, une fois par an, elle pratique le Rite Écossais Ancien et Accepté à l’occasion d’une tenue particulière. .
Organisation du REAA
Aujourd’hui le Rite Écossais Ancien & Accepté est très distinctement séparé en classes :
Les Loges Bleues (ou symboliques) forment une première classe qui est administrée par une Grande Loge. Les Loges symboliques dépendent de la Grande Loge, tant dans leur organisation, leur administration que dans la pratique de leur rite.
Les degrés allant du 4ème au 33ième sont placés sous la juridiction d’un Suprême Conseil (pour les Frères venant de la Grande Loge Régulière de Belgique ou d’une obédience reconnue par elle, c’est le Suprême Conseil Pour la Belgique qui administre le Rite pour les degrés supérieurs au 3ième.). Le Suprême Conseil est indépendant de la Grande Loge, néanmoins des accords régissent l’appartenance à l’un et l’autre de ces corps Maçonniques constitués.
La séparation des 3 premiers degrés des autres de la hiérarchie de ce rite n’a pas toujours été aussi nette en Europe. Pendant la période allant de 1821 à 1894, le Suprême Conseil de France a administré l’ensemble des degrés du Rite.
Si nous nous plaçons dans l’optique de démontrer que le Rite Écossais Ancien & Accepté est un rite universel, nous pouvons nous demander si il est cohérent qu’un Suprême Conseil administre des degrés symboliques. La réponse est bien évidemment négative.
D’abord parce que la Circulaire aux 2 hémisphères, écrite par Dalcho et Mitchell en décembre 1802 sépare bien les loges symboliques du système écossais.
Bien que nombre de degrés Sublimes soient, en fait, le prolongement des degrés Bleus, il n’y a pas pour autant ingérence entre les deux institutions
[…]
Les Maçons Sublimes ne procèdent jamais à des initiations aux degrés Bleus sans autorisation de droit accordée dans ce but par une Grande Loge Symbolique
[…]
Les Dénominations des Degrés Maçonniques sont comme suit, à savoir :
1e Degré Apprenti Admis
2e Compagnon
3e Maître Maçon, conférés par la Loge Symbolique
Négative toujours parce que nous savons que Grasse-Tilly, Mitchell et Dalcho appartenaient à des Loges de Rite « Ancien ». Grasse-Tilly ayant également été fondateur et Vénérable Maître de la Respectable Loge « La Candeur La Respectable Loge La Candeur, fondée en 1796 et intégrée le 21 janvier 1798 à la Grand Lodge of Free and Accepted Masons of Southern Carolina (la Grande Loge des « Moderns »). » de Rite « Moderne ».
Négative enfin parce que Grasse-Tilly, dans son « thuileur Cf. la superbe réédition de ce tuileur faite en décembre 2003 à l’initiative du Suprême Conseil pour la France (souché sur la GLNF, sis avenue de Villers) » édité en 1819 fait commencer le Rite Écossais Ancien & Accepté à partir du 4ième degré, conformément à la Circulaire de 1802.
La façon dont est pratiqué le Rite Écossais Ancien & Accepté aujourd’hui nous permet de nous poser la question de savoir si il est universel ?
Pour répondre à cette question, nous allons analyser le Rite, son histoire et sa pratique sous trois aspects : Le premier sera de constater l’apport de ce Rite à la Franc-Maçonnerie Française grâce à une étude de deux textes dits fondateurs. Nous verrons ensuite comment le Rite a su se diffuser dans les principales obédiences Françaises. Nous verrons enfin comment les rituels symboliques Écossais ont évolué depuis 1744. Cela nous permettra de tirer quelques conclusions et de définir des critères « universels » qui définissent l’appartenance d’un rituel au REAA.

Figure 1 : Loge du REAA au 19e siècle. Photo aimablement communiquée
par le Musée-Archives-Bibliothèque de la Grande Loge de France. (merci François
)
L’apport du Rite Écossais Ancien et Accepté
Le Rite Écossais Ancien et Accepté s’est vite développé dès son arrivée sur notre vieux continent. En fait, l’annonce de sa création a été faite par la Circulaire aux Deux Hémisphères de décembre 1802. Nous allons constater que cette circulaire est un authentique hymne à l’universalité. L’étude de l’introduction à la version latine des Grandes Constitutions de 1786, publiée dans les actes du Suprême Conseil de France en 1830 viendra confirmer cette hypothèse.
La Circulaire aux deux hémisphères Une traduction de la Circulaire de 1802 est donnée en annexe. : Un hymne à l’Universalité ?
Quelle est la situation maçonnique mondiale en décembre 1802, au moment où la Circulaire est envoyée aux deux hémisphères ?
Le premier mot qui nous vient à l’esprit pour la qualifier est : Chaotique. En Angleterre, la Grande Loge des « Ancients » s’oppose à celle des « Moderns », chacune essaimant, distribuant chartes et patentes. Aux États-unis la situation est identique. La Caroline du Sud par exemple, berceau du Rite Écossais Ancien et Accepté, compte deux Grandes Loges : La Grande Loge de Caroline du Sud, moderne, et la Grande Loge des « Ancients York Mason », la Grande Loge « Ancienne ». Elles ne s’apprécient pas du tout.
En Europe Continentale le problème est légèrement différent : les Maçons « Modernes » s’opposent aux Maçons « Écossais ». En fait, ces derniers revendiquent des privilèges spéciaux en Loge en vertu des degrés supplémentaires qu’ils ont reçus Ces « privilèges » apparaissent de façon explicite dans le Guide des Maçons Écossais :
Si le frère visiteur est un officier d’une mère-loge, ou député près d’elle, un grand élu de la voûte sacrée, ou subl.’. prince de Royal-Secret, il est reçu à la porte avec cinq étoiles, les maillets battans , et on le fait passer sous la voûte d’acier; avec trois étoiles si c’est un vénérable. . La Maçonnerie bourgeoise parisienne s’oppose également à la Maçonnerie aristocratique provinciale.
C’est dans ce contexte que Dalcho et Mitchell entreprennent une « rénovation » du Rite du Royal Secret Ce rite est connu sous le nom de « Rite de Perfection ». Il comptait 25 degrés qui ont été repris dans le Rite Écossais Ancien & Accepté. du Frère Morin pour aboutir au Rite Écossais Ancien et Accepté. Ils annoncent la création du Rite par la Circulaire aux Deux Hémisphères, envoyée en décembre 1802. Elle commence par ces mots :
De l’Orient du Grand et Suprême Conseil des Très Puissants Souverains,
Grands Inspecteurs Généraux, sous la Voûte Céleste du Zénith situé par 32 deg. 45 Min. de L.N A nos Illustres, très Vaillants et Sublimes Princes du Royal Secret, Chevaliers K.H, Illustres Princes et Chevaliers, Grands, Ineffables et Sublimes Maçons, Francs Maçons Acceptés de tous les degrés, Anciens et Modernes, répandus à la surface des deux Hémisphères. A tous ceux auxquels parviendra cette correspondance : Santé Constance et Vigueur
Que constatons nous ? Nous remarquons que cette circulaire s’adresse à l’ensemble de la Maçonnerie connue alors ; à savoir les maçons Anciens et Modernes sans distinctions de rite ni de degrés.

Figure 2 : Emplacement du Suprême Conseil de Charleston en 1801
Dalcho et Mitchell annoncent ainsi une organisation rituelle commune pour tous.
Commune, le mot est lâché. Est il trop fort ? Peut on penser que Dalcho et Mitchell ont voulu créer un système de hauts grades commun à l’ensemble de la Maçonnerie ? L’introduction ne laisse pas subsister le moindre doute puisqu’elle est à destination de tous.
Cette impression est confirmée par la présentation de l’organisation des degrés :
Les Dénominations des Degrés Maçonniques sont comme suit, à savoir :
1e Degré Apprenti Admis
2e Compagnon
3e Maître Maçon, conférés par la Loge Symbolique
Remarquons encore que la notion de rite n’est pas précisée. Il est simplement écrit « degrés maçonniques » sans autre indication, renforçant cette idée d’universalisme déjà soulevée.
A la lecture de la circulaire, nous remarquons que la hiérarchie des degrés n’est pas encore celle que nous connaissons aujourd’hui. Observons les degrés 29 à 32. Le 29e est le Kadosch. Les 30e, 31e, 32e sont les Sublimes Princes du Royal Secret Le degré de Sublime Prince du Royal Secret était le « nec plus ultra » du Rite dit de Perfection de Morin. .
Un autre paragraphe suscite cette idée d’universalité du Rite :
Outre ces degrés, qui se succèdent régulièrement, la plupart des Inspecteurs possèdent un certain nombre de degrés séparés, conférés dans diverses parties du monde et qu’ils communiquent en général, sans frais, aux Frères qui ont l’élévation suffisante pour les comprendre. Ainsi les Maçons Choisis des 27 et le Royal-Arche, conférés sous l’égide de la Constitution de Dublin. Six degrés de la Maçonnerie D’Adoption, Compagnon Écossais, Le Maître Écossais & Le Grand Maître Écossais, &c., faisant en tout 52 degrés.
Ce dernier paragraphe est intéressant en ce sens qu’il exclu une quelconque exclusivité du Rite en permettant aux Maçons d’être en possession d’autres degrés qui n’auraient pas été intégrés à la hiérarchie écossaise. Nous remarquons entre autres dans cette liste le fameux « Royal Arch », le « Maître Choisi des 27 ».
Il existe aujourd’hui des Suprêmes Conseils Européens qui refusent que les membres de leur juridiction puissent appartenir à d’autres Rites. L’appartenance à plusieurs systèmes est elle incompatible avec le Rite Écossais Ancien & Accepté ?
Les partisans de l’exclusivisme utilisent l’argument de la dispersion ; en appartenant à plusieurs Rites, un Frère pourrait avoir une dispersion intellectuelle qui l’empêcherait de se concentrer sur l’essentiel du Rite pratiqué.
La réponse est, de mon point de vue, négative. Le Rite Écossais Ancien et Accepté, par l’esprit d’ouverture et par ce syncrétisme qu’il affiche dans la Circulaire de 1802 ne saurait restreindre une pratique Maçonnique à un seul Rite. C’est ainsi que le Suprême Conseil pour la Belgique accepte parfaitement, pour l’épanouissement initiatique et intellectuel des membres de sa juridiction, qu’ils appartiennent à un autre système reconnu par la Grande Loge Régulière de Belgique.
Le recueil des actes du Suprême Conseil de France de 1830 publie les Constitutions de 1786 (version dite latine). Une introduction est ajoutée en en-tête ; comme la Circulaire de 1802 cette introduction diffuse l’idée de rite universel.
Les Constitutions de 1786 et l’introduction de 1830
Ordo Ab Chao, telle est la devise du Rite Écossais Ancien et Accepté. Pouvait il en être une autre ? Il me semble qu’elle résume l’esprit du Rite dans son ensemble, à savoir mettre de l’ordre dans le foisonnement de degrés maçonniques du début du 19e siècle.
Voici quelques extraits de l’introduction aux Grandes Constitutions de 1786 telle que publiée dans les actes du Suprême Conseil de France en 1830.
[…]
Mais, dans la suite des temps, la composition des organes de la Maçonnerie et l’unité de son gouvernement primitif ont subi de graves atteintes, causées par les grands bouleversements et les révolutions qui, en changeant la face du monde ou en soumettant à des vicissitudes continuelles, ont, à différentes époques, soit dans l’antiquité, soit de nos jours, dispersé les anciens Maçons sur toute la surface du globe. Cette dispersion a donné naissance à des systèmes hétérogènes qui existent aujourd’hui sous le nom de RITES et dont l’ensemble compose l’ORDRE.
[…]
Ces raisons et d’autres causes non moins graves nous imposent donc le devoir d’assembler et de réunir en un seul corps de Maçonnerie tous les RITES du Régime ÉCOSSAIS dont les doctrines sont, de l’aveu de tous, à peu près les mêmes que celles des anciennes Institutions qui tendent au même but, et qui, n’étant que les branches principales d’un seul et même arbre, ne diffèrent entr’elles que par des formules, maintenant connues de plusieurs, et qu’il est facile de concilier. Ces RITES sont ceux connus sous les noms de Rit Ancien, d’Hérédom ou d’Hairdom, de l’Orient de Kilwinning, de Saint-André, des Empereurs d’Orient et d’Occident, des Princes du Royal Secret ou de Perfection, de Rit Philosophique et enfin de Rit Primitif, le plus récent de tous.
Adoptant, en conséquence, comme base de notre réforme salutaire, le titre du premier de ces Rites et le nombre des Degrés de la hiérarchie du dernier, nous les DÉCLARONS maintenant et à jamais réunis en un seul ORDRE, qui, professant le Dogme et les pures Doctrines de l’antique Franche-Maçonnerie, embrasse tous les systèmes du Rit Écossais sous le nom de RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE.
[…]
Tous les Degrés des Rites réunis, comme il est dit ci-dessus, du premier au dix-huitième, seront classés parmi les Degrés du Rit de Perfection dans leur ordre respectif et d’après l’analogie et la similitude qui existent entr’eux ils formeront les dix-huit premier Degrés du RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE ; le dix-neuvième Degré, et le vingt-troisième Degré du Rit Primitif formeront le vingtième Degré de l’ORDRE. Le vingtième et le vingt-troisième Degré du Rit de Perfection, soit le seizième et le vingt-quatrième Degré du Rit Primitif formeront le vingt-unième et le vingt-huitième Degré de l’ORDRE. LES PRINCES DU ROYAL SECRET occuperont le trente-deuxième Degré, immédiatement au-dessous des SOUVERAINS GRANDS INSPECTEURS GENERAUX dont le Degré sera le trente-troisième et dernier de l’ORDRE. Le trente-unième Degré sera celui des Souverains-Juges-Commandeurs. Les Grands Commandeurs, Grands Élus Chevaliers Kadosch prendront le trentième Degré. Les Chefs du Tabernacle, les Princes du Tabernacle, les Chevaliers du Serpent d’Airain, les Princes de Merci, les Grands Commandeurs du Temple et les Grands Écossais de Saint-André composeront respectivement le vingt-troisième, le vingt-quatrième, le vingt-cinquième, le vingt-sixième, le vingt-septième et le vingt-neuvième Degré.
[…]
Ces extraits, bien que rédigés après 1815, montrent qu’à la fin du 18e siècle il existait un foisonnement de rites et de degrés, voire de systèmes. Tous ces degrés, rites ou systèmes se dénommaient « écossais ».
La grande ambition de Dalcho et de Mitchell a été, je crois, de vouloir créer un système fédérateur et universel de degrés dits écossais.
Fédérateur car il regroupe l’ensemble des degrés connus à l’époque et tente de les organiser non sans mal.
Universel tel que préconisé dans la Circulaire de 1802, à destination des Maçons de tous les Rites, de tous les degrés.
Ordo Ab Chao, c’est un ordre issu du chaos des degrés de l’époque.
A la lecture des différents passages présentés ci-dessus, par le fait qu’il ait intégré de façon syncrétique des degrés d’origines différentes, nous constatons que le Rite Écossais Ancien et Accepté se comporte en conservatoire des Rites Écossais et qu’à ce titre, les Grands Inspecteurs Généraux du 33e degré en sont les véritables gardiens et conservateurs.
Nous comprenons alors qu’il n’y a pas nécessairement un enchaînement logique d’un degré à l’autre.
Certains diront que le Rite est linéaire, qu’il est prévu que les Frères engagés dans son cursus doivent passer d’un degré à l’autre, ce qui est tout à fait exact et prévu par la Circulaire Tout Maçon sera tenu de parcourir successivement chacun de ces Degrés, avant d’arriver au plus sublime et dernier ; et à chaque Degré, il devra subir tels délais et telles épreuves qui lui seront imposés conformément aux Instituts, Decrets et Réglemens anciens et nouveaux de l’ORDRE, ainsi qu’à ceux du Rit de Perfection. de 1802. Il n’existe cependant pas nécessairement de lien entre un degré et le degré suivant. Certains degrés peuvent ainsi être vécus indépendamment. C’est bien là que se trouve la grande subtilité du Rite. Ses fondateurs ont considéré qu’il fallait être en possession de certains degrés pour en comprendre d’autres, même si il n’existe pas de lien entre eux. D’ailleurs, l’introduction des Grandes Constitutions se place dans cette optique. Elle explique comment les degrés épars ont pris leur place dans un système universel, unique et syncrétique.
Le Rite Écossais Ancien et Accepté dans ses textes fondateurs se défini comme un système Maçonnique universel. Il a su fédérer différents degrés en un système ordonné même si parfois sa cohérence globale bien que située dans le triptyque connaissance J’attribue la Connaissance aux Loges de Perfections, la Réflexion aux Chapitres et l’Action aux degrés situés au-delà du 19ième. /réflexion/action, peut nous échapper.
C’est un rite qui se situe au-delà des clivages rituels que nous connaissons et que la Maçonnerie a connu. Il est ouvert à tous les Frères, quels que soient leur rite d’origine. C’est comme cela qu’il a été conçu dès son origine.
Si le Rite Écossais Ancien et Accepté est avant tout un système de Hauts Grades, il existe en Europe de nombreuses loges symboliques qui le pratiquent. C’est ce que nous allons maintenant voir.
Apparition des Loges Symboliques du REAA
Avant de parler de l’apparition et de la chronologie de la transmission du Rite Écossais Ancien et Accepté en loge bleue, il convient de nous arrêter sur la définition de certains termes récurrents dans le jargon maçonnique : Ancien, Écossais et Rite Écossais Ancien et Accepté.
Anciens, Écossais et REAA
J’entends parfois des Frères parler d’écossisme, de Rite Ancien ou encore de Rite Écossais Ancien et Accepté comme si les trois vocables recouvraient un même champ lexical. Voici des explications qui permettront, je l’espère, de bien distinguer les trois mouvements.
Rite Ancien et Rite Moderne
En 1717 il y a en Angleterre 2 types de loges :
Des loges purement spéculatives qui acceptent des nobles, des notables, des bourgeois dans leurs assemblées et il existe encore des loges issues de loges opératives dont certains Maçons continuent à œuvrer sur les chantiers bien réels. Ces Loges sont principalement composées d’Irlandais et d’Écossais, Maçons Catholiques généralement restés fidèles aux Rois Catholiques Anglais, les Stuarts, exilés en France.
La Grande Loge de Londres va grossir, acceptant indifféremment les Loges et leurs spécificités. Pendant ce temps là, dans les Loges composés d’Irlandais et d’Écossais, une révolte commence à gronder. Cette révolte est menée par un certain Lawrence Dermott. En 1750, la révolte explose. Les Maçons Irlandais et Écossais accusent la Grande Loge d’Angleterre d’avoir dénaturé les rituels Maçonniques. Ils lui reprochent entre autres :
- d’avoir déchristianisé les rituels
- d’avoir inversé les colonnes et mots sacrés des 2 premiers degrés
- d’avoir abandonné le degré de Royal Arch, complément du degré de Maître Maçon,
- d’avoir abandonné l’installation secrète du Vénérable Maître en Chaire de Salomon
En 1751 les Maçons en révolte constituent à Londres la « Très Ancienne et Honorable Fraternité des Maçons Francs et Accepté », encore appelée « Grande Loge des Anciens ». La Grande Loge d’Angleterre devenant alors dans le langage courant la Grande Loge dite des « Modernes ». Tous les rites Maçonniques sont issus de l’une ou de l’autre Grande Loge.
La querelle opposant les Anciens aux Modernes trouvera son issue en 1813. Un traité d’union toujours en vigueur les scellera. Cela se concrétisera par la fusion des 2 Grandes Loges en une Grande Loge Unie d’Angleterre. Un rite sera également créé à cette occasion : le Rite Anglais dit Émulation. Il sera utilisé par l’ensemble des Loges du Royaume. Le Rite dit Émulation reste cependant très proche du Rite Ancien, les Modernes ayant fait beaucoup de concessions.
Écossisme
L’Écossisme est un mouvement né dans les années 1735-1740 et dont la paternité est attribuée à Michel André de Ramsay. En fait, il se rendit célèbre par la rédaction et la lecture d’un discours dans lequel il affirmait que la Maçonnerie ne descendait plus des Compagnons opératifs, des bâtisseurs de cathédrales mais de la Chevalerie et des Croisés. Voici le passage de son discours qui concerne les origines chevaleresques de la Franc-Maçonnerie :
INSTITUTION DE L’ORDRE PAR LES CROISÉS
Du temps des guerres saintes dans la Palestine, plusieurs Princes, Seigneurs et Citoyens entrèrent en Société, firent voeu de rétablir les temples des Chrétiens dans la Terre Sainte, et s’engagèrent par serment à employer leurs talens et leurs biens pour ramener l’Architecture à primitive institution. Ils convinrent de plusieurs signes anciens, de mots symboliques tirés du fond de la religion, pour se distinguer des Infidèles, et se reconnoître d’avec les Sarasins. On ne communiquoit ces signes et ces paroles qu’à ceux qui promettoient solemnellement et souvent même au pieds des Autels de ne jamais les révéler. Cette promesse n’étoit donc plus un serment exécrable, comme on le débite, mais un lien respectable pour unir les hommes de toutes les Nations dans une même confraternité. Quelques temps après, notre Ordre s’unit intimement avec les Chevaliers de S. Jean de Jérusalem. Dès lors et depuis nos Loges portèrent le nom de Loges de S. Jean dans tous les pays. Cette union se fit en imitation des Israélites, lorsqu’ils rebâtirent le second Temple, pendant qu’ils manioinent d’une main la truelle et le mortier, ils portoient de l’autre l’Epée et le Bouclier.
La grande révolution apportée par cet extrait est la revendication que la Franc-Maçonnerie ne descend plus seulement des Compagnons et des bâtisseurs de cathédrales ; elle descend aussi et surtout des Croisés et des Chevaliers.
Derrière le mot Chevalier, dans l’esprit du 18ième siècle, se cache le mot « noble ». Un noble du 18ième siècle est appelé par son titre, son quartier de noblesse. Le Chevalier est le premier échelon de l’échelle nobiliaire. Dire que la Maçonnerie descend de la noblesse, c’est permettre aux Frères roturiers, bourgeois et artisans, d’accéder symboliquement à une noblesse héréditaire.
Les premiers degrés « écossais » furent inspirés par la chevalerie. Force est de constater que de nombreux degrés s’appelaient « chevalier de… » (Chevalier de l’Arche Royal, Chevalier d’Orient, Chevalier de l’Épée, Chevalier Kadosch, Chevalier de la Palestine, sans oublier le Chevalier de Dieu et de son Temple, et d’autres encore…).
Ce foisonnement de hauts grades ou de degrés se situant au-delà de celui de Maître Maçon a abouti à la formation de différents systèmes Exemple : l’Ordre du Royal Secret, le système de Clermont, la Stricte Observance Templière ou encore le Rite Écossais Rectifié, dits « écossais » dont l’agrégation contribuera à la formation du Rite Écossais Ancien et Accepté.
Nous pouvons alors nous poser la question de l’origine même de l’épithète « Écossais ». Pourquoi les Loges se qualifient elles d’Écossaises ?
Cette question est d’autant plus intéressante que le Très Illustre Frère Pierre Noël, éminemment membre de la Loge de recherche Ars Macionica à Bruxelles écrivait récemment sur une liste Maçonnique qu’il a fallu attendre 1738 pour que la Grande Loge D’Écosse connaisse le degré de Maître Maçon. Or en 1736 apparaissent en France d’autres degrés appelés « Écossais ». Nous sommes là devant une évidence : Les Maçons Écossais ne venaient pas d’Écosse. D’Angleterre peut être, mais certainement pas d’Écosse. Alors, pourquoi l’Écosse ?
Une Légende Maçonnique veut que Pierre d’Aumont, alors Grand Maître de la Province d’Auvergne de l’Ordre du Temple, réunit des Templiers qui n’étaient pas emprisonnés. Ils s’habillèrent en Maçons et fuirent vers l’Écosse où ils rejoignirent d’autres Templiers. Hébergés par le Roi Robert de Bruce, ils perpétuèrent l’Ordre du Temple. En 1314 ils aidèrent le Roi d’Écosse à remporter la bataille de Bannockburn et gagnèrent ainsi son estime. Il fonda pour eux l’Ordre de Saint André du Chardon. Cet Ordre se déplaça à Aberdeen, puis à Kilwinning où fut fondée vers 1599 la première loge Maçonnique dite Écossaise (il est fait mention de l’existence de cette loge dans la seconde édition des Statuts Shaw du 28 décembre 1599).
Une autre Légende Maçonnique veut qu’il y ait un lien entre la Franc-Maçonnerie et la dynastie écossaise des Stuart. Voici pourquoi.
Le petit-fils de Jacques Ier d’Écosse, Jacques II, est proclamé Roi d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande en 1685. Peu intelligent, autoritaire, violent, il fait preuve d’un catholicisme intransigeant et d’une admiration sans bornes pour Louis XIV, Roi de France.
Cette attitude choque vivement les britanniques et leur parlement. Avec l’aide du gendre de Jacques II, Guillaume de Nassau, prince d’Orange, ils chassent leur Roi au cours de la Glorieuse Révolution de 1688. Jacques II est obligé de trouver refuge en France. Guillaume d’Orange et Marie, son épouse, fille de Jacques II, reçoivent alors les couronnes d’Angleterre et d’Irlande en février 1689. Peu après, l’Écosse suit cet exemple.
Jacques II Stuart s’installe définitivement à Saint Germain en Laye en 1689. Une partie de sa cours et de son armée l’ont accompagné. Ses régiments sont composés d’Irlandais et d’Écossais restés fidèles à la monarchie Catholique, ceux que nous appelons les Jacobites (Il est admis, sans certitudes toutefois, que Ramsay fut Jacobite).
La légende veut qu’au sein des régiments de cette armée en exil il y eu des Loges Maçonniques dont nous connaissons les noms : La Bonne Foy et La Parfaite Égalité, et qu’elles pratiquaient le rite en usage en Écosse à ce moment là. C’est ce rite qui aurait été importé en France par les Jacobites Nous avons vu que l’Écosse n’a pas connu le degré de Maître avant 1738, ce qui vient confirmer l’aspect légendaire de cette transmission. .
Je parle d’une filiation légendaire car à ma connaissance nous n’avons pas de trace de ces loges avant le milieu du 18e siècle. Lorsque le Grand Orient de France, le 13 mars 1777, a intégré la Bonne Foy, il a été précisé que sa date de fondation était antérieure à 1700.
Le mot Écossais fait donc référence aux origines légendaires chevaleresques et écossaises de la Franc-Maçonnerie.
Rite Écossais Ancien et Accepté
Le Rite Écossais Ancien & Accepté apparaît en 1804 en France. Il se présente comme un « dépositoire » des différents systèmes dits « écossais » de l’époque. Voici un extrait de l’introduction aux Grandes Constitutions de 1786, publiée dans les actes du Suprême Conseil de France en 1832 et qui le présente :
Ces raisons et d’autres causes non moins graves nous imposent donc le devoir d’assembler et de réunir en un seul corps de Maçonnerie tous les RITES du Régime ECOSSAIS dont les doctrines sont, de l’aveu de tous, à peu près les mêmes que celles des anciennes Institutions qui tendent au même but, et qui, n’étant que les branches principales d’un seul et même arbre, ne diffèrent entr’elles que par des formules, maintenant connues de plusieurs, et qu’il est facile de concilier. Ces RITES sont ceux connus sous les noms de Rit Ancien, d’Hérédom ou d’Hairdom, de l’Orient de Kilwinning, de Saint-André, des Empereurs d’Orient et d’Occident, des Princes du Royal Secret ou de Perfection, de Rit Philosophique et enfin de Rit Primitif, le plus récent de tous.
Adoptant, en conséquence, comme base de notre réforme salutaire, le titre du premier de ces Rites et le nombre des Degrés de la hiérarchie du dernier, nous les DÉCLARONS maintenant et à jamais réunis en un seul ORDRE, qui, professant le Dogme et les pures Doctrines de l’antique Franche-Maçonnerie, embrasse tous les systèmes du Rit Écossais sous le nom de RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE.
Ce passage de l’introduction ne parle t’il pas de lui-même ? Devant la profusion des systèmes écossais de l’époque, le Rite Écossais Ancien et Accepté semble être apparu comme une solution fédératrice acceptable, honorable et surtout… universelle. Derrière ce « nouveau » Rite, c’est l’écossisme tout entier Du moins, c’est ce qu’il prétendait faire. N’ont pas été inclus le Rite Écossais Rectifié ni le Rite Français qui est un système « écossais » par le biais de ses 5 « ordres ». qui semblait se fédérer.
Depuis 1804, le Rite Écossais Ancien & Accepté est un système en 33 degrés qui fédère l’ensemble des systèmes dits « écossais ». Il s’inscrit dans le prolongement historique de l’Écossisme.
Maintenant que nous avons définis certains termes, nous pouvons dresser une chronologie de la transmission des grades symboliques du Rite Écossais Ancien & Accepté.
Chronologie de la Transmission
Il nous apparaît intéressant de présenter maintenant une chronologie synthétique de la transmission du Rite Écossais Ancien & Accepté, depuis son apparition en France en 1804 à nos jours. Cette chronologie indicative nous permettra de constater avec quelles facilités ce Rite a su passer d’une obédience à l’autre, s’adaptant sans cesse aux spécificités de celles-ci.
La Grande Loge Générale Écossaise de France
Lorsque Grasse-Tilly arrive des États-unis à Bordeaux en 1804, il est porteur d’une patente qui l’autorise à créer un Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien et Accepté dans tous les pays où il aura à séjourner et où il n’y en aura pas déjà un d’établi. C’est bien ce qu’il fera. Il commencera par créer le 22 septembre 1804 une structure maçonnique symbolique avec l’aide de la Mère Loge Écossaise, Saint Alexandre d’Écosse : La Grande Loge Générale Écossaise de France. Ses rituels sont ceux qui sont connus sous l’appellation de « Guide des Maçons Écossais ». Cette obédience a juridiction sur les 3 degrés symboliques qui sont Apprenti, Compagnon et Maître Maçon. Le Suprême Conseil du Rite Écossais pour la France semble avoir existé le 22 octobre suivant Il est intéressant de noter que le Suprême Conseil du 33e en France a été définitivement constitué le 22 décembre 1804, alors que le traité d’Union avec le Grand Orient de France avait déjà été signé. Ceci soulève une question intéressante : Le REAA appartenait il au Grand Orient de France lorsque le premier Suprême Conseil en France a été officiellement constitué ? Le « concordat » de 1804 reste aujourd’hui un sujet très sensible qui oppose le Suprême Conseil de France au Grand Orient de France. . En constituant la Grande Loge Générale Écossaise de France, Grasse-Tilly est apparu comme un unificateur des différentes loges écossaises marginalisées (il faut quand même le dire) par le Grand Orient de France. Remettons nous dans le contexte de l’époque : que représentaient les loges Écossaises par rapport à l’ensemble de la Maçonnerie Française et du Grand Orient de France ? Pas grand-chose, assurément…
Le Grand Orient de France
L’Empereur à vent des querelles qui opposent Écossais et Français au sein de la Franc-Maçonnerie. Il demande au Grand Orient d’Unir à lui les différents rites pratiqués en France. C’est ainsi qu’est créé le traité d’union (encore appelé « concordat ») du 3 décembre 1804 unissant Il s’agissait réellement d’une fusion au sein du Grand Orient de France. le Rite Français et le Rite Écossais au Grand Orient de France.
Le Suprême Conseil de France est officiellement constitué le 22 décembre 1804, sous concordat, nous pouvons le constater. Grasse-Tilly en fut élu Souverain Grand Commandeur. Le 21 juillet 1805 le Grand Orient créait le Grand Directoire des Rites composé de membres du GODF. Ce Grand directoire comportait autant de section qu’il y avait de Rites dont une pour le Rite Écossais Ancien & Accepté.
Le Suprême Conseil de France récupéra son indépendance à la suite de ce qu’il considérait être une « violation » du traité le 6 septembre 1805.
Malgré cette indépendance relative du SCDF, le Grand Orient de France conservait l’administration des 18 premiers degrés du Rite et le Suprême Conseil de France celle des degrés 19 à 33.
En 1814 le Grand Orient de France invita le Suprême Conseil de France à revoir sa position de 1805. Le SCDF perdit des membres qui partirent au Grand Orient de France. Celui-ci érigea en 1815 un Suprême Conseil des Rites (Grand Directoire) avec un ancien Grand Officier du Suprême Conseil de France à sa tête : Germain Hacquet.
Le Suprême Conseil de France tomba en sommeil jusqu’en 1821.


Figure 3 : Médaille commémorative de la création du SCDF le 22 décembre 1804, datée de 1812
La Grande Loge Centrale de France
Le Suprême Conseil de France fut réveillé en 1821 grâce à celui dit « des Isles d’Amérique », fondé par Grasse-Tilly en 1802 à Saint-Domingue puis réveillé par Delahogue vers 1810. Une fusion des Suprêmes Conseils fut opérée sous l’égide du Suprême Conseil de France.
Le Suprême Conseil des Isles d’Amérique avait des loges symboliques qui travaillaient sous ses auspices depuis 1818. A l’image de ce Suprême Conseil, celui de France intègre des Loges Symboliques. Il crée la Respectable Loge « La Grande Commanderie » en 1821 pour administrer l’ensemble de ses Loges Symboliques. Elle change de nom la même année et devient « La Grande Loge Centrale », travaillant toujours « au nom et sous les auspices du Suprême Conseil de France ».
La Grande Loge Symbolique Écossaise
En 1880, quelques loges du Suprême Conseil de France se séparent de l’obédience. Elles souhaitent avoir une réelle indépendance par rapport à la hiérarchie du Suprême Conseil. Elles forment la Grande Loge Symbolique Écossaise, obédience qui sera indépendante jusqu’à la date de sa fusion avec la Grande Loge de France en 1911. Elle est connue pour sa devise : Un Maçon libre dans sa Loge libre.
La Grande Loge de France
Le Suprême Conseil de France accorde une autonomie « relative » à ses loges symboliques en 1894. Les loges se groupent en fédération qui prend le nom de « Grande Loge de France ». Cette fédération est rejointe par la Grande Loge Symbolique Écossaise. La fusion est totale en 1911. Entre-temps, le Suprême Conseil de France a complètement accordé son autonomie à la jeune obédience de rite écossais.
La Grande Loge de France et le Suprême Conseil de France suivent depuis des chemins parallèles, le second recrutant parmi les effectifs de la première.
La Grande Loge Nationale Française
Le Suprême Conseil de France est agité par des remous en 1964. A cette époque le Suprême Conseil de France est reconnu par tous les autres Suprêmes Conseils du Monde alors que la Grande Loge de France ne joui pas de cette aura. En fait, depuis 1913 la Grande Loge « reconnue » comme « régulière Il n’est pas question ici d’entrer dans le sempiternel débat de la régularité. » est la Grande Loge Nationale Française.
En 1964, des membres du Suprême Conseil de France qui aspirent à une reconnaissance universelle se séparent de l’obédience dans des circonstances tragiques. Le Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de France, Charles Riandey, est en pourparlers avec celui des Pays-Bas pour rallier la sphère d’influence Britannique. Il rejoint la Grande Loge Nationale Française avec vraisemblablement entre 800 et 1000 Frères.
Le Souverain Grand Commandeur est ré-initié aux 33 degrés de l’écossisme en présence du Souverain Grand Commandeur des Pays-Bas. Il forme alors le Suprême Conseil Pour la France, souché sur la Grande Loge Nationale Française et en devient le premier Souverain Grand Commandeur.
Le Frère Cerbu (ancien Frère de la Grande Loge de France ayant suivi le mouvement vers la GLNF) est chargé de la rédaction des rituels, tenant compte des spécificités théistes de l’obédience. Les tabliers du REAA de l’obédience adoptent les 3 rosettes rouges ainsi que les pendillons qui rappellent les tabliers anglais.
Depuis 1976, le Suprême Conseil Pour la France est officiellement reconnu par l’ensemble des Suprêmes Conseils du Monde, la reconnaissance du Suprême Conseil de France lui ayant été retiré.
Le Rite Écossais Ancien et Accepté s’est facilement diffusé dans les différentes obédiences Françaises et Européennes. Le Rite s’est diffusé de la même façon dans les obédiences Belges depuis son introduction aux Amis Philanthropes, puis à la Grande Loge de Belgique, enfin à la Grande Loge Régulière de Belgique, affirmation de son universalité.
Les rituels symboliques du REAA ont évolué parallèlement à sa propagation. Je vous propose maintenant de voir quelle a été l’évolution des rituels dits « écossais » depuis leur introduction vers 1744 jusqu’à nos jours.
Évolution des rituels symboliques depuis 1744 Il s’agit de la date de publication de la divulgation « Le Parfait Maçon ». Il est fait mention d’un quatrième grade intitulé « le Maître Écossais ».
Le but de cette partie est de présenter l’évolution des rituels dits de Rite Écossais depuis le 18e siècle. Dans un premier temps nous allons constater qu’il y a eu 4 types de rituels identifiables et distincts. Je vous propose de voir également comment la légende d’Hiram a évolué avec le temps entre ces différents rituels. Enfin, nous proposerons une série de critères qui permettent de définir qu’un rituel appartient au Rite Écossais Ancien et Accepté.
Les quatre types de Rituels
Il convient de constater l’évolution qu’ont subits les rituels symboliques du Rite Écossais Ancien et Accepté. Nous devons constater que les rituels dits écossais ont eu au moins quatre types identifiables :
- Les rituels écossais qui étaient pratiqués au 18e siècle,
- Les rituels écossais de 1804 à 1829
- Les rituels écossais de 1829 à 1877
- Les rituels écossais depuis 1877.
Pourquoi ces périodes ?
Nous avons vu que le terme « Écossais » avait une signification ambiguë au 18e siècle. Il nous appartient de voir quels étaient les rituels qui étaient utilisés sous ce vocable.
En 1804, Grasse-Tilly apporte avec lui le Rite Ancien. Il l’intègre au Rite Écossais Ancien et Accepté sous le nom de « Guide des Maçons Écossais ». Si nous en croyons les fac-similés reproduits dans l’excellent numéro d’Ordo Ab Chao consacré à l’origine et à l’évolution des Rituels Ordo Ab Chao, numéro double 39-40, Origine et Évolution des rituels des trois premiers degrés du Rite Écossais Ancien et Accepté, deuxième semestre 1999 du REAA, il apparaît que le Guide des Maçons Écossais ou ses variantes ont au moins été utilisés jusqu’en 1829 Cf. Rituels des Trois Premiers Degrés selon les Anciens Cahiers, in Ordo Ab Char 39-40, pp 297 et suivantes. , sinon jusqu’en 1843 Cf. Rituels de la Respectable Loge « Le Progrès de l’Océanie », numéro 124 à l’Orient d’Honolulu, In Ordo Ab Chao 39-40, pp 477 et suivantes. .
Les rituels de la Respectable Loge « Le Progrès de l’Océanie » écrits en 1843 ont pris une autre tournure. La légende d’Hiram se rapproche considérablement de celle du Rite Français alors que l’ouverture et la fermeture des travaux restent identiques à celles du Guide des Maçons Écossais ; il convient que nous nous y attardions pour constater l’évolution flagrante de ces rituels.
En 1877 c’est au tour de l’ouverture et de la fermeture des travaux à être affectés par cette évolution.
A chacune de ces périodes correspond un rituel écossais facilement identifiable que je vais maintenant vous présenter.
Les rituels Écossais du 18e siècle
Il est une minorité de Frères intéressés par l’histoire maçonnique qui soutient que les Maçons dits « Écossais » du 18e siècle étaient issus des Loges Écossaises géographiques et que la transmission de ces loges s’est faite en France, vers la fin du 17e siècle, lorsque Jacques II Stuart a rejoint Saint Germain en Laye vers 1690.
Une légende tenace dit que Jacques II serait arrivé à Saint Germain avec sa cours et son armée Deux régiments sont concernés par la Légende : les régiments Irlandais Walsh et Dillon qui étaient en garnison à Saint Germain en Laye aux côtés de Jacques II Stuart. au sein de laquelle il y avait des Loges Maçonniques. L’une d’entre elle, La Parfaite Égalité Cette loge est toujours en activité à Saint Germain en Laye, sous les auspices de la Grande Loge de France. Ses archives ne remontent pas avant le 19e siècle. Les plus vieilles ont été perdues. fut intégrée au Grand Orient de France le 13 mars 1777. L’obédience l’intégra et prit pour sa date de fondation le 25 mars 1688, sans autre vérification.
Nous n’avons donc aucune preuve de l’existence d’une quelconque Loge dite « Écossaise » en France avant 1743.
Mais alors, qu’appelait on une loge « écossaise » au 18e siècle ?
Il convient, je pense, de nous arrêter sur la définition du mot « écossais » tel qu’il était employé au 18e siècle. En fait, nous constatons plusieurs emplois de ce terme :
Le terme écossais pouvait signifier qu’une loge était originaire d’écosse. Ce fut vraisemblablement un phénomène de mode. Rien ne distinguait des Loges Françaises des Loges Écossaises si ce n’est que ces dernières s’appelaient ainsi.
Le terme écossais pouvait également signifier qu’une loge pratiquait un degré supérieur ou encore le degré de Maître Écossais. Ce degré est mentionné dans la divulgation intitulée « La Parfait Maçon » publié en 1744 et dont voici la reproduction du passage concernant ce degré :
Secret des maçons écossais
On débite parmi les maçons, qu’il y a encore plusieurs degrés au dessus des maîtres dont je viens de parler; les uns en comptent six en tout et d’autres vont jusqu’à sept. Ceux qu’on appelle maçons écossais, prétendent composer le quatrième grade. Comme cette maçonnerie, différente de l’autre en bien des points, commence à s’accréditer en France, le public ne sera pas fâché que je lui communique ce que j’en ai lu dans le même manuscrit, qui paraît en effet accorder aux Écossais le degré de supériorité sur les apprentis, compagnons et maîtres ordinaires.
Au lieu de pleurer, comme font leurs confrères, sur les débris du Temple de Salomon, les Écossais s’occupent à le rebâtir.
Personne n’ignore qu’après soixante et dix ans de captivité dans Babylone, le grand Cyrus permit aux Israélites de relever le Temple et la cité de Jérusalem; que Zorobabel, de la race de David, fut constitué par lui le chef et le conducteur de ce peuple, dans son retour en la cité sainte; que la première pierre du temple fut posée du règne de Cyrus, mais qu’il ne fut achevé que dans la sixième année de celui de Darius, monarque des Perses.
C’est de ce grand événement que les Écossais tirent l’époque de leur institution et, quoiqu’ils soient postérieurs aux autres maçons de plusieurs siècles, ils se disent supérieurs en grade. Voici sur quoi ils fondent leur prééminence.
Lorsqu’il fut question de réédifier le temple du Seigneur, Zorobabel choisit dans les trois états de la maçonnerie les ouvriers les plus capables mais comme les Israélites eurent beaucoup d’obstacles et de traverses souffrir pendant le cours de leurs travaux, de la part des Samaritains et des autres nations voisines, jamais l’ouvrage n’eût été conduit à sa fin, si ce prince n’eût eu la précaution de créer un quatrième grade de maçons dont il fixa le nombre à 753, choisis entre les artistes les plus excellents ; Ceux ci, non seulement avaient l’inspection sur tous les autres, mais il étaient aussi chargés de veiller à la sûreté des travailleurs; ils faisaient toutes les nuits la ronde, tant pour faire avancer les travaux que pour reconnaître les embûches, ou prévenir les attaques de leurs ennemis.
Leur emploi étant beaucoup plus pénible que celui des autres maçons, il leur fut aussi accordé une paie plus avantageuse; et pour pouvoir les reconnaître, Zorobabel leur donna un signe et des mots particuliers.
Le signe des Écossais se fait en portant l’index de la main droite sur la bouche, et le second doigt de la main gauche sur le coeur.
Et, leurs paroles sont Scilo, Shelomeh abif. Le premier de ces mots n’est différent du Schilo des maîtres ordinaires, que par la suppression de la lettre h, et il exprime la même chose. Les deux autres mots Shelomeh abif, signifient en français Salomon mon père.
Enfin, les maîtres écossais ont aussi un langage et des questions qui leur sont propres; j’ai même ouï dire à quelques uns d’eux, que ces questions sont en grand nombre, mais malheureusement le manuscrit de mon frère n’en rapporte que huit.
Les voici :
D. Etes vous maître écossais ?
R. J’ai été tiré de la captivité de Babylone.
D. Qui vous a honoré du grade écossais ?
R. Le prince Zorobabel, de la race de David et de Salomon.
D. En quel temps ?
R. Soixante et dix ans après la ruine de la Cité sainte.
D. A quoi s’occupent les maçons écossais ?
R. A reconstruire le Temple de Dieu.
D. Pourquoi cela ?
R. Pour accomplir ce qui a été prédit.
D. Pourquoi les maçons écossais portent ils l’épée et le bouclier ?*
R. En mémoire de ce que, dans le temps de la reconstruction du Temple, Neémie ordonna à tous les ouvriers d’avoir toujours l’épée au côté, et leurs boucliers proches d’eux pendant le travail pour s’en servir en cas d’attaque de leurs ennemis.
D. Comment a été bâti le nouveau Temple ?
R. Sur les fondements de celui de Salomon,
* Les maçons écossais portent tous un grand cordon rouge, auquel pend une forme de Bouclier.
R. conformément à son modèle.
D. Quelle heure est il ?
R. Le Soleil se lève.
Ou bien
Le Soleil est couché.
C’est par cette dernière question que les maçons écossais ouvrent et ferment leurs loges.
Les Loges symboliques « écossaises » pratiquaient alors un rituel dit « Moderne » en référence à celui utilisé par la Grande Loge de Londres lorsqu’elle créa les premières Loges en France.
Ainsi, nous pouvons citer l’exemple de la Respectable Loge « Le Patriotisme » à l’Orient de La Cour Il s’agit de Versailles. . Dans son rituel (1767) cette loge se déclare écossaise. Elle utilise comme acclamation le « houzzai » à la place du traditionnel « vivat » utilisé dans les Loges Modernes Françaises. Cependant, l’ensemble de son rituel reste moderne, en ce sens que les colonnes sont placées conformément aux usages « modernes », qu’elle utilise le Maître des Cérémonies ainsi que l’Expert…
Je souhaiterais vous faire part d’une piste de réflexion qui mérite de retenir notre attention.
Les échanges économiques et militaires entre la France et les jeunes États-unis se sont accrus à partir de 1774. La France a participé à sa façon à l’indépendance en envoyant troupes et munitions. Nous pouvons penser que parmi les troupes se trouvaient des Francs-Maçons. Les échanges s’accentuant, les militaires et commerçants revenaient en France rapportant avec eux les rites pratiqués aux États-unis, notamment le Rite Ancien. Aucun document n’a, à ce jour, apporté de preuve venant confirmer cette hypothèse. Si cela s’est toutefois produit, il s’agit d’un fait marginal.
Si le terme écossais peut signifier plusieurs types de Loges au 18e siècle, sa définition change avec le développement en France du Rite Écossais Ancien et Accepté.
Les rituels de 1804 à 1829 : Le Guide des Maçons Écossais
Grasse Tilly rentre de Saint-Domingue en 1804. Il apporte avec lui le Rite Écossais Ancien et Accepté. Il a été reçu au 33e et dernier degré du rite, selon la circulaire de Décembre 1802, à la date du 21 février 1802 Le 21 Février 5802 notre Illustre Frère le Comte Alexandre François Auguste De Grasse, Inspecteur Général Délégué fut nommé par le Suprême Conseil Grand Inspecteur Général et Grand Commandeur des Antilles françaises ; et notre Illustre Frère Jean-Baptiste Marie De La Hogue, Inspecteur Général Délégué, fut également reçu Grand Inspecteur Général et nommé Lieutenant Grand Commandeur des mêmes Iles.. Il a l’autorité et le pouvoir de créer un Suprême Conseil pour communiquer et administrer les degrés qui lui ont été conférés.
Il fonde la Grande Loge Générale Écossaise le 27 août 1804. Il crée le Suprême Conseil du 33e en France le 22 septembre de la même année Le Suprême Conseil est officiellement créé en décembre 1804. .
La Grande Loge Générale Écossaise a eu une durée de vie de quelques mois. Née en août, elle disparaît en février de l’année suivante lorsque le Suprême Conseil de France passe un « concordat » avec le Grand Orient de France.
Les rituels de la Grande Loge Générale Écossaise sont différents des rituels qui existaient en France à cette époque. En fait, ils affichent clairement une origine « Ancienne ». Voici quelques éléments qui permettent de l’affirmer :
- Utilisation des Diacres (premier et deuxième Diacres)
- Inversion des mots, à savoir Bø au premier degré et Jø au second
- Ce sont des Compagnons qui partent à la recherche du corps du Maître
- Salomon puni les mauvais compagnons.
Les rituels de la Grande Loge Générale Écossaise sont plus connus sous la désignation de « Guide des Maçons Écossais ». Il s’agit du premier ensemble connu de rituels dits du Rite Écossais Ancien et Accepté.
Ces rituels ont été importés par les « Américains » dans les pays francophones, à savoir par Grasse-Tilly, Delahogue, Hacquet lors de leurs retours du nouveau continent.
En fait, tout porte à croire que les Frères Français installés aux États-unis y ont découvert le Rite Ancien. Ce dernier Rite avait voyage d’Écosse et d’Irlande aux USA profitant des afflux massifs d’immigrants.
Le Rite Ancien s’est développé aux États-unis à partir de la seconde moitié du 18e siècle. Il a été pratiqué de diverses manières jusqu’à ce qu’un Frère décide d’écrire les rituels et de les harmoniser ; c’est l’œuvre de Thomas Webb. La diffusion et l’harmonisation des rituels ont eu lieu à partir de 1797, alors que Grasse-Tilly et d’autres étaient aux États-unis. Il est donc probable qu’ils eussent connu le Rite Américain (et donc Ancien).
En apportant le Rite Écossais Ancien et Accepté en France, Grasse-Tilly apporte le Rite Ancien ou tout au moins ce qu’il en connaît.
Lorsqu’il crée la Grande Loge Générale Écossaise de France, c’est ce rite qu’il utilise.
Afin de bien montrer combien ce rite est différent du Rite Moderne (Français 1818, selon le Régulateur de 1801), voici un tableau comparatif de l’ouverture des travaux :
Rite « Ancien » (GLGE) – 1804 |
Rite Français Moderne (GODF) – 1818 |
Le Vbleø debout, chapeau en tête, frappe un coup de maillet et dit au 2eø DiacreDø … fø 2eø Diacre, quel est le Premier devoir d’un macø
Rø … c’est de voir si la Lø est couverte
Le Vbleø dit :
fø 2eø Diacre, faites votre devoir.
(Nota) Le fø Thuileur doit être à l’extérieur du temple pour écarter tout Profane, le 2eø Diacre se rend à la Porte du temple et y frappe 3 coups, s’il n’y a personne, le thuileur ne répond pas, alors le 2eø Diacre dit :
Tø Vbleø la Loge est couverte.
Le Vbleø dit :
Dø … fø Perø Survtø, quel est le Second devoir ?
Rø Vbleø c’est de s’assurer si tous les membres Présents sont macø
Dø …Voulez-vous bien vous en assurer, ff:. Perø et 2eø Survtsø ?
(Les Perø et 2eø Survtsø ayant fixé leur Colonnes, et ayant vu tous les membres à l’ordre du Grade, le 2eø Survtø dit au Perø)
Tous les ffø de ma Colonne sont macø
Le Perø Survtø dit au Vbleø :
Rø … Vbleø tous les membres qui décorent l’une et l’autre Colonne sont macø
Dø …f 2eø Diacre, quelle est votre Place en Lø ?
Rø derrière le Perø Survtø ou à sa Droite s’il veut le permettre.
Dø …quel est votre Devoir en cette Place ?
Rø de porter les messages du Perø Survtø au 2eø, et autour de la Lø s’il le requiert, et veiller avec lui à ce que les ffø se tiennent décemment sur les colonnes.
Dø …fø Perø Diacre, où est votre Place en Lø ?
Rø derrière le Vbleø ou à sa droite s’il veut le permettre.
Dø …quel est votre devoir en cette Place ?
Rø de Porter les messages du Vbleø au fø Perø Survtø, et aux officiers Dignitaires afin que les travaux soient plus vite exécutés.
Dø …f ø 2eø Survtø où est votre place en Lø ?
Rø au Sud.
Dø …Pourquoi mon fø ?
Rø Pour mieux observer le soleil à son méridien, envoyer les ouvriers à la Récréation, les rappeler de la Récréation au travail, et observer s’ils arrivent au tems fixé.
Dø …fø Perø Survtø où est votre Place ?
Rø à l’Ouest.
Dø …quel est votre devoir en cette place ?
Rø Comme le Soleil se couche en cette partie pour fermer la Carrière du jour, de même, le Perø Survtø s’y tient pour fermer la Lø payer le salaire des ouvriers et les renvoyer satisfaits.
Dø …où se tient le Vbleø?
Rø à l’Est.
Dø …Pourquoi ?
Rø Comme le Soleil se tourne en cette Partie pour ouvrir le jour, de même le Vbleø s’y tient pour ouvrir la Lø la diriger dans les travaux et l’éclairer de ses lumières.
(Le Vbleø se tourne ensuite vers le Perø Diacre, et font mutuellement le Signe Guttural, et décline au Perø Diacre tout bas à l’oreille, les mots sacrés)
(Le Perø Survtø le reçoit du Perø Diacre qui l’envoie par son Diacre au 2 eø Survtø lequel après l’avoir reçu, dit en frappant un coup 🙂
Vbleø tout est juste et parfait.
Le Vbleø ôte son Chapeau et dit : « au nom de Dieu et de Stø Jean d’Ecosse je déclare cette Lø ouverte et couverte, il est défendu de parler, quitter sa place, ni passer d’une Colonne à l’autre, sans en avoir obtenu la Permission sous la Peine que la majorité de la Lø croira convenable ».
(il frappe 3 coups de maillet par tems égaux • • •, remet son Chapeau et dit :
à moi mes ffø
(tous font le signe guttural, puis applaudissent, et disent 3 fois houzé.)
Le Vbleø dit :
Prenez Place, mes ffø |
Les FFø étant réunis dans le local, habillés et décorés (l’habit d’un maçon en Loge est le tablier), le Vénø frappe un coup de maillet. A ce signal, chaque Frère prend place et s’y tient debout.Le Vénø dit:
Fø 1er Survø, êtes-vous maçon ?
Fø 1er Survø :
Mes FFø me reconnaissent pour tel.
Tø Vénø:
Quel est le premier devoir d’un Survø en Loge?
Fø 1er Survø:
De voir si la Loge est couverte extérieurement et intérieurement.
(Nota: Il faut que les portes du Temple soient fermées, qu’il n’y ait aucun profane dans la salle, et dans l’intérieur que des FFø qui soient membres de la Loge.)
Tø Vénø:
Faites-vous en assurer, mon Fø!
Le 1er Survø transmet l’ordre au 2e Survø qui dit au Fø Expø ou au Fø Couvreur : « Faites votre office ! »
Le Fø Exp, le glaive en main, ouvre la porte de l’Atø, en retire la clef, il la dépose sur une table placée entre les Survø. Il ordonne au Fø Tuileur de veiller à la garde extérieure dont il répond, il referme la porte et se place à l’entrée intérieure du Porche.
Quand tout cela est terminé, le Fø Couvreur dit à voix basse au 2e Survø: Les travaux sont couverts.
Le 2e Survø le répète à demi voix au Fø 1er Survø qui dit à haute voix au Très Vénø:
Les Travaux sont couverts extérieurement et intérieurement.
Le Vénø dit:
A l’ordre, mes FFø!
Et il continue:
Quel est le deuxième devoir d’un Fø Survø en Loge ?
Fø 1er Survø:
De s’assurer si tous les FFø sont à l’ordre.
Très Vénø:
Y sont-ils ?
Le 2e Survø dit à demi voix au 1er Survø:
Tous les FFø sont à l’ordre à la Colø du Nord.
1er Survø:
Très Vénø, tous les FFø sont à l’ordre sur les deux Colø
Très Vénø:
A quelle heure les Maçons ouvrent-ils leurs travaux ?
1er Survø:
A midi.
Très Vénø:
Quelle heure est-il ?
1er Survø:
Il est Midi.
Très Vénø:
Puisqu’il est l’heure à laquelle nous devons ouvrir nos travaux, FFø 1er et 2e Survø, invitez les FFø de vos Colø à se joindre à moi pour ouvrir la Loge de …, à l’Or ø de …, au Grade d’Apprenti.
Les Survø répètent l’annonce.
Le Vénø frappe sur l’Autel les trois coups mystérieux: O O O
Ces coups sont répétés par les deux Survø.
Très Vénø:
Mes FFø, les travaux sont ouverts, prenez vos places. |
Nous constatons que les rituels sont très différents. Voici les différences par étapes, à savoir :
- La vérification que la Loge est à couvert
- Vérification que les Frères sont tous Apprentis
- Instructions rituelles (âge/heure…)
- Ouverture par le Vénérable Maître et les Surveillants
Les étapes 1 et 2 sont des constantes que l’on retrouve dans tous les rituels Maçonniques. La première différence importante réside dans le jeu des questions réponses et des instructions rituelles. Le Rite Moderne est simple et paraît dépouillé à côté de l’instruction longue et verbeuse du Guide des Maçons Écossais. Dans ce dernier rituel, 5 officiers participent activement à l’ouverture : Le Vénérable Maître, les 2 Surveillants et les 2 Diacres. Ceux-ci remplissent une fonction importante à l’ouverture des travaux : Ils ont pour mission de faire circuler autour de la Loge le mot du Grade.
Autre différence importante, l’ouverture des travaux au Guide des Maçons Écossais, rite théiste, se fait au nom de Dieu et de Saint Jean d’Écosse. Les travaux étaient clos avec une prière explicite :
Grand Architecte, source féconde et immortelle de lumière, de bonheur et de vertus, les ouvriers de ce temple, cédant aux mouvemens de leurs coeurs, te rendent mille actions de grâces, et rapportent à toi tout ce qu’ils on fait de bon, d’utile et de glorieux dans cette journée solennelle, où ils ont vu s’accroître le nombre de leurs frères. Continue de protéger leurs travaux, et dirige-les de plus en plus vers la perfection. Que l’harmonie, la paix et la concorde soient à jamais le triple ciment qui leur serve à lier leur ouvrage !
Amitié, bienfaisance ! Passion des âmes nobles et sensibles ! Délicieuses jouissances des coeurs délicats et honnêtes ! Soutenez et ornez à jamais ce temple, dans lequel tous nos efforts ne tendront toujours qu’à vous fixer. Et vous prudente discrétion ! Modeste aménité ! Soyez le constant apanage des frères de cet At.’.; et que rentrés dans le monde civil, on reconnaisse toujours à leurs discours, à leur maintien et à leurs actions, qu’ils sont les vrais enfans de la V.’. Amen.
Cette prière de clôture du Rite Écossais Ancien et Accepté est inexistante au Rite Français.
Il y a cependant entre les deux ouvertures un point commun lié à l’histoire de la Maçonnerie : Dans aucun des deux rituels n’est considéré l’allumage des flambeaux (ou « étoiles » selon la terminologie en usage de nos jours). Le temple était préparé et illuminé avant l’entrée des Frères dans la Loge (d’où l’importance du tuilage à l’entrée, afin de ne pas laisser entrer un profane dans un lieu sacré).
Les Rituels Écossais de 1829 à 1877
Afin de comprendre l’évolution des Rituels du REAA au 19e siècle, nous devons revenir à une date importante pour le Suprême Conseil de France : 1821.
De 1815 à cette date, le Suprême Conseil de France avait cessé toute activité maçonnique. Il s’était mis en sommeil. La plupart de ses membres avait rejoint le Suprême Conseil des Rites fondé en 1815 par le Grand Orient de France, ce qui lui avait permis de s’approprier le système dans son intégralité. Germain Hacquet, ancien dignitaire du Suprême Conseil de France, Frère dit « Américain » en ce sens qu’avec Grasse-Tilly et Delahogue il avait contribué à ramener le REAA des États-unis, avait été élu Souverain Grand Commandeur de ce nouveau Suprême Conseil souché sur le Grand Orient de France.
En 1821 le Suprême Conseil de France sort de son sommeil et reprend ses travaux. Comme l’avait fait le « Suprême Conseil des Îles d’Amérique dans le Vent et sous le Vent » (le Suprême Conseil de Grasse-Tilly), il crée et intègre des Loges bleues dans sa juridiction.
Deux Loges vont ainsi être intégrées :
« La Grande Commanderie » qui portera le numéro 1 au tableau des Loges symboliques du Suprême Conseil de France et « Les Propagateurs de la Tolérance » sous le numéro 2.
La Grande Commanderie prendra le nom de « Grande Loge Centrale » quelques mois après sa création. Elle aura pour mission d’administrer sous les auspices du Suprême Conseil de France les ateliers symboliques de la Juridiction. Il s’agit en quelques sortes des prémices d’un long processus qui aboutira en 1894 à la création de la Grande Loge de France que nous connaissons à Paris.
Avec sa réorganisation structurelle, le Suprême Conseil de France réorganise le Rite sur l’ensemble de sa hiérarchie. Il crée des loges symboliques et adapte les rituels.
Les rituels utilisés par les loges symboliques écossaises jusqu’en 1829 étaient principalement le Guide des Maçons Écossais.

Figure 4 : Premier Sceau du Suprême Conseil du 33e en France
En 1829, les rituels en usage au Suprême Conseil de France semblent au premier abord très proches de ceux du Guide des Maçons Écossais. L’ouverture et la fermeture sont comparables. Il y a cependant une différence importante : La légende d’Hiram n’est plus celle du Guide ; elle ressemble à celle du Rite Français avec une variante que nous pouvons penser inspirée par le Rite Ancien : Le mot des Maîtres n’est plus connu comme au Rite Moderne, il est perdu.
Dans le cadre tu travail effectué sur ses rituels, le Suprême Conseil de France tenta une harmonisation de la légende d’Hiram, du 3ième au 14ième degré. Les deux derniers degrés de cette hiérarchie sont véritablement importants pour l’initié car c’est à ceux-ci qu’il retrouve l’Ancien mot des Maîtres. Ainsi, la tradition du Royal Arch si chère aux « Ancients » reste maintenue dans un contexte différent il est vrai.
La Légende du 3e degré, Ancienne dans le Guide, s’intégrait mal avec les degrés 9-11 du Rite. Voici une partie de cette légende qui nous permettra de comprendre pourquoi le Guide, dans la réorganisation du Suprême Conseil de France, a été abandonné :
Les trois assassins s’étant rejoints, ils se demandèrent réciproquement la parole de maître; mais voyant qu’ils n’avaient pu l’obtenir, et désespérés d’avoir commis un crime sans utilité, ils ne songèrent plus qu’à en dérober la connaissance. À cet effet, ils enlevèrent le corps d’Hiram, et le cachèrent sous des décombres, et dans la nuit ils le portèrent hors de Jérusalem, sur une montagne, et l’enterrèrent. Le R.’. maître Hiram ne paraissant plus aux travaux comme à son ordinaire, Salomon fit faire les plus exactes recherches, mais inutilement.
Lorsque les douze compagnons qui s’étaient rétractés, soupçonnèrent la vérité, ils se réunirent, et résolurent entr’eux d’aller trouver Salomon, avec des gants blancs, comme le témoignage de leur innocence, et l’informèrent de ce qui s’était passé.
Salomon envoya ces douze compagnons à la recherche de leur maître Hiram, leur ordonna, dans le cas où ils le trouveraient, de chercher sur lui la parole de maître, et leur observant que s’ils ne pouvaient pas la retrouver, elle était perdue, attendu qu’il n’y avait que trois personnes qui la connussent, et qu’elle ne pouvait être donnée que par ces trois personnes réunies, dont Hiram faisait partie. Il leur observa, en supposant qu’il fût mort, que pour l’avenir le premier signe et le premier mot qui seraient fait et prononcé en retrouvant et en exhumant le corps de ce R.’. Maître, seraient substitués aux anciens signe et mot de maître.
Ces compagnons ayant la promesse de Salomon d’être récompensés par la maîtrise, s’ils parvenaient au but de leur recherche, partirent, et se divisèrent en quatre bandes.
Trois allèrent vers le nord, trois au sud, trois à l’ouest et trois à l’est.
Une de ces quatre bandes descendit la rivière de Joppa : un d’eux s’étant reposé à côté d’une roche, il entendit de terribles lamentations par l’ouverture du rocher. Prêtant l’oreille, il entendit une voix qui disait :
Oh ! Que j’eusse eu plutôt la gorge coupée, la langue arrachée jusqu’à la racine, et que j’eusse été enterré dans les sables de la mer à la basse marée et à une encablure de distance du rivage où la mer flue et reflue deux fois par jour, plutôt que d’avoir été complice de la mort de notre regretté maître Hiram !
Oh! dit un autre, que mon coeur ait été arraché de mon sein, et jeté pour servir de proie aux vautours, plutôt que d’avoir été complice de la mort d’un aussi bon maître!
Mais, hélas! dit Jubelum : Je l’ai frappé plus fort que vous deux, puisque c’est moi qui l’ai tué ! Que j’eusse eu mon corps séparé en deux, une partie au midi, une autre au nord, et mes entrailles réduites en cendres et jetées aux quatre vents, plutôt que d’avoir été le meurtrier de notre respectable maître Hiram !
Ce compagnon, après avoir entendu ces plaintes lamentables, appela les deux autres compagnons; ils convinrent entr’eux d’entrer dans l’ouverture du rocher, de se saisir des ouvriers, et de les transporter devant le roi Salomon; ce qu’ils exécutèrent.
Ces meurtriers avouèrent à Salomon ce qui s’était passé et le crime qu’ils avaient commis, et témoignèrent le désir de ne pas survivre à leur forfait.
En conséquence, Salomon ordonna que leur propre sentence fût exécutée, puisqu’ils avaient désigné eux-mêmes le genre de leur mort, et ordonna qu’il fût fait ainsi :
Jubelas eut la gorge coupée.
Jubelos eut le coeur arraché.
Jubelos eut le corps coupé en deux parties, l’une fut jetée au nord, l’autre au midi.
Salomon ayant ainsi vengé la mort du R.’. Maître Hiram-Abif renvoya les mêmes compagnons pour remplir leur première mission.
Ces douze compagnons partirent une seconde fois, et voyagèrent pendant cinq jours sans rien trouver.
La légende Ancienne n’est pas compatible avec les degrés de Maître Élu des Neufs, Maître Élu des Quinze et Sublime Chevalier Élu du Rite Écossais Ancien et Accepté, tout au moins dans le cadre une pratique « linéaire » du Rite. Les degrés cités sont dits de vengeance. Le candidat doit venger le Respectable Maître tombé sous les coups des meurtriers, il doit les retrouver, ce qui faisait double emploi avec la légende du 3ième degré. L’obédience a tranché : les meurtriers sont retrouvés dans les hauts grades.
Les degrés symboliques ont été retravaillés pour aboutir à une linéarité à peu près établie du 1er au 14e degrés du Rite. Dans ce travail que le Suprême Conseil de France mena de 1829 à 1894 Date de fondation de la Grande Loge de France que nous connaissons aujourd’hui. . La légende d’Hiram se trouva fortement modifiée, très inspirée il faut le dire par le Rite Français.
Les Rituels Écossais depuis 1877
Une quatrième vague de modification des rituels semble être apparue à partir de 1877. Les rituels imprimés et publiés par le Suprême Conseil de France à cette date préfigurent les rituels qui seront utilisés tout au long du 20e siècle.
L’ouverture des travaux est réduite à son élément le plus simple : vérification de la qualité de Maçons des assistants par les Surveillants, phrases d’ouvertures rituelles. En fait, cette version est très proche (pour ne pas dire identique) de celle du Rite Français de 1818.
Depuis, l’ouverture s’est un peu étoffée ; des questions réponses tirées de l’instruction sont venues la compléter. Voici l’ouverture telle que pratiquée en 2003 à la Grande Loge Nationale Française (REAA dit Cerbu) comparée à celle du Rite Français du Grand Orient de France en 1818.
REAA (GLNF) – 2003 |
Rite Français Moderne (GODF) – 1818 |
Vénø MøFrère, Premier Surveillant, êtes-vous maçon ?
1er Survø
Vénérable Maître, mes frères me reconnaissent pour tel.
Vénø Mø
Quel est le premier devoir d’un Surveillant en loge ?
1er Survø
C’est de s’assurer que la loge est couverte extérieurement.
Vénø Mø
Assurez-vous de cela, mon frère.
1er Survø
Frère second Surveillant, je vous prie de faire voir si la loge est bien couverte.
2e Survø
Frère Couvreur, voyez si la loge est bien couverte.
Sur cette invitation, le frère Couvreur armé de son glaive, sort du temple, en visite l’extérieur et les avenues. Cela fait, il rentre dans la loge et dit :
Couvø
Frère second Surveillant, la loge est couverte extérieurement.
2e Survø
Frère premier Surveillant, la loge est couverte extérieurement.
1er Survø
Vénérable Maître, la loge est couverte extérieurement.
Vénø Mø
Frère second Surveillant : Quel est le second devoir d’un Surveillant en Loge ?
2e Survø
Vénérable Maître c’est de voir si tous ceux qui composent l’assemblée sont maçons.
Vénø Mø
Assurez-vous en donc frères premier et second Surveillants, chacun sur votre colonne, et rendez m’en compte.
Il frappe, seul, un coup et dit :
Vénø Mø
0 – Debout, mes frères ! Face à l’est.
2e Survø
0 – Frère premier Surveillant ! Tous ceux qui décorent la colonne du nord sont maçons.
1er Survø
0 – Vénérable Maître ! Tous ceux qui décorent les colonnes du nord et du midi sont maçons.
Le Vénérable Maître, s’étant mis à l’ordre, ainsi que tous les frères qui sont à l’Orient, dit :
Je reconnais aussi pour maçons tous ceux qui sont à l’est.
Prenez place mes frères.
Vénø Mø
Frère second Surveillant où est votre place dans la loge ?
2e Survø
Au midi. Vénérable Maître.
Vénø Mø
Pourquoi êtes-vous placé ainsi ?
2e Survø
Pour mieux observer le soleil à son méridien, pour envoyer les ouvriers du travail à la récréation et les rappeler de la récréation au travail. afin que le Maître en tire honneur et contentement.
Vénø Mø
Frère premier Surveillant. où est votre place dans la loge ?
1er Survø
A l’occident, Vénérable Maître.
Vénø Mø
Pourquoi êtes-vous placé ainsi ?
1er Survø
Comme le soleil se couche à l’ouest pour fermer la carrière du jour, de même Le Premier Surveillant s’y tient pour aider Le Vénérable Maître à fermer la loge, payer les ouvriers et les renvoyer contents et satisfaits.
Vénø Mø
Frère Premier Surveillant où se tient Le Vénérable Maître ?
1er Survø
A l’Orient, Vénérable Maître.
Vénø Mø
Pourquoi, mon frère ?
1er Survø
Comme le soleil se lève à l’est pour ouvrir la carrière du jour, de même le Vénérable Maître s’y tient pour ouvrir la loge, la diriger dans ses travaux et l’éclairer de ses lumières.
Vénø Mø
A quelle heure les maçons ont-ils coutume d’ouvrir leurs travaux ?
1er Survø
A midi. Vénérable Maître.
Vénø Mø
Frère second Surveillant ! Quelle heure est-il ?
2e Survø
Il est midi, Vénérable Maître.
Vénø Mø
Puisqu’il est midi, heure à laquelle commencent les travaux des maçons, frères premier et second Surveillants, prévenez sur vos colonnes, comme je le fais à l’orient, que je vais ouvrir les travaux du premier degré.
1er Survø
0 – Frère second Surveillant, frères qui décorez la colonne du midi, je vous préviens que Le Vénérable Maître va ouvrir les travaux au premier degré.
2e Survø
0 – Frères qui décorez la colonne du Septentrion, je vous préviens que Le Vénérable Maître va ouvrir les travaux au premier degré.
1er Survø
L’annonce est faite, Vénérable Maître.
Vénø Mø
0 – Debout et à l’ordre, mes frères. Frères Expert et Maître des Cérémonies, remplissez vos offices.
Le Maître des Cérémonies précédé du frère Expert porteur d’un glaive se rend à l 0rient par le nord, muni d’une étoile, qu’il allume à celle qui se trouve sur le plateau du Vénérable Maître : puis il se rend à la colonnette ionique (Sagesse), et allume l’étoile qui y est disposée.
Vénø Mø
0 – Que la sagesse préside à la construction de notre édifice.
Le Maître des Cérémonies, toujours muni de son étoile, se rend par le sud à la colonnette ionique (Force) et allume l’étoile qui y est disposée.
1er Survø
0 – Que la force l’achève !
Le Maître des Cérémonies, toujours muni de son étoile, continue à faire le tour de la loge par le nord, l’est et le sud, se rend à la colonnette corinthienne (Beauté) et allume l’étoile qui y est disposée.
2e Survø
0 – Que la beauté l’orne !
L’Expert déploie le tableau du premier degré sur le pavé mosaïque. Un ancien Vénérable ou, à défaut, l’Expert, se rend devant l’autel des serments, ouvre le Volume de la Loi Sacrée aux premiers versets de l’Evangile de Saint-Jean, pose dessus le compas et ensuite l’équerre, de manière que celle-ci couvre les deux pointes du compas, se met à l’ordre et fait le signe.
Vénø Mø
Frappe trois coups -0-0-0
1er Survø
Frappe trois coups -0-0-0
2e Survø
Frappe trois coups -0-0-0
L’Expert et le Maître des Cérémonies croisent l’épée et la canne au-dessus de l’autel pendant l’invocation du Vénérable Maître.
Vénø Mø
A la gloire du Grand Architecte de l’Univers, au nom de la Franc – Maçonnerie Universelle. sous les
auspices de la Grande Loge Nationale Française, en vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés, je déclare ouverte au grade d’apprenti cette Respectable Loge de Saint – Jean, constituée à l’Orient de …. sous le N° .. et le titre distinctif …
A moi mes frères, par le signe, la batterie et l’acclamation écossaise.
O – O – O
HOUZZÉ – HOUZZÉ – HOUZZÉ
Mes frères ! Nous ne sommes plus dans le monde profane, nous avons laissé nos métaux à la porte du temple; élevons nos cœurs en fraternité et que nos regards se tournent vers la lumière!
Vénø Mø
O – Prenez place mes frères. |
Les FFø étant réunis dans le local, habillés et décorés (l’habit d’un maçon en Loge est le tablier), le Vénø frappe un coup de maillet. A ce signal, chaque Frère prend place et s’y tient debout.Le Vénø dit :
Fø 1er Survø, êtes-vous maçon ?
Fø 1er Survø :
Mes FFø me reconnaissent pour tel.
Tø Vénø:
Quel est le premier devoir d’un Survø en Loge ?
Fø 1er Survø:
De voir si la Loge est couverte extérieurement et intérieurement.
(Nota: Il faut que les portes du Temple soient fermées, qu’il n’y ait aucun profane dans la salle, et dans l’intérieur que des FFø qui soient membres de la Loge.)
Tø Vénø:
Faites-vous en assurer, mon Fø!
Le 1er Survø transmet l’ordre au 2e Survø qui dit au Fø Expø ou au Fø Couvreur : « Faites votre office ! »
Le Fø Exp, le glaive en main, ouvre la porte de l’Atø, en retire la clef, il la dépose sur une table placée entre les Survø. Il ordonne au Fø Tuileur de veiller à la garde extérieure dont il répond, il referme la porte et se place à l’entrée intérieure du Porche.
Quand tout cela est terminé, le Fø Couvreur dit à voix basse au 2e Survø: Les travaux sont couverts.
Le 2e Survø le répète à demi voix au Fø 1er Survø qui dit à haute voix au Très Vénø:
Les Travaux sont couverts extérieurement et intérieurement.
Le Vénø dit:
A l’ordre, mes FFø!
Et il continue :
Quel est le deuxième devoir d’un Fø Survø en Loge ?
Fø 1er Survø:
De s’assurer si tous les FFø sont à l’ordre.
Très Vénø:
Y sont-ils ?
Le 2e Survø dit à demi voix au 1er Survø:
Tous les FFø sont à l’ordre à la Colø du Nord.
1er Survø:
Très Vénø, tous les FFø sont à l’ordre sur les deux Colø
Très Vénø:
A quelle heure les Maçons ouvrent-ils leurs travaux ?
1er Survø:
A midi.
Très Vénø:
Quelle heure est-il ?
1er Survø:
Il est Midi.
Très Vénø:
Puisqu’il est l’heure à laquelle nous devons ouvrir nos travaux, FFø 1er et 2e Survø, invitez les FFø de vos Colø à se joindre à moi pour ouvrir la Loge de …, à l’Or ø de …, au Grade d’Apprenti.
Les Survø répètent l’annonce.
Le Vénø frappe sur l’Autel les trois coups mystérieux: O O O
Ces coups sont répétés par les deux Survø.
Très Vénø:
Mes FFø, les travaux sont ouverts, prenez vos places. |
La comparaison des deux rituels est éloquente. Le jeu des questions/réponses est identique d’un rituel à l’autre. Nous pouvons penser qu’ils ont une origine commune à savoir le Rite Moderne. Voici les grandes étapes de ces rituels :
- La vérification que la Loge est à couvert
- Vérification que les Frères sont tous Apprentis
- Instructions rituelles (âge/heure…)
- Ouverture par le Vénérable Maître et les Surveillants
Les étapes 1 et 2 sont identiques (pour ainsi dire) entre les deux rituels présentés. Les instructions diffèrent légèrement. Dans le REAA-GLNF, il a été ajouté une série de questions/réponses sur les emplacements des officiers (est-ce un reliquat du Guide des Maçons Écossais ?). Figure aussi l’allumage des colonnettes. Ce dernier détail est important car il n’existait pas dans le Guide des Maçons Écossais ni dans les rituels Français du 18e siècle.
En fait, au 18e et 19e siècle, les temples étaient préparés et prêts avant l’entrée des Frères Dans le Guide des Maçons Écossais, le Frère ayant l’office d’« Architecte du Temple » était dévolu à cette tâche. . Les flambeaux (que nous appelons aujourd’hui « étoiles ») étaient allumés, les trois grandes lumières, lorsqu’elles existaient, étaient déjà disposées. Il semble normal que l’allumage des colonnettes ne figure pas à l’ouverture des travaux au rite Français. La pratique de l’allumage des colonnettes est apparemment un emprunt aux Rite Écossais Rectifié et par là même à l’Ordre des Élus Coen.
Concernant l’ouverture, le REAA utilise l’acclamation dite « écossaise », à savoir houzza (que nous pouvons trouver sous la forme de oz’zé, huzza ou encore oshé selon les rituels). Cette acclamation a été utilisée dans les loges qui se disaient écossaises au 18e siècle. Nous pourrions citer la Respectable Loge « Le Patriotisme » à l’Orient de la Cour (Versailles) qui pratiquait un rituel vraisemblablement Moderne (J pour les Apprentis et B pour les Compagnons) et qui utilisait l’acclamation « Huzza » à l’ouverture des travaux.
Les modifications apportées aux rituels symboliques du Rite Écossais Ancien & Accepté afin d’harmoniser les degrés 3 à 14 conjuguées à la double influence Ancienne et Moderne des ces rituels ont créé une véritable incohérence dans la Légende d’Hiram qu’il convient, me semble t’il, de souligner. Ambiguïté ou rupture, la légende d’Hiram n’est plus cohérente. Je vous propose de l’étudier. Nous verrons ensuite comment nous pourrions simplement la corriger.
La rupture de la Légende d’Hiram
Une ambigüité affichée
Dans les loges symboliques qui pratiquent le Rite Écossais Ancien et Accepté, une sorte d’incohérence apparaît au 3e degré, au moment de l’exaltation.
Voici la légende aujourd’hui contée dans les Loges de la Grande Loge Nationale Française et dans celles de la Grande Loge de France (les rituels de ces deux obédiences sont pour ainsi dire identiques) :
Mes FFø ! Depuis le fatal événement qui nous a privé du Maître, le monde est demeuré dans les ténèbres les plus épaisses ; tous les travaux sont suspendus.
Ne pourrions-nous donc rien entreprendre pour recouvrer la lumière ?
Mais, qui ne serait découragé à l’aspect d’un si funeste sort ?
Si l’homme d’une vertu si éminente a dû succomber, quel espoir aurions-nous d’être plus heureux ?
Lui seul, d’ailleurs, possédait le secret de l’oeuvre commencée; qui oserait se présenter pour lui succéder ?
Cependant, mes FFø, ne perdons pas courage ! Après avoir pleuré notre Maître, cherchons ses restes que les meurtriers ont sans doute cachés, afin de rendre à sa dépouille mortelle les honneurs qui lui sont dus. Peut-être recueillerons-nous quelques traces de sa science; la Lumière peut reparaître encore !
Voyagez, mes FFø, de l’Occident à l’Orient, du Septentrion au Midi, jusqu’à ce que vous ayez découvert le lieu sacré où les indignes scélérats ont pu déposer le corps de notre Respectable Maître !
(Les Vénérables Maîtres Expert et Maître des Cérémonies suivis de sept VVøMMø, font par trois fois, dextrorsum, le tour de la Loge. Ils s’arrêtent ensuite, de manière que l’Expert se trouve près de la branche d’acacia).
Cet arbre funéraire, cet acacia, annonce une sépulture. Il n’y a pas longtemps qu’il est planté; peut-être ombrage-t-il le tombeau de notre Respectable Maître HIRAM…
Oui ! Il est dit que la Connaissance repose à l’ombre de l’acacia ! Ce lieu désert me porte à croire que ce pourrait être, en effet, le tombeau de notre Maître. Mais, que vois-je ? Une équerre et un compas qui paraissent y avoir été placés à dessein, ne me laissent plus aucun doute ! Gardons-nous donc de toucher à cette terre jusqu’à ce que nous ayons averti le Maître !
Que trois FFø demeurent ici, tandis que nous allons rendre compte de notre découverte.
(Trois Maîtres se placent autour du cercueil, deux à la tête, à droite et à gauche et le troisième au pied, la face tournée vers le corps. Le Fø Expert, le Fø Maître des Cérémonies et les autres Maîtres retournent à leur place).
La question que ce pose le nouveau Maître Maçon est celle-ci : Pourquoi Salomon envoie t’il des Frères Maîtres chercher la Parole des Maîtres ? Si ils sont Maîtres, n’en sont ils pas pourvus ?
En fait, une lecture attentive de cette partie du rituel nous montre qu’il n’est pas précisé qui Salomon envoie à la recherche du corps. S’agit il de Compagnons ou de Maîtres ?
Ambigüité assurément. En fait l’ambigüité de la légende ainsi présentée est suscitée par la double origine de ces rituels à la fois Anciens et Modernes.
Voici la légende Ancienne, telle qu’elle apparaît au Rite Anglais (dit Émulation).
Nous nous sommes interrompus dans notre histoire traditionnelle au récit de la mort de notre Maître H. A.. Une perte aussi importante que celle du principal Architecte ne pouvait manquer de se faire sentir partout et très sérieusement. L’absence des plans et des instructions qui avaient été jusque là régulièrement distribués aux différentes classes d’ouvriers fut le premier indice qu’un grand malheur avait du frapper notre Maître.
Les Ménatschins ou Intendants, autrement dit les chefs de chantier, déléguèrent les plus qualifiés au Roi Salomon pour lui faire part de l’extrême confusion dans laquelle l’absence d’H. les plongeait et pour lui dire qu’ils avaient lieu de craindre qu’une disparition si soudaine et si mystérieuse ne fut la conséquence de quelque catastrophe fatale.
Le Roi Salomon ordonna immédiatement de faire un appel général de tous les ouvriers appartenant aux différentes sections.
Trois ne répondirent pas à l’appel. Le même jour, les douze compagnons qui avaient été à l’origine associés à la conspiration se présentèrent devant le Roi et confessèrent volontairement tout ce qui s’était passé jusqu’au moment où ils avaient cessé d’en faire partie. Cette confession augmenta naturellement les craintes du Roi Salomon pour la sûreté de son principal Architecte. Il choisit donc quinze fidèles compagnons et leur commanda de se mettre en quête de notre Maître et de chercher à découvrir s’il était encore en vie, ou s’il avait péri victime de la tentative faite pour lui arracher les secrets de son grade éminent.
En conséquence, après avoir fixé la date de leur retour à Jérusalem, ils se formèrent en trois Loges de compagnons et se mirent en route en prenant pour point de départ les trois portes du Temple. Bien des jours passèrent en vaines recherches ; une des sections même revint sans avoir fait aucune découverte importante.
Une autre cependant eut davantage de succès, le soir d’un certain jour, après les fatigues et les privations les plus grandes, un des FF. qui s’était étendu sur le sol afin de se reposer, saisit pour se relever, la branche d’un arbuste qui se trouvait près de lui ; mais à sa grande surprise, l’arbuste céda et fut déraciné sans effort. Après un examen plus attentif, il s’aperçut que la terre avait été fraîchement remuée. Il appela donc ses compagnons, creusèrent la terre et y trouvèrent le corps de notre Maître qui y avait été indignement enfoui. Ils le recouvrirent avec le plus grand respect et la plus grande vénération et, pour marquer l’endroit, plantèrent une branche d’acacia en tête de la fosse. Puis ils partirent en toute hâte pour Jérusalem, afin d’annoncer la triste nouvelle au Roi Salomon.
Le Roi, après avoir donné un premier cours à sa douleur, leur ordonna de retourner à la fosse, de relever notre Maître et de l’honorer d’une sépulture qui convint mieux à son rang élevé à ses grands talents. En même temps, il leur annonça que par la mort prématurée du Maître, les secrets du M.M; étaient perdus. Ils accomplirent leur tâche avec la plus grande fidélité ; lorsque la fosse fut ouverte de nouveau, un des FF., en tournant la tête, (le V.M. se lève) remarqua quelques-uns des FF. dans cette attitude (le V.M. fait le signe d’Horreur et s’assure que le candidat copie) frappés d’horreur à la vue du spectacle affreux et navrant qu’ils avaient devant eux (le V.M. cesse le signe d’horreur) tandis que d’autres, contemplant l’horrible blessure visible encore sur le front de notre Maître, se frappèrent le front (le V.M. fait le signe de Compassion et le candidat copie) afin d’exprimer la compassion qu’ils éprouvaient pour ses souffrances (le V.M. cesse le signe de compassion et se rassied).. Deux des FF. descendirent alors dans la fosse et s’efforcèrent de le relever au moyen de l’attouchement d’apprenti, mais la chair quitta les os, puis au moyen de l’attouchement de compagnon, mais la chair quitta encore les os. Voyant qu’ils avaient échoué tous deux, un Frère zélé et expérimenté saisit plus solidement notre Maître par le poignet et aidé des deux premiers, releva notre Maître au moyen des cinq points parfaits, tandis que d’autres, entraînés par l’émotion, s’écrièrent …….ou……… Ces deux mots ont presque le même sens, l’un signifie la mort de l’Architecte et l’autre, l’Architecte est mort. Le Roi Salomon ordonna donc que ces signes accidentels, cet attouchement et ces mots serviraient à désigner les MM. dans tout l’Univers, jusqu’à ce que le temps ou les circonstances fissent retrouver les authentiques.
Il ne me reste plus qu’à vous rendre compte de ce qui arriva à la troisième section qui avait poursuivi ses recherches dans la direction de Joppé et songeait à retourner à Jérusalem lorsqu’un jour, en passant par hasard devant l’entrée d’une caverne, ils entendirent des lamentations et des exclamations de remords. Ils pénétrèrent dans la caverne pour en chercher la cause et y trouvèrent trois hommes dont le signalement correspondait à la description des fugitifs. Accusés du meurtre et voyant que la retraite leur était coupée, ils firent un aveu complet de leur crime. Ils furent alors chargés de liens et conduits à Jérusalem où le Roi Salomon les condamna à la mort que l’atrocité de leur crime avait si amplement méritée.
Nous constatons que Salomon envoie des Compagnons chercher le corps d’Hiram. Il y a alors 3 Maîtres uniquement : Hiram Abif, Salomon et Hiram de Tyr. La légende précise que chacun de ces Maîtres est en possession d’une partie du mot des Maîtres et que si l’un d’eux vient à manquer, le mot, la parole est perdue.
Cette légende justifie de degré de Royal Arch (qu’il s’agisse du degré de Sainte Arche Royale de Jérusalem tel que pratiqué dans les obédiences Anglo-saxonnes, du 13e degré du Rite Écossais Ancien et Accepté, voire du Maître Écossais de Saint André au Rite Écossais Rectifié). C’est à ce degré que le mot des Maîtres est retrouvé.
La légende Moderne est autre. La voici :
M:. F:., les compagnons n’eurent pas plutôt commis leur crime qu’ils en sentirent toute l’énormité. Afin d’en dérober la trace, s’il était possible, ils emportèrent le corps d’Hiram à quelque distance des travaux, et l’enterrèrent dans une fosse faite à la hâte, se promettant de venir l’enterrer au premier moment favorable et de le transporter bien loin; et pour reconnaître facilement l’endroit, ils y plantèrent une branche d’acacia.
Les Maîtres s’aperçurent bientôt de l’absence d’Hiram.
Trois Maîtres partirent par la porte d’Orient, trois par la porte du Midi, et trois par celle d’Occident. Ils convinrent de ne pas s’écarter les uns des autres plus loin que la portée de la voix. Au lever du soleil, l’un d’eux aperçut une vapeur qui s’élevait de la campagne, à quelque distance. Ce phénomène fixa son attention; il en fit part aux autres Maîtres, et tous s’approchèrent de l’endroit d’où sortait cette vapeur. Au premier aspect, ils virent une petite élévation, et reconnurent que la terre avait été fraîchement remuée, ce qui confirma leur soupçon; la branche d’acacia qui céda aux premiers efforts ne leur permit plus de douter qu’elle ne servit d’indice pour reconnaître l’endroit : ils se mirent à fouiller, et bientôt, ils trouvèrent le corps de notre Resp:. Maître déjà corrompu, et reconnurent qu’il avait été assassiné.
Il était à craindre que les assassins n’eussent, à force de tourments, arraché à Hiram les signes et mots de Maître : ils convinrent donc que le premier signe et le premier mot qui leur échapperaient lors de l’exhumation, seraient, par la suite, le signe et le mot de reconnaissance parmi les Maîtres.
Ils se revêtirent de tabliers et de gants de peau blanche, pour témoigner qu’ils n’avaient point trempé leurs mains dans le sang innocent, et députèrent l’un d’eux à Salomon pour l’instruire de la découverte du corps d’Hiram.
Salomon, instruit du crime affreux qui l’avait privé d’un ami et du chef des travaux, à la perfection desquels il mettait toute son ambition, se livra à la plus vive douleur: il déchira ses vêtements et jura qu’il tirerait une vengeance éclatante d’un forfait aussi noir.
Il ordonna un deuil général parmi les ouvriers du Temple. Il envoya exhumer le corps avec pompe par des Maîtres, lui fit de magnifiques funérailles et le fit déposer dans un tombeau de trois pieds de large, sur cinq de profondeur et sept de longueur. Il fit incruster dessus un triangle de l’or le plus pur, et fit graver au milieu du triangle l’ancien mot de Maître, qui était un des noms hébreux du G:.A:.D:.L’U:.; et ordonna que les mots, signe et attouchement soient changés et qu’on y substituerait ceux dont les neuf Maîtres étaient convenus.
Cette légende ne présente également aucune ambiguïté. Les Maîtres connaissent l’ancien mot des Maîtres mais par mesure de prudence (la vertu du Maître) ils lui substituent une nouvelle parole.
Au Rite Moderne, l’ancien mot des Maîtres apparaît au cours de l’exaltation gravé dans une lame d’or triangulaire incrustée sur le couvercle du catafalque dans lequel le candidat est allongé. Lorsque le catafalque est fermé, le nom du « défunt » apparaît sur le catafalque : Jehova.

Figure 5 : Tableau de Loge sur lequel figure l’ancien mot des Maîtres.
En ce sens, aucun degré dit « supérieur » n’est nécessaire pour retrouver ce qui aurait été perdu. Les Maîtres partent ainsi à la recherche d’Hiram et non du mot.
En tant que rite « universel », le Rite Écossais Ancien et Accepté a puisé dans les origines Anciennes et Modernes des rituels. La Légende utilisée aujourd’hui empruntant dans les deux traditions crée une ambiguïté qui n’est jamais résolue.
La légende telle qu’elle est présentée aujourd’hui est résolument moderne. Le seul fait que Salomon envoie 9 Maîtres à la recherche d’Hiram permet de justifier cette affirmation. La légende Ancienne aurait envoyé 12 compagnons à la recherche du « secret » du Maître.
Le Guide des Maçons Écossais n’échappe pas à cette « incohérence ». Dans le Guide, Hiram envoie 12 compagnons (les 12 compagnons de la Légende Ancienne) qui ramènent les assassins à Salomon. Celui-ci envoie ensuite 9 Maîtres à la recherche du « secret » d’Hiram.
La problématique du Maître Maçon se résume alors en une interrogation : Aurais-je en moi la Parole Perdue ? Cette question est l’objet même de la démarche initiatique. Encore faudrait il pouvoir avoir ne serait ce qu’une idée de ce que peut être la Parole Perdue.
Quelle alternative proposer ?
Avant de proposer une alternative ou une « adaptation » de la légende d’Hiram en fonction d’une orientation précise, nous devons retourner aux sources du Rite afin de bien comprendre comment nous en sommes arrivé là.
En fait, il est intéressant de savoir quelles sont les origines du Rite Écossais Ancien et Accepté. Est il véritablement d’origine « Ancienne » comme son nom tendrait à nous le laisser supposer ?
Lorsque le Rite Écossais Ancien et Accepté est créé aux États-unis, les Grandes Loges Américaines existent depuis quelques années. Il n’est pas exceptionnel de trouver sur un même État une Grande Loge des Ancien et une autre des Modernes.
Le fondateur du Suprême Conseil de France, Grasse-Tilly, appartient aux deux Maçonneries qu’il connaît bien. En 1796 il participe en Caroline du Sud à la fondation d’une Loge de Rite Moderne : La Candeur La Candeur reçoit sa patente de la Grande Loge des Modernes de Caroline du Sud le 21 janvier 1798. , dans laquelle il est Vénérable Maître et dont il démissionnera quelques années plus tard.
Lorsqu’il rentre sur le vieux continent, il apporte avec lui un rite symbolique qu’il avait également pratiqué et qui semble l’avoir séduit : Le Rite Ancien. Ce rite l’a suffisamment intéressé au point qu’il lui consacre une partie dans la rédaction de son « thuileur Cf. Fac-similé du « Thuileur de Grasse-Tilly » publié par le Suprême Conseil Pour la France (rue Villers), 2003. » en 1819. Grasse-Tilly l’avait pratiqué lorsqu’il avait fondé la Respectable Loge « La Réunion Française » sous le numéro 45 de la Grande Loge des Ancients York Masons (la Grande Loge Ancienne de Caroline du Sud).
D’autres éléments viennent nous conforter dans le fait que les degrés du Rite Écossais Ancien et Accepté n’ont pas spécifiquement une origine « Ancienne ».
Le premier de ces éléments est le premier paragraphe de la Circulaire aux Deux Hémisphères de 1802 :
De l’Orient du Grand et Suprême Conseil des Très Puissants Souverains,
Grands Inspecteurs Généraux, sous la Voûte Céleste du Zénith situé par 32 deg. 45 Min. de L.N A nos Illustres, très Vaillants et Sublimes Princes du Royal Secret, Chevaliers K.H, Illustres Princes et Chevaliers, Grands, Ineffables et Sublimes Maçons, Francs Maçons Acceptés de tous les degrés, Anciens et Modernes, répandus à la surface des deux Hémisphères. A tous ceux auxquels parviendra cette correspondance : Santé Constance et Vigueur
La Circulaire est indifféremment adressée aux Francs-Maçons Acceptés de tous les degrés, Anciens et Modernes. Nous pouvons comprendre que le Rite Écossais Ancien Accepté se situe au-delà des querelles des rites symboliques. Au-delà des degrés symboliques ? Assurément. Grasse-Tilly dans son « Thuileur » fait commencer le Rite Écossais Ancien et Accepté au 4e degré, celui de Maître Secret. Ceux qui voyagent savent qu’aux États-unis le Rite Écossais Ancien & Accepté (Ancient & Accepted Scottish Rite) commence au 4e degré Il existe quelques loges historiques en Louisiane qui pratiquent le REAA symbolique. Elles seraient au nombre de 19 (source la mailing list de la Société des Philalèthes). .
J’ai eu la chance d’avoir une copie d’un rituel récemment publié aux États-unis. Il s’agirait d’une reproduction du premier rituel du Maître Secret, publié en 1801. Il est intéressant de lire une partie de l’instruction du degré qui « éclaire » l’origine du Rite Écossais Ancien & Accepté.
Voici donc un extrait de l’instruction au Maître Secret, « 4e degré de la première série de rituels (1801) de la Juridiction Sud des États-unis d’Amérique à Charleston, Caroline du Sud, appelé Maître Secret ».
Q. En quel lieu avez-vous été reçus ?
R. Dans le Saint des Saints.
Q. Qui vous a fait ?
R. Salomon, avec Adoniram l’Inspecteur des travaux.
Q. Qu’avez-vous perçu en entrant dans le Saint des Saints ?
R. Un Delta brillant, incluant certains caractères hébraïques, dont émanaient les neuf rayons de la Sheckina, chacun étant l’initiale d’un Nom Divin comme dérivé d’un attribut ; et le tout entouré par un Grand Cercle.
Q. Dites-moi, je vous prie, quelle est la signification de ces caractères hébraïques dans le Delta ?
R. Ils décrivent le nom Inexprimable et réel du Grand Architecte de l’Univers, que l’on a interdit de prononcer selon une loi de Moïse, et dont, par la suite, nous avons perdu la vraie prononciation.
Q. C’est vrai, mon Frère, la juste prononciation de ces caractères a été perdue à tous, mais les Grands Élus Parfaits et Sublimes Maçons, une connaissance, dont j’espère, vous acquerrez en vertu de votre attachement à notre Ordre et de votre ardeur dans l’accomplissement des devoirs de votre obligation. Mais pouvez-vous, je vous prie me dire quels sont ces noms, dont vous avez vu les initiales dans les neuf rayons de la Sheckina ?
R. Ceux que Dieu a donnés lui-même quand il a parlé à Moïse sur le mont Sinaï, lui annonçant, en même temps, que sa destinée future, un jour, serait de connaître son nom réel.
Nous constatons à la lecture de cette instruction que le postulant, en entrant dans le Saint des Saints, a aperçu un Delta brillant incluant certains caractères hébraïques. Ces caractères décrivent le nom inexprimable et réel du Grand Architecte de l’Univers nous dit l’instruction.
Cette description nous rappelle évidemment la lame d’Or qui figure sur le catafalque lors de la réception au Grade de Maître du Rite Moderne. Nous pouvons donc en déduire qu’il s’agit là de la Parole dite Perdue.
La description ainsi tournée est maçonniquement universelle ; elle permet aux Frères venant des Rites Anciens ou Modernes d’approfondir leur démarche grâce à un système de hauts grades qui est « compatible » avec l’ensemble des rites symboliques existants. Certains Suprêmes Conseils ont malheureusement supprimé Ou bien il apparaît de façon très discrète comme bijou du Trois Fois Puissant Maître, face tournée vers lui, dissimulant ainsi le Nom ineffable. le symbole du Delta au 4e degré.
Dans la pratique du Rite Écossais Ancien & Accepté en Loge symbolique, une modification doit être effectuée afin de rendre cohérente la légende d’Hiram.
Compte tenu de la double origine des rituels, les modifications ne doivent pas laisser de place à l’ambiguïté. Ces modifications peuvent être double :
- Modification « Ancienne » de la Légende, auquel cas ce sont des Compagnons qui partent à la recherche d’Hiram, non plus des Maîtres.
- Modification « Moderne » de la Légende : La parole n’est plus perdue mais « substituée » au cas où le Maître aurait parlé. L’ancien mot des Maîtres est alors connu du Maître Maçon.
Ces évolutions et comparaisons de rituels doivent nous amener à l’interrogation suivante : Quels sont les critères qui permettent de définir un rituel du Rite Écossais Ancien et Accepté ?
Critères permettant de définir un rituel du REAA
Pourquoi définir des critères qui permettent à un rituel de se dire du REAA ? Nous avons vu qu’il existe en Europe plusieurs versions des degrés symboliques de ce rite et qu’ils n’ont pas tous la même « consistance », si je puis m’exprimer ainsi. L’idée serait de pouvoir extraire de l’ensemble de ces rituels des « tendances » communes. L’ensemble de ces tendances permettraient de définir les Rituels Symboliques du Rite Écossais Ancien et Accepté.
Les critères se définissent en 3 typologies : Les aspect purement rituéliques (liés au rituel et à sa pratique en tant que tel), les décors des Frères ainsi que les règles qu’ils doivent observer dans le fonctionnement de la Loge.
Les aspects rituéliques
Il est difficile de trouver un symbole Nous aurions pu citer les listes, les colonnes, les Trois Grandes Lumières, les piliers ou colonnettes, l’autel des serments, les luminaires, le tapi de loge, le pavé mosaïque, la houppe dentelée, les chandeliers, le delta rayonnant, la place des officiers, etc. Il apparaît que tous ces symboles existaient déjà dans d’autres rites lorsque les rituels du REAA ont été créés. propre aux loges bleues du Rite Écossais Ancien et Accepté. Grâce à mes différentes pérégrinations, je pense avoir trouvé quelques constantes. Une loge serait dite du REAA lorsqu’elle utilise simultanément :
· Les Trois Grandes Lumières de la Franc-Maçonnerie (Bible ouverte à l’Évangile de Jean, Équerre et Compas). Les Trois Grandes Lumières sont généralement disposées sur l’autel des Serments. La Bible est ouverte à l’évangile de Jean. Des Loges Féminines ou d’obédiences qui se définissent comme « adogmatiques » ont remplacé l’Évangile de Jean par la Règle ou un autre Volume (livre blanc, constitutions de l’obédience…). Il conviendrait peut être de rappeler ici que la Maçonnerie du REAA gravite autour de l’Évangile de Jean. Cet Évangile placé dans une Loge symbolise à lui seul le passage de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance. Il y aurait fort à dire sur ce symbole ; nous ne le développerons cependant pas ici.
· Les colonnes B&J (B pour les Apprentis et J pour les Compagnons). Elles sont placées à l’ancienne. En fait, le REAA est le seul rite d’Europe « continentale » à avoir conservé la disposition « ancienne » des colonnes.
· Le Tableau du degré est visible dans la Loge, souvent entouré des 3 colonnettes « Beauté », « Force » et « Sagesse ». Les colonnettes peuvent cependant être disposées différemment, autour de l’autel des serments par exemple.

Figure 6 : Tableau de la Respectable Loge « La Grande Triade », GLDF
Pourquoi ne pas avoir parlé de l’emplacement des Surveillants, comme au Rite Ancien ? Il existe des Loges dites du REAA qui placent leurs Surveillants à l’Occident, comme au Rite Moderne. D’ailleurs, dans les Hauts Grades les Surveillants, lorsqu’il y en a deux, sont souvent positionnés à l’Occident.
Les décors
Existe t’ils des décors typiques du REAA ? En France, l’usage imposé par le Suprême Conseil de France au 19e siècle veut que les Frères portent un tablier blanc bordé de rouge et si ils le souhaitent, les Frères portent un baudrier bleu bordé de rouge. Sur le Tablier figurent les lettres MB (tablier traditionnel) ou bien trois rosettes rouges (tablier de style Anglais).
Figure 7 : Tablier traditionnel du REAA |
Figure 8 : Tablier de style « Anglais » du REAA |
En Suisse, il n’existe pas de règle, chaque loge adoptant le tablier de son choix (certaines loges du REAA ont un tablier vert).
A la Grande Loge Régulière de Belgique, les Frères qui pratiquent le REAA en loge symbolique portent l’un des deux tabliers ci-dessus et parfois un baudrier bleu.
Selon le tuileur d’Abraham, les premiers tabliers du REAA étaient blancs, bordés de bleu avec un soleil au milieu de la bavette.
La règle la plus généralement admise veut que les Frères portent un tablier bordé de rouge. Cette règle est à priori la seule qui soit acceptable.
Ce rite s’inscrivant dans le cadre d’une Maçonnerie de Traditions, la tenue sombre et le port des gants restent en usage. Au degré de Maître Maçon, les Frères portent traditionnellement le titre de « Vénérable Maître ». De fait, ils sont couverts. Il n’y a pas de critères précis pour le chapeau.
Voyons maintenant quelles sont les règles applicables en loge symbolique du REAA.
Les lois et règles applicables en Loges Symboliques
Les Règles applicables au REAA sont celles qui sont définies par les Suprêmes Conseils réunis en Convent. Les deux plus marquants ont assurément été Lausanne (1875) et Barranquilla (1970), le second venant annuler les résolutions du premier.
Ainsi, nombreux restent les Maçons qui pensent que le Rite Écossais Ancien et Accepté possède une définition du Grand Architecte de l’Univers qui lui est propre, se référant ainsi au texte du Convent de Lausanne (1875).
La définition du Grand Architecte de l’Univers est d’abord celle de l’obédience à laquelle nous appartenons. A la Grande Loge Régulière de Belgique, le Grand Architecte de l’Univers est Dieu, quelle que soit l’acceptation du mot « Dieu ». Les Suprêmes Conseils du Rite Écossais Ancien et Accepté ont défini en 1970 lors du Convent de Barranquilla (Colombie) que le Grand Architecte de l’Univers est Dieu, conformément à la Tradition.
Au sein de la Loge, les règles constatées sont :
Les Apprentis peuvent assister aux tenues. Ils doivent garder le silence pendant une période allant de 1 à 3 ans. Ils ne peuvent pas voter. Le passage au grade de Compagnon se fait sur proposition du deuxième Surveillant, après un travail symbolique. La proposition est soumise au vote de la Chambre du Milieu. Ils siègent sur la colonne du Nord.
Les Compagnons assistent aux tenues. Ils peuvent prendre la parole mais n’ont pas le droit de voter. Comme au grade précédent, leur augmentation de salaire se fait après l’audition d’un travail symbolique, avec un vote de la Chambre du Milieu sur proposition du Frère premier Surveillant. La durée du Compagnonnage s’étend de 1 à 3 ans. Ils siègent sur la colonne du Sud.
Les Maîtres participent aux tenues. Ils prennent la parole et votent sur les propositions du Frère Orateur.
La prise de parole s’opère par triangulation. Les Frères qui siègent sur la colonne du Nord demandent la parole au deuxième Surveillant. Les Frères de la colonne du Sud demandent la parole au premier Surveillant. Les Surveillant demandent alors la parole au Vénérable Maître pour eux ou pour les Frères de leurs colonnes ; elle leur est généralement accordée.
Au troisième degré la prise de parole est moins codifiée ; elle varie en fait selon les Loges.
Dans certaines Loges, les Vénérables Maîtres Titre des Frères au 3e degré. demandent directement la parole au Très Vénérable Maître Titre du Vénérable Maître au 3e degré. . Dans d’autres loges, la règle de triangulation est conservée.
Les autres règles sont celles en vigueur dans les différentes obédiences.
Nous avons vu que les rituels ont évolué dans l’espace avec une diffusion progressive au sein des différentes obédiences qui se sont constituées, mais aussi dans le temps par une lente transformation du contenu même des rituels. Nous avons ainsi pu distinguer 4 types de rituels dits écossais. L’évolution de ceux du Rite Écossais Ancien et Accepté, forts de leur double influence des Anciens et des Modernes, n’a pas été homogène. Le remaniement des rituels a influé sur leur contenu, créant parfois quelques ambiguïtés qu’une petite modification pourrait assurément corriger. Nous avons constaté qu’il est délicat de dresser une liste des spécificités symboliques de ce rite, compte tenu de ses multiples origines.
Conclusion
Le Rite Écossais Ancien et Accepté est il un Rite Universel ? Assurément, sous bien des angles.
D’abord, dans ses textes fondateurs, le Rite se présente comme fédérateur des différents systèmes écossais qui existaient. Il se présente aussi comme étant au dessus des clivages qui animent la Franc-Maçonnerie. Il s’adresse à tous, sans distinction de rite ni de degré. Il reconnaît la pratique de degrés annexes, non intégrés dans la hiérarchie officielle des degrés.
Ensuite, ce rite s’est diffusé rapidement dans les différentes obédiences Françaises (et Européennes, mais est il nécessaire de le rappeler ?), s’adaptant aux spécificités de chacune d’entre elles.
Enfin, ce rite a évolué dans le sens d’une harmonisation des degrés du 3ième au 14ième, parfois en dépit des origines « Anciennes » de ses premiers rituels symboliques, créant une légende d’Hiram incertaine. Nous avons constaté que cette harmonisation a été inspirée par les rituels du Rite Français et qu’il suffirait d’une légère et indolore modification de l’actuelle légende pour que toute ambiguïté soit levée.
Nous avons vu combien il est difficile de trouver des éléments communs aux différentes pratiques de ce rite. Du Guide des Maçons Écossais aux rituels dits « Cerbu » à la GLNF, les pratiques peuvent fortement différer d’une Loge à l’autre.
Cependant, ce rite est pratiqué avec le souci d’une transmission authentique d’une tradition héritée de la Chevalerie et des Bâtisseurs de Cathédrale.
Loin d’être une suite linéaire de degrés, fort de son universalité, le Rite Écossais Ancien & Accepté se comporte comme une fenêtre ouverte sur la Maçonnerie et les degrés pratiqués au 18e siècle et à ce titre, les dirigeants de notre Suprême Conseil en sont les véritables conservateurs.
Rite alliant tradition et évolution, le Rite Écossais Ancien & Accepté est aujourd’hui le rite le plus pratiqué en France.
Annexes
La Circulaire aux Deux Hémisphères (Déc. 1802, traduction attribuée à H. Gréven)
UNIVERSI TERRARUM ORBIS ARCHITECTONIS GLORIA AB INGENTIS
Deus Meumque Jus
ORDO AB CHAO
De l’Orient du Grand et Suprême Conseil des Très Puissants Souverains,
Grands Inspecteurs Généraux, sous la Voûte Céleste du Zénith situé par 32 deg. 45 Min. de L.N A nos Illustres, très Vaillants et Sublimes Princes du Royal Secret, Chevaliers K.H, Illustres Princes et Chevaliers, Grands, Ineffables et Sublimes Maçons, Francs Maçons Acceptés de tous les degrés, Anciens et Modernes, répandus à la surface des deux Hémisphères. A tous ceux auxquels parviendra cette correspondance : Santé Constance et Vigueur
Lors d’une assemblée de Souverains Grands Inspecteurs Généraux en Conseil Suprême du 33e degré, dûment et légalement réunie, tenue dans la Chambre du Grand Conseil, le 14e jour du 7e Mois appelé Tisri 5563, l’an de Vraie Lumière 5802, et 10e jour d’Octobre 1802 de l’Ère chrétienne. Union Plénitude et Sagesse
Le Grand Commandeur a informé les Inspecteurs qu’ils avaient été convoqués afin de prendre en considération l’opportunité d’adresser aux Grandes Loges Symboliques, aux Grandes Loges Sublimes et aux Grands Conseils répandus sur les deux Hémisphères, des Lettres circulaires expliquant l’origine et la nature des Degrés Sublimes de la Maçonnerie et leur institution en Caroline du Sud.
Une proposition à cet effet fut alors adoptée sur-le-champ, et une commission, composée des Illustres Frères le Dr. Frederick Dalcho, le Dr. Isaac Auld et M. Emmanuel De La Motta, Grands Inspecteurs Généraux, fut nommée pour rédiger et soumettre cette lettre au Conseil lors de sa prochaine tenue.
A l’assemblée des Souverains Grands Inspecteurs Généraux en Conseil Suprême du 33e &c. &c. &c. Ie 10e jour du 8e Mois appelé Chislev 5563, an de la V. L.. 5802, ce 4e jour de Décembre 1802 de l’Ère chrétienne. La Commission, qui avait été saisie de ladite résolution, soumit respectueusement au Conseil le Rapport suivant :
Retracer le cours de la Maçonnerie depuis l’époque la plus lointaine et fixer avec précision les dates de la constitution de chacun des degrés, relève de la plus grande difficulté. En tant que Maçons Symboliques, nous faisons remonter notre origine à la Création du Monde, lorsque le Créateur Tout-Puissant, le Grand Architecte de l’Univers, instaura les lois immuables qui ont donné naissance aux Sciences.
Des nécessités et besoins communs poussèrent nos frères originels à rechercher assistance mutuelle. La diversité de leurs aptitudes, dons et inclinations les rendit, dans une certaine mesure, dépendants les uns des autres, et c’est ainsi que se constitua la société profane ; il s’ensuivit tout naturellement que les hommes de dispositions et de caractères semblables s’associèrent plus intimement, ce qui donna naissance a des institutions se rapportant à leurs desseins et adaptées à leur esprit ; ceci aboutit à l’exclusion de ceux qui, par leurs aptitudes, leur tempérament ou leur condition, étaient incapables de participer au savoir des autres, ou inutiles, voire dangereux au bien-être de l’intérêt général.
Comme la civilisation commençait à se propager de par le monde, et que l’esprit des hommes se développait de par la contemplation des Oeuvres de la nature, les hommes les plus intelligents cultivèrent les arts et les sciences. La contemplation du système Planétaire, en tant qu’Oeuvre d’un Artiste Tout-Puissant, ainsi que des attributs de leur Dieu, donna naissance à la religion et à la Science de l’Astronomie. La mesure de la terre, la division et le bornage de leur propriété donnèrent naissance à la Géométrie. Ces trois occupations, mises en commun, donnèrent naissance à l’Ordre Mystique ; et l’on institua des mots, signes et attouchements d’ordre pour désigner les membres initiés ou reconnus.
Il est probablement impossible de fixer avec précision le moment où les premiers degrés furent constitués sous la forme où ils nous sont conférés de nos jours, par suite de la perte ou de la destruction en Angleterre de la majeure partie des archives du Métier au cours des guerres contre les Danois et les Saxons. L’imaginaire se mêle grandement à l’histoire de la Maçonnerie des premiers âges et la poussière du temps la recouvre à un point tel qu’il est impossible d’en tirer des conclusions satisfaisantes ; mais, à mesure que nous remontons vers l’époque actuelle, nous possédons d’authentiques archives pour notre gouverne. La façon particulière dont les trois premiers degrés, ou degrés Bleus, sont conférés, ainsi que leur contenu prouvent à l’évidence que ce sont purement et simplement des symboles des degrés supérieurs, ou degrés sublimes. Ils ont été formés pour représenter le meilleur de la conduite et des capacités des initiés avant qu’ils soient admis à la connaissance des mystères les plus importants. Au troisième degré, on nous informe que, par suite de la mort de H.A, le mot du Maître fut perdu et qu’un nouveau mot, qui n’était pas connu avant la construction du Temple, lui fut substitué. Si, selon la croyance générale, et comme l’indiquent nombre de nos anciennes archives, la Maçonnerie tire son origine de la création et s’est développée dès les premiers âges de l’humanité, les Maîtres possédaient un mot secret dont les Maçons du temps de Salomon n’avaient pas connaissance. Voici donc un changement de l’un des principes fondamentaux du métier et une suppression de l’un des anciens Landmarks ; cependant, nous ne sommes pas disposés à admettre ce fait. Le Maître Bleu sait bien que le Roi Salomon et son royal visiteur possédaient le vrai mot primitif, mais qu’il doit rester dans l’ignorance, à moins d’être initié aux degrés sublimes. La preuve de l’authenticité de ce mot Mystérieux, tel que nous le connaissons et pour lequel notre vénéré Maître est mort, est établie, même à l’esprit le plus sceptique, dans les pages sacrées des Saintes Écritures et dans l’histoire juive dès l’aube des temps.
Le Docteur Priestley, dans ses lettres aux Juifs, écrit ce remarquable passage quand il parle des miracles du Christ : « et il a été dit depuis par vos auteurs qu’il a accompli ses miracles par quelque nom Ineffable de Dieu, qu’il avait dérobé au Temple ». Bien que les Maçons Symboliques déclarent que leurs sociétés tirent leurs origines des premiers âges du monde et remontent à la création, on ne leur enseigne pourtant dans leurs degrés que des événements qui ont eu lieu à la construction du premier Temple (sur une période infime de sept ans), 2992 ans après la création. Ils ignorent l’histoire de leur ordre antérieurement à cette période et les progrès considérables et importants de l’art à la fois avant et depuis cette période.
De nombreuses Planches des degrés Sublimes contiennent un abrégé des arts et des sciences ; et dans leur histoire sont consignés nombre de faits d’importance et de valeur recueillis dans les archives authentiques dont dispose notre société et qui, de la façon dont ils sont communiqués, ne pourront jamais être tronqués ou déformés. Ceci constitue un objet de première grandeur dans une société dont les principes et les pratiques devraient être invariables. Malheureusement des variantes et des irrégularités se sont insinuées en masse dans les degrés Symboliques, par suite du manque de connaissance maçonnique chez nombre de ceux qui président aux tenues bleues ; et c’est particulièrement le cas chez ceux qui ne connaissent pas la langue hébraïque où tous les Mots et Mots de Passe sont donnés. Ceci est si fondamentalement nécessaire à un homme de science pour présider une Loge qu’un grand préjudice peut naître de la plus infime dérogation au cours d’une cérémonie d’initiation ou dans les Planches d’instruction on lit dans le Livre des Juges que la transposition d’un simple point sur le schîn, par suite d’un défaut de prononciation inhérent à la nation éphraïmite a trahi les Cowans et a abouti au massacre de quarante-deux mille d’entre eux. La représentation Sublime de la Divinité formée dans le degré de Compagnon ne peut être expliquée de façon correcte que par ceux qui ont quelque connaissance du Talmud. La plupart des Mots dans les degrés Sublimes sont dérivés des langues chaldéenne, hébreux et latine. Les diverses traductions d’une langue à l’autre, qu’ont fréquemment subies les degrés Symboliques depuis leur création, par des hommes ignares même dans leur langue maternelle, constituent une deuxième cause de la diversité que nous déplorons. Il en va différemment des degrés supérieurs qui se présentent dans la parure Sublime que leur ont donnée leurs auteurs et qui sont fondés sur la science et agrémentés par leur pouvoir évocateur.
Nombre de degrés Sublimes sont fondés sur les arts savants et dévoilent aux Maçons une masse de connaissances de prime importance. Bien que nombre de degrés Sublimes soient, en fait, le prolongement des degrés Bleus, il n’y a pas pour autant ingérence entre les deux institutions. D’un bout à l’autre du continent européen et aux Antilles, où ils sont universellement connus, ces degrés sont reconnus et leur essor favorisé. Les Maçons Sublimes ne procèdent jamais à des initiations aux degrés Bleus sans autorisation de droit accordée dans ce but par une Grande Loge Symbolique ; excepté lorsqu’ils communiquent les secrets de la présidence d’un Atelier aux postulants qui n’y ont pas encore été admis, préalablement à leur initiation dans une Loge Sublime, mais dans ce cas les postulants sont informés que cela ne leur confère pas le rang de Passé Maître dans la Grande Loge.
La Grande Loge Sublime, parfois appelée Loge Ineffable ou Loge de Perfection, va du 4e au 14e degré inclus, dont le dernier est celui de Perfection. Le 16e degré constitue le Grand Conseil des Princes de Jérusalem qui exerce sa juridiction sur le 15e degré appelé Chevalier de l’Orient et également sur la Grande Loge Sublime ; ce Grand Conseil est par rapport à elle ce qu’est une Grande Loge Symbolique par rapport à ses Loges subordonnées. Sans charte et sans Constitution délivrées par les Grands Conseils ou par un Conseil plus élevé ou par un Inspecteur, ces loges sont jugées irrégulières et sanctionnées en conséquence. Tous les degrés supérieurs au 16e sont placés sous la juridiction du Suprême Conseil des Grands Inspecteurs Généraux qui sont Souverains de la Maçonnerie. Quand il est nécessaire de constituer les degrés Sublimes dans un pays où ils sont inconnus, un Frère du 29′ degré, appelé K.H., est désigné comme Inspecteur Général Délégué pour ce territoire. Il sélectionne parmi les Frères du Métier ceux qu’il estime faire honneur à la société et confère les degrés Sublimes au nombre de Frères nécessaire à la première organisation de la Loge ; celle-ci élit alors ses propres officiers et se gouverne au moyen de la Constitution et de la charte qui lui a été fournie. La juridiction d’une Loge de Perfection s’étend sur vingt-cinq lieues.
Il est notoire qu’environ 27.000 Maçons accompagnèrent les Princes chrétiens aux Croisades, pour reprendre la Terre Sainte aux Infidèles. Pendant leur séjour en Palestine, ils découvrirent chez les descendants des anciens Juifs plusieurs manuscrits Maçonniques importants qui sont venus enrichir nos Archives d’authentiques actes, et sur lesquels sont fondés certains de nos degrés.
Certaines découvertes extraordinaires furent faites et certains événements extraordinaires se produisirent au cours des années 5304 et 5311, et ceci donne à l’Histoire Maçonnique de cette période une importance extrême. Cette période est chère au coeur du Maçon plein d’ardeur pour la cause de son Ordre, de son Pays et de son Dieu.
Une autre découverte d’importance fut faite en l’an 5553 : il s’agit d’un registre en caractères syriaques concernant la plus haute antiquité, d’après lequel il semblerait que le monde soit plus vieux de plusieurs milliers d’années que ne l’indique le récit mosaïque ; c’est un avis que partagent nombre d’érudits. Seuls quelques passages ont été traduits avant le règne de notre Illustre et très Éclairé Frère Frédéric II Roi de Prusse, dont l’ardeur bien connue pour le métier fut la cause de grand avancement de la société qu’il daigna présider.
A mesure que progressait la société et que d’anciens documents étaient découverts, le nombre de nos degrés augmenta jusqu’au moment où, avec le temps, le système fut achevé.
D’après celles de nos archives qui sont authentiques, nous sommes informés de la constitution des degrés Sublimes et Ineffables de la Maçonnerie en Écosse, en France et en Prusse sitôt après les Croisades.
Mais à la suite de circonstances de nous inconnues, après l’an 4658 (18), ils tombèrent dans l’oubli jusqu’en l’an 5744, lorsqu’un gentilhomme d’Écosse vint visiter la France et rétablit la Loge de Perfection de Bordeaux.
En 5761, les Loges et conseils des degrés supérieurs s’étant étendus sur l’ensemble du continent européen, Sa Majesté le Roi de Prusse, en qualité de Grand Commandeur de l’ordre de Prince du Royal Secret, fut reconnu par la totalité des membres du Métier comme chef des degrés Sublimes et Ineffables de la Maçonnerie sur l’ensemble des deux Hémisphères. Son Altesse Royale Charles, Prince Héréditaire des Suédois, des Goths et des Vandales, Duc de Sudermanie, Héritier de Norvège, &c. &c. &c. fut et est toujours le Grand Commandeur et protecteur des Maçons Sublimes de Suède ; et son Altesse Royale Louis de Bourbon, Prince du sang, Duc de Chartres, &c. &c. &c., et le Cardinal, Prince et Évêque de Rouen, furent à la tête de ces degrés en France.
Le 25 Octobre 5762, les Grandes Constitutions Maçonniques furent définitivement ratifiées à Berlin et proclamées pour le gouvernement de toutes les Loges de Maçons Sublimes et Parfaits, Chapitres, Conseils, Collèges et Consistoires de l’Art Royal et Militaire de la Franc Maçonnerie sur la surface des deux Hémisphères. Il y a des Constitutions secrètes, existant de temps immémorial, auxquelles il est fait allusion dans ces documents.
La même année, ces Constitutions furent transmises à notre Illustre Frère Stephen Morin qui, le 27 Août 5761, avait été nommé Inspecteur Général de toutes les Loges, &c. &c. &c. du nouveau monde par le Grand Consistoire des Princes du Royal Secret réuni à Paris et que présidait le délégué du Roi de Prusse, Chaillon de Jonville, suppléant Général de l’Ordre, Très Vénérable Maître de la première Loge de France, appelée de Saint-Antoine, Chef des degrés Éminents, Commandeur et Sublime Prince du Royal Secret, &c. &c. &c.
Étaient également présents les Illustres Frères suivants : Le Frère Prince de Rouen, Maître de la Grande Loge l’Entendement, et Souverain Prince de la Maçonnerie, &c. La Corne, suppléant du Grand Maître, Très Vénérable Maître de la Loge la Trinité, Grand Élu, Parfait Chevalier et Prince des Maçons, &c. Maximilien de St. Simon, Premier Grand Surveillant Grand Élu, Parfait Chevalier et Prince des Maçons, &c.
Savalette de Buchelay, Grand Garde des Sceaux, Grand, Élu, Parfait Chevalier et Prince des Maçons, &c. Ie Duc de Choiseul, Très Vénérable Maître de la Loge les Enfants de la Gloire, Grand Élu, Parfait Maître, Chevalier et Prince des Maçons, &c.
Topin, Grand Ambassadeur de son Altesse Sérénissime Grand Élu, Parfait Maître, Chevalier et Prince des Maçons, &c.
Boucher de Lenoncour, Très Vénérable Maître de la Loge la Vertu, Grand Élu, Parfait Maître, Chevalier et Prince des Maçons, &c.
Brest de la Chaussée, Très Vénérable Maître de la Loge l’Exactitude, Grand Élu, Parfait Maître, Chevalier et Prince des Maçons, &c.
Les Sceaux de l’Ordre furent apposés et la Patente contresignée par Daubertain, Grand Élu, Parfait Maître, Chevalier et Prince des Maçons, Très Vénérable Maître de la Loge St. Alphonso, Grand Secrétaire de la Grande Loge et du Conseil Sublime des Princes Maçons, &c.
Quand le Frère Morin arriva à St. Domingue, conformément à sa Patente, il nomma un Inspecteur Général Délégué pour l’Amérique du Nord. Ce grand honneur fut conféré au Frère M.M. Hayes, avec pouvoir de nommer d’autres Inspecteurs Généraux en cas de besoin. Le Frère Morin nomma également le Frère Frankin Inspecteur Général Délégué pour la Jamaïque et les Iles Britanniques sous le Vent, et le Frère Colonel Provost pour les Iles au Vent et l’Armée britannique.
Le Frère Hayes nomma Inspecteur Général Délégué pour l’état de Caroline du Sud le Frère Isaac Da Costa lequel, en l’an 5783, établit la Sublime Grande Loge de Perfection à Charleston. Après la mort du Frère Da Costa, le Frère Joseph Myers fut nommé Inspecteur Général Délégué pour cet état par le Frère Hayes qui avait au préalable également nommé le Frère Colonel Solomon Bush Inspecteur Général Délégué pour l’état de Pennsylvanie et le Frère Barend M. Spitzer au même titre pour la Géorgie ; ces décisions furent ratifiées lors d’une réunion d’inspecteurs quand ils furent assemblés à Philadelphie le 15 Juin 5781.
Le 1er Mai 5786, la Grande Constitution du 33e degré appelé, le Conseil Suprême des Souverains Grands Inspecteurs Généraux fut définitivement ratifiée par Sa Majesté le Roi de Prusse qui, en sa qualité de Grand Commandeur de l’ordre de Prince du Royal Secret, détenait le pouvoir Maçonnique Suprême sur l’ensemble du Métier. Dans la nouvelle Constitution, ces hauts Pouvoirs furent conférés dans chaque Nation à un Suprême Conseil de neuf Frères qui détiennent dans leur propre territoire toutes les prérogatives Maçonniques que Sa Majesté détenait à titre individuel ; et ce sont les Souverains de la Maçonnerie.
Le 20 Février 5788, fut ouvert dans cette Ville le Grand Conseil des Princes de Jérusalem auquel étaient présents le Frère J. Myers, I.G.D. pour la Caroline du Sud, le Frère B.M. Spitzer, I.G.D. pour la Géorgie, et le Frère A. Forst, I.G.D. pour la Virginie. Peu après l’ouverture du Conseil, une lettre fut adressée à Son Altesse Royale le Duc d’Orléans à ce propos sollicitant l’envoi de certains actes des archives de la société française ; dans sa réponse par l’entremise du Colonel Shee, son Secrétaire, il promit très aimablement de les transmettre ; mais malheureusement, les prémices de la révolution française empêchèrent cet envoi.
Le 2 Août 5795, le Frère Colonel John Mitchell, ci-devant Sous-Intendant Général des Armées des États-Unis, fut fait Inspecteur Général Délégué pour cet état par le Frère Spitzer par suite du départ de ce pays du Frère Myers.
L’action du Frère Mitchell fut limitée jusqu’après la mort du Frère Spitzer qui survint l année suivante. De nombreux Frères de degrés éminents étant arrivés de l’étranger, des Consistoires de Princes du Royal Secret se tinrent de temps à autre pour des initiations et pour d’autres propos.
Le 31 Mai 5801, le Suprême Conseil du 33e degré pour les États-Unis fut inauguré avec toutes les hautes personnalités de la Maçonnerie par les Frères John Mitchell et Frederick Dalcho, Souverains Grands Inspecteurs Généraux, et, dans le courant de la présente année, le nombre total de Grands Inspecteurs Généraux fut complété, conformément aux Grandes Constitutions.
Le 21 Janvier 5802, une charte de Constitution accorda le sceau du Grand Conseil des Princes de Jérusalem pour l’établissement d’une Loge de Maîtres Maçons de la Marque dans cette Ville.
Le 21 Février 5802 notre Illustre Frère le Comte Alexandre François Auguste De Grasse, Inspecteur Général Délégué fut nommé par le Suprême Conseil Grand Inspecteur Général et Grand Commandeur des Antilles françaises ; et notre Illustre Frère Jean-Baptiste Marie De La Hogue, Inspecteur Général Délégué, fut également reçu Grand Inspecteur Général et nommé Lieutenant Grand Commandeur des mêmes Iles.
Le 4 Décembre 5802, une charte de Constitution accorda le sceau du Grand Conseil des Princes de Jérusalem pour l’établissement d’une Grande Loge Sublime à Savannah, Géorgie.
Les Dénominations des Degrés Maçonniques sont comme suit, à savoir :
1e Degré Apprenti Admis
2e Compagnon
3e Maître Maçon, conférés par la Loge Symbolique
4e Maître Secret
5e Maître Parfait
6e Secrétaire Intime
7e Prévôt et Juge
8e Intendant des Bâtiments
9e Maître Élu des Neuf, conférés par la G. Loge Sublime
10e Illustre Élu des Quinze
11e le Sublime Chevalier Élu
12e Grand Maître Architecte
13e Royal-Arche
14e Perfection
15e Chevalier d’Orient, conférés par les Princes de Jérusalem, qui forment un Conseil Souverain
16e Prince de Jérusalem
17e Chevalier d’Orient et d’Occident
18e Souverain Prince de Rose-Croix d’Hérodom
19e Grand Pontife
20e Grand Maître de toutes les Loges Symboliques
21e Patriarche Noachite ou Chevalier Prussien
22e Prince du Liban
23e Chef du Tabernacle,
24e Prince du Tabernacle, conférés par le Conseil des Grands Inspecteurs qui sont Souverains de la Maçonnerie.
25e Prince de Merci,
26e Chevalier du Serpent d’Airain
27e Commandeur du Temple
28e Chevalier du Soleil
29e K H
30 31 32e Prince du Royal Secret, Prince des Maçons, conférés par le Conseil des Grands Inspecteurs qui sont Souverains de la Maçonnerie
33e Souverains Grands Inspecteurs Généraux, Officiers nommés à vie.
Outre ces degrés, qui se succèdent régulièrement, la plupart des Inspecteurs possèdent un certain nombre de degrés séparés, conférés dans diverses parties du monde et qu’ils communiquent en général, sans frais, aux Frères qui ont l’élévation suffisante pour les comprendre. Ainsi les Maçons Choisis des 27 et le Royal-Arche, conférés sous l’égide de la Constitution de Dublin. Six degrés de la Maçonnerie D’Adoption, Compagnon Écossais, Le Maître Écossais & Le Grand Maître Écossais, &c., faisant en tout 52 degrés.
La Commission soumet respectueusement à la réflexion du Conseil le rapport ci-dessus sur les principes et l’établissement des degrés Sublimes en Caroline du Sud, extraits des archives de la Société. Elle ne saurait, toutefois, conclure sans exprimer ses voeux ardents de prospérité et de dignité aux Institutions que préside ce Suprême Conseil ; et elle se flatte que, si des Frères des degrés Bleus ont pu avoir des impressions défavorables par méconnaissance des principes et pratiques de la Maçonnerie Sublime, cela sera aboli, et que l’harmonie et l’affection seront l’heureux ciment de la société universelle des Francs Maçons Acceptés. Que, de même que tous aspirent à l’amélioration de la condition générale de l’humanité par la pratique de la vertu et l’exercice de la liberté, de même la Commission souhaite sincèrement qu’il soit mis fin aux petits différends qui ont pu naître, à l’occasion de formalités insignifiantes entre Anciens et Modernes, pour faire place aux principes originels de l’ordre qui sont les nobles remparts de la société : l’universelle bonté et l’amour fraternel ; et que la vaste confrérie des Francs Maçons sur l’ensemble des deux Hémisphères ne forme qu’un seul lien de Fraternité. « Voyez comme il est bon et agréable pour des Frères de cohabiter dans l’unité. »
La Commission salue respectueusement votre Suprême Conseil par les Nombres Sacrés.
Charleston, Caroline du Sud, ce 10e jour du 8e Mois appelé Chisleu 55v3′ année de VL. 5802, le 4e jour de Décembre 1802 de l’Ère chrétienne.
FREDERICK DALCHO, K.H – P.R.S. Souverain Grand Inspecteur Général du 33e et Lieutenant Grand Commandeur des États-Unis d’Amérique.
ISAAC AULD, K.H – P.R.S. Souverain Grand Inspecteur Général du 33e.
E. DE LA MOTTA, K.H – P.R.S. Souverain Grand Inspecteur Général du 33e et Illustre Trésorier du S. Empire.
Le rapport ci-dessus a été pris en considération et le Conseil exprimé sa satisfaction en lui accordant sa totale approbation. Après quoi, le Conseil a décidé que ledit rapport soit imprimé et transmis à toutes les Grandes Loges Sublimes et à toutes les Grandes Loges Symboliques répandues sur les deux Hémisphères.
Signé JOHN MITCHELL K.H – P.R.S. Souverain Grand Inspecteur Général du 33e et Grand Commandeur des États-Unis d’Amérique.
Extrait fidèle des délibérations du Conseil.
Signé Ab. ALEXANDER K.H – P.R.S. Souverain Grand Inspecteur Général du 33e, Grand Inspecteur Général du 33e et Illustre Secrétaire du Saint-Empire.
DEUS MEUMQUE JUS
Introduction à la version Latine des Constitutions de 1786
UNIVERSI TERRARUM ORBIS SUMMI ARCHITECTONIS
GLORIA
AB INGENIIS
NOUVEAUX INSTITUTS SECRETS
ET BASES FONDAMENTALES
de la très ancienne et très Respectable Société des Anciens Francs-Maçons Unis, connue sous le nom d’Ordre Royal et Militaire de l’art libre de tailler la pierre.
NOUS, FREDERIC, par la grâce de Dieu, Roi de Prusse, Margrave de Brandebourg, etc., etc., etc. :
Souverain Grand Protecteur, Grand Commandeur, Grand Maître Universel et Conservateur de la très ancienne et très respectable Société des Anciens Francs-Maçons ou Architectes Unis, autrement appelée l’ORDRE Royal et Militaire de l’Art Libre de Tailler la Pierre ou Franche-Maçonnerie
A TOUS LES ILLUSTRES ET BIEN-AIMES FRERES QUI CES PRESENTES VERRONT
Tolérance, Union, Prospérité.
Il est évident et incontestable que, fidèle aux importantes obligations que nous nous sommes imposées en acceptant le protectorat de la très ancienne et très respectable Institution connue de nos jours sous le nom de » Société de l’Art Libre de tailler la pierre » ou » ORDRE DES ANCIENS FRANCS-MAÇONS UNIS » nous nous sommes appliqué, comme chacun sait, à l’entourer de notre sollicitude particulière.
Cette Institution universelle, dont l’origine remonte au berceau de la société humaine, est pure dans son Dogme et sa Doctrine : elle est sage, prudente et morale dans ses enseignements, sa pratique, ses desseins et ses moyens : elle se recommande surtout par son but philosophique, social et humanitaire. Cette société a pour objet l’Union, le Bonheur, le Progrès et le Bien Etre de la famille humaine en général et de chaque homme individuellement. Elle doit donc travailler avec confiance et énergie et faire des efforts incessants pour atteindre ce but, le seul qu’elle reconnaisse comme digne d’elle.
Mais, dans la suite des temps, la composition des organes de la Maçonnerie et l’unité de son gouvernement primitif ont subi de graves atteintes, causées par les grands bouleversements et les révolutions qui, en changeant la face du monde ou en soumettant à des vicissitudes continuelles, ont, à différentes époques, soit dans l’antiquité, soit de nos jours, dispersé les anciens Maçons sur toute la surface du globe. Cette dispersion a donné naissance à des systèmes hétérogènes qui existent aujourd’hui sous le nom de RITES et dont l’ensemble compose l’ORDRE.
Cependant, d’autres divisions, nées des premières, ont donné lieu à l’organisation de nouvelles sociétés : la plupart de celles-ci n’ont rien de commun avec l’Art Libre de la Franche-Maçonnerie, sauf le nom de quelques formules conservées par les fondateurs, pour mieux cacher leurs desseins secrets – desseins souvent trop exclusifs, quelquefois dangereux et presque toujours contraires aux principes et aux sublimes doctrines de la Franche-Maçonnerie, tel que nous les avons reçus de la tradition.
Les dissensions bien connues que ces nouvelles associations ont suscitées dans l’ORDRE et qu’elles y ont trop longtemps fomentées, ont éveillé les soupçons et la méfiance de presque tous les Princes dont quelques-uns l’ont même persécuté cruellement.
Des Maçons, d’un mérite éminent, ont enfin réussi à apaiser ces dissensions et tous ont, depuis longtemps, exprimé le désir qu’elles fussent l’objet d’une délibération générale afin d’aviser aux moyens d’en empêcher le retour et d’assurer le maintien de l’ORDRE, en rétablissant l’unité dans son gouvernement et dans la composition primitive de ses organes, ainsi que son antique discipline.
Tout en partageant ce désir que nous-même avons éprouvé depuis le jour où nous avons été complètement initié aux mystères de la Franche-Maçonnerie, nous n’avons pu, cependant, nous dissimuler ni le nombre, ni la nature, ni la grandeur réelle des obstacles que nous aurions à surmonter pour accomplir ce désir. Notre premier soin a été de consulter les membres les plus sages et les plus éminents de l’Ordre dans tous les pays sur les mesures les plus convenables à adopter pour atteindre un but si utile, en respectant les idées, de chacun, sans faire violence à la juste indépendance des Maçons et surtout à la liberté d’opinion qui est la première et la plus sacrée de toutes les libertés et en même temps la plus prompte à prendre ombrage.
Jusqu’à présent les devoirs qui nous étaient plus particulièrement imposés comme Roi, les évènements nombreux et importants qui ont signalé notre règne ont paralysé nos bonnes intentions et nous ont détourné du but que nous nous étions proposé. C’est désormais au temps, ainsi qu’à la sagesse, à l’instruction et au zèle des frères qui viendront après nous qu’il appartiendra d’accomplir et de perfectionner une oeuvre si grande et si belle, si juste et si nécessaire. C’est à eux que nous léguons cette tâche, et nous leur recommandons d’y travailler sans cesse, mais patiemment et avec précaution.
Toutefois, de nouvelles et pressantes représentations qui, de toutes parts, nous ont été adressées, dans ces derniers temps, nous ont convaincu de la nécessité d’opposer immédiatement une barrière puissante à l’esprit d’intolérance, de secte, de schisme et d’anarchie que des novateurs cherchent aujourd’hui à introduire parmi les frères. Leurs desseins ont plus ou moins de portée et sont ou imprudents, ou répréhensibles : présentés sous de fausses couleurs, ces desseins, en changeant la nature de l’Art libre de la Franche-Maçonnerie, tendent à la détourner de son but, et doivent nécessairement causer la déconsidération et la ruine de l’ORDRE. En présence de tout ce qui se passe dans les royaumes voisins, nous reconnaissons qu’une intervention de notre part est devenue indispensable.
Ces raisons et d’autres causes non moins graves nous imposent donc le devoir d’assembler et de réunir en un seul corps de Maçonnerie tous les RITES du Régime ECOSSAIS dont les doctrines sont, de l’aveu de tous, à peu près les mêmes que celles des anciennes Institutions qui tendent au même but, et qui, n’étant que les branches principales d’un seul et même arbre, ne diffèrent entr’elles que par des formules, maintenant connues de plusieurs, et qu’il est facile de concilier. Ces RITES sont ceux connus sous les noms de Rit Ancien, d’Hérédom ou d’Hairdom, de l’Orient de Kilwinning, de Saint-André, des Empereurs d’Orient et d’Occident, des Princes du Royal Secret ou de Perfection, de Rit Philosophique et enfin de Rit Primitif, le plus récent de tous.
Adoptant, en conséquence, comme base de notre réforme salutaire, le titre du premier de ces Rites et le nombre des Degrés de la hiérarchie du dernier, nous les DÉCLARONS maintenant et à jamais réunis en un seul ORDRE, qui, professant le Dogme et les pures Doctrines de l’antique Franche-Maçonnerie, embrasse tous les systèmes du Rit Écossais sous le nom de RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE.
La doctrine sera communiquée aux Maçons en trente-trois Degrés, divisés en sept Temples ou Classes. Tout Maçon sera tenu de parcourir successivement chacun de ces Degrés, avant d’arriver au plus sublime et dernier ; et à chaque Degré, il devra subir tels délais et telles épreuves qui lui seront imposés conformément aux Instituts, Decrets et Réglemens anciens et nouveaux de l’ORDRE, ainsi qu’à ceux du Rit de Perfection.
Le premier Degré sera conféré avant le deuxième, celui-ci avant le troisième et ainsi de suite jusqu’au Degré Sublime – le trente-troisième et dernier – qui surveillera, dirigera et gouvernera tous les autres. Un corps ou Réunion de membres possédant ce Degré formera un SUPREME GRAND CONSEIL, dépositaire du Dogme ; il sera le Défenseur et le Conservateur de l’ORDRE qu’il gouvernera et administrera conformément aux présentes et aux Constitutions ci-après décrétées.
Tous les Degrés des Rites réunis, comme il est dit ci-dessus, du premier au dix-huitième, seront classés parmi les Degrés du Rit de Perfection dans leur ordre respectif et d’après l’analogie et la similitude qui existent entr’eux ils formeront les dix-huit premier Degrés du RIT ECOSSAIS ANCIEN ACCEPTE ; le dix-neuvième Degré, et le vingt-troisième Degré du Rit Primitif formeront le vingtième Degré de l’ORDRE. Le vingtième et le vingt-troisième Degré du Rit de Perfection, soit le seizième et le vingt-quatrième Degré du Rit Primitif formeront le vingt-unième et le vingt-huitième Degré de l’ORDRE. LES PRINCES DU ROYAL SECRET occuperont le trente-deuxième Degré, immédiatement au-dessous des SOUVERAINS GRANDS INSPECTEURS GENERAUX dont le Degré sera le trente-troisième et dernier de l’ORDRE. Le trente-unième Degré sera celui des Souverains-Juges-Commandeurs. Les Grands Commandeurs, Grands Elus Chevaliers Kadosch prendront le trentième Degré. Les Chefs du Tabernacle, les Princes du Tabernacle, les Chevaliers du Serpent d’Airain, les Princes de Merci, les Grands Commandeurs du Temple et les Grands Écossais de Saint-André composeront respectivement le vingt-troisième, le vingt-quatrième, le vingt-cinquième, le vingt-sixième, le vingt-septième et le vingt-neuvième Degré.
Tous les Sublimes Degrés de ces mêmes Systèmes Écossais réunis seront, d’après leur analogie ou leur identité, distribués dans les classes de leur Ordre qui correspondent au régime du RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE.
Mais jamais et sous quelque prétexte que ce soit, aucun de ces sublimes Degrés ne pourra être assimilé au trente-troisième et très Sublime Degré de SOUVERAIN GRAND INSPECTEUR GÉNÉRAL, PROTECTEUR ET CONSERVATEUR DE L’ORDRE, qui est le dernier du RIT ANCIEN ACCEPTE ÉCOSSAIS et, dans aucun cas, nul ne pourra jouir des mêmes droits, prérogatives, privilèges ou pouvoirs dont nous investissons ces Inspecteurs.
Ainsi nous leur conférons la plénitude de la puissance suprême et conservatrice.
Et, afin que la présente ordonnance soit fidèlement et à jamais observée, nous commandons à nos Chers, Vaillants et Sublimes Chevaliers et Princes Maçons de veiller à son exécution.
DONNE en notre Palais à Berlin, le jour des Calendes premier – de Mai, l’an de Grâce 1786, et de notre Règne le 47e.
Signé » FREDERIC « .
Bibliographie
Bayard, Jean-Pierre |
Le symbolisme maçonnique traditionnel. (Tomes 1 & 2)Éditions EDIMAF, 1987. |
Bongard, Roger |
Manuel Maçonnique du Rite Écossais Ancien et Accepté.Éditions Dervy, 2002. |
Grande Loge de France |
Rituels des Trois Degrés Symboliques, 1998. |
Grande Loge Nationale Française |
Rituels du Rite Écossais Ancien et Accepté dits « Cerbu », 2001 |
Gréven, Hubert |
Traduction de La Circulaire aux deux Hémisphères |
Ligou, Daniel |
Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie.Éditions PUF, 1987-1991. |
Naudon, Paul |
Histoire et Rituels des Hauts Grades Maçonniques.Éditions Dervy, 1966. |
Noël, Pierre |
Les Grades bleus du Rite Écossais Ancien et Accepté Genèse et développementsArticle paru dans Acta Macionica, Numéro 12, Décembre 2002. |
Suprême Conseil de France |
Ordo Ab Chao numéro spécial (39-40), Origine et Évolution des Rituels des Trois Premiers Degrés du Rite Écossais Ancien et AcceptéPremier et Deuxième Semestres, 1999.
|
—
Le Rite Ecossais Ancien et Accepté
Version Latine traduite en Français
Extrait de Paul NAUDON. Histoire et Rituels des Hauts Grades Maçonniques. ANNEXE VII
VÉRA INSTITUTA SÉCRÉTA ET FUNDAMENTA
ORDINIS
VETERUM – STRUCTORUM – LIBERORUM
AGGREGATORUM
ATQUE
CONSTITUTIONe MAGNÆ
ANTIQUI – ACCEPTI – RITUS – SCOTICI
Anni MDCCLXXXVI
VÉRITABLES INSTITUTS SECRETS ET BASES
FONDAMENTALES
De
L’ORDRE
des anciens Francs-Maçons-Unis
et
Grandes Constitutions Du Rit Ancien – Accepté – Écossais,
de l’An 1786
NOUVELLE ÉDITION :
Publiée sous les auspices du Suprême Conseil 33e pour la Juridiction Méridionale des États-Unis de l’Amérique
Traduit du Latin par Charles Laffon de Ladebat, 33e Extrait de l’ouvrage d’Albert Pike, Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry, New York, 1872.
UNIVERSI TERRARUM ORBIS SUMMI ARCHITECTONIS
GLORIA
AB INGENIIS
NOUVEAUX INSTITUTS SECRETS
ET BASES FONDAMENTALES
de la très ancienne et très Respectable Société des Anciens Francs-Maçons Unis, connue sous le nom d’Ordre Royal et Militaire de l’art libre de tailler la pierre.
NOUS, FREDERIC, par la grâce de Dieu, Roi de Prusse, Margrave de Brandebourg, etc., etc., etc. :
Souverain Grand Protecteur, Grand Commandeur, Grand Maître Universel et Conservateur de la très ancienne et très respectable Société des Anciens Francs-Maçons ou Architectes Unis, autrement appelée l’ORDRE Royal et Militaire de l’Art Libre de Tailler la Pierre ou Franche-Maçonnerie
A TOUS LES ILLUSTRES ET BIEN-AIMES FRERES QUI CES PRESENTES VERRONT
Tolérance, Union, Prospérité.
Il est évident et incontestable que, fidèle aux importantes obligations que nous nous sommes imposées en acceptant le protectorat de la très ancienne et très respectable Institution connue de nos jours sous le nom de » Société de l’Art Libre de tailler la pierre » ou » ORDRE DES ANCIENS FRANCS-MAÇONS UNIS » nous nous sommes appliqué, comme chacun sait, à l’entourer de notre sollicitude particulière.
Cette Institution universelle, dont l’origine remonte au berceau de la société humaine, est pure dans son Dogme et sa Doctrine : elle est sage, prudente et morale dans ses enseignements, sa pratique, ses desseins et ses moyens : elle se recommande surtout par son but philosophique, social et humanitaire. Cette société a pour objet l’Union, le Bonheur, le Progrès et le Bien Etre de la famille humaine en général et de chaque homme individuellement. Elle doit donc travailler avec confiance et énergie et faire des efforts incessants pour atteindre ce but, le seul qu’elle reconnaisse comme digne d’elle.
Mais, dans la suite des temps, la composition des organes de la Maçonnerie et l’unité de son gouvernement primitif ont subi de graves atteintes, causées par les grands bouleversements et les révolutions qui, en changeant la face du monde ou en soumettant à des vicissitudes continuelles, ont, à différentes époques, soit dans l’antiquité, soit de nos jours, dispersé les anciens Maçons sur toute la surface du globe. Cette dispersion a donné naissance à des systèmes hétérogènes qui existent aujourd’hui sous le nom de RITES et dont l’ensemble compose l’ORDRE.
Cependant, d’autres divisions, nées des premières, ont donné lieu à l’organisation de nouvelles sociétés : la plupart de celles-ci n’ont rien de commun avec l’Art Libre de la Franche-Maçonnerie, sauf le nom de quelques formules conservées par les fondateurs, pour mieux cacher leurs desseins secrets – desseins souvent trop exclusifs, quelquefois dangereux et presque toujours contraires aux principes et aux sublimes doctrines de la Franche-Maçonnerie, tel que nous les avons reçus de la tradition.
Les dissensions bien connues que ces nouvelles associations ont suscitées dans l’ORDRE et qu’elles y ont trop longtemps fomentées, ont éveillé les soupçons et la méfiance de presque tous les Princes dont quelques-uns l’ont même persécuté cruellement.
Des Maçons, d’un mérite éminent, ont enfin réussi à apaiser ces dissensions et tous ont, depuis longtemps, exprimé le désir qu’elles fussent l’objet d’une délibération générale afin d’aviser aux moyens d’en empêcher le retour et d’assurer le maintien de l’ORDRE, en rétablissant l’unité dans son gouvernement et dans la composition primitive de ses organes, ainsi que son antique discipline.
Tout en partageant ce désir que nous-même avons éprouvé depuis le jour où nous avons été complètement initié aux mystères de la Franche-Maçonnerie, nous n’avons pu, cependant, nous dissimuler ni le nombre, ni la nature, ni la grandeur réelle des obstacles que nous aurions à surmonter pour accomplir ce désir. Notre premier soin a été de consulter les membres les plus sages et les plus éminents de l’Ordre dans tous les pays sur les mesures les plus convenables à adopter pour atteindre un but si utile, en respectant les idées, de chacun, sans faire violence à la juste indépendance des Maçons et surtout à la liberté d’opinion qui est la première et la plus sacrée de toutes les libertés et en même temps la plus prompte à prendre ombrage.
Jusqu’à présent les devoirs qui nous étaient plus particulièrement imposés comme Roi, les évènements nombreux et importants qui ont signalé notre règne ont paralysé nos bonnes intentions et nous ont détourné du but que nous nous étions proposé. C’est désormais au temps, ainsi qu’à la sagesse, à l’instruction et au zèle des frères qui viendront après nous qu’il appartiendra d’accomplir et de perfectionner une oeuvre si grande et si belle, si juste et si nécessaire. C’est à eux que nous léguons cette tâche, et nous leur recommandons d’y travailler sans cesse, mais patiemment et avec précaution.
Toutefois, de nouvelles et pressantes représentations qui, de toutes parts, nous ont été adressées, dans ces derniers temps, nous ont convaincu de la nécessité d’opposer immédiatement une barrière puissante à l’esprit d’intolérance, de secte, de schisme et d’anarchie que des novateurs cherchent aujourd’hui à introduire parmi les frères. Leurs desseins ont plus ou moins de portée et sont ou imprudents, ou répréhensibles : présentés sous de fausses couleurs, ces desseins, en changeant la nature de l’Art libre de la Franche-Maçonnerie, tendent à la détourner de son but, et doivent nécessairement causer la déconsidération et la ruine de l’ORDRE. En présence de tout ce qui se passe dans les royaumes voisins, nous reconnaissons qu’une intervention de notre part est devenue indispensable.
Ces raisons et d’autres causes non moins graves nous imposent donc le devoir d’assembler et de réunir en un seul corps de Maçonnerie tous les RITES du Régime ECOSSAIS dont les doctrines sont, de l’aveu de tous, à peu près les mêmes que celles des anciennes Institutions qui tendent au même but, et qui, n’étant que les branches principales d’un seul et même arbre, ne diffèrent entr’elles que par des formules, maintenant connues de plusieurs, et qu’il est facile de concilier. Ces RITES sont ceux connus sous les noms de Rit Ancien, d’Hérédom ou d’Hairdom, de l’Orient de Kilwinning, de Saint-André, des Empereurs d’Orient et d’Occident, des Princes du Royal Secret ou de Perfection, de Rit Philosophique et enfin de Rit Primitif, le plus récent de tous.
Adoptant, en conséquence, comme base de notre réforme salutaire, le titre du premier de ces Rites et le nombre des Degrés de la hiérarchie du dernier, nous les DÉCLARONS maintenant et à jamais réunis en un seul ORDRE, qui, professant le Dogme et les pures Doctrines de l’antique Franche-Maçonnerie, embrasse tous les systèmes du Rit Écossais sous le nom de RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE.
La doctrine sera communiquée aux Maçons en trente-trois Degrés, divisés en sept Temples ou Classes. Tout Maçon sera tenu de parcourir successivement chacun de ces Degrés, avant d’arriver au plus sublime et dernier ; et à chaque Degré, il devra subir tels délais et telles épreuves qui lui seront imposés conformément aux Instituts, Decrets et Réglemens anciens et nouveaux de l’ORDRE, ainsi qu’à ceux du Rit de Perfection.
Le premier Degré sera conféré avant le deuxième, celui-ci avant le troisième et ainsi de suite jusqu’au Degré Sublime – le trente-troisième et dernier – qui surveillera, dirigera et gouvernera tous les autres. Un corps ou Réunion de membres possédant ce Degré formera un SUPREME GRAND CONSEIL, dépositaire du Dogme ; il sera le Défenseur et le Conservateur de l’ORDRE qu’il gouvernera et administrera conformément aux présentes et aux Constitutions ci-après décrétées.
Tous les Degrés des Rites réunis, comme il est dit ci-dessus, du premier au dix-huitième, seront classés parmi les Degrés du Rit de Perfection dans leur ordre respectif et d’après l’analogie et la similitude qui existent entr’eux ils formeront les dix-huit premier Degrés du RIT ECOSSAIS ANCIEN ACCEPTE ; le dix-neuvième Degré, et le vingt-troisième Degré du Rit Primitif formeront le vingtième Degré de l’ORDRE. Le vingtième et le vingt-troisième Degré du Rit de Perfection, soit le seizième et le vingt-quatrième Degré du Rit Primitif formeront le vingt-unième et le vingt-huitième Degré de l’ORDRE. LES PRINCES DU ROYAL SECRET occuperont le trente-deuxième Degré, immédiatement au-dessous des SOUVERAINS GRANDS INSPECTEURS GENERAUX dont le Degré sera le trente-troisième et dernier de l’ORDRE. Le trente-unième Degré sera celui des Souverains-Juges-Commandeurs. Les Grands Commandeurs, Grands Elus Chevaliers Kadosch prendront le trentième Degré. Les Chefs du Tabernacle, les Princes du Tabernacle, les Chevaliers du Serpent d’Airain, les Princes de Merci, les Grands Commandeurs du Temple et les Grands Écossais de Saint-André composeront respectivement le vingt-troisième, le vingt-quatrième, le vingt-cinquième, le vingt-sixième, le vingt-septième et le vingt-neuvième Degré.
Tous les Sublimes Degrés de ces mêmes Systèmes Écossais réunis seront, d’après leur analogie ou leur identité, distribués dans les classes de leur Ordre qui correspondent au régime du RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE.
Mais jamais et sous quelque prétexte que ce soit, aucun de ces sublimes Degrés ne pourra être assimilé au trente-troisième et très Sublime Degré de SOUVERAIN GRAND INSPECTEUR GÉNÉRAL, PROTECTEUR ET CONSERVATEUR DE L’ORDRE, qui est le dernier du RIT ANCIEN ACCEPTE ÉCOSSAIS et, dans aucun cas, nul ne pourra jouir des mêmes droits, prérogatives, privilèges ou pouvoirs dont nous investissons ces Inspecteurs.
Ainsi nous leur conférons la plénitude de la puissance suprême et conservatrice.
Et, afin que la présente ordonnance soit fidèlement et à jamais observée, nous commandons à nos Chers, Vaillants et Sublimes Chevaliers et Princes Maçons de veiller à son exécution.
DONNE en notre Palais à Berlin, le jour des Calendes premier – de Mai, l’an de Grâce 1786, et de notre Règne le 47e.
Signé » FREDERIC « .
Universi Terrarum Orbis Summi Architectonis Gloria ab Ingeniis.
CONSTITUTIONS ET STATUTS des GRANDS ET SUPREMES CONSEILS composés des Grands Inspecteurs Généraux, Patrons, Chefs et Conservateurs de L’ORDRE DU 33° et dernier degré du Rite Ecossais Ancien Accepté, et
REGLEMENS
pour le gouvernement de tous les Consistoires, Conseils, Collèges, Chapitres et autres Corps maçonniques soumis à la juridiction desdits Conseils.
Au nom du Très Saint et Grand Architecte de l’Univers Ordo ab Chao.
Avec l’approbation en la présence et sous les auspices de son Auguste Majesté Frédéric (Charles) II, Roi de Prusse, Margrave de Brandebourg, etc., très Puissant Monarque, Grand Protecteur, Grand Commandeur, etc… de l’ORDRE, etc., etc., etc.,
Les Souverains Grands Inspecteurs Généraux, en Suprême Conseil assemblé.
Ont, après délibération sanctionné les Décrets suivants qui sont et seront à perpétuité leurs CONSTITUTIONS, STATUTS ET REGLEMENTS pour le gouvernement des Consistoires et autres Ateliers Maçonniques soumis à la juridiction desdits Grands Inspecteurs.
ARTICLE I
Tous les articles des CONSTITUTIONS, Statuts et Réglements rédigés en l’année 1762 par les neuf Commissaires des Grands Conseils des Princes Maçons du Royal Secret, qui ne sont pas contraires aux présentes dispositions, sont maintenus et devront être observés ; ceux qui y sont contraires sont abrogés et considérés comme expressément abolis.
ARTICLE II
§ I. Le trente-troisième DEGRE confère aux Maçons qui en sont légitimement revêtus la qualité, le titre, le privilège et l’autorité de Souverains Grands Inspecteurs Généraux de l’ORDRE.
§ II. L’objet particulier de leur mission est d’instruire et d’éclairer leurs Frères ; de faire régner parmi eux la Charité, l’Union et l’Amour fraternel ; de maintenir la régularité dans les travaux de chaque Degré et de veiller à ce qu’elle soit observée par tous les Membres ; de faire respecter, et, dans toutes les occasions, de respecter et de défendre les Dogmes, les Doctrines, les Instituts, les Constitutions, les Statuts et les Réglements de l’ORDRE, et principalement ceux de la Haute Maçonnerie, et enfin de s’appliquer, en tous lieux, à faire des oeuvres de Paix et de Miséricorde.
§ III. Une réunion de membres de ce grade prend le titre de
CONSEIL DU TRENTE-TROISIEME DEGRE ou des Puissants Grands Inspecteurs Généraux de l’ORDRE ; ce Conseil se forme et se compose comme suit
1° Dans les lieux propres à l’établissement d’un Suprême Conseil de ce Degré, l’Inspecteur le plus ancien en grade est, par les présentes, autorisé à élever un autre Frère à la même dignité, après s’être assuré que celui-ci l’a réellement méritée par son caractère, son instruction et les grades dont il est revêtu, et il lui administrera le serment.
2° Ces deux Frères conféreront ensemble, et de la même manière le grade à un autre membre.
§ IV. LE SUPREME CONSEIL sera alors constitué. Mais aucun des autres Candidats ne sera admis, s’il n’obtient l’unanimité des suffrages, chaque membre donnant son vote de vive voix, en commençant par le plus jeune, c’est-à-dire, par le dernier reçu. Le vote négatif d’un seul des membres délibérants, si ses raisons sont jugées suffisantes, fera rejeter le candidat. Cette règle sera observée dans tous les cas analogues.
ARTICLE III
§ I. DANS les lieux ci-dessus désignés, les deux Frères qui, les premiers, auront été élevés à ce grade, seront de droit, les deux premiers Officiers du SUPREME CONSEIL, savoir : le très Puissant Monarque Grand Commandeur, et le très Illustre Lieutenant Grand Commandeur.
§ II. Si le premier de ces Officiers vient à mourir, s’il abdique, ou s’il s’absente, pour ne plus revenir, il sera remplacé par le second Officier qui choisira son successeur parmi les autres Grands Inspecteurs.
§ III. Si le second Officier abdique, s’il meurt ou s’il s’éloigne pour toujours, le premier Officier lui donnera pour successeur un autre Frère du même grade.
§ IV. Le très Puissant Monarque nommera également l’Illustre Ministre d’Etat du Saint Empire, l’Illustre Grand Maître des Cérémonies et l’Illustre Capitaine des Gardes ; et il désignera, de la même manière, des Frères pour remplir les autres emplois vacants ou qui pourront le devenir.
ARTICLE IV
Tout Maçon qui, possédant les qualités et les capacités requises, sera élevé à ce Grade Sublime, paiera préalablement, entre les mains du très Illustre Trésorier du Saint Empire, une contribution de dix Frédérics d’Or ou de dix Louis d’Or, monnaie ancienne, ou l’équivalent en argent du pays.
Lorsqu’un Frère sera initié au trentième, au trente-unième ou au trente-deuxième Degré, on exigera de lui une somme de pareille valeur et même titre, pour chaque grade.
Le SUPREME CONSEIL surveillera l’administration de ces fonds et en disposera dans l’intérêt de l’ORDRE.
ARTICLE V
§ I. TOUT SUPREME CONSEIL se composera de neuf Souverains Grands Inspecteurs Généraux du trente-troisième Degré, dont quatre, au moins, devront professer la religion dominante du pays.
§ II. Lorsque le très Puissant Monarque Grand Commandeur et le Lieutenant Grand Commandeur de l’ORDRE sont présents, trois membres suffisent pour composer le Suprême Conseil et pour l’expédition des affaires de l’ORDRE.
§ III. Dans chaque grande Nation, Royaume ou Empire d’Europe, il n’y aura qu’un seul Suprême Conseil de ce grade.
Dans les Etats et Provinces dont se compose l’Amérique Septentrionale, soit sur le continent, soit dans les îles, il y dura deux Conseils, aussi éloignés que possible l’un de l’autre.
Dans les Etats et Provinces dont se compose l’Amérique Méridionale, soit sur le continent, soit dans les îles, il y aura également deux Conseils, aussi éloignés que possible l’un de l’autre.
Il n’y aura qu’un seul Suprême Conseil dans chaque Empire, Etat Souverain ou Royaume d’Asie, d’Afrique, etc., etc.
ARTICLE VI
Le Suprême Conseil n’exerce pas toujours directement son autorité sur les Degrés au-dessous du dix-septième ou Chevalier d’Orient, d’Occident. D’après les circonstances et les localités, il peut la déléguer même tacitement ; mais son droit est imprescriptible, et toutes les Loges et tous les Conseils de Parfaits Maçons, de quelque degré que ce soit, sont, par les présentes, requis de reconnaître, dans ceux qui sont revêtus du trente-troisième Degré, l’autorité des Souverains Grands Inspecteurs Généraux de l’Ordre, de respecter leurs prérogatives, de leur rendre les honneurs qui leur sont dus, de leur obéir, et enfin, de déférer avec confiance à toutes les demandes qu’ils pourraient formuler pour le bien de l’ORDRE, en vertu de ses lois, des présentes Grandes constitutions et de l’autorité dévolue à ces Inspecteurs, que cette autorité soit générale ou spéciale, ou même temporaire et personnelle.
ARTICLE VII
TOUT CONSEIL et tout Maçon d’un grade au-dessus du seizième, ont le droit d’en appeler au SUPREME CONSEIL des Souverains Grands Inspecteurs Généraux, qui pourra leur permettre de se présenter devant lui et de se faire entendre en personne.
Quand il s’agira d’une affaire d’honneur entre des Maçons, de quelque grade qu’ils soient, la cause sera portée directement devant le SUPREME CONSEIL qui décidera en première et dernière instance.
ARTICLE VIII
Un GRAND CONSISTOIRE de Princes Maçons du Royal Secret choisira son Président parmi les membres du trente-deuxième Degré qui le composent ; mais, dans tous les cas, les actes d’un grand Consistoire n’auront de valeur qu’autant qu’ils auront été préalablement sanctionnés par le SUPREME CONSEIL du trente-troisième Degré, qui, après la mort de son Auguste Majesté le Roi, très puissant Monarque et Commandeur Général de l’ORDRE, héritera de l’autorité Suprême Maçonnique et l’exercera dans toute l’étendue de l’Etat, du Royaume ou de l’Empire qui aura été placé sous sa juridiction.
ARTICLE IX
Dans les pays soumis à la juridiction d’un SUPREME CONSEIL de Souverains Grands Inspecteurs Généraux, régulièrement constitué et reconnu par tous les autres Suprêmes Conseils, aucun Souverain Grand Inspecteur Général ou Député Inspecteur Général ne pourra faire usage de son autorité, à moins qu’il n’ait été reconnu par ce même SUPREME CONSEIL et qu’il n’ait obtenu son approbation.
ARTICLE X
Aucun Député-Inspecteur-Général, soit qu’il ait été déjà admis et pourvu d’une patente, soit qu’en vertu des présentes Constitutions il soit ultérieurement admis, ne pourra de son autorité privée, conférer à qui que ce soit le Degré de Chevalier-Kadosch ou tout autre degré supérieur, ni en donner des patentes.
ARTICLE XI
Le Degré de Chevalier Kadosch, ainsi que le trente-unième et le trente-deuxième Degré, ne sera conféré qu’à des Maçons qui en auront été jugés dignes, et ce, en présence de trois Souverains Grands Inspecteurs Généraux au moins.
ARTICLE XII
Lorsqu’il plaira au très Saint et Grand Architecte de l’Univers d’appeler à LUI son Auguste Majesté le Roi, très Puissant Souverain Grand Protecteur, Commandeur et Véritable Conservateur de l’ORDRE, etc., et., etc., chaque SUPREME CONSEIL de Souverains Grands Inspecteurs Généraux, déjà régulièrement constitué et reconnu, ou qui serait ultérieurement constitué et reconnu en vertu des présents Statuts, sera, de plein droit, légitimement investi de toute l’autorité Maçonnique dont son Auguste Majesté est actuellement revêtue. Chaque SUPREME CONSEIL exercera cette autorité lorsqu’il sera nécessaire et en quelque lieu que ce soit, dans toute l’étendue du pays soumis à sa juridiction ; et si, pour cause d’illégalité, il y a lieu de protester, soit qu’il s’agisse des Patentes ou des pouvoirs accordés aux Députés Inspecteurs Généraux, ou de tout autre sujet, on en fera un rapport qui sera adressé à tous les SUPREMES CONSEILS des deux hémisphères.
ARTICLE XIII
§ I. Tout SUPREME CONSEIL du trente-troisième Degré pourra déléguer un ou plusieurs des Souverains Grands Inspecteurs Généraux de l’ORDRE qui le composent, pour fonder, constituer et établir un CONSEIL du même degré dans tous les pays mentionnés dans les présents Statuts, à la condition qu’ils obéiront ponctuellement à ce qui est stipulé dans le troisième paragraphe de l’article II ci-dessus, ainsi qu’aux autres dispositions de la présente Constitution.
§ II. Le SUPREME CONSEIL pourra également donner à ces Députés le pouvoir d’accorder des patentes aux Députés Inspecteurs Généraux, qui devront au moins avoir reçu régulièrement tous les degrés que possède un Chevalier Kadosch, leur déléguant telle portion de leur autorité suprême qu’il sera nécessaire pour constituer, diriger et surveiller les Loges et les Conseils, du quatrième au vingt-neuvième Degré inclusivement, dans les pays où il n’y aura point d’ateliers ou de Conseils du Sublime Degré légalement constitués.
§ III. Le Rituel manuscrit des Sublimes Degrés ne sera confié qu’aux deux premiers Officiers de chaque Conseil ou qu’à un Frère chargé de constituer un Conseil des mêmes Degrés dans un autre pays.
ARTICLE XIV
Dans toute cérémonie maçonnique des Sublimes Degrés et dans toute procession solennelle de Maçons possédant ces degrés, le SUPREME CONSEIL marchera le premier, et les deux premiers Officiers se placeront après tous les autres membres et seront immédiatement précédés du grand Etendard et du Glaive de l’ORDRE.
ARTICLE XV
§ I. Un SUPREME CONSEIL doit se réunir régulièrement dans les trois premiers jours de chaque troisième nouvelle lune ; il s’assemblera plus souvent, si les affaires de l’ORDRE l’exigent et si l’expédition en est urgente.
§ II. Outre les grandes fêtes solennelles de l’ORDRE, le SUPREME CONSEIL en aura trois particulières chaque année, savoir : le jour des Calendes (premier) d’Octobre, le vingt-sept de Décembre et le jour des Calendes (premier) de Mai.
ARTICLE XVI
§ I. Pour être reconnu et pour jouir des privilèges attachés au trente-troisième Degré, chaque Souverain Grand Inspecteur Général sera muni de Patentes et de lettres de créances dont le modèle se trouve dans le Rituel du Degré. Ces lettres lui seront délivrées à la condition de verser dans le Trésor du Saint Empire la somme que chaque SUPREME CONSEIL fixera pour sa juridiction aussitôt qu’il aura été constitué. Ledit Souverain Grand Inspecteur Général paiera également un Frédéric, ou un Louis, monnaie ancienne, ou l’équivalent en argent du pays, à l’Illustre Secrétaire, en compensation de sa peine, pour l’expédition desdites Lettres et pour l’apposition du Sceau.
§ II. Tout Souverain Grand Inspecteur Général tiendra, en outre, un Registre de ses Actes : chaque page en sera numérotée ; la première et la dernière pages seront quottées et paraphées pour en constater l’identité. On devra transcrire sur ce Registre les Grandes Constitutions, les Statuts et les Règlements Généraux de l’Art sublime de la Franche-Maçonnerie.
L’inspecteur lui-même sera tenu d’y inscrire successivement tous ses Actes, à peine de nullité ou même d’interdiction.
Les Députés Inspecteurs Généraux sont tenus d’agir de même sous les mêmes peines.
§ III. Ils se montreront mutuellement leurs Registres et leurs Patentes, et ils y constateront réciproquement les lieux où ils se seront rencontrés reconnus. Sic. Mutuellement reconnus à une autre Juridiction, à moins d’avoir été reconnu par une déclaration à laquelle la formule a fait donner le nom d’EXEQUATUR.
ARTICLE XVII
LA MAJORITE des voix est nécessaire pour légaliser les actes des Souverains Grands Inspecteurs Généraux, dans les lieux où il existe un SUPREME CONSEIL du trente-troisième Degré, légalement constitué et reconnu. En conséquence, dans un pays, ou territoire sous la dépendance d’un SUPREME CONSEIL, aucun de ces Inspecteurs ne pourra exercer individuellement son autorité, à moins d’en avoir obtenu l’autorisation dudit SUPREME CONSEIL, et dans le cas où l’Inspecteur appartiendrait.
ARTICLE XVIII
Toutes les sommes reçues pour faire face aux dépenses, c’est-à-dire le prix des Réceptions, – et qui se perçoivent à titre de frais d’initiation aux Degrés au-dessus du seizième jusques et y compris le trente-troisième, seront versées dans le Trésor du Saint-Empire, à la diligence des Présidents et Trésoriers des Conseils et des Loges Sublimes de ces Degrés, ainsi que des Souverains Grands Inspecteurs Généraux, de leurs Députés, de l’Illustre Secrétaire et de l’Illustre Trésorier du Saint Empire.
Le SUPREME CONSEIL réglera et surveillera l’administration et l’emploi de ces sommes : il s’en fera rendre, chaque année, un compte exact et fidèle, et il aura soin d’en faire part aux ateliers de sa dépendance.
ARRETE, FAIT et APPROUVE en Grand et Suprême Conseil du trente-troisième Degré, régulièrement constitué, convoqué et assemblé, avec l’approbation et en présence de sa Très Auguste Majesté, FREDERIC, deuxième du nom, par la grâce de Dieu Roi de Prusse, Margrave de Brandebourg, etc., etc., etc., très Puissant Monarque, Grand Protecteur, Grand Commandeur, Grand Maître Universel et Véritable Conservateur de l’ORDRE. Le jour des Calendes – premier de Mai, A.L. 5786, et de l’ère Chrétienne 1786.
Signé » . . . . . . (+) . . . . . . » – » STARK. » – » . . . . . . (+ )
. … » – » . . . (+) » – » H. WILLHELM » – » D’ES-
TERNO » – » . . . . . . (+) . . . . . . » – » WOELLNER Ces astérisques désignent les places de quelques signatures devenues illisibles, ou qui sont effacées par l’effet du frotrement, ou par l’eau de la mer, à laquelle l’ampliation originale de ces documents, écrits sur parchemin, a été accidentellement exposée plusieurs fois. – (Note à la copie publiée en 1834 par les Suprêmes Conseils.)
APPROUVE et donné en notre Résidence Royale de Berlin, le jour des Calendes – premier Mai, l’an de Grâce 1786, et de notre règne le 471.
L.S. Signé, FREDERIC.
APPENDICE
aux
STATUTS FONDAMENTAUX ET GRANDES CONSTITUTIONS
DU SUPREME CONSEIL DU TRENTE-TROISIEME DEGRÉ
ARTICLE I
L’ÉTENDARD de l’ORDRE est argent blanc. frangée d’or, portant au centre un aigle noir à deux têtes, les ailes déployées ; les becs et les cuisses sont en or : il tient dans une serre la garde d’or, et dans l’autre la lame d’acier d’un glaive antique, placé horizontalement de droite à gauche. A ce glaive est suspendue la devise Latine, en lettres d’or, » DEUS MEUMQUE JUS « . L’aigle est couronné d’un Triangle d’or : il tient une banderole de pourpre frangée d’or et parsemée d’étoiles d’or.
ARTICLE II
- Les Insignes distinctifs des Souverains Grands Inspecteurs Généraux sont
1° Une Croix Teutonique rouge qui se porte sur la partie gauche de la poitrine.
- 2° Un grand Cordon blanc moiré liséré d’or ; sur le devant est un Triangle d’or radieux ; au milieu du Triangle est le chiffre 33 ; de chaque côté de l’angle supérieur du Triangle est un glaive d’argent dont la pointe se dirige vers le centre, porté de droite à gauche et se termine en pointe par une frange d’or et une rosette rouge et vert à laquelle est suspendu le Bijou ordinaire de l’ORDRE.
- 3° Ce Bijou est un aigle semblable à celui de l’Étendard : il porte le diadème d’or de Prusse.
- 4° La Grande Décoration de l’ORDRE est gravée sur une croix Teutonique ; c’est une étoile à neuf pointes, formée par trois triangles d’or superposés et entrelacés. Un glaive se dirige de la partie inférieure du côté gauche à la partie supérieure du côté droit, et, du côté opposé, est une main de Justice. Au milieu est le Bouclier de l’ORDRE azur ; sur le Bouclier est un aigle semblable à celui de l’étendard ; sur le côté droit du Bouclier est une balance d’or ; sur le côté gauche, un compas d’or posé sur une Equerre d’or. Tout autour du Bouclier est une banderole bleue portant, en lettres d’or, l’inscription Latine, » ORDO AB CHAO « . Cette banderole est enfermée dans un double cercle, formé par deux serpents d’or, chacun d’eux tenant sa queue entre les dents. Des petits triangles formés par l’intersection des triangles principaux, les neuf qui sont le plus rapprochés de la banderole, sont de couleur rouge et portent chacune une des lettres dont se compose le mot S.A.P.I.E.N.T.I.A.
- 5° Les trois premiers Officiers du SUPREME CONSEIL portent, en outre, une écharpe ou ceinture à franges d’or et tombant du côté droit.
ARTICLE III
LE GRAND SCEAU DE L’ORDRE est un Ecu d’argent sur lequel est un Aigle à deux têtes, semblable à celui de l’Etendard, mais portant de plus le diadème d’or de Prusse ; au-dessus du diadème est un Triangle radieux, au centre duquel est le chiffre 33. Toutefois, on peut se contenter de mettre au-dessus de l’Aigle, soit la couronne, soit le triangle seulement.
Au bas du Bouclier, au-dessous des ailes et des serres de l’Aigle, il y a trente-trois Etoiles disposées en demi-cercle ; tout autour est l’inscription suivante :
SUPREME CONSEIL DU TRENTE-TROISIEME DEGRE POUR ……………………..
FAIT en Suprême Conseil du Trente-Troisième Degré, les jours, mois et an que dessus.
Signé » . . . . . . (+) . . . . . . » – » STARK » – » D’ESTERNO « .
» . (+) .. . » – » H. WILLELM » – » D . … » –
» WOELLNER « .
APPROUVE,
L.S. Signé, FREDERIC.
NOUS SOUSSIGNES, SS GG II GG, etc., etc., etc., composant le présent Congrès Maçonnique, conformément aux dispositions de l’Article III, en date de ce jour, avons attentivement collationné les copies qui précèdent ci-dessus à l’expédition authentique des véritables Instituts Secrets Fondamentaux, Statuts, Grandes Constitutions et Appendices du 1er Mai, 1786 (E V ), et dont les ampliations officielles sont déposées et ont été soigneusement et fidèlement conservées dans toute leur pureté parmi les archives de l’ORDRE.
NOUS, en conséquence, certifions les dites copies fidèles et littéralement conformes aux originaux des dits documents.
EN FOI DE QUOI, nous signons ces présentes, ce 15e jour d’Adar, A L , 5 833, (vulgo) le 23 février, 1834.
DEUS MEUMQUE JUS.
Baron Freteau de Peny, 33°,
Comte Thiebault, 33° , Setier, 33° ,
Marquis de Giamboni, 33° ,
A.C.R. d’Andrada, 33° ,
Luis de Menes Vascos de Drummond, 33°,
Comte de St. Laurent, S G I G ,33°, etc.
Lafayette, 33’
—
Le Rite Ecossais Ancien et Accepté
Par Pierre Noël, 33e, CBCS
Le premier Suprême Conseil du 33° degré fut fondé le 31 mai 1801 à Charleston, Caroline du Sud, par John Mitchell (1741-1816) et Frederick Dalcho (1770-1836). Le 4 décembre 1802, cette institution rédigea une « circulaire aux deux hémisphères » qui évoque l’existence d’une « Grande Constitution » (au singulier) signée par Frédéric II, roi de Prusse, et, plus loin, rapporte que, dans le courant de l’année, le « nombre d’Inspecteurs Généraux fut complété, en conformité avec les Grandes Constitutions » (au pluriel).
« Quelles sont … dans leur contenu et dans leur texte, ces Grandes Constitutions ? On ne peut, hélas ! répondre clairement à cette question précise ». Ainsi s’exprimait Naudon en 1978 Histoire, Rituels et Tuileur des hauts Grades maçonniques. Le Rite Ecossais Ancien et Accepté. 3° édition entièrement refondue et augmentée. Page 148. , en ajoutant : « la première publication n (’en) sera faite qu’en 1832 dans le Recueil des Actes du Suprême Conseil de France » . L’affirmation est surprenante… et inexacte car plusieurs versions manuscrites antérieures au Recueil nous sont parvenues, toutes très semblables sinon identiques. En effet, chaque Grand Inspecteur général recevait une copie manuscrite des Grandes Constitutions mais il devait s’engager par écrit à ne jamais les communiquer à un maçon de grade inférieur sans l’autorisation du Suprême Conseil Arturo de Hoyos, « The early years of the Grand Consistory of Louisiana (1811-1815)- A rejoinder » Heredom, 2001, vol. 9 : 80. . Le respect de cette interdiction, inattendu dans le milieu maçonnique, explique qu’il fallut attendre 31 ans pour que soit enfin publié le texte intégral des Grandes Constitutions.
Le même Naudon, comme d’autres d’ailleurs, semble considérer comme allant de soi que ces Constitutions furent écrites en français. Rien ne permet, me semble-t-il, une telle certitude. En effet, les deux plus anciennes versions, hélas non datées, sont écrites l’une en anglais, l’autre en français.
Le manuscrit anglais est de la main de Frederick Dalcho Dalcho était né à Londres, de père anglais et de mère allemande (son père avait servi dans l’armée de Frédéric II !). Il émigra aux Etats-Unis en 1787. Successivement officier, médecin et puis prêtre anglican et curé de l’église Saint Michel de Charleston, initié à Savannah, Géorgie, en 1792, il fut vénérable de la loge l’Union à Charleston et Grand Chapelain de la Grande Loge de Caroline du Sud en 1819. A la mort de Mitchell, le 25 janvier 1816, il devint Grand Commandeur du Suprême Conseil, office dont il démissionna le 7 novembre 1823. , premier lieutenant Grand Commandeur du Suprême Conseil du 33° degré. Conservé dans les archives du Suprême Conseil de la Juridiction Nord des Etats-Unis, il est reproduit dans l’ « History of the Supreme Council, 33°, (Mother Council of the World) Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry Southern Jurisdiction , U.S.A. 1801-1861 » , R.B.Harris et J.D.Carter (pp. 337-346).
Le manuscrit français, « légalisé » et signé par Jean Baptiste Marie Delahogue Delahogue était né à Paris. Installé à Saint-Domingue, il se réfugia à Charleston après la révolte des esclaves en 1793. Il y fonda, avec son beau-fils, Alexandre François Auguste de Grasse-Tilly 1765-1845), la loge La Candeur (1795). Le 21 février 1802, il fut appelé aux fonctions de lieutenant Gand Commandeur du Suprême Conseil pour les Iles françaises d’Amérique. Il revint en France au plus tôt fin 1804. Il joua un rôle non négligeable dans les activités du Suprême Conseil (en exil) dit plus tard « d’Amérique » . (1744-1822) est conservé au fonds Kloss, bibliothèque du Grand Orient des Pays-Bas (La Haye). Il s’intitule « Copie Originale. Rit Ecossais Anc. et Accepté. 33° degré. Souv. Gr. Inspecteur Général ». Outre le texte des Grandes Constitutions, il contient également le rituel et l’instruction du grade. C’est cette version qui fut publiée, avec quelques variantes Le Sétier contient une description des privilèges attachés au 33° degré, laquelle ne se trouve pas dans le manuscrit Delahogue. , dans le « Recueil des Actes du Suprême Conseil de France » (pp. 36-41), publié par l’imprimerie de Sétier, rue de Grenelle Saint-Honoré, n° 29, en 1832.
L’antériorité du manuscrit Dalcho paraît peu contestable. J’y vois, au moins, trois raisons
La « légalisation » du document Delahogue précise que le texte en est « traduit de l’anglais ». La comparaison des deux textes montre que c’est bien le texte du Dalcho qui fut traduit.
Le titre « Rit Ecossais Ancien et Accepté » ne fut pas, à l’origine, utilisé par le Suprême Conseil de Charleston (il apparaît pour la première fois dans l’Acte d’Union du Grand Orient de France et du Suprême Conseil de France, daté du 5 décembre 1804). Il ne se trouve que dans le document Delahogue.
Le document Dalcho parle des « princes du Royal Secret » au pluriel (8° et 11° articles) or dans la « circulaire », les 30°, 31° et 32° grades sont tous intitulés « Prince du Royal secret, Princes des Maçons ». La titulature actuelle fut adoptée par le Suprême Conseil de France, peut être dès sa création (automne 1804). Delahogue emploie le singulier, non le pluriel, ce qui suggère que sa version est déjà adaptée à une situation nouvelle.
Il est donc inexact de parler de « version française » Par opposition à la « version latine » produite en 1834 par le comte de Saint-Laurent. . Mieux vaudrait parler de « version anglaise » !
Version Delahogue « traduite de l’anglais »
Constitution, Statuts & Reglemens J’ai respecté l’orthographe du manuscrit. & Pour le Gouvernement du Suprême Conseil d’Inspecteurs G du 33° Grade et pour le Gouvernement de tous les Conseils sous leur Juridiction Fait et approuvé dans le Suprême Conseil du 33° Grade duement et legalement Etabli et ( ?) Constitué au Grd Orient de Berlin le 1er may anno Lucis 5786 ou de l’Ere chrétienne 1786, auquel conseil etoit present en personne, sa Très Auguste majesté frederic 2° Roy de Prusse, souverain Grand Commandeur, Au nom du Très Saint & Grand Architecte de l’univers Ordo ab Chao Le souverain Gd Inspecteur Gl en Suprême Conseil assemblé, ordonne et declare la suivante Constitution et reglemens pour le Gouvernement des Conseils maçonniques sous sa Juridiction |
Version Dalcho. Original anglais.
Constitution, Statutes, Regulations For the Government of the Supreme Council of Inspectors General of the 33rd and for the Government of all Councils under their Jurisdiction.
Made and Approved in the Supreme Council of the 33rd duly and lawfully established and Congregated in the Grand East of Berlin on the 1st of May Anno Lucis 5786 and of the Christian Era 1786. At which Council was present in person His Most August Majesty Frederick 2nd King of Prussia. Sovereign Grand Commander. In the Name of the Most Holy, Grand Architect of the Universe. Ordo ab Chao The Sovereign Grand Inspector general in Supreme Council assembled, do ordain, and declare the following Constitution and Regulations for the Government of Masonic Councils under their Jurisdiction. |
Article 1er
La Constitution et les reglemens faits par les neuf Commissaires nommés par le Grand Conseil des Princes de Royal Secret en 5762 seront strictement executes dans tous ses points excepté dans ceux qui militent contre les articles de la présente Constitution, mentionnés dans ces presentes. |
Article 1st .
The Constitution and Regulations made by the nine Commissaries, nominated by the Grand Council of Princes of Royal secret in the year 5762 shall be strictly adhered to in all its parts , except in those which militate against the articles of the present Constitution and which are hereby repealed |
2°
Le 33° Grade appellé Souverain Gd Insp. Gl, ou Supreme Conseil du 33° grade est formé et organisé comme suit. L’inspecteur auquel ce Grades est donné le premier est par ces présentes autorisé a le donner a un autre frère qui soit duement digne par son caractere et ses grades et a recevoir de lui son obligation ,ces deux ensemble le donnent de la même maniere a un 3° ensuite ils admettent les autres par leur suffrage donné de vive voix en Commencant par le plus jeune Inspecteur, un seul peut Exclure pour Jamais un aspirant, si les raisons produites, sont jugées suffisantes. |
2nd
The 33rd degree called Sovereign Grand Inspector general, or Supreme Council of the 33 rd is formed and organized in the following manner, viz . The Inspector to whom the degree is first given, is hereby authorized and empowered to give it to another brother, who is duly qualified, both by character and degrees, and to receive from him his obligation. These two give it in like manner to a 3rd when they admit the rest by voting viva voce, beginning with the youngest Inspector. One Nay, excludes an Applicant for ever – if the reasons which are given are deemed sufficient |
3°
Les deux premiers qui recoivent ce grade, dans tour pays que ce soit seront les deux officiers président, en cas de mort, resignation ou absence du Païs, (pour ny pas revenir) du Premier officier, le second prendra sa place et nommera un Inspecteur pour succeder a la sienne propre. Si le second officier venoit a mourir, resignoit L’emploi du mot « résigner »ne doit pas surprendre. Il signifie aussi « démissionner ». Ce n’est donc pas un ’faux ami’. , ou quittoit le païs pour toujours le 1er officier en nommera un autre pour le succeder. Le Très Puist Souverain nommera de la même maniere l’Illustre Trésaurier, le Secretaire general du St Empire, l’Illustre Gd Me des Ceremonies et l’Illustre Capte de ses gardes et remplit toutes les vavances qui peuvent survenir. |
3rd
The two first who receive the degree in any country, shall be the two presiding officers. In case of death, resignation or absence from the country (not to return) of the first officers, the second takes his place and appoints (nominates) an Inspector to succeed in his own office. If the 2nf officer should die, resign or leave the country, the 1st officer appoints (nominates) another to succeed him The Most Puissant Sovereign appoints in like manner, the Illustrious Treasurer and Secretary General of the Holy Empire, the Illustrious Grand Master of ceremonies and the Illustrious Captain of the Life Guards, and fills up all vacancies as they may happen. |
4°
Chaque Insp. qui sera initié dans ce Sublime Grade payera d’avance entre les mains de l’Illustre trésorier Gle du St Empire la somme de Dix Louis de 24 Tournois Delahogue remplace les « guinées » du texte anglais par des « Louis d’or de 24 tournois ». Notaire sous l’ancien régime, il connaissait les monnaies utilisées à l’époque. Les citer ici donnait au texte un vernis d’ancienneté. , la meme somme sera euigé a ceux qui recevront le grade de K.H. ou Prince de Royal Secret, la quelle somme, sera pour l’usage du Conseil Suprême |
4th
Every Inspector who is initiated into this High degree shall previously thereto pay into the hands of the Illustrious Treasurer General of the Holy Empire the sum of Ten Guineas – the like fee shall be demanded from those who receive the degree of K.H. and prince of the Royal Secret, which sums shall be for the use of the Supreme Council/ |
5°
Chauqe Supreme Conseil doit etre compose de neuf Inspecteurs Generaux donc cinq des quels, au moins, doivent professer la religion chretienne Trois des membres, si le tres Puis Souv ou l’Illustre inspecteur sont présents, peuvent proceder aux affaires de l’ordre et former le Conseil complet. Il n’y aura qu’un Conseil de ce Grade dans chaque nation ou royaume en Europe, deux dans les Etats unis de l’amerique aussi eloignés que possible l’un de l’autre, un dans les Isles anglaises de l’amerique, et un pareillement dans celles françaises. |
5th
Each Supreme Council is to be composed of nine Inspectors General ; at least five of whom, must profess the Christian religion. 3 of whom, if the Most Puissant Sovereign or Illustrious Inspector, are present, form a Council and can proceed to business. There shall be but one Council of this degree, in each Nation or Kingdom in Europe – two in the United States of America, as remote from each other as possible – One in the British West Indies and one in the French West India Islands. |
6°
Le pouvoir du Suprême Conseil n’interfere dans aucuns grades audessous du 17ème ou chev d’orient et d’occident mais chaque Conseil et loge de parfaits maçons, sont ici requis de les reconnoitre en qualité d’Inspecteurs Généraux et de les recevoir avec tous les honneurs qui leur sont dus. |
6th
The power of the Supreme Council does not interfere with any degree below the 17th or Knights of the East and West. But every Council and Lodge of Perfect Masons are hereby required and directed, to acknowledge them in quality of Inspectors General, and to receive them with the high honours to which they are entitled. |
7°
Tout Conseil ou Individu au dessus du Gd Conseil des Princes de Jérusalem, peuvent porter leur appel au Suprême Conseil et dans ce cas peuvent comparaitre et être entendus en personne dans le Suprême Conseil. |
7th
Any Council or Individual above the Grand Council of Princes of Jerusalem, can appeal to the Supreme Council, in which case, they can be heard in the Council in person. |
8°
Le grand Consistoire du Royal secret, elira un president, choisi dans son sein, mais aucuns de ses actes ne seront valides, qu’après avoir eté sanctionnés par les supremes Conseils du 33° Grade, qui, après le décès de sa majesté le Roy de Prusse, sont souverains de la maçonnerie. |
8th
The Grand Consistory of Princes of the Royal secret shall elect a President from among themselves- but none of their proceedings shall be valid, until they have received the Sanction & approbation of the Supreme Council of the 33rd who (after the decease of his Majesty the King of Prussia) are Sovereign of Masonry. |
9°
Aucun depute Inspecteur, ne peut faire usage de ses pouvoirs dans un Païs ou sera etabli un Conseil Suprême d’Inspecteurs Generaux, a moins qu’il soit approuvé dudit Conseil. |
9th
The Deputy Inspector can use his patent, in any Country, where a Supreme Council of Inspectors General is established – unless it shall be signed by the Grand Council. |
10°
Aucun Deputé Inspecteur cy devant recus ou qui peuvent l’etre par la suite en vertu de cette Constitution n’aura le pouvoir d’accorder des certificats ny de donner les grades de K.H. ou des grades au dessus. |
10th
No deputy Inspector heretofore appointed, or who may hereafter be appointed, by virtue of this Constitution shall have power to grant patents nor to give the degree of H.H. or the higher degrees. |
11°
Le Grade de K.H. et celui de Prince de Royal secret ne sera jamais donné qu’en présence de trois Souverains Grands Inspecteurs Généraux. |
11th
The degree of K.H. and the Degrees of Prince of the Royal Secret are never to be given but in the presence of 3 Sovereign Grand Inspectors general |
12°
Le Supreme Conseil exercera tous les souverains pouvoirs maconniques, dont Son Auguste majesté frederic 2°. Roy de Prusse étoit revetu – lorsquil sera convenable de protester contre les patentes de Deputes Inspecteurs comme Illegales, information en sera envoyé à tous les Conseils Supremes du monde. |
12th
The Supreme Council shall exercise all the Sovereign Masonic power of which his August Majesty Frederick the 2nd King of Prussia is Le mot « was » (était) est biffé et remplacé par « is » (est). now possessed. – in recalling the patent of Deputy Inspectors for improper, illegal unmasonic conduct. In which case , information shall be sent to all the Supreme Councils of the world. |
13°
Le Suprême Conseil du 33° grade est authorise « authorise », coquille directement inspirée du texte anglais « authorized ». a députer un F. et membre du S. Conseil pour etablir un Conseil du Dr. Le manuscrit porte un D majuscule avec la lettre r en apposition. La version imprimée dans le Recueil publié par Sétier (1832) dit plus simplement « dudit grade ». Grade dans quelque païs designés dans la présente Constitution, a la charge de se conduire conformement au 2° article, ces Deputés auront aussi le pouvoir d’accorder des patentes aux députés Inspecteurs Generaux qui doivent avoir reçus le grade de K.H. pour Etablir des Loges et Conseils de Grades Superieurs au dessus du Ch. du Soleil, dans un Pays où il ny aura pas de Loges Sublimes ou Conseils deja Etablis. Le Manuscrit du Grade ne sera donné a aucun autre Inspecteur qu’aux deux premiers officiers du Conseil ou a un f qui va dans un païs Eloigne pour Etablir ce Grade. |
13th
The Supreme Council of the 33rd is authorized to depute a brother who is well qualified & the Sov. Gr. Com. may during ….. authorize under his ……a brother who is well qualified to establish a Council of the said Degree, in any Country, in which it is directed to be established by this Constitution who shall conduct himself as in the 2nd Article. They also have power to grant patents to Deputy Inspectors General, who must have received the degree of K.H. to establish lodges and Councils of the Superior degrees, up to the Knight of the Sun inclusive, in a Country where there is no such Sublime Lodge or Council already established. The manuscript of this Degree shall not be given to any Inspector but the two first officers of the Council, or to a brother going to a distant Country to establish the degree. |
14°
Dans toutes les processions des Grades Sublimes le Suprême Conseil marchera le dernier, et les 2 premiers officiers seront les derniers, le Gd Porteur d’Etendard de l’ordre les précédera Immédiatement. |
14th
In all Processions of the Sublime Degrees, the Supreme Council shall walk last, and the last of them, shall be the two senior Officers, – the Grand Standard bearer, appointed for the occasion, dressed in uniform, with the Standard of the Order, immediately preceding them. |
15°
Les assemblées du Conseil seront tenues chaque 3° nouvelle Lune, mais Ils s’assembleront plus souvent si la nécessité le requiert, pour expedier les affaires, Il y a 2 fetes dans l’année, l’une, le 1er 8bre lorsque nos Possessions furent sequestrees & données aux Ch. de Malte et l’autre le 27 decembre, fete ordinaire de la maçonnerie. |
15th
The meetings of the Council shall be held, every third moon. – but they shall meet oftener if occasion requires for the dispatch of business .There are two festivals in the Year. One on the first of October, when, our property was sequestered and given to the Knights of Malta, and the other on the 27th December, the common Masonic festival. |
16°
Chaque Inspecteur General du 33° Grade sera muni de lettres de créance, conformement a la forme exprimee dans ce Grade, pour laquelle il payera au Secretaire General un Louis pour sa peine d »’apposition des Sceaux et un Louis au Conseil pour subvenir aux Depenses. Le Gd Sceau du Suprême Conseil, est un Grand aigle noir a 2 têtes, les becs d’or, les ailes deployées et tenant dans ses serres une Epée nue. Sur un Ruban Deployé au dessous ces mots – Deus Meumque Jus, et au dessus de l’aigle ces mots Supreme Conseil 33° Grade. |
16th
Every Inspector General of the 33rd shall have letters of credence agreably to the form expressed in the Degree, for which he shall pay to the Secretary General One Guinea for his trouble in affixing the Seals – and one Guinea to the Council for defraying the expense of the plate ( ?). The Grand Seal of the Supreme Council , is a Large Black Eagle with 2 heads in the attitude of flying, with a naked sword in its claws – in a scroll underneath, these words « Deus Meumque Jus » . Over his head in a semi circle these words « Supreme Council 33rd » |
17°
Un Inspecteur General ne possede aucun pouvoir individuel dans un pais ou est Etabli un Conseil Suprême, puisque la majorité des Voix est nécessaire pour rendre ses procedés legaux, Excepté en vertu de patentes accordées spécialement par me Conseil. |
17th
No Inspector General possesses any individual power in a Country where a Supreme Council is established, as a Majority of their Votes is necessary to give legality to their proceedings. Except by Virtue of a patent granted for special purposes by the Council ; except the Sov. Grand Com. as is provided by in Art. 13. |
18°
Les sommes Provenant des Initiations dans les Conseils au dessus des Princes de Jerusalem seront remises dans les fonds du Supreme Conseil |
18th
All monies arising from initiations into the Council above the Princes of Jerusalem, shall go to the funds of the Supreme Council |
Finis |
Tiré des Archives du Grand Conseil Sublime du 33° Degré séant à l’Orient de Charleston Caroline du Sud des Etats unis de L’amérique Septentrionale et Traduit de l’anglais par moi soussigné premier fondateur des Conseils, Chapitres, Colleges, grands Conseils et Consistoire du 32° degré sénats aux Orients de Charleston Caroline du Sud des Etats unis de L’amerique et de la Nouvelle Orléans Delahogue séjourna à la Nouvelle-Orléans de 1803 à fin 1804. Il y fut vénérable de la loge La Charité mais il n’y a aucune preuve qu ’il y établit des organismes de hauts-grades ( in « Eleven gentlemen of Charleston », R.B.Harris, 1859, p.42.) Capitale de la Louisiane et certifié conforme aux originaux J.B.M. Delahogue K.H. P.R.S. Ex Souv. des dits Consistoire, Chapitres, Cvoleges et Grands Conseils et Lieutenant Souv. Grand Commandeur du 33° Degré Dans les Isles et Dominations francaises de l’amerique.
Finis
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Le Rite Ecossais Ancien et Accepté
Par Pierre Noël, 33e, CBCS
En 1804, les hauts-grades du REAA furent (ré)introduits en France par des FFø revenant des Etats-Unis où le 1er Suprême Conseil des Grands-Inspecteurs-Généraux avait été créé, peu de temps auparavant, en Caroline du Sud. Cet organisme n’avait pas prévu de grades bleus spécifiques et ne connaissait que les rituels typiquement anglo-saxons, codifiés par Thomas Smith Webb et régis par les Grandes Loges locales.
De retour à Paris, les ex-émigrés trouvèrent une situation confuse, marquée par les luttes intestines qui opposaient le Grand-Orient de France et les loges dites « Ecossaises » parce qu’elles pratiquaient des hauts-grades non reconnus par celui-ci. Le soutien inconditionnel des « Ecossais » permit aux nouveaux arrivés d’établir une Grande Loge centrale Ecossaise et un Suprême Conseil indépendants du GODF. Allant plus loin que leurs inspirateurs américains, ils ne se contentèrent pas de conférer les hauts-grades du Rite mais rédigèrent également des cahiers des grades bleus, qu’ils présentèrent comme seuls authentiques car « anciens ». Ainsi naquirent les premières versions des grades bleus, dits de REAA, qui furent pratiqués dans les loges rebelles au GODF. Très naturellement, les rédacteurs pillèrent leurs prédécesseurs et accouchèrent de rituels syncrétiques, mêlant éléments de la maçonnerie française classique, de celle dite de « Rite Ecossais » et surtout d’apports anglo-saxons de style « ancien ». Le REAA bleu d’origine fut donc un conglomérat difficilement jouable d’influences diverses et parfois contradictoires. Le ralliement ultérieur de ces loges au GODF ne changea rien à l’affaire jusqu’à la fin du premier Empire.
La Restauration vit, avec l’indépendance du Suprême Conseil, une refonte de ces rituels, visant à les rendre plus en accord avec le goût du temps. L’apport britannique fut minimisé, l’exemple du Rite Français amena des emprunts significatifs, la légende d’Hiram fut relue dans une optique naturaliste qui occulta sa signification première. Le positivisme à la mode amena également des développements inattendus qui ne pouvaient qu’altérer profondément les textes d’origine. A la fin du XIX° siècle, les rituels en usage au Suprême Conseil ne différaient en réalité de ceux en usage au GODF que par le maintien de l’invocation du Grand Architecte de l’Univers, abandonné au Rite Français dans les suites de la décision de 1877.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le retour à une conception plus traditionnelle de la maçonnerie vit une réécriture de ces rituels, sans cependant que les influences du XIX° siècle disparaissent tout à fait. De nouveaux emprunts, à la maçonnerie britannique et hollandaise, ainsi qu’au compagnonnage, conduisirent aux rituels aujourd’hui en usage à la GLNF et à la GLDF.
Les rituels actuels, dit de REAA, se ressentent de ces emprunts successifs qui, le point est essentiel, ne doivent rien aux hauts-grades du même Rite et diffèrent considérablement de leur mouture d’origine. Ce constat soulève deux questions difficiles :
Existe-t-il une spécificité, voire une cohérence, qui lie les grades bleus et les hauts-grades de même nom ?
Quel est le véritable REAA, pour les grades bleus s’entend ?
Introduction
Le Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA) est le Rite maçonnique le plus pratiqué dans le monde. Qu’on l’appelle « Ancient and Accepted Rite » dans les Iles Britanniques ou « Scottish Rite » aux Etats-Unis, il est d’abord un système de 30 hauts-grades, dont la plupart ne sont, le plus souvent, conférés que par communication. Or si on parle rarement des grades bleus de ce Rite, inconnus dans les pays de langue anglaise, ils sont pratiqués en Europe continentale (France, Belgique, Italie, Suisse…) et en Amérique latine. Ce qui n’empêche les bons auteurs, Lantoine, Clément, Naudon, Palou, de rester étrangement muets sur le sujet.
Ce silence ne laisse pas de surprendre. Car de deux choses l’une, ou le Rite possède des grades bleus qui lui soient propres ou il n’en possède pas ! La question n’est pas futile puisque les tenants du système n’arrêtent de répéter que le REAA est un, du 1er au 33ème degré, et, corollaire obligé, que les Grands Inspecteurs Généraux, 33ème et dernier degré du Rite, exercent leur autorité « dogmatique » « Dogmatique », au sens du XIX° siècle, signifie « réglementaire ». sur l’ensemble des grades dudit Rite, affirmations respectables mais qui demandent, reconnaissons-le, une démonstration qui fait le plus souvent défaut.
L’organisation de l’échelle des trente hauts-grades fut un processus long et compliqué dont on commence à déceler le processus, grâce aux travaux essentiels de Jackson, d’Alain Bernheim et d’autres dont l’école américaine, celle notamment de la revue « Heredom », publication du Suprême Conseil de la juridiction sud des Etats-Unis, qui complètent heureusement les écrits fragmentaires des auteurs cités plus haut.
Mais ces travaux ne traitent guère des grades bleus du Rite. Leur contenu n’est que rarement évoqué et le curieux, soucieux de savoir en quoi ces degrés du REAA diffèrent (ou différaient) significativement des autres rituels, serait en bien en peine de trouver une réponse à ses interrogations.
La genèse de ces hauts-grades sort de mon propos. Qu’il suffise de rappeler que les grades actuellement intégrés à l’échelle du Rite furent élaborés en France entre 1740 et 1760 et dans les possession françaises d’Amérique, Saint-Domingue surtout, au cours de la décennie suivante. Au début du XIX° siècle, ils furent organisés, à Charleston, en un système de 33 grades dont les deux derniers seulement étaient inconnus en France. Le premier « Suprême Conseil des Très Puissants Souverains Grands Inspecteurs Généraux du 33ème degré» fut constitué le 31 mai 1801. Initialement composé de deux membres seulement, John Mitchell John Mitchell (1741-1816), d’origine irlandaise, joua un rôle important dans la guerre d’indépendance. , Grand Commandeur, et Frederick Dalcho Frederick Dalcho (1770-1836). Il succéda à John Mitchell à son décès, le 25 janvier 1816. Il démissionna de ses fonctions le 7 novembre 1823. Médecin puis diacre (en 1816) et prêtre (en 1818) de l’Eglise Episcopalienne (anglicane). , Lieutenant Grand Commandeur, il fut porté, dans le courant de l’année suivante, au nombre de neuf membres prévu par les Grandes Constitutions dites de 1786. Dans une circulaire, datée du 4 décembre 1802, adressée « aux puissances maçonniques des deux hémisphères », cet organisme nouveau affirma connaître cinquante-deux degrés (et non trente-trois !) mais il s’empressa d’ajouter qu’il laissait les grades bleus aux Grandes Loges « Bien que nombre de degrés Sublimes soient, en fait, le prolongement des degrés Bleus, il n’y a pas pour autant ingérence entre les deux institutions… Les Maçons Sublimes ne procèdent jamais à des initiations aux degrés Bleus sans autorisation de droit accordée dans ce but par une Grande Loge ». Circulaire « aux deux hémisphères », 4 décembre 1802, rédigée par Fredrick Dalcho, Isaac Auld et Emmanuel de La Motta, signée par John Mitchell, Souverain Grand Inspecteur Général du 33e degré et Grand Commandeur des Etats-Unis d’Amérique, et Abraham Alexander, Secrétaire du Saint-Empire. . Il n’y avait donc pas, à l’époque, de grades bleus spécifiques au REAA, pas plus qu’il n’en existe aujourd’hui aux Etats-Unis ou dans les Iles Britanniques.
Le 21 février 1802, ce même Suprême Conseil remit au comte de Grasse-Tilly Fils aîné de l’amiral de Grasse qui s’était illustré dans la guerre d’indépendance américaine, Alexandre François Auguste, comte de Grasse, des princes d’Antibes, marquis de Tilly, était né à Versailles le 14 février 1765. Il avait été initié dans la Mère-Loge Ecossaise du Contrat Social le 8 janvier 1783. Après la mort de son père, il quitta la France au début de 1789 pour aller prendre possession d’un héritage de plantations à Saint-Domingue. En 1793, la révolte des esclaves le contraignit à se réfugier avec son épouse, sa fille et son beau-père, Jean-Baptiste Marie Delahogue (1744-1822), à Charleston (Caroline du Sud) où il arriva le 14 août. Les deux hommes participèrent à la fondation (1796) dans cette ville de la loge « La Candeur » que de Grasse présida en 1798 avant d’en démissionner, le 4 août 1799, pour devenir, six jours plus tard, le premier Vénérable de la « Réunion Française », dépendant de la Grand Loge des « Antient York Masons » de Caroline du Sud. Entre temps, il avait été fait « Député Grand Inspecteur Général », et 25° degré du Rite « de Morin », le 12 décembre 1796, ainsi que son beau-père et douze autres réfugiés français, par Hyman Isaac Long et à ce titre, participa à la formation, dans le hall de la loge « La Candeur », du Grand et Sublime Conseil des Princes du Royal Secret (Charleston) le 13 janvier 1797. Il retourna l’année suivante à Saint-Domingue, voulant participer à l’entreprise malheureuse du général Hedouville. Il y fut capturé par les rebelles mais, étant devenu citoyen américain le 17 juin 1799, il fut rapidement libéré, put regagner Charleston et y gagner médiocrement sa vie en diverses occupations honorables mais sans éclat. Le 27 décembre 1800, il devint Grand Maréchal de la Grande Loge de Caroline du Sud (« Antients ») dont John Mitchell, futur fondateur du Suprême Conseil de Charleston, était Grand Secrétaire. Mort le 10 juin 1845. , nommé « Grand Commandeur pour les Îles françaises d’Amérique », une patente dont le texte mérite d’être rappelé :
Universi Terrarum Orbis Architecturis Gloria ab Ingentis.
Deus meumque Jus. Ordo ab Caho.
De l’Orient du Suprême Conseil des Très-Puissans Souverains Gr. Insp. Gén., sous la voûte céleste du Zénith, qui répond au 32° degré 45 m. latit. Nord.
A Nos T.Ill.T. Vaill. et Sbl. Princes du Royal-Secret, Ch. de K.H. Illustres Princes et Chevaliers Grands Ineffables et Sublimes, libres et acceptés maçons de tous grades, anciens et modernes, sur la surface des deux hémisphères : A tous ceux qui ces présentes lettres verront,
SANTE. PROSPERITE. POUVOIR
Faisons savoir que Nous soussignés Sou. Grands Inspecteurs généraux, duement et légalement constitués et établis en Suprême Conseil ; avons examiné scrupuleusement notre Ill. Frère Comte Alexandre-François-Auguste De Grasse-Tilly, dans les divers grades qu’il a légalement reçus ; et à sa requête spéciale, nous certifions, reconnoissons et proclamons notre T.Ill.F. Alexandre-François-Auguste De Grasse-Tilly, de Versailles en France, ancien capitaine de cavalerie, et ingénieur au service des Etats-Unis d’Amérique ; M° et passe-M° des Loges symboliques ; M° Secret, M° Parfait ; Secrét. Intime ; Prévôt et Juge ; Intendant des Bätimens ; M° Elu des 9, Ill. Elu des 15 ; Subl. Ch. Elu ; Grand Maître Architecte Royal-Arche ; Gr. Elu, Parfait et Subl. Maçon.
Attestons aussi qu’il est Chev. d’Orient ou de l’épée, Prince de Jérusalem, Chev. d’Occident, Chev. de l’Aigle, et Souv. Prince Rose-Croix d’Hérédom, Grand Pontife, Maître ad vitam, patriarche, Noachite, Chev. Prussien, Prince du Liban, Grand M. Ecossais, Chev de St-André, etc.etc.etc. ; Chef du Tabernacle, Prince de Mercy, Chev. du Serpent d’airain, Commandeur du Temple, Souv. Chev. du Soleil, Prince adepte, H.K., Chev . de l’Aigle blanc et noir, et Souv. Grand Inspecteur Général et membre du Suprême Conseil du 33° degré.
Certifions aussi que notre susdit T. Ill. F. est Grand Commandeur à vie du Suprême Conseil des Isles françaises de l’Amérique.
Autorisons et donnons pouvoir à notredit F. A.F.A. De Grasse-Tilly, de constituer, établir et inspecter toutes les Loges, Chapitres, Conseils et Consistoires de l’Ordre royal et militaire de l’ancienne et moderne Franche-Maçonnerie sur les deux hémisphères, conformément aux grandes Constitutions.
Nous, en conséquence, commandons à tous nos sudits Pr. Chev. et Sublimes Maçons, de recevoir notre Ill. F. Alexandre-François-Auguste De Grasse-Tilly, dans toutes ses diverses qualités, jusqu’au plus haut degré de la Maçonnerie ; promettant d’avoir les mêmes égards pour ceux qui se présenteroient à notre Subl. Cons, munis de certificats, ou lettres de créance aussi authentiques.
Auxquelles lettres de créance, Nous Souverains Grands Inspecteurs Généraux, membres du Suprême Conseil du 33° degré, à Charles-Town, Caroline du Sud ; avons ici-bas souscrit nos noms, et fixé le grand sceau dudit Ill. Ordre dans la Chambre du Grand Conseil, près du B.A., sous la voûte céleste, ce 9° jour du 12° mois de la Restauration 5562, anno Lucis 1802, et de l’ère chrétienne le 21° jour de février 1802.
Signé FR. Dalchs, H.K.P.D.R.S.
S.G.I. 33°
J.B. Borven Thomas Bartholomew Bowen (1742-1805), Membre du Suprême Conseil avant ou le 5 juillet 1801. , K.H.P.R.S.S.G.I.G. 33° deg., Master of Ceremonies
J.B. Dieben Israel De Lieben (1740-1807), un des quatre Juifs qui furent membres du premier Suprême Conseil. Il y fut admis entre le 5 juillet 1801 et le 10 janvier 1802. , K.H.P.R.S. et G.J. 33°, and Grand -Treasurer of the Holy Empire .
Abraham-Alexander Abraham Alexander (1743-1816), Juif comme le précédent. Membre du Suprême Conseil avant ou le 15 juin 1801. , P.R.S.S.G.I.G. 33°, and Grand-Secretary of the Holy Empire
J.B.M. De La Hogue Jean Baptiste Marie Delahogue (1744-1822 ), né à Paris, beau-père de Grasse-Tilly. , P.D.R.S.S.G.I.G. 33°, Lieutenant-Grand-Comm. pour les Isles françaises au vent et sous-le-vent. In Extrait des Colonnes gravées dans le Souvø Chapø Ecossø du Rit ancien et accepté du Père de Famille, vallée d’Angers, 1812 : 30-35.
Les grades énumérés dans cette patente, à l’exception du Grand Inspecteur Général, étaient ou avaient été pratiqués en France au siècle précédent. Lorsque Grasse-Tilly arriva en France, deux années plus tard, il ne fit que ramener dans leur pays d’origine des grades qui étaient toujours conférés régulièrement dans les chapitres dépendant du Grand-Orient de France (GODF).
Mais cette patente conférait aussi à Grasse-Tilly le droit « de constituer, établir et inspecter toutes les Loges, Chapitres, Conseils et Consistoires de l’Ordre royal et militaire de l’ancienne et moderne Franche-Maçonnerie sur les deux hémisphères, conformément aux grandes Constitutions », donc le pouvoir exorbitant de créer des loges partout, même dans un pays où la maçonnerie était solidement implantée, ce qui était le cas de la France. Soulignons un point essentiel : la patente ne parle pas du Rite Ecossais Ancien et Accepté mais bien de « l’ancienne et moderne Franche-Maçonnerie », incluant les deux rites ! On ne peut s’empêcher de souligner le peu de constance des neuf gentlemen de Charleston. En février, ils donnaient à Grasse-Tilly l’autorité de créer des loges bleues alors que leur circulaire de décembre annonçait qu’ils laissaient aux Grandes Loges existantes le soin de conférer les grades bleus.
1. L’état de l’Ordre maçonnique en France en 1804
En France, où rien n’est jamais simple, la situation de la maçonnerie, à l’aube du XIX° siècle, était particulièrement complexe.
Après la mort du comte de Clermont (16 juin 1771), cinquième Grand Maître de la « Grande Loge de Paris, ditte de France », un schisme divisa la franc-maçonnerie française.
Le Grand-Orient de France avait été fondé en 1773 par une assemblée de députés des loges de Paris et des provinces réunis en « Grande Loge Nationale » sous la direction énergique du duc de Montmorency-Luxembourg. Après l’adoption, le 26 juin de cette année-là, de nouveaux statuts qui prévoyaient, entre autres, l’amovibilité des maîtres de loge, le duc de Chartres Il devint, à la mort de son père, duc d’Orléans avant de passer à la postérité sous le nom de Philippe-Egalité. , cousin du Roi, fut installé le 22 octobre. Mais la Grande Loge Nationale n’avait pu rallier à ses vues tous les maîtres de loges parisiens dont certains étaient, on peut les comprendre, très attachés à l’inamovibilité de leur fonction, privilège que voulait supprimer la jeune obédience. Les rebelles se constituèrent donc en « Très Respectable Grande Loge de France », ou plutôt affirmèrent continuer la Grande Loge, laquelle souvent se qualifia de « Grand-Orient de Clermont », voire « seul grand et unique Grand-Orient de France » « Grand Livre d’architecture de la Très respectable Grande Loge de France. 9 février 5789 au 5 juin 5798 ». Les éditions du Prieuré, 1996 (en collaboration avec le musée de la Grande Loge de France). . Le 10 septembre 1773, elle annonça la liste de ses Grands Officiers, ne reconnaissant pour Grand Maître que le défunt comte de Clermont et pour administrateur-général le duc de Montmorency-Luxembourg, lequel ne put que protester contre l’abus fait de son nom.
Schisme donc, lequel dura jusqu’en 1799, sans cependant que diffèrent les rituels et les grades pratiqués. Cette maçonnerie-là était bien « française », c’est à dire « moderne », dans la droite ligne de l’héritage britannique quoique accommodée à l’imagination latine, et ce depuis les premières divulgations parisiennes. Prenons garde d’y voir l’équivalent du schisme anglais, anciens contre modernes, qui faisait rage de l’autre côté de la Manche, moins encore de cette fracture toujours béante qui sépare aujourd’hui maçonneries « libérale » et, si l’on veut, « dogmatique ». La différence était surtout sociologique : la Grande Loge était parisienne, roturière et bourgeoise, le Grand-Orient national, aristocratique et de bon ton, dans ses cercles dirigeants tout au moins.
Les deux obédiences firent preuve d’un grand libéralisme en matière de rituels, qu’ils fussent pratiqués dans les loges bleues ou les chapitres. Le Grand-Orient passa un traité d’alliance avec les directoires du Rite Ecossais Rectifié en 1776, leur laissant le contrôle de leurs loges Voir: Louis Charrière (1938), p. 10. , et, en 1781, avec la loge parisienne de Saint-Jean d’Ecosse du Contrat Social, Mère-Loge pour la France du Rite Ecossais Philosophique, à qui il laissa faculté d’affilier à ses hauts-grades les loges qui le désireraient.
Le Grand-Orient n’en constitua pas moins, le 18 janvier 1782 A.G.Jouaust (1865), p.229. , une « Chambre des Grades » qui, en un louable effort, élabora un Rite « du Grand-Orient », plus tard dénommé Rite Français, qui fut adopté en Assemblée Générale au début de l’année 1786 Daniel Ligou (1991), préface à « Rituels du Rite Français Moderne 1786 ». Editions Slatkine, pp. xv-xvi. . Les trois grades bleus furent alors codifiés, mais ils ne seront édités collectivement qu’en 1801, en un recueil de trois cahiers, pour le vénérable et les deux surveillants, intitulé « Le Régulateur du Maçon ».
L’avant-propos du rituel de 1786 souligne la volonté de la chambre des grades de codifier une ensemble rituel unique à l’usage des loges de l’obédience :
Un autre point non moins important est l’uniformité depuis longtemps désirée, dans la manière de procéder à l’initiation. Animé de ces principes, le GøOø de France, s’est enfin occupé de la rédaction d’un protocole d’initiation aux trois premiers grades, ou grades symboliques. Il a cru devoir ramener la maçonnerie à ces usages anciens que quelque novateurs ont essaÿé d’altérer, et d’établir ces premières et importantes initiations dans leur authentique et respectable pureté. Les loges de sa correspondance doivent donc s’y conformer de point en point… In Ligou, 1991 : 2-3. Phrase identiques dans l’avant-propos du « Régulateur… » de 1801, p. 4.
En outre, le Grand-Orient reconnaissait cinq « Ordres » supérieurs, gérés par un Grand Chapitre Général de France Les conditions de la naissance de ce Grand Chapitre sont quelque peu obscures, gâtées par les manipulations liées à la « patente Gerbier ». Elles n’entrent pas dans notre propos. que le Grand-Orient s’incorpora en 1786 Ligou, op.cit. (1991), p. xvi. ou 1787 Etienne Gout (1985) p. 15. . Les quatre premiers « Ordres », Elu, Ecossais, Chevalier d’Orient et Rose-Croix Grade que Gout, suivant en cela Pyron, s’obstine à appeler « de Judée », pour le distinguer sans doute du futur 18° degré du REAA (Gout, op.cit. 1985, p.15). Le manuscrit de 1786 ne parle que de « Rose-Croix ». , reprenaient les degrés supérieurs apparus dans les années 1740-1760 à la fécondité sans pareille. Le cinquième, de même, « comprenait tous les grades physiques et métaphysiques de tous les systèmes particulièrement ceux adoptés par des associations maçonniques en vigueur » Article 29 des « Statuts et Règlemens généraux du Gø Chø Gø de Fceø » (in Ligou, op.cit. 1991, p. 7). dans le catalogue de la bibliothèque du Grand-Orient des Pays-Bas (fonds Kloss), une note manuscrite de Kloss spécifie que le Grand-Orient incluait dans le 5° Ordre 9 séries de 9 grades, soit 81 en tout. . En clair tous les grades supérieurs au Rose-Croix étaient réunis dans ce 5e Ordre, le Kadosch excepté qui avait été reconnu « faux, fanatique et détestable » en 1766 « Circulaires de la Grande Loge de France du 14 août 1766 et du Conseil Souverain des Chevaliers d’Orient de France du 21 septembre 1766 sur la suppression des Mères Loges », in Alain Le Bihan, 1973, pp.440-443. .
Le Grand-Orient, soit en son Grand Chapitre soit par ses traités d’alliance avec les directoires Ecossais Rectifiés et la loge-mère du Contrat Social, se voulait donc le dépositaire et le gardien de tous les grades « Ecossais » pratiqués à Paris et en province. Le cinquième Ordre devait se réunir le premier mardi de chaque mois mais on ne sait s’il le fit jamais. Certains le croient et pensent qu’il travaillait au grade de chevalier du soleil Pierre Mollier, communication personnelle. .
La révolution passa par-là, qui donna aux frères d’autres préoccupations que de maçonner à l’unisson. Après la tourmente terroriste, le Grand-Orient reprit ses travaux en 1796 sous l’impulsion d’Alexandre-Louis Roëttiers de Montaleau (1748-1808) qui refusa la succession du duc d’Orléans, lequel avait renié l’ordre dès février 1793 et fut guillotiné le 3 novembre de la même année. Devenu « Grand Vénérable », Roëttiers eut à coeur, non seulement la résurrection du Grand-Orient, mais aussi la réunion des deux grands corps maçonniques d’avant la révolution. Il y réussit par le concordat d’union, signé par des commissaires des deux obédiences le 21 mai 1799, puis sanctionné par le Grand-Orient le 23 mai et par la Grande Loge dans une assemblée extraordinaire le 9 juin In Pierre Chevallier, 1974, p. 380. . La réunion des deux GG?.OO? de France fut consommée dans l’allégresse le 22 juin 1799 Gout, 1985, op.cit. p. 15. .
1.1 La résistance écossaise
Quelques loges « Ecossaises » ne partageaient pas ce bel enthousiasme.
La résistance s’incarna en un homme, Antoine-Firmin Abraham (1753-1818), « chevø de tous les Ordres maçonniques ». Né à Montreuil-sur-mer le 3 septembre 1753, premier commis de la marine et secrétaire de La Fidèle Union Constituée par le GODF le 4 mars 1785 pour prendre rang à janvier 1776 (Le Bihan, 1990 : 164) à Morlaix, créateur de la loge Les Elèves de Minerve le 1er février 1802, « il fut le premier qui eut le courage en France d’arborer l’étendard de l’Ecossisme » J. Bossu, Renaissance Traditionnelle, 1977, 32 : 305-307.
De 1800 à 1802, il fit paraître le « Miroir de la Vérité, dédié à tous les Maçons », en quatre volumes dont le contenu est énuméré dans la bibliographie de Fesch P. Fesch, Bibliographie de la Franc-Maçonnerie et des société secrètes, 1910, édité par G.Deny, 1976. . Le 3ème volume contient la plupart de ses écrits sur l’écossisme : Première circulaire à tous les Maçø Ecossø en France – Circulaire de la Rø Lø de la Parfaite Union La Parfaite Union de Douai fut constituée par le GODF le 12 août 1779, pour prendre rang au 3 décembre 1777. Elle fut affiliée par le Souv. Chapitre de la Mère Loge du Rite Ecossais Philosophique le 3 mars 1784 (A. Le Bihan, «Loges et chapitres de la Grande Loge et du Grand-Orient de France. Loges de province ».1990 : 78). , Oø de Douay et sa profession de foi sur l’Ecossø– Motifs du traité d’union entre le Gø Oø de France et les directoires français – Réflexions sur l’existence du soi-disant Gø Chapø Général de France…
Abraham ne mâchait pas ses mots : sa condamnation du Rite Français était sans appel. Dans sa « Circulaire aux Maçons Ecossais » (juin 1802), il écrivait notamment :
Les hauts-grade, en France, ne ressemblent en rien à ceux reconnus dans l’Allemagne, la Russie, la Prusse, la Suède, le Danemark, les Etats-Unis d’Amérique, l’Angleterre, l’Irlande et l’Ecosses ; le Rhin et les mers sont devenus, pour les Francs-Maçons, ce que le Styx fut pour les anciens, la séparation des vivants et des morts… Je vous invite vivement à notifier au Grand-Orient de France, de concert avec les maçons Ecossais, votre ferme et inébranlable résolution de conserver, dans votre atelier, ce Rit précieux en ce qui concerne les hauts-grades » (Miroir de la Vérité, Tome III : 64-67, cité par Lantoine, II, 135).
La diatribe mérite qu’on s’y arrête. En effet, que dit-elle sinon que les hauts-grades du GODF n’étaient pas ceux pratiqués dans les pays étrangers, contrairement aux hauts-grades « Ecossais » Notons qu’Abraham ne parle pas des grades bleus. . Or, les degrés additionnels anglo-saxons, Royal Arch, Mark ou Knight Templar pour ne parler que d’eux, répandus en Angleterre et aux Etats-Unis, n’étaient pas les hauts-grades « Ecossais » de France !
L’Ecosse connaissait certes l’Ordre d’Hérédom de Kilwinning, implanté en France à Rouen et Paris avant la révolution, mais elle ignorait tout des innovations « Ecossaises ». Les pays germaniques avaient vu l’essor des Ordres templiers issus de la Stricte Observance, revus par Eckleff en Suède, Zinnendorf en Prusse et Willermoz à Lyon. Certains grades « Ecossais », le Rose-Croix notamment, étaient connus outre-Manche mais ils ne différaient guère de leur homologue du Grand-Orient. Bref, Abraham se trompait de cible.
La question se pose, légitime : qu’étaient ces loges « Ecossaises » sinon des loges conférant des hauts-grades ? Connaissaient-elles une forme particulière de grades bleus, c’est à dire une méthode spécifique d’amener les impétrants à la maîtrise qui les différencie des loges classiques du temps ? Certes, dans les pays de langue anglaise cohabitaient, plutôt mal, deux traditions, celle de la Grande Loge de 1717, dite des « Modernes », et celle de la Grande Loge « selon les anciennes constitutions », fondée en 1751 à Londres par des maçons irlandais. Si on peut, par analogie, parler à leur sujet de « Rite ancien » et de « Rite moderne », ce serait une faute d’extrapoler cette situation au continent. « Ecossais » et « ancien » n’étaient pas synonymes, pas plus d’ailleurs que « Français » et « moderne » ! Cela dit, l’influence « ancienne » était inexistante en France et tous les rituels continentaux du XVIII° siècle, qu’ils se disent « Ecossais » ou non, se rattachaient peu ou prou à la tradition « moderne », sans cependant la copier servilement.
1.2 Rite Moderne et Rite Ancien
Pendant plusieurs décennies, la «première» Grande Loge fondée à Londres en 1717 fit la loi en Angleterre. C’est à elle que l’on doit la tripartition des grades et l’introduction de la légende d’Hiram, véritables landmarks sans laquelle il ne peut y avoir de franc-maçonnerie. Ses rituels ne sont connus que par des divulgations, dont la plus essentielle reste le «Masonry dissected» de Samuel Prichard (1730). Lorsque la maçonnerie fut introduite en France, les premiers adeptes de ce qui devait devenir la Grande Loge de France en adoptèrent tout naturellement les usages avant de les adapter et de les développer selon leur sensibilité propre. Il en gardèrent l’essentiel, qui reste aujourd’hui la base même du Rite Français :
- Les deux surveillants sont placés à l’ouest de la loge
- Le ternaire Soleil-Lune-Vénérable sont les trois grandes lumières de la franc-maçonnerie, représentées par les trois chandeliers d’angle placés autour du tableu de la loge.
- La loge est supportée par trois colonnes (Sagesse-Force-Beauté)
- Les « mots » J … et B… sont ceux respectivement des 1er et 2ème grades
- Au 3ème grade, « l’ancien mot de maître », Jéhovah, n’est pas « perdu » mais seulement remplacé par un mot de circonstance, M… B… La clef du grade est l’expérience mystique que connaît le néophyte lorsqu’il est couché dans la tombe qui porte le nom du Très-Haut.
En 1751 fut instituée, à Londres toujours, la « Très Ancienne et Honorable Fraternité des Maçons Francs et Accepté », dont les membres étaient pour la plupart d’origine irlandaise. Cette innovation vint rompre la belle unité britannique, d’autant que les Grandes Loges d’Irlande et d’Ecosse la reconnurent bientôt la jeune obédience comme seule régulière, car seule fidèle aux «anciens usages». De fait, leur bouillant Grand Secrétaire, Laurence Dermott, n’eut de cesse qu’il n’ait dénoncé les «déviations» de la première Grande Loge, leur reprochant pêle-mêle d’avoir simplifié et déchristianisé les rituels, omis les prières, inversé les mots sacrés des premier et deuxième grades, abandonné la cérémonie «secrète» d’installation d’un vénérable et, surtout, rejeté le grade de Royal Arch. Sans trop de vergogne, il qualifia de «Modern» les tenants de la plus ancienne Grande Loge, ce qui permit de nommer «Antient», ou Ancienne, sa toute récente obédience.
En 1760, une autre divulgation, les «Three Distinct Knocks… », révéla la teneur des rituels «anciens dont les différences essentielles Les particularités décrites ici furent adoptées par la Grand Loge Unie d’Angleterre après la fusion des deux Grandes Loges rivales, en 1813. C’est ce qui explique que toutes se retrouvent aujourd’hui dans ce qu’il est convenu d’appeler, à tort, le « Rite Emulation ». avec le Rite moderne méritent d’être soulignées :
- Le premier et le second surveillants ont chacun en main une colonne de 20 pouces, qui représentent les deux colonnes du Temple de Salomon.
- Le second surveillant est placé au milieu de la colonne du midi, tandis que le premier surveillant se tient à l’ouest (ils sont en fait postés devant les portes du temple.
- Ils sont assistés par deux diacres, fonction d’origine irlandaise, l’un situé à la droite du vénérable, l’autre à la droite du premier surveillant.
- Les chandeliers, toujours associés au ternaire soleil-lune-maître de la loge mais dénommés « petites lumières « (lesser Lights ), sont placés à la droite du vénérable et des surveillants.
- La bible, l’équerre et le compas, placés sur l’autel devant le vénérable, sont appelés « Grandes Lumières de (ou plutôt « dans ») la Maçonnerie » .
- Les mots sacrés sont B… au 1er grade et J… au 2ème.
- L’ancien mot de maître est perdu par la mort d’Hiram car il faut être trois pour le prononcer (c’est la fameuse «règle de trois» déjà évoquée dans les premiers catéchismes britanniques). Salomon et le roi de Tyr ne peuvent donc plus le communiquer aux nouveaux maîtres qui doivent se contenter d’un mot de substitution.
La France, à l’époque, ne connut rien de ces développements et continua, comme par le passé, à ne pratiquer que le Rite moderne, embelli, augmenté, enrichi certes, mais fondamentalement identique à lui-même. L’écossisme que prônait Abraham n’était finalement rien d’autre, pour les grades bleus, qu’un avatar du Rite moderne de Prichard.
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Rite moderne |
Rite ancien |
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Disposition des colonnes |
J au nord-ouest, B au sud-ouest |
B au sud-ouest, J au nord-ouest |
Mots sacrés |
J au 1er grade, B au 2ème grade |
B au 1er grade, J au 2ème grade |
Disposition des surveillants |
Tous deux à l’ouest, le 1er au sud, le 2ème au nord |
Le 1er à l’ouest, le 2ème au sud |
Diacres |
Non |
Oui |
Grandes Lumières |
Soleil, lune, maître de la loge |
Bible, équerre, compas |
« Ancien » mot du maître |
Substitué mais connu |
Substitué car perdu (règle de trois) |
Fig. 1: Comparaison des rites moderne et ancien
1.3 L’anathème du Grand-Orient
Abraham ne manquait pas de partisans. Outre sa loge, les Elèves de Minerve Installée à Paris le 9 février 1802 (Kloss, 1844 : entrée 4459). , et celle de La Parfaite Union La Parfaite Union, formée en 1755, affiliée au GODF en 1777, reçoit en 1783-1784 des constitutions de la Mère Loge du Rite Ecossais Philosophique. En sommeil de 1792 à 1800, elle connaît une période de prospérité remarquable de 1800 à 1810. Mise en sommeil pour raisons politiques, elle reprend vie en 1816 Rayée des listes du GODF en 1833, elle est réintégrée en 1833. Infiltrée par des éléments républicains, elle sera fermée en 1851 par arrêté préfectoral car « ses réunions peuvent devenir cause de danger pour l’ordre et la tranquillité publique » (Roland Allender, in la revue du Nord, tome LXXII, 1990). de Douai, il pouvait compter sur l’appui de la Mère-Loge Ecossaise de Marseille Fondée, dit la légende, en 1751 par un Ecossais jacobite, Georges de Walnon, cette loge prit le titre distinctif de Mère-Loge en 1762. En 1801, elle se déclara Mère-Loge Ecossaise de France et ne disparut qu’en 1812 (Mazet, 1980). qui n’avait jamais reconnu l’autorité du GODF, du chapitre provincial d’Hérédom de Kilwinning, fondé à Rouen en 1786, et de quelques loges, telle La Réunion des Etrangers à Paris, fondée en 1784 par un maçon danois. Le mouvement prit suffisamment d’ampleur pour que le GODF décide, le 12 novembre 1802, de formuler un arrêté déclarant irrégulières les loges professant des Rites étrangers à ceux reconnus par lui et défendant aux loges de sa juridiction de leur donner asile et de communiquer avec elles sous peine d’être rayées de ses tableaux Jouaust, 1865 : 260. . Cet arrêté appela la protestation de la Parfaite Union de Douai (18 décembre 1802) et celle (21 février 1803) de la Réunion des Etrangers qui se déclara choquée d’avoir été taxée d’irrégularité «sur sa persévérance à conserver le titre de Loge Ecossaise».
Elle l’avait pris dès 1788 et repris lors de son réveil…. Les principaux officiers du GO y étaient accueillis avec tous les honneurs consacrés par l’usage, et jamais ils n’ont témoigné la moindre peine de voir le Vivat de leurs remercîments couvert par le Houzay Ecossais. La Rø Lø, persuadée que l’humeur ou le caprice de quelques officiers du Gø Oø ne peut changer la nature et l’essence des choses ; que l’Ecossisme est le seul Rit qui ait conservé dans toute leur pureté les principes et les Statuts qui nous ont été transmis de la Montagne Sainte qui est indubitablement le berceau de notre Ordre ; que les autres Rits n’en sont que des déviations plus ou moins éloignées… a pris le parti qui lui convenoit, et qu’elle a dû prendre, celui de se procurer le droit incontestable de rester Lø Ecossaise » (Gout, 1985 : 31) Cette réplique valut à la Réunion des Etrangers d’être radiée par le GODF, le 10 juin 1803 (Kloss, 1744 : entrée 4481). .
Mais cela ne nous apprend pas en quoi cette maçonnerie «Ecossaise» différait de celle du Grand-Orient. Il ne suffit pas de fulminer une anathème. Encore faut-il qu’il repose sur des faits précis. Force est de constater que nous restons sur notre faim car aucun des protagonistes de l’époque n’apporte d’éléments substantiels au débat. Constater que le Houzay remplaçait dans les loges Ecossaises le Vivat français peut paraître insuffisant et l’évocation de la montagne (imaginaire) d’Hérédom, «berceau indubitable de l’Ordre», ne peut raisonnablement être considéré comme un véritable casus belli. En-dehors de toutes considérations proprement rituelles, les différences essentielles résidaient dans le refus d’utiliser les rituels rédigés par le GODF et dans les prérogatives accordées aux détenteurs des hauts-grades Ecossais. L’usage ne datait pas d’hier et les «Règlements généraux» établis en 1743 «pour servir de règle à toutes les loges du royaume» évoquaient déjà, pour les réfuter d’ailleurs, les prétentions et prérogatives des Maîtres Ecossais. L’usage s’en était cependant largement répandu. Ce qui permit à Gout d’écrire :
Une loge Ecossaise, c’était en effet une loge bleue restée fidèle aux rituels des degrés symboliques antérieurs à l’instauration du Rite Français, une loge au sein de laquelle les Frères revêtus des hauts-grades recevaient des honneurs particuliers ; et qui, en général, croyaient observer les usages de l’ancienne maçonnerie d’Ecosse E. Gout, 1985 : 32. Cette affirmation permet de qualifier d’ « écossais » les rituels de toute loge pratiquant des hauts-grades. Ainsi certains qualifient-ils d’écossais les rituels (1763) de la Vraie et Parfaite Harmonie de Mons dédiés au marquis de Gages, conclusion pour le moins arbitraire. .
On pourrait ajouter à cette description la conviction, déjà affirmée dans le discours du chevalier Ramsay (1686-1743) et reprise par la plupart des systèmes de hauts-grades continentaux Notamment la Stricte Observance allemande, le Rite Suédois d’Eckleff et celui, allemand, de Zinnendorf. , que l’origine de la Franc-maçonnerie devait se chercher au temps des croisades et non chez les opératifs des siècles passés.
1.4 Le Rite Ecossais Philosophique
Les adversaires du Rite Français ne constituaient pas un corps homogène et rien ne permet d’affirmer que leurs loges pratiquaient un rituel uniforme. Il suffit d’ailleurs de constater que certains des composants de cette mouvance, l’Ordre d’Heredom de Kilwinning notamment, étaient eux-mêmes des organismes de hauts-grades, sans rituel bleu défini. Le Rite Ecossais Philosophique (REP), pratiqué par certains Il y avait 3 loges du REP en 1804. Elles seront 34 en 1811 et 42 en 1813 (Christian Charley, Tradition Ecossaise n° 1, 2000). , était probablement ce qui ressemblait le plus à un Rite aux contours reconnaissables Je laisse de côté le Rite Ecossais Rectifié qui était pratiquement en sommeil cette époque. .
D’origine avignonnaise, voire marseillaise, apparu vers 1774, ce Rite était celui de la loge parisienne de Saint Jean du Contrat Social créée en 1770 et travaillant selon les rituels d’Avignon depuis 1776 R. Désaguliers, 1983, 54-55 : 94-95. . Elle avait, en 1781, négocié avec le GODF un concordat qui lui accordait le droit de créer des ateliers supérieurs de son Rite en France et des loges bleues à l’étranger P. Chevallier, 1974, I : 185-194. . Bien que la loge soit tombée en sommeil durant la révolution, son Rite s’était maintenu dans quelques loges de France et notamment dans la Parfaite Union de Douai qui le pratiquait depuis 1784.
Les rituels du REP sont connus. La bibliothèque du Suprême Conseil pour la Belgique Le Rite Ecossais Philosophique fut pratiqué en Belgique pendant l’occupation française. en conserve plusieurs exemplaires, identiques à ceux publiés il y a 20 ans par R.Désaguliers R. Désaguliers, 1983, 54-55 : 88-101. , provenant de la loge d’Avignon, Saint Jean de la Vertu persécutée.
Leur lecture montre que ces rituels ne différaient guère de ceux en usage dans les loges françaises du temps. Les « instructions » d’Avignon et du Régulateur ne diffèrent que par la présentation et l’ordre des questions-réponses (voir annexe n° 1)
J’en reprendrai les éléments principaux
- Les officiers sont disposés selon l’usage « moderne » : le vénérable à l’Orient, le 1er surveillant au Sud-Ouest devant la colonne B, le 2ème surveillant au Nord-Ouest devant la colonne J.
- Les mots sacrés sont « J… » au 1er grade, « B… » au 2ème grade et « M… » Le mot en M est celui des « Moderns », comme dans toutes les loges françaises du temps. au 3ème grade. L’inversion des mots décidée par la Grande Loge des Modernes On sait que c’était un des reproches que leur faisaient les « Antients » et leur bouillant Grand Secrétaire, Laurence Dermott. Cette autre Grande Loge, fondée en 1751, avait pour mots, B au 1er grade, et J au 2ème. en 1730 (ou 1739) était respectée, comme elle le sera dans toutes les loges françaises au XVIII° siècle, y compris dans les loges « écossaises ».
- Les trois grandes lumières sont le soleil, la lune et le maître de la loge.
- Les mots de passe, communiqués pendant la cérémonie, sont « Tub… » au 1er grade, « Schi … » au 2ème grades et « Gib… » au 3ème grade.
- Les voyages du candidat au 1er grade sont marqués par les purifications par l’eau et le feu Il est vraisemblable que ces purifications furent une innovation du Rite Ecossais Philosophique, adoptée ensuite par le GODF, puisqu’elles manquent dans les divulgations françaises des années 1745-1755, comme dans les rituels du marquis de Gages de 1767. .
- La lettre G, dévoilée au 2ème grade, signifie « Gloire à Dieu, Grandeur au Vénø et Géométrie à tous les Maçons ». Elle désigne le Grand Architecte de l’Univers.
- Point essentiel, la version de la légende d’Hiram est celle qui était en usage en France depuis l’introduction du grade de maître : l’ancien Mot de Maître, Jehova, n’est pas perdu lors de la disparition de l’architecte. Il est seulement remplacé par un mot de substitution M…B … Ceci est un élément fondamental car le Rite des « Anciens » affirmait au contraire que seuls trois le connaissaient. La mort d’Hiram empêchait qu’il fût encore communiqué et le choix d’un mot de substitution devenait ainsi bien plus qu’une marque de prudence.
Si Rite Ecossais et Rite Français étaient foncièrement identiques, il nous faut cependant souligner une différence conséquente : la disposition des grands chandeliers autour du tapis de la loge, décrite par les « Réglements généraux de la Respectable mère Loge Saint Jean d’Ecosse de la Vertu persécutée, à l’Orient d’Avignon », datés de 1774, cités par René Désaguliers dans son article essentiel de 1983.
V
Au milieu du Temple et sur le pavé, séra tracé avec de la craïe, le tableau connu de tout Maçon. Il y aura trois grands chandelliers portant chacun un flambeau : placés, l’un au coin du tableau, entre l’Orient et le midi ; les deux autres à l’Occident, l’un entre le midi & l’Oüest, l’autre entre l’Oüest & le Nord. R. Désaguliers, 1983, 54-55 : 96. Reproduits dans les « Règlements Généraux de la maçonnerie Ecossaise », imprimés à Paris par l’imprimerie de Nozou, rue de Cléry, n°9, 1812. (Exemplaire conservé au musée de l’armée, Bruxelles).
Or cette disposition, SE-SO-NO, qui nous paraît familière puisque c’est celle du Rite Moderne Belge, n’était pas celle des premières loges françaises. Les « tableaux » illustrant les premières divulgations Catéchisme des Francs-maçons, 1744, fig 2 et 3 ; L’Ordre des Francs-Maçons trahi et le Secret des Mopses révélé, 1745 ; La désolation des entrepreneurs modernes, 1745 ; le Maçon démasqué, 1745, pour ne citer qu’eux. et les gravures célèbres de Lebas montrent invariablement les chandeliers aux angles NE-SE-SO. Dans la confession de John Coustos aux inquisiteurs portugais, en 1743, nous lisons que le vénérable maître, siégeant à l’Est, était flanqué de deux bougies tandis qu’une troisième brillait à l’Ouest auprès de deux surveillants S.Vatcher, (1968) : 9-67. , disposition confirmée par les divulgations françaises, à condition de bien les lire :
Dans les Loges regulieres & bien achalandées, ces Chandeliers hauts comme des Chandeliers d’Autel, sont communement de forme triangulaire Les illustrations du « Régulateur » montrent des chandeliers de forme triangulaire. & decorés des attributs de la Maçonnerie. Les quatre points Cardinaux marqués sur le Dessein reglent la place des trois Cierges, du Grand Maître Nous dirions le Vénérable Maître. & des deux surveillants. On met une de ces lumieres à l’Orient, l’autre au Midi, & la troisieme à l’Occident. Le Grand-Maître se place à l’Orient, entre la lumiere d’Orient & celle du Midi Nouveau catéchisme des Francs-Maçons…, M.CCCC.XL depuis la déluge, p.43. Ecrit anonyme sans doute de Louis Travenol. Fesch le date de 1740, ce qui est impossible (lire 1749). Les mots soulignés par moi démontrent que la lumière d’Orient est au NE, celle du Midi au SE. La légende accopagnant le tableau du 3° grade confirme cette interprétation. .
Les loges du GODF avaient conservé cette disposition comme le montrent les illustrations du « Régulateur du Maçon » (1801) : la loge d’apprenti y est éclairée par trois bougies portées par trois grands chandeliers triangulaires placé aux angles N.E., S.E. et S.O. Il s’agit là d’un autre exemple de la fidélité du « Rite Français » aux traditions de la Grande Loge anglaise dite des Modernes puisque cette disposition était celle des « nouvelles loges selon les instructions de Désaguliers » In «Dialogue between Simon and Philip », D.Knoop, G.P. Jones, D.Hamer, 1943, rééd. 1963 : 181. , selon un texte fondamental anglais du début du siècle précédent. Les loges françaises suivaient ainsi la coutume de la maçonnerie dite plus tard « moderne », celle de la Grande Loge de 1717.
La signification de ces lumières était donnée par Prichard qui, dans son « Masonry dissected » de 1730, écrivait :
Q. Have you any Lights in your Lodge ? A. Yes, Three.
Q. What do they represent ? A. Sun, Moon and Master-Mason.
N.B. These Lights are three large Candles placed on high Candlesticks (my italics).
Q. Why so ? A. Sun to rule the Day, Moon the Night, and Master-Mason his Lodge Ibidem 1963 : 163. .
Les rituels français avaient fait un pas de plus en les dénommant « Grandes Lumières »
Que vîtes-vous lorsque vous fûtes reçu maçon ?
Trois Grandes Lumières disposées en équerre, l’une à l’Orient, l’autre à l’Occident et la troisième au Midi.
Que signifient ces trois Grandes Lumières ?
Le soleil, la lune et le maître de la loge Le Recueil précieux de la maçonnerie Adonhiramite, 1786 : 23. .
Si la loge anglaise était éclairée par trois lumières, elle était supportée par trois « piliers », Sagesse, Force et Beauté, représentées par le vénérable maître et les deux surveillants. Les deux Grandes Loges « Moderne » et « Ancienne » étaient, pour une fois, d’accord sur ce point. Les divulgations des années 1760 ({The Three distinct Knocks Or the Door of the most Antient Free-Masonry} […]) et de 1762 ( Jachin and Boaz or an authentic key to the door of Free-Masonry [….]) rapportaient le même dialogue :
Mas. What supports your Lodge ?
Ans. Three great Pillars.
Mas. What are their Names ?
Ans. Wisdom, Strength and Beauty.
Mas. Who doth the Pillar of Wisdom represent ?
Ans. The Master in the East.
Mas. Who doth the Pillar of Strength represent ?
Ans. The Senior Warden [in the West].
Mas. Who doth the Pillar of Beauty represent ?
Ans. The Junior Warden [in the South] Je mets entre crochets les mots « in the West » et « in the South » car ils dénotent l’usage tardif et typiquement « antient » qui avait ainsi déplacé les surveillants. Les « Moderns » les situaient tous deux à l’Occident, comme c’est toujours l’usage sur le continent dans les Rites d’ascendance « Moderne »., .
Les premières divulgations françaises allaient plus loin et affirmaient l’assimilation de ces « piliers » aux colonnes J et B du temple de Salomon (« pillar » se traduit indifféremment par colonne ou pilier, alors qu’en français, colonne désigne un support de forme circulaire, pilier désignant un support de forme quelconque). Lorsqu’il décrit le tableau de la loge, le « Nouveau Catéchisme des Francs-Maçons» (p.41) est très explicite :
Au dessous [de la fenêtre d’Orient], où ils supposent Notons le « Supposent » : cette troisième colonne est imaginaire. un troisième Pilier, Beauté. Sur l’une des deux Colomnes réelles, Force & un grand J. qui veut dire JaKhin, & sur l’autre Sagesse & un grand B. qui veut dire Booz, & dans le centre de l’Etoile Flamboyante paroit un grand G.

Légende : tableau de la loge d’apprenti-compagnon du « Nouveau catéchisme des Francs-Maçons » de 1749. Remarquons l’emplacement des flambeaux-lumières marque par des macarons
Oublions la disposition variable, et parfois fantaisiste, de Sagesse, Force et Beauté. L’important est l’assimilation des « supports » de la loge aux deux colonnes J et B du temple de Salomon et leur association très forte aux deux surveillants. Le rituel de compagnon (1767) de la loge du marquis de Gages, La Vraie et Parfaite Harmonie à l’orient de Mons ne disait rien d’autre :
La colonne des apprentis porte les lettres J-F pour Jakin et Force ; la colonne des compagnons les lettres B-B pour Boaz et Beauté.
D’où le schéma suivant :

Fig. 2: Disposition de la loge française
En résumé, la loge française
- est supportée par trois colonnes, Sagesse-Force-Beauté, dont deux ne sont autres que les colonnes, J et B, du temple de Salomon, auxquelles sont associées les Surveillants, la troisième, imaginaire, l’étant au Maître de la loge ;
- elle est éclairée par trois lumières disposées en équerre aux angles de la loge : le soleil, la lune et le Maître de la loge.
Le déplacement des lumières dans la loge avignonnaise Cette disposition nouvelle sera adoptée par Willermoz dès sa première version des rituels du Rite Ecossais Rectifié (1778). modifiait radicalement la géographie de la loge et les associations symboliques qu’elle recelait. En effet, l’article suivant des Règlements généraux stipulait
VI
Toute assemblée de Maçons séra appellée Loge et séra présidée par un frere qu’on nommera Vénérable, et par deux autres freres qu’on appellera Surveillants qui représentent les Trois Lumieres ou les Trois Colonnes de la Loge, laquelle aura encore pour Officiers un Orateur, un Secrétaire, un trésorier, un garde des Timbres et Sceaux, deux Maîtres des Cérémonies, un Maître Ordonnateur des Banquets et deux Infirmiers et Aumoniers In Désaguliers, 1983 : 96.. L’auteur ajoute que ces articles se retrouvent inchangés dans les « Règlements Généraux de la Mère Loge Ecossaise du Contrat Social », datés de 1780, ainsi que dans les « Règlements Généraux de la Maçonnerie Ecossaise » imprimés par la mère Loge Ecossaise de Saint Alexandre d’Ecosse en 1805. ces Règlements furent réédités par l’imprimerie de Nouzou, à Paris, en 1812. (souligné par moi).
Alors que les colonnes et les lumières constituent deux ternaires distincts dans la loge Française, ils sont ici fondus en un ensemble unique réunissant les trois officiers principaux, les chandeliers et les supports de la loge, ensemble illustré par la disposition nouvelle des chandeliers d’angle. Tout naturellement, les colonnes J et B en perdront leur fonction de support de la loge.
L’instruction du grade d’apprenti du Rite Ecossais Philosophique contient en germe l’annonce de cette fusion :
D : Qu’avez-vous vu quand on vous a donné la Lumière ?
R : Trois grandes lumières ; le Soleil, la Lune & le Vénø …
D : N’avez-vous point vu d’autres Lumières ?
R : Trois grands flambeaux qui représentent le Vénø et les Survø
Ceci permit à R. Désaguliers d’écrire en 1983 :
C’est à mon sens, cette disposition des chandeliers-colonnes autour du tapis-carré long et leur association étroite avec le Vénérable et les deux Surveillants qui fonda le « Rite Ecossais » pour les trois premiers grades R. Désaguliers, 1983 : 97. Ecrivant sous le nom de René G., cet auteur avait déjà développé cette analyse en 1963 (Les trois colonnes Sagesse-Force-Beauté et les Trois grands Chandeliers). .
Concluons rapidement :
Dans une loge Ecossaise,
- le Vénérable Maître et les deux Surveillants sont à la fois lumières (les grands chandeliers) et colonnes (Sagesse-Force-Beauté, supports de la loge),
- les trois grands chandeliers, par un glissement sémantique bien compréhensible, deviennent donc aussi les trois piliers-supports de la loge,
- les deux colonnes J et B perdent leur signification originelle pour n’être plus que les colonnes des apprentis et des compagnons,
- le ternaire traditionnel, Soleil-Lune-Vénérable Maître, est maintenu mais son association aux chandeliers a disparu.

Fig. 3: Disposition de la loge Ecossaise
Le tout peut être résumé par une grille assez simple :
|
Rite Français |
Rite Ecossais |
|
|
|
Disposition des colonnes |
J au NO, B au SO |
J au NO, B au SO |
Disposition des surveillants |
J au NO, B au SO |
J au NO, B au SO |
Disposition des lumières (flambeaux d’angle) |
NE, SE, SO |
SE, SO, NO |
Acclamation |
Vivat, Vivat, Vivat |
Houzey, Houzey, Houzey |
Grandes lumières |
Soleil, lune, maître de la loge |
Soleil , lune, maître de la loge |
Fig. 4: Comparaison des rites Français et Ecossais
La seule différence significative est la fusion, au Rite Ecossais, des colonnes et des lumières, fusion induite par leur déplacement aux mêmes angles que les colonnes.
Rien dans tout cela ne justifie la condamnation d’Abraham. La maçonnerie « Ecossaise » différait peut être de la maçonnerie française classique, mais pas d’une façon aussi radicale que le prétendait le chantre de l’écossisme. Toutes deux relevaient de l’influence du « Rite Moderne » introduit en France avec l’Ordre maçonnique mais adapté aux sensibilités locales. Le point de rupture ne se trouvait pas dans les rituels des grades bleus mais bien dans le désir de conférer, comme par le passé, les hauts-grades dans les loges et le refus de l’autorité « dogmatique » du Grand-Orient. Il n’est pas exagéré, me semble-t-il, d’avancer que la résistance des loges Ecossaises fut provoquée par la volonté centralisatrice du GODF et non par l’abandon d’une certaine tradition initiatique imaginaire.
Quoiqu’il en soit l’ostracisme du Grand-Orient prépara le terreau qui permit l’éclosion, en France, d’un Rite jusque là inédit, le Rite Ecossais Ancien et Accepté, car, sans l’appui inconditionnel des « Ecossais » condamnés par le Grand-Orient, les protagonistes de 1804 n’auraient pu mener leur entreprise à bien.
2. L’année 1804 et le retour des « Américains »
Depuis le 19 Brumaire de l’an VIII (10 novembre 1799), le Directoire avait fait place au Consulat présidé par Bonaparte. En mars 1802 fut signée la paix d’Amiens avec l’Angleterre, bientôt suivie d’une loi d’amnistie générale (avril 1802) qui permit le retour en France des émigrés. En août de la même année, Bonaparte, nommé Premier Consul à vie, en profita pour faire ratifier la Constitution de l’an X qui lui donnait des pouvoirs accrus, première étape vers le rétablissement d’un pouvoir monarchique.
En avril 1803, l’Angleterre exigea, pour dix ans, la cession de l’île de Malte qu’elle aurait du évacuer aux termes de la paix d’Amiens, et l’évacuation par la France de la Suisse et de la Hollande. L’ultimatum fut rejeté par le gouvernement français et la guerre recommença. Elle devait durer onze ans, jusqu’à la chute de Napoléon.
En mars 1804, en représailles à un complot royaliste, Bonaparte faisait enlever dans le duché de Bade le duc d’Enghien, petit-fils du prince de Condé. Transféré à Vincennes, le duc d’Enghien fut fusillé après un simulacre de procès (mars 1804). Enfin, le 18 mai 1804, un sénatus-consulte, connu sous le nom de Constitution de l’an XII, proclamait Bonaparte Empereur des Français. Il fut sacré en la cathédrale Notre-Dame de Paris par le pape Pie VII Ou plutôt se sacra lui-même en présence du pape! le 2 décembre 1804.
C’est dans cette période riche en événements qu’apparut en France le Rite Ecossais Ancien et Accepté, ramené dans les bagages des exilés qui revenaient au pays.
Le premier fut Germain Hacquet, notaire de Saint-Domingue au solide passé maçonnique. Né à Paris en 1758, il avait appartenu aux loges Les Frères Réunis (Cap-Français), et La Réunion des coeurs franco-américains (Port-au-Prince) avant de s’affilier à L’Aménité à Philadelphie en 1797, qu’il quitta l’année suivante. Il y reçut une patente de Député Inspecteur Général du Rite de Perfection des mains de Pierre le Barbier Duplessis en 1798. De retour en France, en avril 1804, il institua les ateliers du Phenix dits Ecossais d’Héredom, une loge symbolique le 14 juin, un Conseil de Chevaliers Kadosch le 15 septembre et un Consistoire des Princes du Royal Secret les 19 et 20 du même mois. Bien accueilli par le Grand-Orient, il lui apportait le grade du Royal Secret de Morin et Francken, grade que la France n’avait jamais connu A. Doré, 1991 : 144-145, Voir aussi Baynard, 1939 : 66, et Vassal, 1827 : 17. En 1815, Hacquet devint le premier Grand Commandeur de ce qui devait devenir le Grand Collège des Rites. .
Grasse-Tilly le suivit de peu. Le Grand Inspecteur Général et Grand Commandeur du « Suprême Conseil au 33e Grade établi aux Isles Françaises d’Amérique », avait, en mars 1802, rejoint à Saint-Domingue les forces du général Leclerc, aventure malheureuse qui se termina par la déconfiture des forces françaises, décimées par la fièvre jaune. Il fut capturé, le 30 septembre 1803, par les Anglais et emmené en captivité en Jamaïque Il y reçut au 33e degré John Morales, Député Grand Inspecteur pour la Jamaïque et président du Consistoire des Princes du Royal Secret établi à Kingston en avril 1770 par Morin (in Gout, 1995, pp. 85-86). Certains documents affirment qu’il y créa dans la foulée un Suprême Conseil (in M.R.Poll, 2000, pp. 42-43). . Entre temps il s’était affilié, à Saint-Domingue, à la loge « Les sept Frères Réunis » fondée par le Grand-Orient de France et constituée « le 21° jour du 12° mois 5801 » (21 février 1802).
Libéré en 1804, de Grasse séjourna brièvement à Charleston Le 15 février de cette année, il signa comme visiteur le procès verbal de la loge « La Candeur ». avant de s’embarquer pour l’Europe. Le 4 juillet, ou peu avant, il débarquait à Bordeaux, dans cette France qu’il avait quittée depuis 15 ans et qu’il eut, n’en doutons pas, quelque peine à reconnaître.
Dès son arrivée à Paris, de Grasse entra en rapport avec la loge Saint-Alexandre d’Ecosse, héritière du Contrat Social, qui venait de reprendre ses travaux le 22 août sous la présidence de Louvain de Pescheloche Il devait mourir à Austerlitz. en relevant le titre deMère-Loge Ecossaise pour les hauts grades du Rite Ecossais d’Avignon (dit Philosophique) Elle remplaçait la mère-loge de Grasse-Tilly, « Saint-Jean du Contrat Social », disparue avec la révolution. Ce jour-là, Louvain de Pecheloche s’en prit au GODF : « Nous sommes toujours les mêmes mais le GO a changé : ces travaux auxquels il a si souvent applaudi, il ne veut plus les reconnaître réguliers pour la fausse acceptation qu’il donne au mot Ecossais. Il rejette de son sein les LL. Ecoø quoiqu’il continue à correspondre avec les GGø OOø étrangers d’où émanent nos constitutions primitives » in Gout, 1985 : 32. . Les événements qui suivirent sont résumés, de façon un tant soit peu lapidaire mais exacte en tous points, par une déclaration de Grasse-Tilly, consignée dans le Livre d’or du S.C. (d’Amérique) Il s’agit du SC « des Isles d’Amérique », fondé, on l’a vu, à Charleston en 1802 et réveillé a Paris en 1810 par son Lieutenant Grand Commandeur, Delahogue (de Grasse était, une fois de plus, prisonnier des Anglais). (18 août 1818) :
En 1804, lors de notre arrivée en France, les Loges Ecossaises étaient frappées d’anathème par le GøOø Nous communiquâmes, à Paris, les hauts grades de l’Ecossisme à plusieurs Maçons aussi zélés que recommandables ; nous établîmes un suprême Conseil du 33e degré pour la France. Ce Conseil, réuni à celui du 33e degré pour l’Amérique, fit, le 5 décembre 1804 avec le GrøOrø, un concordat qui parut si avantageux à la Maçonnerie, que ce dernier fit frapper des médailles pour perpétuer le souvenir de son existence In Extrait du livre d’or du Suprême Conseil. 18 août 1818 : 1-2. Cité par Gout, 1985, p.17. .
C’est de là que date l’introduction en France du Rite Ecossais Ancien et Accepté, avec ses 33 grades organisés aux Etats-Unis en un échelle inédite qu’ignoraient les « Ecossais » de France, notamment les défenseurs du Rite Ecossais Philosophique.
Outre de Grasse, plusieurs membres du Suprême Conseil d’Amérique se trouvaient à Paris, notamment Caignet, Antoine et Toutain, tous revêtus du 33e degré Delahogue, beau-père de Grasse-Tilly, ne regagna la France qu’à la fin de l’année 1804, après un séjour de plusieurs mois à la Nouvelle-Orlénas.. . Avec eux, de Grasse entreprit de compléter son Suprême Conseil en exil pour atteindre les neuf membres prévus par les Grandes Constitutions de 1786 (article 5) et de former un Suprême Conseil pour la France suivant les règles fixées par ces mêmes Constitutions. Il conféra donc aux principaux officiers de Saint-Alexandre ceux des grades du Rite Ancien et Accepté que ne possédait pas le Rite Philosophique Notamment le « Prince du Royal Secret », 32e degré, et le « Grand Inspecteur Général », 33e et dernier degré du Rite. . Le 28 août, de Grasse reçut au 32e degré « du rit ancien et accepté » Joseph Louis Louvain de Pescheloche, V.M. de Saint-Alexandre, puis, au 33e degré, Jean Nicolas le Tricheux (30 septembre) et Louis Charles Bailhache (8 octobre) Le Tricheux devenait membre du SC de France, Bailhache du SC d’Amérique. (in Bernheim, 1986, 3e partie, pp. 136-137). . Entre le 18 septembre et le 28 octobre 1804, 14 frères au total furent élevés aux différents degrés du Rite, du 13e au 33e degré In Gout, 1995, pp.46-47 :
- Francois-Christophe Kellermann, Maréchal de l’Empire, (duc de Valmy en 1808) (sans date connue).
- Bernard-Germain-Etienne de la Ville, comte de Lacépède , membre de l’Institut, grand chancelier de la Légion d’Honneur, sénateur (sans date connue).
- Louis-Charles Bailhache, ancien officier (8 octobre 1804)
- Jean-Baptiste Vidal, ancien propriétaire (10 octobre).
- Germain Hacquet, négociant, ancien notaire à Saint-Domingue (11 octobre?).
- Claude-Antoine Thory, ancien agent de change, banque et finances de la ville de Paris (plus tard Chevalier) (12 octobre).
- Godefroid-Maurice-Marie-Joseph, prince de La Tour d’Auvergne, colonel d’infanterie (13 octobre).
- L’abbé Jean-Joseph Bermond d’Ales d’Anduze, ancien chanoine-comte de Vienne, vicaire général honoraire d’Arras (14 octobre).
- Jean-Baptiste de Timbrune de Thiembronne, comte de Valence, général de division (plus tard sénateur, comte de l’empire, pair de France) (15 octobre).
- Frédéric-Charles-Joseph de Haupt, ancien chevalier de Malte (16 octobre).
- Bernardin Renier, ex-noble vénitien (19 octobre).
- Joseph-Louis Louvain de Pescheloche, major (20 octobre)
- Jean-Pierre Mongruer de Fondeviolles, propriétaire à Saint-Domingue (24 octobre).
- Jean-Baptiste Pyron, ancien avocat, peu après « Secrétaire du Saint-Empire » (25 octobre).
. Six de ces promus étaient, outre de Grasse lui-même, membres du Rite Ecossais philosophique : Louvain de Pescheloche (vénérable fondateur de Saint-Alexandre), La Tour d’Auvergne (vénérable en chaire), de Haupt (orateur), Thory (1er surveillant), l’abbé d’Alès (trésorier) et Valence (Président du Souverain Chapitre Métropolitain).
Quand fut formé le Suprême Conseil de France ? Curieusement, aucun auteur ne cite de procès-verbal d’une tenue qui aurait vu l’installation officielle de cet organisme ! Thory (1757-1827) avance deux dates différentes.
En 1812, il écrit :
Le Suprême Conseil du 33e degré a été érigé à Paris, et organisé provisoirement le 22 décembre 1804. Sa constitution définitive a été décrétée et publiée le 19 janvier 1810 Thory, 1812, p.147. .
En 1815, il se ravise et écrit :
22 septembre (1804) : Fondation par M. le comte de Grasse-Tilly d’un Suprême Conseil, pour la France, de Souverains Grands-Inspecteurs généraux du 33e degré du Rite Ancien Accepté in « Acta Latomorum… », 1815, vol. I, p. 222. Cette date est acceptée par Lantoine. .
Pour A.Doré, ces dates sont une supercherie. Aucun atelier maçonnique, de quelque niveau que ce soit, n’existe sans un acte constitutif, signé par ses fondateurs et dûment archivé dans l’institution dont elle dépend. Or ce Suprême Conseil n’a laissé aucune trace de sa fondation ! « Il n’y aura pas, écrit Doré, de Suprême Conseil de France avant le 19 janvier 1811, et encore disparaîtra-t-il en 1814 avec l’Empire pour ne réapparaître que le 6 juin 1821 » A. Doré, 1991, p. 149. . Gout n’est pas de cet avis. S’il reconnaît implicitement que l’acte constitutif du Suprême Conseil manque (ne fût-ce qu’en ne le citant pas), il s’appuie sur un discours du baron de Haupt, orateur de Saint-Alexandre, qui, le 23 janvier 1805, évoquait, sans la dater la création du Suprême Conseil :
La Rø Mère Lø Ecoø s’occupait d’ouvrir sa correspondance avec les RRø LLø de son régime, quand elle fut instruite que le Tø Illø et Tø Rø Fø de Grasse-Tilly avait réuni en sa qualité de Gd Commandeur ad vitam le Supø Conseil du 33e et dernier degré » E. Gout, 1985, p. 19. .
Subtilement, Gout argue de l’article 5 des grandes Constitutions qui stipule que lorsque
trois (des neuf membres d’un SC), si le très puissant souverain (grand commandeur) ou l’illustre inspecteur (lieutenant grand commandeur) sont présents, peuvent procéder aux affaires de l’ordre et former le conseil complet
pour estimer que le Suprême Conseil fut de facto constitué dès que le quota minimum de trois Grands Inspecteurs Généraux fut atteint, c’est à dire le 10 octobre 1804, date de la réception de Vidal qui, avec de Grasse lui-même et Le Tricheux, vint compléter ce nombre Ibid. p.23 .

Légende : page d’un registre conservé dans la bibliothèque du SCPLB. Le SCDF aurait été créé le 22 septembre 1804. Le compte-rendu en existait bel et bien, mais la veuve de Thory aurait refusé de le rendre.
Par contre, la création de la Grande Loge Générale Ecossaise, décidée le 23 octobre 1804, par un Comité général des Vénérables et Députés des loges Ecossaises, convoqué à l’initiative de Saint-Alexandre d’Ecosse, ne fait aucun doute. Ce comité général, considérant « qu’il était important que le rite écossais d’Heredom soit régulièrement et scrupuleusement conservé…, les grades du régime écossais étant les seuls connus dans les orients étrangers…qu’il était de la dignité des maçons français du rite ancien d’avoir un point central dans la capitale de l’Etat » arrêtait établir la Grande Loge Ecossaise de France et offrait la Grande Maîtrise au prince Louis Bonaparte, frère de Napoléon et connétable de l’Empire in A. Doré, 1991, p.150. . Le comité nommait dans la foulée les Grands Officiers, dont Grasse-Tilly, représentant du Grand Maître ; Kellermann, Grand Administrateur ; Valence et Lacépède, Grands Conservateurs ; Hacquet, premier Grand Surveillant… La Grande Loge Générale tint sa première assemblée le 27 octobre et, le 1er novembre, annonçait son existence au monde maçonnique français en une circulaire qui fit grand bruit Texte dans A. Lantoine, 1927, pp. 128-129. . Lors de sa troisième séance, le 10 novembre, elle créa trois chambres et nomma trente nouveaux Grands Officiers, dont Jean-Baptiste Pyron (1750-1818) et Claude Antoine Thory. A. Doré, 1991, p.152.
Si l’affaire semblait bien engagée, la volonté de Napoléon vint changer la donne. Il exigea la fusion immédiate du Grand-Orient et de la Grande Loge Générale, fusion qui fut entérinée par un traité d’union dit « concordat », signé le 3 décembre 1804 au domicile du maréchal Kellermann E. Gout, 1995, p. 54. . Le traité fut ratifié le 5 décembre par les deux obédiences et, le même jour à minuit, la Grande Loge Ecossaise fut admise dans le temple du Grand-Orient. Grasse-Tilly, représentant du Grand Maître, prêta serment entre les mains du Grand Vénérable, Roëttiers de Montaleau, et celui-ci prêta, entre les mains de Grasse-Tilly, serment d’union et d’attachement au Grand-Orient A. Doré, 1991, p.154. . Les deux Rites étaient provisoirement unis.
Le document adopté ce jour-là débute par un « acte d’union », espèce d’énoncé des motifs.

Légende : document conservé dans la bibliothèque du SCPLB. Le texte entier est signé par Grasse-Tilly, Montaleau, Challan, Doisy, Defoissy, Pyron Thory et autres ; certifié par Pyron, Grasse-Tilly, Vidal et Thory.
La suite du texte s’intitule « De la Constitution générale de l’Ordre » In Extrait du livre d’architecture de la Rø Lø Ecossaise de Saint-Napoléon à l’Oø de Paris, 1805 : 9-62. , sans que les mots « traité d’Union » réapparaissent. Il concerne l’organisation de l’Ordre maçonnique dans son ensemble, grades symboliques et hauts-grades, et prévoit les différentes structures de direction, Grand-Orient, Grand Chapitre général, Grande Loge symbolique d’administration, Grand Conseil des vingt-sept…. Le Suprême Conseil faisait partie intégrante du Grand Chapitre général, mais obtenait une prérogative exorbitante : le droit de destituer un grand officier du Grand-Orient sur plainte de son atelier, que celui-ci soit ou non « de hauts-grades ».
Du grand conseil des députés inspecteurs-généraux du 32° degré, et du sublime conseil du 33°.
Le Grand-Orient de France possède, dans le grand chapitre général, le grand conseil du 32e degré et le sublime conseil du 33e degré.
Les attributions du 33e degré, indépendamment de celles qui appartiennent à ses fonctions, sont de s’occuper des plus hautes connaissances mystiques et d’en régler les travaux.
Il prononce sur tout ce qui tient au point d’honneur ; il peut destituer un grand officier du Grand-Orient de France, par suite des plaintes et dénonciations qu’il reçoit exclusivement de la part de celui des ateliers auquel appartient l’officier inculpé, d’après des formes maçonniques.
Le suprême conseil du 33° degré peut seul réformer ou révoquer ses décisions
Des attributions des grands chapitres métropolitains.
… Chaque classe ne pourra v conférer que les grades qui seront indiqués par le Grand-Orient de France dans son grand chapitre général, de manière que ceux de la seconde classe ne pourront être conférés que dans le chapitre qui en aura reçu les pouvoirs, et ainsi de classe en classe.
Les quatorze premiers grades seront les seuls que les Chapitres particuliers pourront conférer.
Le quinzième, jusques et y compris le dix-huitième, ne pourront être conférés que dans le grand chapitre général du Grand-Orient de France.
Le 33° degré n’appartient qu’au sublime grand conseil de ce nom, qui seul peut le conférer…
Les inspecteurs généraux du rit ancien, reconnus pour tel jusqu’à ce jour, sont membres nés du grand conseil du 32° degré in Sétier, 1832 : 60-65. Très imparfaitement cité par Jouaust, 1865 : 309-310. .
Le traité, ou concordat, ne pouvait satisfaire les Ecossais :
- Le mot « Traité » n’apparaît que dans l’énoncé des motifs, pas dans le corps du texte.
- Le titre « Ecossais » n’est cité qu’une fois, à l’article 5 des Dispositions Générales (« les respectables frères Lacépède, Hacquet, Godefroy de la Tour d’Auvergne, De Trogoff, Thory, Bailhache etc, …, membres de l’ancien rit écossais ancien et accepté C’est la première fois qu’apparaît l’expression « Rit écossais ancien accepté ». , sont proclamés affiliés libres de toutes les loges et de tous les chapitres de France ») or la reconnaissance de ce statut était une revendication essentielle.
- Le pouvoir des 33° se limitait à la seule administration des deux derniers grades, 32° et 33°, les autres dépendant du Grand Chapitre général, émanation du Grand-Orient.
- Seule la prérogative inattendue de destitution éventuelle des Grands Officiers semblait reconnaître au « Sublime Conseil » une autorité disciplinaire que rien, il faut le dire, ne justifiait.
Seule consolation, les Grands Inspecteurs Généraux La plupart recevaient un prix de consolation. Hacquet, Fondeviolles, Giraud, Pyron, Thory, Bailhache, de Trogoff devenaient Grands Officiers de deuxième classe. avaient obtenu le droit de siéger à l’Orient, mais à une place subalterne : devant les Grands Conservateurs et les Grands Administrateurs du GODF Des préséances dans le Grand-Orient de France, in Sétier, 1832 : 71 .
Ces articles ne laissaient aux 33e de Grasse-Tilly qu’une bien maigre portion. Il contenait en germe les causes du conflit qui amena, dès l’année suivante, la remise en cause du traité d’union. En attendant, de Grasse usa de ses pouvoirs pour admettre, le 29 décembre, au 33e degré deux des trois Commissaires du Gø Oø qui avaient participé à la rédaction du projet de traité, Roëttiers de Montaleau et Challan Pour une cause inconnue, le troisième commissaire, Bacon de la Chevalerie, ne fut pas admis au nombre des élus. , tandis que leurs collaborateurs immédiats étaient reçus aux 30e et 31e degrés. Enfin les Rose-Croix du Rite Français, membres du Rite lors de l’union, étaient collectivement « élevés » au dix-huitième degré du Rite Ancien Accepté. La formule du serment prêté pour l’occasion prévoyait de « respecter les décrets du Suprême Conseil » E. Gout 1985, p. 28. .
Les mois qui suivirent virent des événements singuliers que nul n’a jamais pu débrouiller avec certitude. Nous n’en retiendrons que les faits qui en relation avec notre propos.
La Grande Loge Générale Ecossais tint sa dernière séance le 5 décembre 1804, jour de la ratification du traité d’union, et, le 8 janvier 1805, elle déposait ses sceaux et archives entre les mains du GODF Pyron, 1817, p. 28. . L’accord entre les deux obédiences fit long feu, diverses manœuvres des uns et des autres le firent échouer et, le 6 septembre 1805, quatre-vingt-un 32° se réunirent chez le maréchal Kellermann et dénoncèrent le traité d’union de décembre 1804 Pyron, 1817 : 36-41. Lantoine, 1927, II : 141-143. .
Les Princø Maçø, Souverains Grands Inspecteurs Généraux, membres du trente-troisième degré en France, formés en Grand Consistoire avec les Princø Maçø, députés Inspecteurs de Rø Secø, délibérant en commun avec les Vénø des Loges Ecossø, et autres membres du même rit présens à la délibération, et convoqués extraordinairement,
Considérant que la Grande Loge Générale Ecossaise de France s’était unie au GøOø, d’après des communications qui lui avaient été faites ;
Qu’il en est résulté un Concordat entre les deux Rits ;
Que le Concordat a été accepté par les deux Rits, sanctionné dans l’assemblée générale du 5°ø Jø du 10°ø Mø 5804, et consacré par la signature et prestation de serment de chacun des membres d’être fidèle à son exécution ;
Que les membres du Rit Ecossø ont scrupuleusement observé et exécuté les différentes dispositions contenues dans ce Concordat, tandis au contraire que les membres du Rit Moderne ont aboli :
Le Conseil des vingt-sept, le Grand Conseil du trente-deux, le Souverain Conseil du trente-troisième, en substituant un Directoire des Rits auquel on concède la faculté de ne reconnaître que ceux qu’il lui conviendra d’adopter, au mépris du Concordat qui unissait au GøOø tous ceux professés sur les deux hémisphères ;
Qu’ils ont dénaturé, et même annulé la nouvelle organisation maçonnø consacrée par le Concordat sur la foi duquel le Rit écossø avait consenti à s’unir au Gø Oø ;
Qu’ils ont mis à l’écart les lois, statuts et règlemens généraux, ainsi que les formalités voulues par ces mêmes lois qui étaient une garantie pour tous les Maçø qui les observaient,
Ont décrété, à l’unanimité, le scrutin n’ayant rapporté aucune boule noire, les articles qui suivent :
Décret :
Article 1er : L’ancien Rit Ecossais n’est plus uni au GøOø Le concordat du troisième jour du dixième mois 5804 est regardé comme non avenu.
Art II : La Grande Loge générale Ecossø est rétablie. Ses travaux seront remis en activité dans le plus bref délai ; à et effet les anciens membres sont dès à présent convoqués pour reprendre provisoirement leurs fonctions.
Art III : Une commission, composée de 12 Princes Maçons, présentera dans la séance indiquée au 16 de ce mois, les articles provisoires de cette constitution et d’une nouvelle organisation. Les membres de cette commission seront les RR.FF.
Kellermann, grand Administrateur de la GLE.
Pyron, grand Orateur
Reiner, grand secrétaire
Thory, VM de Saint Alexandre
Fondeviolles, VM de la Triple Union
Girault, VM de la Réunion des Etrangers
Hacquet, VM du Phénix
Bailhache, VM de St Napoléon
Saint Eloi, VM de Sainte Joséphine
De La Flotte, VM de la Parfaite Union
Le Court Villiers, Orateur de St Napoléon
Tureau, Orateur de Sainte Joséphine.
Art IV : la loge de Saint Alexandre d’Ecosse reprendra des ce jour son titre de Mère-Loge.
Art V : La notification du présent décret sera faite dans la journée de lundi prochain au GøOø de France en la personne du Røø F øøMontaleau, par les Vénérables de la Salle, Hacquet et De La Flotte.
Art VI : il en sera fait part au FF. Ecossais de Marseille, Douai, Valenciennes, au chapitre jacobite d’Arras et au F. Mattheus de Rouen, avec invitation de nommer sur le champ un député pour concourir à la formation nouvelle des Statuts et Règlemens du Rit Ecossais en France. et à l’ organisation définitive de la Grande Loge et à toutes les Loges et Chapitres, quelque soit leur Rite soit en France ou hors de France sur les deux hémisphères.
Art VII : Néanmoins, la présente délibération ne recevra exécution définitive qu’autant que le GøOø de France n’aura pas rétabli, d’ici au 15 de ce mois exclusivement, le concordat…dans toutes les dispositions qu’il renferme, tel qu’il a été signé par les Commissaires des deux Rits, et qu’il n’aura pas annulé les différens arrêtés et délibérations par lui pris et qui sont contraires tant aux dispositions qu’aux formes et formalités prescrites par le Concordat ; à l’effet de quoi la séance est continue au seizième jour de ce mois pour donner à la présente délibération sa pleine et entière exécution, dans le cas où le Gø Oø N’aura pas obtempéré à la présente délibération…. Notons qu’aucune des loges citées ne faisaient partie de la Grande Loge de France qui s’était unie en 1799 au GODF. Il est donc faux de dire que cette Grande Loge s’était « reconstituée ».
Le 16 septembre, les mêmes décidaient que les deux Rites étaient séparés et qu’ils travailleraient séparément chacun suivant son dogme.
Que le Conseil du trente-deuxième degré des Sublø Princø de Rø Secø et le Souverain Conseil des Grands Inspecteurs-généraux trente-troisièmedegrén’ont plus leur siège dans le grand Chapitre général, ainsi qu’il avait été décrété par le Concordat.
Que les différents Rits unis au Gø Oø y seraient seulement représentés par des Commissaires de chaque Rit, formés en directoire des Rits Les Ecossais acceptaient donc la formation de ce Directoire des Rits, souvent présenté comme le casus belli qui mit le feu aux poudres ! unis, sous la condition expresse de se conformer aux instructions qui leur seraient données par leur Rit Pyron, 1817 : 40-41. .
Le 24 septembre était constitué le Grand Consistoire de France, en lieu et place de la Grande Loge Générale Ecossaise qui ne sera jamais rétablie :
Le Suprême Conseil, usant de la puissance dont il était investi par les grandes constitutions de 1786, au lieu de remettre en activité la Grande Loge Ecossø, conformément à la délibération des quatre-vingt-un Princø Maçø du six (sic) du même mois, organisa, dans la même séance du 24 septembre, un Grand Consistoire du trente-deuxième degré ; il proclama les membres appelés à le composer, et procéda de suite à leur installation.
Il arrêta en outre qu’il organiserait dans les villes principales, aussitôt que les circonstances l’exigeraient, des Conseils particuliers du trente-deuxième degré, et des Tribunaux du trente-unième … On ne s’occupa point, dans cette séance, de l’initiation aux dix-huit premiers degrés Souligné par moi. , ni de la concession des chartes capitulaires propres à ces degrés. Le mode de cette concession consentie par le Concordat, continua tacitement de subsister, sauf à s’en occuper lorsque la dignité du Rit, le maintien de la puissance suprême dont il a été investi par les constitutions de 1786, et le respect dû aux lois et statuts généraux de chaque Rit, commanderaient de ne plus laisser concéder ces degrés parties intégrantes du Rit ancien, par un Rit auquel ils sont totalement étrangers ; et, à cet égard, le GøOø ne peut représenter aucun traité entre lui et le Rit ancien, postérieur à l’arrêté de ses commissaires du 16 septembre 1805, et à ses nouveaux statuts et règlements du 17 novembre 1806 dont il sera ci-après parlé Cité par Pyron (1817 : 41) qui est loin d’être un témoin impartial !. .
3. Les premiers rituels des grades « symboliques » du REAA
Dans toute cette affaire, il ne fut pas question des rituels des grades bleus. Tout se résume à une sombre question de suprématie administrative et de préséances protocolaires. Les grands principes affirmés par Abraham et ses amis ne semblent pas avoir retenu l’attention des protagonistes du traité ou de sa rupture. La conclusion en fut un partage des compétences : au Grand-Orient la gestion des grades du 1er au 18°, au Suprême Conseil le monopole des grade supérieurs, monopole dont il ne fit d’ailleurs qu’un usage modéré puisqu’il se limita pendant de nombreuses années à ne conférer, avec parcimonie, que les 31°, 32°et 33° degrés Il fallut la Restauration pour que des loges bleues se placent sous l’autorité du Suprême Conseil d’Amérique d’abord, puis du Suprême Conseil de France lors de son réveil en 1821. .
Les loges bleues sous le premier Empire dépendaient exclusivement du Grand-Orient et le Suprême Conseil ne se mêla jamais de leur fonctionnement. Ce qui ne signifie pas qu’aucune ne travailla au REAA. L’annuaire du Grand-Orient de 1811 cite plusieurs loges, à Paris et en province, travaillant à ce Rite. Trois seulement étaient antérieures au retour en France d’Hacquet et de Grasse-Tilly (Saint-Alexandre, la Triple Unité et Marie-Louise La loge Marie-Louise n’était autre que la Réunion des Etrangers qui avait changé de nom en mars 1810, un mois avant le mariage de Napoléon et de Marie-Louise d’Autriche. ) :
Annuaire du GODF 1811
Paris. 91 loges dont 14 au REAA :
· Les Amis de la Vertu 14 mai 1805
· Le Grand Sphinx 3 novembre 1804
· Jérusalem 11 avril 1804 VM : Rouyer
· Le Lys étoilé 20 mars 1807
· Marie Louise 11 janvier 1784
(ex Réunion des Etrangers)
· Le Phénix 14 juin 1804 VM : Hacquet
· Royal-Arch 2 mars 1806
· Saint Alexandre d’Ecosse 7 juillet 1782
· Sainte Caroline 18 mai 1805 VM d’Honneur: Cambacérès
VM: le Peletier d’Aunay
· Saint Jean d’Ecosse
de la Parfaite Union 22 janvier 1805
· Saint Joseph 29 novembre 1807 VM : Duval Deprémesnil
· Sainte Joséphine 27 janvier 1805
· Saint Napoléon 10 novembre 1804 VM d’Honneur: Kellermann
(fondée par Grasse-Tilly) VM: Rampon
· La Triple Unité 27 septembre 1801 VM d’H: Fondeviolles
En province ou à l’étranger :
¨ 5 loges au REAA : Hédée (Nature et Philanthropie, 25 mars 1809), Lyon (la Bienfaisance, 24 septembre 1806), Rome (la Vertu triomphante, 5 juin 1806), Toulouse (le Faisceau, 15 décembre 1810), Valenciennes (La Parfaite Union et Saint Jean du désert Réunis, 3 juillet 1733)
¨ 8 loges travaillant aux deux Rites : Amiens (la Parfaite Sincérité, 13 décembre 1784), Amsterdam (Sainte Marie Louise d’Autriche, 25 octobre 1810 ; Saint Napoléon, 5 août 1810), Gènes (Saint Napoléon (2 décembre 1805), Le Havre (L’Aménité, 15 mai 1775), Le Saint-Esprit, près de Bayonne (la Parfaite Réunion, 12 mars 1806), Lille (la Fidélité, 21 mai 1805), Limoges (les Amis Réunis, 30 janvier 30 janvier 1805)
¨ Directoire Ecossais du 5° district (sic), fondé le 2 août 1766. Grand Maître Provincial : De Bry
Cinq loges : La Sincérité et Parfaite Union (Besançon), l’Union des Cœurs (Genève), la Réunion désirée (Gray), la Parfaite Egalité (Lons-le-Saulnier), l’Union Parfaite (Salins). |
Puisque il existait sous l’Empire des loges travaillant, sous l’obédience du GODF, au REAA, il devait exister un ou plusieurs rituels propres à ce Rite.
3.1 Le rituel d’apprenti de la Triple Unité Ecossaise.
La première édition imprimée des grades bleus de REAA s’intitule « le Guide des Maçons Ecossais ou Cahiers des trois grades symboliques du Rit Ancien et Accepté ». Il porte la mention « A Edimbourg. 58ø », ce qui n’est guère concluant. Dans le corps du texte, aucune obédience n’est mentionnée et la première santé d’obligation s’adresse « à Sa Majesté et à son auguste famille ». L’omission de l’épithète « Impériale » suffit à attribuer le document à l’ère post-napoléonienne. De fait, la plupart des auteurs s’accordent à y voir un document datant de la Restauration. Est-ce à dire que les rituels dont il s’agit furent rédigés à cette époque ? Nous pouvons, sans le moindre doute, répondre par la négative.
En effet, le hasard m’a permit de découvrir, dans la bibliothèque du Suprême Conseil pour la Belgique Rue Royale, 265, 1030 Bruxelles. , un rituel manuscrit du 1er grade du Rit ancien accepté appartenant à la loge la Triple Unité Ecossaise. Il porte en couverture trois sceaux : au centre, celui de la Grande Loge Générale Ecossaise de France, un aigle rayonnant, ailes déployées, tenant en ses serres une épée et un bâton ; de part et d’autre, celui de la loge La Triple Unité Ecossaise, avec la date 5804.

Cette loge, quoique fondée en 1801, appartenait à la Grande Loge Générale qui n’eut, nous l’avons vu, qu’une vie éphémère, d’octobre à décembre 1804, avant de se fondre dans le Grand-Orient de France, tandis que la Triple Unité passait sous l’obédience de ce dernier. Point essentiel : elle avait, en 1805, pour vénérable le Fø Fondeviolles, « propriétaire à Saint-Domingue », qui fut l’un des premiers reçus au 33° degré par Grasse-Tilly. Ce rituel dut être copié durant cette courte période qui vit, entre autres événements remarquables, le sacre de Napoléon (2 décembre 1804) et le traité d’union du Grand-Orient et de la Grande Loge Générale Ecossaise du Rit Ancien (5 décembre 1804).
La lecture du texte permet d’être plus précis encore. La consécration du néophyte se fait « sous les auspices de la Grande (Loge) métropole d’Hérodom sous le Régime Ecossais réuni au Gø Oø de France ». Comme la Grande Loge Ecossaise s’unit au GODF le 5 décembre 1804 et disparut définitivement le 8 janvier 1805 Pyron, 1817 : 28 lorsqu’elle déposa ses archive et sceaux entre les mains du GODF, on peut raisonnablement avancer que la copie fut achevée au plus tard en décembre 1804 Le rituel lui-même pourrait être plus ancien puisque la loge fut fondée en 1801. .
La lecture de ce rituel essentiel amène une première conclusion : il est identique, à peu de choses près, au « Guide des Maçons Ecossais », ce qui résout une première question : le texte publié sous la Restauration est bien antérieur à celle-ci.
Le document est un cahier de 48 pages, d’une écriture élégante et très lisible. Intitulé : « Rit ancien accepté. Premier grade d’apprentif », il comporte l’ouverture de la loge, l’ouverture des travaux (lecture des derniers travaux, introduction et tuilage des visiteurs), la réception, l’instruction et la clôture des travaux.
3.1.1. L’ouverture de la loge.
Elle est nettement plus élaborée que l’ouverture au Rite Français, de 1786 ou de 1801. On y retrouve à la fois, quoique avec quelques variantes dans les termes, les dialogues habituels aux loges françaises (en italique dans le texte) mais aussi des emprunts textuels à la divulgation anglaise de 1760, les «Three Distinct Knocks… », y compris une erreur flagrante du texte anglais reprise telle quelle dans la version française (en gras dans le texte) ! Or on sait que cette divulgation n’est autre que le rituel en usage dans les loges anglaises d’inspiration irlandaise travaillant sous l’autorité de la Grande Loge Grande Loge fondée en 1751. des « Antients ».
Three Distinct Knocks-1760 |
Triple Unité Ecossaise-1804 |
Master, to the junior Deacon
What is the chief care of a mason ?
Answer . To see that his Lodge is tyl’d.
Mas. Pray do your Duty
N.B. The junior Deacon goes and gives Three knocks at the Door; and if there is nobody nigh, the Tyler without answereth with Three Knocks: The junior Deacon tells the Master, and says :
Worshipful, the Lodge is tyl’d.
Mas. to jun. Dea. The junior Deacon’s place in the Lodge ?
Deacon : At the Back of the senior Warden, or at his Right-hand if he permits him.
Mas. Your Business ?
Deacon’s Ans. To carry Messages from the senior to the junior Warden, so that they may be dispersed round the Lodge
Mas. to sen. Dea. The senior Deacon’s Place in the Lodge ?
Sen. Deacon’s Ans. At the Back of the Master, or at his Right-hand if he permits him.
Mas. Your Business there ?
Sen.Deacon’s Ans. To carry all Messages from the Master to the senior Warden.
Mas. The junior Warden’s place in the Lodge ?
Deacon’s Ans. In the South.
Mas. to the jun. Warden. Your Business there ?
Sen. Warden’s Ans. The better to observe the Sun, at high meridian to call the Men from Work to refreshment, and to see that they come on in due Time, that the Master may have Pleasure and profit thereby.
Mas. The senior Warden’s Place in the Lodge .
Jun. Warden’s Ans. In the West.
Mas. to the sen. Warden. Your Business there ?
Sen. Warden’s Answer. As the Sun sets in the West to close the Day, so the Senior stands in the West to close the Lodge, paying the Hirelings their Wages and dismissing them from their labour.
Mas. The Master’s Place in the Lodge ?
Sen. Warden’s Ans. In the East.
Mas. His Business there ?
Sen. Warden’s Ans. As the Sun rises in the East to open the Day, so the Master stands in the East to open his Lodge to set his Men to Work…
N.B. Then the Master takes off his Hat, which he has on but at this Time…
Mas. The Lodge is open, in the Name of God and holy St. John, forbidding all cursing and swearing, whispering, and all prophane Discourse whatsoever, under no less Penalty than that what the majority shall think proper; not less than One Penny a Time, nor more than Six-pence.
N.B. Then he gives Three Knocks upon the Table with a wooden hammer, and puts on his Hat. |
Le V :. M :. frappe & dit,
– Debout et à l’ordre, mes FF :.
– F :.:. 1er S :.:. Quel est le premier devoir d’un Surveillant en loge ?
– C’est de voir si la loge est couverte.
Le V :.:. M :.:. dit – Faites-vous en assurer mon F :.:.
Le F :.:. 1er S :.:. donne l’ordre au F:.:. 2ème S :.:. qui le transmet au F :.:. Couvreur, lequel après avoir regardé à l’extérieur du temple referme la porte & dit au F :.:. 2ème S :.:. qui le transmet au F :.:. 1er S :.:. que le temple est à couvert. Celuy -ci dit au V :.:. M :.:. : Le temple est couvert.
– F :.:. 2ème S :.:. quel est le second devoir d’un F :.:. S :.:. en loge ?
– C’est de voir si nous sommes tous maçons & à l’ordre.
Le V :.:. M :.:. dit : Assurez vous en mon F :.:.
Le F :.:. 1er S :.:. le répète au F:.:. 2ème S :.:., celui ci rend compte & puis le F :.:. 1er S :.:. dit au V :.:. M :.:.
– Nous sommes tous maçons & à l’ordre.
– F :. 2ème Diacre, quelle est votre place en loge ?
– A la droite du F :. 1er S :. s’il veut le permettre.
– Pourquoy mon F :. ?
– Pour porter les ordres du F :. 2ème S :. & veiller à ce que les FF :. se tiennent decemment sur les colonnes.
– Ou se tient le F :. 1er Diacre ?
– Derrière ou à la droite du V :. M :. s’il veut bien le luy permettre.
– Pourquoy F :. 1er Diacre occupés vous cette place ?
– Pour porter ses ordres au F :. 1er S :. & à tous les officiers dignitaires afin que les travaux soient plus promptement exécutés.
– Ou se tient le F :. 2ème S :. ?
– Au Sud V :. M :.
Puis s’adressant au F :. 2ème S :. Cette erreur est corrigée dans le « Guide… ». , il luy dit
– F :. 1er S :. pourquoy occupez-vous cette place ?
– Pour mieux observer le soleil à son méridien, envoyer les ouvriers du travail à la récréation, les rappeller du travail afin que le V :. M :. en retire honneur & gloire.
– Ou se tient le F :. 1er S :. ?
– A l’Ouest V :. M :. ?
Puis s’adressant au F :. 1er S :. il luy dit.
– F :. 1er S :. pourquoy occupes vous cette place ?
– Comme le Soleil se couche à l’ouest pour fermer le jour, de même le F :. 1er S :; s’y tient pour fermer la loge, payer les ouvriers & les renvoyer contens.
– F :. 1er S :. ou se tient le V:. M :. ?
– A l’est V :. M :.
– Pourquoy mon F :. ?
– Comme le Soleil se lève à l’est pour commencer sa course & ouvrir le jour, de même le V 😕 M :; s’y tient pour ouvrir la loge, la diriger dans ses travaux & l’éclairer de ses lumières.
Le V :. M :. frappe alors (trois coups) de son maillet par tems égaux ; ensuite se tournant vers le F :. 1er diacre , ils font mutuellement le signe guttural. Le V :. M :. lui donne le mot sacré en cette manière B :. O :. O :. Z :. pour ouvrir la loge d’apprentiff maçon du Rit ancien accepté dans la loge Ecossaise la triple unité.
Le F :. 1er diacre le porte au F :. 1er S :. qui l’envoye par son 2ème diacre au F :. 2ème S :. qui frappe (un coup) et dit.
– V :. M :. Tout est juste et parfait.
Le V :. M :. en se découvrant dit
– A la G :. du G :. A :. de l’U :., au nom & sous les auspices de la métropole universelle d’Herodom, sous le Régime Ecossais réuni au G :. O :. de France, la R :. L :. Ecossaise la triple unite est ouverte au grade d’apprentif ; il n’est plus permis de parler ny de passer d’une colonne à l’autre sans en avoir reçu la permission du F :. S :. de sa colonne.
– A moy mes FF :.
Tous les FF :. font le signe guttural. |
L’influence du Rite « Ancien » anglo-irlandais est évidente. L’auteur de ce rituel avait incontestablement sous les yeux la divulgation anglaise de 1760 lorsqu’il rédigea cette ouverture. Aux Anglais, il emprunta la position des Surveillants, le premier à l’Ouest et le second au Sud, ainsi que les diacres, typiquement irlandais, qui n’avaient jamais existé sur le continent et que ne connaîtront jamais les loges « Modernes » de la première Grande Loge d’Angleterre Si ce n’est la loge « Antiquity » de William Preston et ces loges qu’on appela heureusement les « traditioners ». . Il s’abstint cependant de copier servilement le texte britannique : certaines phrases sont très classiques du style français ; la circulation finale du mot, du Vénérable au 2ème diacre, témoigne d’une tradition plus ancienne que l’on retrouve notamment dans le rituel de la loge montoise du marquis de Gages, daté de 1763.
Le résultat est essentiellement syncrétique, alliant usages « Antients » et tradition française.
Notons que la Bible n’est nulle part citée dans cette ouverture, pas plus que dans le texte anglais d’ailleurs. Cependant, en dernière page du cahier, elle est nommément citée :
Nota : La loge d’apprentif de la loge Ecossaise la triple unité ne doit jamais ouvrir les travaux sans que la Bible soit sur l’autel, ouverte à la deuxième epitre de Saint Jean avec le compas aussy ouvert dessus & ses deux pointes sur un equerre de quatre pouces environ. Les pointes du compas tournées entre le Sud et l’Ouest & les deux pointes de l’equerre vers l’Est.
Rappelons que le « Régulateur » ne prévoyait rien de tel : sur l’autel du vénérable était disposé le recueil des Statuts Généraux de l’ordre, recouvert de l’épée.
3.1.2. L’ouverture des travaux.
Distincte de l’ouverture de la loge, elle prévoyait l’introduction des visiteurs qui étaient, si nécessaire, tuilés de façon très « continentale » :
D. Tø Cø Fø Visiteur, d’où venes vous ?
De la loge de St Jean, Vø Mø
D. Qu’en apportes vous ?
Joye, santé, prospérité à tous mes FFø
N’apportés vous rien de plus ?
Le Vø Mø de la loge vous salue par 3 fois 3.
D. Qui faisait on ?
R. On elevait des temples à la vertu & on creusait des cachots aux vices.
D. Que venes vous faire ici ?
R. Vaincre mes passions, soumettre mes volontés & faire de nouveaux progrès dans la maçonnerie.
D. Que demandes vous mon Cø Fø ?
Place parmy vous.
La réception d’apprenti
Elle mêle éléments classiques de la maçonnerie française et usages anglais de Rite Ancien en un nouvel exemple de ce syncrétisme caractéristique de ce rituel hybride comme le démontre l’annexe n° 1 qui compare les péripéties de la réception au premier grade selon le rituel d’Avignon (Rite Ecossais Philosophique), le « Régulateur » (Rite Français) et le rituel de la Triple Unité (Rite Ecossais Ancien Accepté).
Si le schéma de base (préparation du candidat-introduction-voyages-obligation-lumière-consécration) est identique dans les trois rituels, ce qui ne peut surprendre puisqu’il est la base même du système, les détails varient. La préparation est identique mais les épreuves purificatoires par l’eau et le feu, présentes à Avignon et reprises par le Régulateur, se limitent au feu dans le texte de la Triple Unité. Les épreuves accessoires (coupe d’amertume, saignée, marque de la bougie et test de la bienfaisance) apparaissent à des moments différents de la cérémonie. Remarquons l’absence de toute référence alchimique dans le rituel du REAA : le sel et le soufre ne se trouvent que dans la cabinet de réflexion du Régulateur.
Fondamentale est la prière, prononcée par le vénérable après l’introduction du candidat :
Mes FFø Humilions nous devant le Souverain arbitre des mondes.. ! reconnaissons sa puissance & notre faiblesse ..! Contenons nos esprits & nos coeurs dans les bornes de l’equite, & marchant Variante dans le rituel du SCPLB discuté plus loin : « et marchons dans des voies sûres ». dans des voyes sures elevons nous jusqu’au maître « devant le Maître de l’univers » de l’univers.. il est un.. il existe « il subsiste par lui-même » par lui meme.. c’est à luy que tous les etres doivent leur existence.. il opere en tout & par tout, invisible aux yeux des mortels, il voit luy meme toutes choses.. c’est luy que j’invoque.. c’est à luy que j’adresse mes voeux & mes prieres.
Daigne, ô grand architecte « ô grø Aø de l’uø » , daigne je t’en conjure proteger les ouvriers de Paix que je vois icy « réunis ici » .. echauffe leur tete « leur zèle » , fortifie leur ame dans la lutte fatiguante « fréquente » des passions, enflamme leur coeur de l’amour des vertus, & decide leurs succes ainsy que ceux du nouvel aspirant « celui de ce nouvel aspirant » qui desire participer à nos mysteres auguste & sublimes « à nos augustes travaux. » …prete à ce candidat ton assistance & soutiens le de ton bras puissant, au milieu des epreuves qu’il va subir…
Amen.Amen. Amen.
Cette prière est suivie de la question-test, typiquement britannique et « ancienne » : « Prophane en qui mets tu ta confiance ? » et la réponse «En Dieu ».
En dépit de cet ajout étranger, la cérémonie est très proche du Rite Ecossais d’Avignon et de celui, français, du Régulateur, le seul qui prévoie la consécration par l’épée. Le Rite « ancien accepté » de la Triple Unité conserve l’essentiel de la maçonnerie continentale, le rôle du Frère Terrible qui conduit le candidat dans ses voyages En Angleterre, ce rôle était dévolu au second diacre. , le don de la lumière dans le cercle des épées alors que le candidat est debout à l’ouest de la loge, les longs développements verbeux, notamment les discours sur le vice et la vertu… Mais il en accentue le côté théâtral par l’introduction d’épisodes dramatiques inconnus outre-Manche : la projection du candidat dans la « cuve », la lumière en deux temps avec l’épisode grand-guignolesque du cadavre du parjure Dans le rituel du Rite Ecossais rectifié adopté à Lyon en 1778, la lumière était déjà donnée en deux temps, mais sans « cadavre ». –
Par contre, l’influence britannique est, elle aussi, très sensible :
- L’entrée sur la pointe de l’épée.
- La prière Dans TDK, la prière est ouvertement chrétienne, elle est « non-confessionnelle » dans le rituel français. et la question-test
- Les « obstacles » que rencontre le candidat lors des 3 voyages, auprès des surveillants et du vénérable
- La prestation de serment sur la Bible surmontée de l’équerre et du compas.
Essentielle est l’adoption des « secrets » de la maçonnerie Ancienne : le mot du grade, B…, et non J… comme c’était la règle en France depuis l’introduction de l’Ordre, tradition conservée tant par le Rite Français que par les Rites Ecossais, qu’il soit « Philosophique » ou « Rectifié » ; l’absence de mot de passe qui ne fait que confirmer l’alignement du rit ancien accepté sur le Rite ancien anglo-irlandais.
3.1.4. L’instruction.
Elle surprend car elle décrit une cérémonie de réception très différente de celle qu’a effectivement subie le néophyte. Tous les éléments typiquement continentaux en sont absents. Rien là qui doive surprendre puisque cette instruction n’est autre que la traduction littérale des « Trois Coups Distincts » (annexe n°2). Le rédacteur s’est contenté de copier le texte anglais, sans se rendre compte des incohérences qu’elle introduisait dans le produit final.
A l’évidence, la juxtaposition de deux textes aussi différents ne pouvait qu’amener la confusion la plus complète, confusion bien démontrée par deux exemples :
- Dans l’instruction du TDK, le candidat reçoit la lumière alors qu’il est agenouillé à l’est devant l’autel et la main posée sur les « trois grandes lumières dans la franc-maçonnerie » tandis que la tradition continentale est respectée dans le texte de la réception qui prévoit qu’il se tient à l’ouest du tableau et découvre le cercle des épées lorsque le bandeau lui est enlevé.
- Les trois chandeliers d’angle, Grandes Lumières en France, Petites Lumières (lesser Lights) en Angleterre, se voient baptisées « Sublimes Lumières », le traducteur, ne pouvant se résoudre à leur assigner un rôle subalterne.
3.2. L’Art du Parfait Tuileur.
Le rituel de la Triple Unité, qui sera repris par le « Guide », frappe par son syncrétisme et le mélange, voire la juxtaposition, d’éléments britanniques et continentaux. Il n’est original que dans la mesure où il allie deux traditions en un ensemble hybride et, parfois, contradictoire. Aussi loin des rituels « Ecossais » que du Rite Français, il n’est plus ni l’un ni l’autre, sans pour cela jouer la carte anglaise de façon univoque. A-t-il satisfait les « Ecossais » rétifs ? Je n’en sais rien. Si tel fut le cas, ce ne peut être que par ses relents « Anciens » qui allaient si bien avec les récriminations du F. Abraham Abraham apparaît comme 32°, Prince du Royal Secret, dans le « tableau général » des membres du suprême Conseil, liste des membres publiée dans le livre d’or de celui-ci en 1806. .
Celui-ci, en tout cas, adopta les particularités des « Antients », comme l’avait fait la Triple Unité, lorsqu’en 1807, il publia « L’Art du Parfait Thuileur » Le manuscrit en est conservé au Fonds Kloss. (catalogue n° XXVII-407). Il porte la date du 8ème jour du mois de nizan 5567 (16 avril 1807). … « essentiellement destiné pour les atteliers qui suivent ou qui suivront le Rit Ecosais ancien accepté ». Les signes, mots et attouchements sont typiquement britanniques,(donc « Anciens ») et non ceux du Rite Ecossais philosophique. Au grade d’apprenti, le signe se fait en portant la m. d. en équerre, horizontalement à la hauteur de la g. ; le mot sacré est B. ; la batterie trois fois trois coups égaux. Au grade de compagnon, le signe se fait en portant la m. d. sur le s. g. avec le p. levé tandis que la m. g. est levée à la hauteur de l’o., p. vers l’avant ; le mot de passe est S et le mot sacré J. Au grade de maître, le signe d’ordre est de porter la m. étendue, le p. touchant le v., la p. en bas, et de retirer horizontalement la m. comme si on se fendait le v. Rappelons que le signe pénal « au ventre » n’existe pas dans la maçonnerie de style français qui ne connaît pas de pénalité propre au grade de maître. en disant « O Lord My God ». En chambre du milieu, il y a un signe particulier qui est de lever les deux m. en l’air, la p. en avant, les yeux vers le ciel, et de les porter ensuite vers la terre en descendant les deux m. ensemble sur le t., en disant ensemble « O Lord, My God » (signe toujours utilisé par l’actuel « Rite » Emulation). Le mot sacré est Mohabn et le mot de passe T.. La marche de l’apprenti se fait en trois pas en partant du pied gauche.
Remarquons qu’à cette époque, le tablier de maître était blanc doublé et bordé de bleu (et non de rouge), portant un soleil sur la bavette. Un cordon bleu moiré, portant le bijou (équerre, compas et règle) complétait le décor.
3.3. Le manuscrit du Suprême Conseil pour la Belgique.
La bibliothèque du Suprême Conseil possède un manuscrit intitulé « Cahiers des 33 grø de la Maçø Ecossø Rit ancien-accepté » que les santés d’obligation permettent de dater avec précision : la première s’adresse à Napoléon le Grand, Empereur des Français, Roi d’Italie … et à l’Impératrice Marie-Louise, son auguste épouse, ainsi qu’aux Princes et Princesses de la famille impériale. La seconde s’adresse à « Don Joseph, Roi des Espagnes et des Indes, Grand Maître de l’Ordre » Joseph Bonaparte, frère de l’empereur, était le Grand Maître nominal du GODF. et au prince archi-Chancelier, c’est à dire Cambacérès, Grand Maître adjoint du GODF, depuis 1805, et Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de France, depuis 1806. L’omission du roi de Rome situe le rituel entre le mariage de Napoléon (avril 1810) et la naissance de son fils (20 mars 1811)
Le premier degré est quasiment identique à celui de la Triple Unité Ecossaise, comme à celui du « Guide des maçons Ecossais » d’ailleurs. Mais ce manuscrit contient aussi les 2ème et 3ème degrés dont nous n’avons pas l’équivalent de la Triple Unité.
3.3.1. Le grade de compagnon.
L’ouverture de la loge de compagnon est très simple, marquée seulement par la circulation du mot de compagnon du vénérable au premier surveillant puis au second surveillant, par l’intermédiaire des diacres. Le candidat, « l{es cheveux épars, sur les épaules, portant une règle de la main gauche, dont un bout est appuyé sur l’épaule gauche, les bras nus, retroussés, sans habit ni gilet, la bavette du tablier haute} », est introduit par le maître des cérémonies. Il est interrogé sur les circonstances de la réception d’apprenti et non sur l’instruction traduite des TDK. A la question « Que vites-vous lorsqu’on vous découvrit les yeux ?», il répond « Tous les FFø armés de glaive dont ils me présentèrent la pointe », alors que l’instruction spécifiait qu’il découvrait, à ce moment, les trois « grandes lumières ».
Le candidat, toujours conduit par le maître des cérémonies, fait ensuite cinq voyages qui représentent les années d’apprentissage que doit accomplir tout apprenti. Il est muni d’instruments, (maillet et ciseau au premier voyage, compas et règle au deuxième, règle et pince au troisième, levier au quatrième) lors des quatre premiers voyages mais il a les mains vides pour le dernier qui signifie qu’il doit employer cette cinquième année à l’étude de la théorie.
Il monte ensuite vers le trône et découvre l’Etoile mystérieuse et « le delta resplendissant de lumière » qui lui offre « deux grandes vérités et deux sublimes idées », le nom de Dieu (le tétragramme) et la géométrie (la lettre G). Viennent ensuite l’obligation et la consécration par l’épée, avant la communication du signe, de l’attouchement, du mot sacré (J) et du mot de passe (Sch).
Cette réception ne diffère en rien de celle du Rite Français et du Régulateur. Le rituel et les explications du vénérable sont la copie conforme du document français. Seuls les « secrets » du grade sont « anciens » (mot du grade, J ; mot de passe, Sch.). Par contre, l’instruction qui suit est, une fois encore, traduite de TDK (annexe n° 4) et décrit une réception qui n’est pas celle qu’a vécue le néophyte.
Le rédacteur, se rendant sans doute compte de l’incohérence, tenta d’en corriger les éléments les plus évidents.
- Dans TDK, le candidat effectue deux tours de la loge et rencontre les mêmes « oppositions » que lors de l’initiation. Or, selon le rituel du SCPLB, il effectue les cinq voyages prévus par le Régulateur. Le rédacteur omit donc très logiquement les questions 11, 12 et 13.
- Le rituel ignore l’attouchement de passe, d’où l’omission de la question 20.
- Point capital : le compagnon anglais reçoit son salaire dans la chambre du milieu, tandis que son homologue continental le reçoit à la colonne de son grade, comme l’enseignaient toutes les divulgations françaises des années 1740. Le rédacteur aligna donc les questions 23 et 24 selon la tradition continentale, non sans respecter la répartition « ancienne » des secrets. C’est à la colonne J et non à la colonne B que le compagnon est récompensé de son labeur.
Par contre, il ne modifia pas le moment de la communication du mot de passe qui était une des différences qui séparaient les Moderns des Antients : ceux-là le communiquaient à l’impétrant après son obligation, avec les autres secrets, ceux-ci le faisaient avant son introduction dans la loge. Les rituels français suivaient l’usage « Modern ». Le rédacteur ne put se résoudre à abandonner cette façon de faire : dans la cérémonie, le mot de passe est donné après la consécration mais l’instruction, contre toute logique, suit le texte de TDK.
Plus encore que le premier grade, celui de compagnon témoigne de la difficulté d’allier deux traditions parfois contradictoires.
3.3.2. Le grade de maître
Les mêmes difficultés se retrouvent au 3ème grade.
La loge est disposée comme le voulait la coutume française :
La loge doit être tendue en noir, parsemée de têtes de mort en blanc et de larmes placées par 3.5.7.
Neuf étoiles Notons le triplement des lumières d’angle, comme c’était le cas au rite Français et aux rites Ecossais, philosophique ou rectifié. placées par trois, devant chacun des trois premières lumières.les Mtresø, autant que possible, seront en noir, chapeau rabattu, un long crêpe, des gants blancs, tablier ordinaire et cordon bleu.
Le Vénø Mtreø doit avoir des pleureuses, et un long manteau noir.
Disposition de la chø du milieu.
Au milieu de la chambre, il y aura une bière couverte d’un drap mortuaire parsemé de têtes de mort, d’ossemens en sautoir, avec des larmes. On forme autour de cette bière une séparation avec des panneaux de tentures, pot représenter la chambre du milieu . A un coin de cette chø, du côté du midi, dans son occø, on place une branche d’acacia sur un petit tertre. A la tête de la bière, il y a une équerre posée à terre, au pied, un compas ouvert Rituel du SCPLB, p. 100. .
L’ouverture suit le modèle anglais et les diacres y ont la même fonction que précédemment (transmettre le mot du grade, du vénérable au deuxième surveillant). Par contre, leur rôle s’arrête là et ils n’apparaissent plus dans la cérémonie de réception. Celle-ci est particulièrement dramatique, bien dans la ligne française :
Lors d’une réception, le dernier maître reçu se place dans le cercueil. Il est couvert d’un linceul blanc jusqu’à la taille, le tablier relevé, le visage couvert d’un linge blanc teinté de sang.
Le candidat est sans souliers, les bras et les seins nus, sans métaux. Une petite équerre est attachée à son bras droit, un corde est attachée à sa ceinture. Il porte un tablier de compagnon.
La mise en scène est théâtrale, sinon mélodramatique : soupçonné du meurtre car il déclare, à tort, posséder le mot de passe, le candidat est malmené par le vénérable qui le saisit au collet et ne le lâche que lorsqu’il est convaincu de son innocence. La découverte du cadavre, accompagnée de commentaires menaçants, est suivie par un seul voyage, effectué sous la conduite du maître des cérémonies et du frère terrible qui tient le candidat par la corde. Conduit à l’occident, celui-ci gagne l’orient « en marchant sur le premier degré de l’angle droit du carré long, en formant une équerre sur le deuxième degré par deux pas, et sur le troisième par un seul », puis il prononce son obligation agenouillé sur les deux genoux, les deux pointes du compas sur chaque sein et la main sur la bible, comme dans le TDK :
Je, N …, de ma libre volonté en présence du Gø Aø de l’Uø, et cette Rø Loge dédiée à St-jean, jure et promets solennellement de ne jamais révéler les secrets des Mtre?ø Maçø du rit ancien accepté qu’à celui reconnu pour tel, d’obéir aux ordres émanant d’une loge régulière ; de garder tous les secrets de mes FFø comme les miens propres, excepté dans les cas de meurtre ou de trahison ; de ne jamais leur faire tort, ni souffrir qu’il leur en soit fait ; de les servir de tout mon pouvoir ; de ne jamais séduire leurs femmes, filles ou soeurs, promettant encre de remplir mes précédentes obligations sous peine (ici, le Tø Rø frappe un coup, saisit la main droite du récipiendaire, et lui fait faire le signe de Mtreø) d’avoir le corps ouvert en deux, une partie portée au Sud, et l’autre à l’Ouest, mes entrailles brûlées, les cendres jettées au vent, afin qu’il ne reste rien de moi. Ce dont Dieu me préserve. Ame !Amen ! Amen !
Il baise trois fois la bible et reste à genoux.
Le très respectable (titre du vénérable à ce grade) le relève en lui disant « Levez-vous, Fø J.A.K.I.N. » et lui annonce qu’il va représenter « le plus grand homme du monde maçø, notre Rø Mø Hyram, qui fut tué lors de la perfection du temple ». Le 1er surveillant se place l’ouest, armé d’une équerre ; le 2ème surveillant, au sud, armé d’une règle de vingt-quatre pouces et le très respectable à l’est, armé de son maillet.
Suit le discours historique qui rapporte la version « ancienne » de la légende d’Hiram : le complot ourdi par quinze compagnons, la rétractation de douze d’entre eux, l’obstination des trois derniers (ici nommés Jubulas, Jubulos et Jubulum), la visite d’Hiram au temple, son triple refus de donner le mot de maître, les coups portés au sud, à l’ouest puis à l’est (symboliquement par les surveillants et le très respectable), le transport du cadavre hors de Jérusalem et son inhumation, l’envoi par Salomon des douze compagnons repentis qui se divisent en quatre bandes, la découverte des assassins dans une grotte près de Jaffa (Joppa dans le texte), leur présentation à Salomon et leur exécution ultérieure (Jubulas eut la gorge tranchée, Jubulos le coeur arraché et Jubulum le corps coupé en deux parties, l’une jetée au nord et l’autre au midi), l’échec enfin de la quête des compagnons.
Jusque là, la légende suit fidèlement le récit « ancien », tel qu’il est rapporté dans TDK, y compris l’avertissement de Salomon aux douze compagnons : s’il ne pouvaient trouver la parole de maître, « elle était perdue, attendu quelle ne pouvait être donnée que par trois personnes réunies, dont Hiram faisait partie ». Dans ce cas, le premier signe et le premier mot qui seraient fait et prononcé en retrouvant et en exhumant le corps d’Hiram seraient substitués aux anciens signe et mot de maître.
La suite du récit, très curieusement, adopte la version française, classique depuis « L’Ordre des Francs-maçons trahi… » de 1745 : devant l’échec des compagnons, Salomon envoie neuf maîtres qui découvrent la tombe sur le mont Moriah et la marquent d’une branche d’acacia avant de faire rapport à Salomon. Celui-ci leur ordonne de l’exhumer et de ramener sa dépouille à Jérusalem. L’exhumation se fait de la façon habituelle mais le mot prononcé dans la position des cinq points de perfection est Moabon, le mot en M utilisé par les « Antients » anglais.
Suivent la consécration et la communication des secrets du grade, le « grand signe des maîtres » (bras levés au-dessus de la tête retombant sur le tablier avec l’exclamation, « Ah Seigneur, mon Dieu ! » ) ; le mot de passe, T.; le mot sacré, M.; l’attouchement (les cinq points de la maçonnerie), le signe pénal et l’acclamation écossaise (Houzé ! Houzé ! Houzé !).
On retrouve là encore ce curieux mélange d’éléments « anciens » et « modernes », c’est-à-dire français. Comment en effet concevoir que le mot de maître soit « perdu » si ce sont neuf maîtres, et non douze compagnons, qui relèvent le cadavre ? Or c’est bien là la caractéristique essentielle du Rite ancien : l’ancien mot du maître est bel et bien perdu puisque trois seulement le connaissent et ne peuvent le prononcer que lorsqu’ils sont réunis et d’accord. Au Rite Français, l’ancien mot n’est que remplacé par un mot de substitution, mesure de prudence qui n’empêche qu’il soit connu de tous les maîtres et gravé sur le triangle déposé sur le tombeau d’Hiram.
L’instruction qui suit n’est, une fois de plus, que la traduction littérale de TDK. Elle est donnée en annexe. Pour aider la démonstration, sont présentées la version originale de TDK, celle du manuscrit de Bruxelles, celle du Guide des Maçons Ecossais et une autre version datée de 1812, conservée à la bibliothèque du Grand-Orient des Pays-Bas (fonds Kloss, cote 123 C 45 – 56 H 45), « Lois constitutionnelles, Statuts & Reglemens généraux du Rit Ecossais ou ancien accepté ».
3.4 Le Guide des Maçons Ecossais.
Le Guide suit fidèlement Seule différence notable : lorsque le candidat reçoit la lumière au premier grade, le vénérable dit « Sic transit Gloria Mundi », comme au Rite Rectifié. les rituels que nous venons d’étudier. Il n’en est en fin de compte que la première version imprimée et sa date exacte en perd beaucoup d’importance. Rédigé sous la Restauration, comme l’attestent les santés d’obligation qui ignorent la famille impériale, il est sans doute antérieur à 1821, année qui vit l’organisation de la loge La Grande Commanderie par le Suprême Conseil de France.
Son principal intérêt est son introduction qui le pose en rival du Régulateur, affirmant ainsi la différence essentielle qui sépare Rite français et Rite écossais ancien (et) accepté :
Quoiqu’en disent les détracteurs de la Maçonnerie Ecossaise, il n’en est pas moins constant que les loges de ce rit sont généralement répandues dans tous les états de l’Europe et de l’Amérique, et que le rit d’Hérédon obtient une préférence marquée sur le rit moderne… Des correspondances sont établies, dans toutes les langues, pour que toutes les loges, quelques contrées qu’elles habitent, puissent se procurer ces cahiers ; et des mesures sont prises pour que les exemplaires ne soient confiés, pour le débit, qu’à des Maçons qui se soient acquis le plus haut degré d’estime et de considération afin que ce Guide des Maçons Ecossais n’éprouve une publicité aussi scandaleuse que celle qu’on donne journellement aux cahiers du rit Français, sous le titre de Régulateur du Maçon.
3.5. Essai de synthèse
L’essentiel est la parfaite concordance de ces documents qui donnent des grades bleus du REAA une image concordante :
- Ils mêlent éléments Anciens et Français (donc Modernes) en une construction hybride et syncrétique qui les rend, tels quels, injouables sans modifications significatives.
- Les ouvertures et les fermetures suivent le rituel ancien, alors que les cérémonies de réception sont fondamentalement françaises, quoique mâtinées d’éléments anciens.
- La légende d’Hiram présente un mélange des deux versions, Ancienne et Moderne, qui lui enlève beaucoup de son sens (la parole est-elle perdue ou non ?).
- Les assassins sont retrouvés et châtiés, ce qui enlève beaucoup de leur pertinence aux grades de vengeance, dits d’Elu.
- Les Instructions sont traduites de TDK, avec, de ci de là, des concessions aux usages français.
- Les secrets de chaque grade sont anciens, mais les mots de passe sont communiqués après la cérémonie (usage Moderne) et non avant l’admission du candidat (usage Ancien).
- Les acteurs devaient se rendre compte que les instructions décrivaient une autre cérémonie que celle effectivement vécue par l’impétrant, contradiction qui paraît insurmontable, à moins bien sûr que l’instruction n’ait été simplement ignorée, comme c’est le cas dans la plupart des loges actuelles !
Si, marqués par une double influence, française et britannique, ces rituels peuvent à juste titre s’intituler de Rite « ancien », ils diffèrent singulièrement des Rites « Ecossais », philosophique ou rectifié, qui fleurissaient en France au XVIII° siècle. Or, puisqu’ils se nomment bel et bien de « Rite Ecossais ancien et Accepté » et qu’ils furent adoptés par les maçons « Ecossais », il est légitime de concevoir qu’ils le méritaient d’une façon ou d’une autre et, partant, de rechercher une troisième influence.
3.6. L’apport Ecossais – les tuileurs.
L’apport Ecossais se trouve essentiellement dans la disposition de la loge telle que nous la décrivent les Tuileurs de l’époque.
Le « Thuileur des trente-trois degrés de l’Ecossisme du Rit Ancien, dit Accepté » fut publié par de L’Aulnaye (Delaunay) en 1813 et réédité en 1821 sous un nouveau titre, « Thuileur des trente-trois degrés de l’Ecossisme, ou Manuel maçonnique des divers rites pratiqués en France … Nouvelle édition, corr. et augmentée ». Il décrit brièvement la loge d’apprenti « du Rit Ancien » :
Tentures Rouges
Trois lumières, une à l’Est, deux à l’Ouest Souligné par moi.
A l’entrée de la Loge, c’est-à-dire à l’Ouest, sont les deux colonnes, J à droite, et B à gauche.
Titres.
Il y a un Vénérable, placé à l’Orient ; deux Surveillans, l’un à l’Ouest, l’autre au Sud.
Les autres officiers d’une loge ordinaire et complète sont l’Orateur, le Secrétaire, le Trésorier, deux Experts, le Garde-des-Sceaux, l’Hospitalier, le Maître des Cérémonies. Viennent ensuite un Maître des Banquets, un Porte-Etendard, un Porte-Epée, deux Diacres, l’Architecte et le Garde de Temple. En tout dix-huit.
Au grade de maître, par contre, les lumières sont :
Ordinairement trois, ou neuf, groupées par trois, à l’Est, au Sud et à l’Ouest.
Les décors sont un tablier blanc, bavette relevée pour l’apprenti et rabattue pour le compagnon ; un tablier doublé et bordé de rouge pour le maître, avec, au milieu, les lettres M.B. en rouge et un cordon bleu moiré, en écharpe, de droite à gauche.
Les secrets sont ceux du Rite ancien, les noms des colonnes B.. et J… aux 1er et 2ème grades, le mot ancien au 3ème grade, les mots de passe Sc… et Tub … aux 2ème et 3ème grades.
Bref, Delaunay retient du Rite Ecossais la disposition des lumières du grade d’apprenti et, du Rite ancien la disposition des lumières du grade de maître et les diacres. Quant au tablier rouge des maîtres, c’est une innovation qu’ignorait le Tuileur d’Abraham mais qui convient idéalement aux « Ecossais » dont le rouge est la couleur emblématique.
Le « Manuel maçonnique, ou Tuileur de tous les rites de maçonnerie pratiquée en France … par un vétéran de la maçonnerie», publié en 1820 et réédité en 1830 et 1834, complète ces informations. Son auteur, Vuillaume, était particulièrement bien placé : 33°, dès 1818, et membre du Suprême Conseil dit « d’Amérique » présidé par le comte Decazes, il participa, l’année suivante, à une tentative, d’ailleurs avortée, de réunion du GODF et de ce Suprême Conseil, le premier qui eut sous sa direction des loges des trois premiers degrés.
Dans son introduction, Vuillaume écrit :
On nomme rite ancien ou écossais, la Franc-maçonnerie telle qu’elle se pratique en Ecosse, en Angleterre, en Amérique, et dans une grande partie de l’Allemagne. Le rite écossais ancien et accepté, est celui réformé par Frédéric II, roi de Prusse, qui augmenta de huit degrés le rite écossais ancien… on désigne le rite suivi par le Grand-Orient de France et les loges sous sa dépendance, sous le titre de rite moderne ou français Edition de 1830, page 22. .
Vuillaume va plus loin qu’Abraham : Ecossais et ancien sont devenus synonymes et l’auteur se sert de cette affirmation que rien, on l’a vu, ne justifie pour prouver l’universalité du REAA . On retrouve là les prétentions habituelles des tenants de l’Ecossisme dont on sait ce qu’elles valent. Vuillaume lui-même n’en était que partiellement dupe puisqu’il écrit en note, à propos de Frédéric :
Quelques uns prétendent que cette réforme n’est pas due à Frédéric II. On n’a pas l’intention d’entrer ici dans la discussion d’un fait que le Suprême Conseil de France considère comme constant, ni exprimer une opinion particulière ; ce n’est qu’une façon de désigner l’écossisme actuel par une chose convenue au moins entre un grand nombre.
« Convenue » est, dans le contexte le mot juste ! Ceci n’enlève rien à l’intérêt du texte.
La loge d’apprenti, nous rappelle Vuillaume, est tendue de rouge.
A l’ouest, sont deux colonnes de bronze, d’ordre corinthien ; sur chaque chapiteau sont trois grenades entr’ouvertes, sur le fût de la colonne, à droite en entrant, est la lettre J, et sur celui de l’autre colonne, la lettre B.
Autour de la loge est la houpe dentelée.
Sur le pavé, au milieu de la loge, un peu vers l’est, est le tracé ou tableau de la loge.
A l’est, est un dais d’étoffe rouge avec franges en or ; au-dessus du dais, est un trône où se place le président ; devant le trône est un autel sur lequel sont posés une équerre, un compas, une bible, un glaive et un maillet. Le trône et l’autel sont élevés au-dessus du pavé, sur une estrade de trois marches.
A la droite du trône, au-dessous de l’estrade, sont la table du secrétaire, et le bureau de l’hospitalier. Vis-à-vis de ces deux tables, et là la gauche du trône, sont : le bureau de l’orateur, et ensuite celui du trésorier.
A l’ouest, en avant de la colonne B est un fauteuil pour le premier surveillant ; au sud, en remontant vers l’est, est un fauteuil pour le second surveillant Nuance donc par rapport à TDK : le 1er surveillant est au N.O. et non à l’ouest. . Chacun des surveillans a devant soi une table sur laquelle est posé un maillet.
Un peu en avant du trône est placé un petit autel triangulaire, nommé l’autel des sermens…
Suit la liste des officiers, identique à celle de Delaunay, soit dix-huit officiers dont les diacres.
Remarquons les éléments constants de la maçonnerie française : les deux colonnes de bronze à l’ouest, le dais surmontant le trône, l’orateur. Rien de cela ne se trouve dans les loges britanniques « anciennes ». C’est bien d’une loge française qu’il s’agit, qui ne diffère de celle du Régulateur que par la couleur des tentures et la position des surveillants. Si l’emplacement des trois chandeliers (des « lumières ») est omise par Vuillaume, les indications de Delaunay nous les montre aux angles NO, SO et SE.
D’où le schéma suivant :

Fig. 5 : Loge d’apprenti du REAA.
La disposition des lumières d’angle est celle du Rite Ecossais pré-révolutionnaire. Par contre, les surveillants sont disposés selon la mode « ancienne » et la situation des colonnes correspond à la distribution des mots des deux premiers grades.
Au grade de maître, Vuillaume décrit les neuf lumières « groupées par trois », à l’est, au sud et à l’ouest. L’habillement est un tablier doublé et bordé de rouge avec, au milieu, peintes ou brodées en rouge les lettres M.B. Le cordon est bleu moiré, avec au bas une rosette rouge à laquelle est attaché le bijou.
Comme de juste, les « secrets » à chaque grades sont ceux du Rite ancien.
Qu’avaient conservé, du Rite Ecossais d’avant 1804, les tenants du nouveau système ? Bien peu de choses : la disposition des chandeliers, la couleur rouge et l’acclamation Houzzé (ou Houzay). Par contre la disposition générale de la loge tenait à la fois de la tradition française et des usages britanniques.
Si c’était dans ce décor que se déroulaient les cérémonies prévues par les rituels d’origine du REAA, la conclusion s’impose : un rituel d’inspiration hybride, alliant le goût français du spectacle à la simplicité britannique, exécuté dans un décor relevant d’une triple influence. Tel était en définitive le REAA aux grades symboliques.
3.7. Clef de lecture.
Quatre critères essentiels (moderne, ancien, français, écossais) distinguent les rites pratiqués en langue française. Les critères « géographiques » (français et écossais) s’excluent mutuellement, de même que les critères de style (moderne et ancien). Les premiers se définissent par la disposition des chandeliers autour du tapis de la loge, le second par l’ordre des mots sacrés et les places des surveillants.
En référant aux figures 1 et 4, on constate qu’un Rite peut être :
- Français et moderne : c’est le cas du Rite Français et du Rite Suédois Je l’ai vu. .
- Ecossais et moderne : c’est le cas du Rite Ecossais Rectifié, du Rite Ecossais Philosophique et du Rite Moderne belge .
- Ecossais et ancien : c’est le cas du REAA, dans toutes ses versions successives.
- Il n’y a pas de Rite Français et ancien Si ce n’est la construction très récente de René Guilly, intitulée « Rite Français rétabli » (devenu plus tard « Rite Français Traditionnel ») et pratiquée, en Belgique par certaines loges de la Grande Loge féminine. .
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Le Rite Ecossais Ancien et Accepté
Par Pierre Noël, 33e, CBCS
4. Les auteurs des rituels bleus du REAA.
Qui a rédigé ces rituels ? La question ne peut avoir de réponse assurée. Nous ne savons pas et ne saurons peut-être jamais qui en furent les rédacteurs. Ceci n’interdit empêcher d’avancer quelques hypothèses, basées sur quelques prémices simples :
- Le ou les rédacteurs connaissaient la maçonnerie habituellement pratiquée en France.
- Ils étaient familiers de la maçonnerie britannique ou américaine, notamment celle pratiquées dans les loges de Rite ancien.
- Ils disposaient de « Three Distinct Knocks » et en connaissaient suffisamment la langue pour le traduire de façon correcte.
- Enfin, ils devaient avoir un intérêt à diffuser, en France, une maçonnerie d’un style nouveau, différente de celle des loges du GODF.
Ne peuvent répondre à ces critères que des maçons ayant vécu à l’étranger et soucieux de se démarquer du Grand-Orient. Or tel était le cas de ces « Américains » qui voulurent introduire à Paris un système en 33 degrés qu’ils présentaient comme une forme maçonnique plus « universelle » que le Rite Français en 7 grades que pratiquait le Grand-Orient depuis 1786. Pour arriver à leurs fins, Ils se devaient d’offrir des rituels nouveaux pour les trois premiers grades. Or ceux-ci n’existaient pas puisque le premier Suprême Conseil du monde, celui de Charleston, avait précisé qu’il laissait aux Grandes Loges la communication des trois degrés de base.
Il fallait donc les inventer pour la cause. C’est ce que firent les rédacteurs en puisant indifféremment dans les rituels existants.
Très habilement, ils intitulèrent « ancien » Ils ne firent d’ailleurs que traduire la titulature américaine : Grand Lodge of Ancient and Accepted Freemasons. le produit de leur compilation, comme l’avait fait avant eux Laurence Dermott, Grand Secrétaire de la Grande Loge anglo-irlandaise de 1751, et, comme lui, ils qualifièrent leurs rivaux de « modernes ». Dans les deux cas, la fascination qu’exerce toute affirmation d’ancienneté suffit à donner à leur produit un aura d’authenticité Fascination dont nous avons aujourd’hui encore de nombreux exemples. . Mais ils eurent garde d’omettre la revendication « Ecossaise », laquelle eut toujours sur les maçons Français un invincible pouvoir d’attraction depuis les affirmations du chevalier Ramsay et l’apparition des premiers hauts-grades.
Peut-on être plus précis ? Le rituel de la Triple Unité est daté de 1804, ce qui signifie qu’il fut soit rédigé soit copié cette année-là. Le copiste, qu’il soit ou non l’auteur du rituel, devait appartenir à cette loge ou, à défaut, à une loge qui partageait les mêmes préoccupations. Comme rien ne permet d’affirmer que le rituel original fût écrit en 1804, l’enquête peut théoriquement remonter jusqu’à la date de parution de TDK mais les circonstances historiques suggèrent que sa rédaction est postérieure au retour des « Américains » dans leur mère-patrie.
Considérant les critères énoncés plus haut, trois noms viennent immédiatement à l’esprit : Grasse-Tilly, Hacquet et Fondeviolles.
Grasse-Tilly était membre du Contrat Social avant son départ pour les îles. Durant son séjour à Charleston, il fréquenta les ateliers des deux Grandes Loges locales dont l’une était de Rite Ancien Il en fut même grand officier. . De retour à Paris en juillet 1804, il s’employa, avec l’appui de sa loge-mère, à fonder la Grande Loge générale Ecossaise qu’il présida en l’absence de Grand Maître. Il fut le fondateur du Suprême Conseil de France dont il devint le premier Grand Commandeur et il traita de puissance à puissance avec les officiers du Grand-Orient. Le traité d’Union lui assura des fonctions importantes, tant au sein du GODF qu’au sein du Grand Chapitre Général. Son rôle fut cependant de courte durée puisqu’il démissionna de sa fonction de Grand Commandeur le 10 juin 1806 et s’en alla aux armées pour ne revenir à Paris qu’en 1814. Il ne manquait ni d’audace ni d’ambition, mais avait-il les qualités requises pour rédiger de nouveaux rituels ? On peut en douter. Rien dans sa carrière ne le prédisposait à une vocation littéraire. Il ne fut après tout qu’un militaire sans trop d’envergure (il ne dépassa pas le grade de chef d’escadron) et un noble sans ressources qui souvent vécut d’expédients et se vit reprocher d’utiliser la maçonnerie à des fins personnelles et intéressées. Tout cela n’empêche rien, certes, mais n’en fait pas le plus susceptible d’un travail ingrat et sans beaucoup d’éclat.
Germain Hacquet, notaire à Saint-Domingue, fut vénérable d’une loge de Port-au-Prince dépendant de la Grande Loge de Pennsylvanie. Lorsque celle-ci installa, en juin 1802, une Grande Loge provinciale dans l’île, il en fut député Grand Maître Baynard, 1937 : 66. . Lorsqu’il arriva en France, en avril 1804, il était muni d’une patente de député Grand Inspecteur général dont il usa pour établir au sein des loges de la Triple Unité et du Phénix, fondée par lui le 14 juin de la même année Hacquet était vénérable du Phénix lors de la réunion de septembre 1805 qui vit la dénonciation du concordat. , un Consistoire du Rite d’Hérédom (c’est à dire du Rite de Perfection en 25 degrés) pour la France. Reçu au 33° par Grasse-Tilly, il devint Grand Surveillant de la Grande Loge générale Ecossaise puis, lors du concordat, Grand Officier de seconde classe du GODF. Le 22 décembre 1804, il devint également Grand Maître des cérémonies du Suprême Conseil, fonction qu’il exerça jusqu’à son ralliement au Suprême Conseil des Rites Actuel Grand Collège des Rites. constitué par le GO en 1815, dont il devint le premier Grand Commandeur 22 novembre 1815 (in Gout, 1992 : 61). . Hacquet occupa une fonction dirigeante dans les cercles qui virent la naissance des rituels bleus du REAA. S’il n’en fut pas le rédacteur, il avait sans conteste les qualités pour le faire. Il serait plaisant que les rituels bleus du REAA aient été rédigés par le premier Grand Commandeur du Grand Collège des Rites.
Jean-Pierre Mongruer de Fondeviolles, propriétaire à Saint-Domingue, serait revenu en France en 1797. Membre du GODF, Rose-Croix, il fonda la Triple Unité le 25 septembre 1801 puis, en 1804, un consistoire du 32° degré grâce à une patente en blanc reçue de Kingston cette année-là Citation de Kloss, aimablement communiquée par Alain Bernheim. . Reçu au 33° par Grasse-Tilly le 24 octobre 1804, il fut actif dans la Grande Loge générale Ecossaise : lors de la tenue du 3 novembre 1804, il y exerça les fonctions de 2ème surveillant, tandis que Hacquet était 1er surveillant. Il assista à la réunion de septembre 1805 au titre de vénérable de la Triple Unité Ecossaise dont il devint plus tard vénérable d’honneur. Il participa régulièrement aux réunions du Suprême Conseil jusqu’à ce que ses activités parallèles le contraignent à en démissionner en 1812.
Les raisons de cette démission sont importantes car elles permettent de jeter un oeil neuf sur les activités du Suprême Conseil de France, de 1805 à 1812.
En septembre 1805, nous l’avons vu, le Grand Consistoire des 33° et 32° avait dénoncé le traité d’union et décidé que le Suprême Conseil aurait une existence indépendante du GODF. Il maintint cependant les dispositions essentielles du concordat, laissant au GO le soin de conférer les grades jusqu’au 18° et de superviser les chapitres. Ces décisions furent suivies par l’élection de Cambacérès, déjà Grand Maître adjoint du GO depuis le 13 décembre 1805, aux fonctions de Grand Commandeur (1er juillet 1806), laissées vacantes par la démission de Grasse-Tilly (10 juin 1806), et par son installation solennelle (13 août 1806). Le premier acte du Suprême Conseil fut hautement significatif : il renonça à organiser des ateliers de tous grades et décréta que les degrés supérieurs au 18° ne seraient à l’avenir conférés qu’en son sein (décret du 27 novembre 1806 Livre d’or du Suprême Conseil. ) :
Art 1 : La puissance dogmatique du REAA appartient au Suprême Conseil des GIGercée sous sa surveillance par le Grand Consistoire.
Art 2 : le SC a sous sa surveillance
- Le Souverain Grand Consistoire des 32°
- les Conseils particuliers des 32°
- les Tribunaux des 31°
L’organisation des Conseils, Tribunaux, Collèges et Chapitres particuliers, attachés aux degrés supérieurs au 18° jusques et y compris les conseils particuliers des 32° est suspendue jusqu’à ce qu’il en ait été autrement décidé par le Suprême Conseil. Tout arrêté contraire à cette disposition, précédemment pris par le Suprême Conseil est révoqué.
Art 3 : Les degrés supérieurs au 18° degré, jusques et y compris le 32°, ne seront conférés à l’avenir, jusqu’à l’organisation des conseils, tribunaux, collèges et chapitres du degré, que par le SC du 33° degré, ou en vertu d’une délégation spéciale et particulière, émanée de lui.
Art 4 : L’établissement des conseils, tribunaux, collèges et chapitres énoncés à l’article ci-dessus, ne pourra être fait, lorsqu’il y aura lieu, qu’en vertu des Chartes capitulaires accordés par le Grand-Orient ; mais la demande d’établissement ne pourra être formée que par le SC du 33° degré, comme ayant la puissance dogmatique.
Et jusques à l’obtention des chartes capitulaires, les requérans ne pourront se former en trav. du degré dont ils solliciteront les chartes, sous quelque prétexte que ce soit.
Par ce décret, le Suprême Conseil s’interdisait toute possibilité d’extension. Il se condamnait lui-même à une vie végétative, repliée sur le seul cénacle parisien. Que cette décision ait été mal vécue par tous ceux qui, 33° ou non, pratiquaient déjà les degrés supérieurs, parfois en vertu de patentes antérieures à la création du Suprême Conseil, ne peut surprendre. Qu’ils aient décidé de continuer sans tenir compte des décisions d’un organisme lointain et coupé de la base était dans l’ordre des choses. Et c’est bien ce qui se passa : les grades supérieurs du Rite furent conférés dans des ateliers de Paris et de province qui s’estimaient habilités à le faire, sans rendre de compte au Suprême Conseil.
Celui-ci en prit ombrage et, constatant, lors de sa tenue du 15 décembre 1808, que de nombreux frères se décoraient de cordons et bijoux de degrés non reconnus par lui et que les hauts-grades étaient conférés avec une facilité suspecte, il décréta quels étaient les degrés Ne pouvaient être conférés que les, 27°, 29°, 31°, 32° et 33° degrés du Rite. qui pouvaient être conférés et ajouta que seuls étaient licites les cahiers du REAA revêtus de son sceau et de la signature du secrétaire du Saint-Empire, Pyron. Le décret ne suffit pas à remettre de l’ordre dans la maison puisque, le 19 janvier 1811, le Suprême Conseil rappela avec force que les hauts grades dépendaient de lui seul : «{Jusqu’au 18° degré, l’autorité réside dans le Grand-Orient de France, de même il faut que, pour les degrés supérieurs, il y ait un centre unique, et ce centre ne peut être que le Suprême Conseil}». Dans la foulée, il revint sur sa décision de 1806 et décida qu’à l’avenir il organiserait des ateliers de grades intermédiaires dans les villes de province, seule décision susceptible d’enrayer le trafic de grades.
Art 27 : La suspension de l’organisation des chapitres, collèges, tribunaux et conseils particuliers, prononcées par l’article 2 du décret du 27 novembre 1808 Décret qui réaffirmait celui de 1806. est levée ; leur organisation aura lieu dans les villes de l’Empire que le Suprême Conseil en jugera susceptibles. Elle ne pourra être faite que près les chapitres du 18° degré du REAA Livre d’or. Les Chapitres dépendaient, rappelons-le, exclusivement du GODF. .
Pyron Pyron 1817 : 61-64. confirme que de nombreux chapitres s’étaient constitués de leur seule autorité en Grands Chapitres (du 29°), Collèges (du 30°), Tribunaux (du 31°) et Conseils Particuliers (du 32°). Il cite quatre chapitres de Paris, dont le dernier, conduit par Abraham, 32°, avait créé un Tribunal à Neufchâteau (Vosges) et reçu quelques maçons d’Angers au 31°, lesquels avaient organisé un Grand Chapitre du 29° et un Tribunal du 31° dans cette ville.
Le 2 décembre 1811, le Suprême Conseil examina le cas du Consistoire de la Triple Unité. Celui-ci avait été fondé par Fondeviolles en vertu, disait-il, d’une charte capitulaire émanant de Kingston et reçue avant la création du Suprême Conseil. Il estimait dès lors que les décrets postérieurs ne lui étaient pas d’application. Fondeviolles ne put malheureusement fournir cette charte à la commission d’enquête, constituée de Freteau de Peni, Rampon et Rouyer. En conséquence, le consistoire fut déclaré irrégulier, décision qui amena la démission de Fondeviolles du Suprême Conseil Lettre de Fondeviolles, Inspecteur du 33° degré, aux Ill et Sub Inspecteurs généraux, composant le Suprême Conseil du 33°, reçue le 9 décembre 1811 : « ILL G Inspecteurs, mon âge et mes infirmités, presque continuelles, me privent d’assister à vos travaux, comme je le voudrais ; je vous prie de vouloir agréer ma démission de membre du Suprême Conseil. Je n’en ferai pas moins des voeux pour la propagation du Rit ancien et accepté, dont vous êtes le soutien et l’appui. Agréez, …. ». .
Sa démission fut annoncée le 20 avril 1812, en même temps que furent « régularisés » 55 membres du consistoire de la Triple Unité, car ce fut la pratique constante du Suprême Conseil de régulariser les membres de ces ateliers qu’il décrétait d’irrégularité.
Ces événements sont importants car ils démontrent que l’autorité du Suprême Conseil était bien loin d’être assurée et que son activité même se limitait à ces quelques tenues dont son livre d’or nous a laissé la trace. En-dehors de son enceinte, chacun faisait à peu près ce qu’il voulait. D’autre part, ils confirment que les 33° qui le composaient ne s’occupaient d’aucun degré inférieur au 19°, a fortiori des trois premiers grades même si, on l’a vu, le nombre de loges bleues du GODF travaillant au REAA était loin d’être négligeable. On peut légitimement en conclure qu’ils ne furent, en tant qu’institution, pour rien dans la genèse des grades symboliques de « leur » Rite.
Pour en revenir à Fondeviolles, cette affaire montre qu’il ne se sentit jamais lié par les décisions du Suprême Conseil dont il était membre depuis sa fondation. Son terrain était bien plus la Triple Unité dont il était le vénérable fondateur. Peut-on imaginer qu’il ne participa point Je ne dis pas qu’il en fut l’auteur ! la rédaction du rituel du 1er degré que nous avons retrouvé, émanant d’une loge dont il était le vénérable fondateur ? Ce l’est d’autant moins qu’un rituel (de REAA) des trois premiers grades, conservé au fonds Kloss, porte la mention « Geschreven door Br. Fondeviolles Ecrit par le Fr Fondeviolles. ».
Reste Abraham. Certes, rien ne permet d’affirmer qu’il sut l’anglais ni qu’il séjourna hors de France, mais il fut très actif durant la période qui nous occupe et son intérêt pour le Rite ancien et les innovations ramenées d’Amérique ne se démentit jamais. Il accueillit Hacquet, lors de son arrivée en France, et de leur collaboration naquit le « Phénix » le 14 juin 1804. Nous avons vu qu’il publia, dès 1807, un « Art du Parfait Thuileur » qui adoptait les caractéristiques du Rite ancien. Il n’en resta pas là : un « Unique et Parfait Thuileur pour les 33 grades de la Maçonnerie écossaise », paru en 1812, lui fut également attribué, à tort ou à raison. Il fonda, en sa qualité de 32°, un Grand Chapitre du 29° et un Tribunal du 31° degré à Neufchâteau, ateliers que le Suprême Conseil déclara irréguliers les 2 décembre 1811 et 6 avril 1812. Le 8 avril 1812, une commission constituée de Hacquet, Challan et Chasset, déposa un rapport devant le Suprême Conseil qui concluait qu’Abraham avait indûment conféré des grades et délivré des cahiers de rituels aux Frères du Père de Famille d’Angers. Ce chapitre avait bien été constitué par le GODF mais celui-ci avait pour règle de ne donner que les grades qu’il était autorisé à conférer, c’est à dire jusqu’au 18°, et les grades supérieurs donnés par Abraham l’avait été de façon illégitime. Le Suprême Conseil déclara irrégulier ces ateliers (décret du 8 avril 1812) et Pyron d’ajouter que les diplômes concédés par eux étaient nuls et de nul effet et qu’Abraham fut rayé du tableau des membres du 32° degré. La même année, le 7 août, le Souverain Chapitre Métropolitain du Rite Ecossais Philosophique, présidé par le général baron Rouyer, mettait en garde contre un ouvrage, « Les Règlemens généraux de la Maçonnerie Ecossaise », publié à Paris et distribué par un M. Piat qui reconnut qu’ils les avaient reçu d’Abraham. Or celui-ci avait été employé en 1805 par le Chapitre « pour des travaux d’écriture » et il en avait profité pour dérober un exemplaire de ces Règlements. Enfin, le 14 septembre, le Suprême Conseil ordonna l’envoi d’une circulaire à tous les ateliers du Rite pour les prémunir contre le trafic des hauts-grades et cahiers de la maçonnerie, et notamment contre Abraham qui se présentait à beaucoup de loges comme revêtu des plus hauts-degrés du REAA, du REP et du Rite d’Hérédom de Kilwinning.
Qu’en conclure sinon qu’Abraham joua un rôle mal connu mais conséquent dans la diffusion des grades Ecossais, en dehors de tout contrôle du Suprême Conseil dont l’influence exacte durant la période impériale reste à écrire.
Un dernier mot concernant le Suprême Conseil d’Amérique. Réveillé par Delahogue (1744-1822), beau-père de Grasse-Tilly et son lieutenant Grand-Commandeur, il conféra lui aussi des patentes et créa des ateliers supérieurs dans la métropole dès 1810, ce qui ne l’empêcha pas de réclamer en 1813 qu’il fût établi un « Suprême Conseil pour les possessions françaises d’Amérique » auprès du SCDF. Pyron Pyron, 1817 : 69-71. relève à cette occasion qu’ils avaient reçu une quantité considérable de maçons aux 30°, 31° et même au 33° degré, et qu’ils avaient délivré nombre de diplômes de degrés supérieurs au 18° degré, tant en France qu’à l’étranger, diplômes signés à l’orient de Paris ou de Saint-Domingue Leur demande fut rejetée lors de la tenue du 30 janvier 1813 Livre d’or du Suprême Conseil de France. Séance du 30 janvier 1813. . Ceci n’empêcha pas que le nom des « Américains » soit à nouveau mentionné dans le tableau suivant, daté du 5 mars 1813 A.Bernheim, 1987, p. 37. . Malgré cette marque de bonne volonté, ces mêmes Américains s’adressèrent au GODF le 27 octobre :
Le Très-Illustre F De Grasse-Tilly, G Commandeur ad vitam du suprême conseil pour les possessions françaises d’Amérique, joint à ce titre éminent celui extrêmement précieux de premier rep particulier du G M du G O de France. Ce double lien resserre encore plus les noeuds qui lient ces pères de la maçonnerie écoss à l’étoile maç qui éclaire et dirige tous les maçons de France.
Quoique prisonnier des Anglais, le T Ill G G est cependant au milieu du sup Cons, par l’affection que chacun des chev lui porte ; les pouvoirs qui le constituent sont entre les mains des TT Ill GG II GG 33° degré, qui, réunis au T Ill F Lieut G C De la Hogue, les conservent avec les titres, chartes, constitutions, timbres et sceaux du sup Cons, qui possède avec orgueil sur son livre d’or les signatures de presque tous les ill Membres du G O de France Allusion au registre contenant le serment d’obéissance prêté au Suprême Conseil par les dignitaires du GODF, dont Roëttiers, le 29 décembre 1804 lorsqu’ils furent reçus aux 18°, 31°, 32° ou 33° degrés (texte dans Pyron, 1817 : 26 ; Jouaust, 1865 : 312 et Lantoine, 1927, II : 145-146). .
Le sup Cons pour les possessions françaises de l’Amérique, réfugié en France, n’exerce point sa juridiction pour la France ; il se borne à constater son existence maç par des procès-verbaux de carence. Il voit avec douleur s’éloigner, par la prolongation de la guerre maritime, le moment où il pourra retourner dans ses foyers. Depuis le jour où les membres du sup C ont mis le pied sur le sol de la mère-patrie, chacun d’eux a tenu à un atelier régulier sous le régime du G O de France ; plusieurs d’entre eux ont propagé la vraie lumière, et quel que soit le grade élevé dont il ait été revêtu, il s’est empressé de rendre hommage et de reconnaître l’autorité et le pouvoir suprême de ce corps législatif et sénat de la maç Française.
Le sup Cons pour les possessions françaises de l’Amérique vient donc unanimement exécuter la pensée du T Ill F de Grasse-Tilly, devenue la sienne ; il se range sous la bannière du G O de France ; il vous demande, T Ill FF, la faveur d’accueillir maintenant et pour toujours son député ; de le recevoir parmi les FF qui composent le G O de France. Le sup Cons désire y puiser de nouvelles lumières, mériter l’éloge de tous les maç de l’Amérique française, et, par sa demande franche et digne de tout vrai maç, proclamer la vérité incontestable que le G O De France est le premier et le seul pouvoir constitutif de la France, et que s’éloigner un moment du cercle de sa puissance, c’est commettre une erreur coupable et contraire au concordat signé en décembre 1804, qui a réuni dans le souv chap du G O De France, les consist et sup cons de la maç écoss
Cette époque, TT Ill FF, sera mémorable pour le sup Cons ; et lorsque la paix le ramènera dans le Nouveau Monde, il s’empressera de répandre cette vérité, qui fixera à jamais tous les consist, conseils et collèges sous le régime du G. O de France.
Fait à l’O de Paris, le 27° j du 8° mois de l’an de la v L 5813.
Signé : Le GT(trésorier) ad vitam, Hannecart-Antoine ; De La Hogue, lieut G Commandeur ad vitam du 33° degré pour les dominations françaises de l’Amérique ; Tissot, lieut G Insp Gén, 33° degré ; Devillainez, 33°, Ill G A ; Nazon.
Par commandement : le secrétaire du Saint-Empire, A. Teissier de Marguerittes. In Vassal, 1827 : 43-45. Il ne semble pas que le Grand-Orient ait répondu à cette lettre.
Il est cependant peu probable qu’ils aient participé à la rédaction des grades bleus : Delahogue était encore en Amérique en 1804 Il était, cette année-là, vénérable de la loge la Charité n° 93 à la Nouvelle-Orléans avant de recevoir, le 29 juillet une patente, délivrée par le Suprême Conseil de Charleston, de Souverain Grand Inspecteur Général du 33° degré et lieutenant Grand Commandeur des Indes occidentales françaises » (in « History of the Supreme Council, 33°. Antient Accepted Scottish Rite of Freemasonry. Northern Masonic Jurisdiction of thee United States of America», S.H.Baynard, 1937 : 65.) , la plupart de ses partisans, à l’exception d’Antoine, n’avaient jamais mis les pieds outre mer et leur Suprême Conseil ne constitua aucune loge bleue avant la Restauration.
5. L’essor du Suprême Conseil et l’abandon de l’héritage « ancien ».
La chute de l’empire vit celle du Suprême Conseil. La plupart de ses membres rallièrent le GODF et le « Grand Consistoire des Rites Il deviendra l’actuel Grand Collège des Rites du GODF. », installé le 22 novembre 1815 et présidé par Hacquet, et les irréductibles conduits par Pyron et Thory n’eurent d’autre solution que la mise en sommeil. Le Suprême Conseil d’Amérique, par contre, en trouva une vigueur nouvelle, d’autant que son grand Commandeur, Grasse-Tilly, était revenu de captivité et avait repris la direction des travaux.
Ce Suprême Conseil prit sous sa direction des loges bleues, ce que n’avait jamais fait le Suprême Conseil de France. Il n’avait en 1815 qu’une seule loge La Rose Etoilée que vint rejoindre, l’année suivante, La Rose du Parfait Silence. Le 24 octobre 1818, le Suprême Conseil d’Amérique, présidé par le comte Decazes, élu Grand Commandeur cinq jours après la démission (10 septembre ) de Grasse-Tilly, consacra la loge Les Propagateurs de la Tolérance, « mère-loge du Rite Ecossais », loge aristocratique comprenant tous les 33° en activité et présidée par le général baron Louis Joseph César de Fernig (1774-1847), initié en 1804 dans la loge Les Amis Philanthropes à Bruxelles.
Il fallut attendre 1821 pour que les survivants (entre autres Valence, Muraire, Lacépède, Fréteau de Pény) du Suprême Conseil de France décident le réveil de leur institution et acceptent sa fusion avec le Suprême Conseil d’Amérique Les querelles intestines consécutives à la scission du Suprême Conseil d’Amérique en deux organismes rivaux mais homonymes, dits de Pompéi et du Prado, n’entrent pas dans notre propos. Nous ne parlons ici que de « Pompéi ». , fusion qui fut consacrée le 24 juin, le comte de Valence devenant Grand Commandeur, le comte de Ségur lieutenant Grand-Commandeur, le comte Muraire et Fernig secrétaires. Le même jour, fut installée la loge de la Grande Commanderie, organisme qui était censé régir tous les grades jusqu’au 29ème degré. En juillet de l’année suivante, la Grande Commanderie devint la Grande Loge Centrale, portant le n° 1 sur le tableau de l’obédience tandis que Les Propagateurs de la Tolérance devenait le n° 2.
Que devint le rituel hybride concocté par les tenants du REAA ? Puisque le Guide fut publié vers cette époque, il est vraisemblable qu’il fut utilisé, en tout et en partie. Nous ignorons quel rituel était utilisé par les Propagateurs de la Tolérance. Les procès-verbaux de cette loge, conservés à bibliothèque royale de Bruxelles, font état de plusieurs initiations, entre 1818 et 1819, mais ne mentionnent des cérémonies que les « épreuves ». Tout au plus peut-on dire que cette loge connaissait les diacres. Le prince d’Arenberg était premier Grand Diacre et le comte de Castellane deuxième Grand Diacre tandis que les FF Gaborrio et Rascol étaient diacres titulaires.
Le Guide fut-il ensuite pratiqué par les loges dépendants du Suprême Conseil de France après sa réorganisation en 1821 ? La réponse ne peut qu’être nuancée. Tel quel, il était impraticable, ne fût-ce que par l’incohérence des cérémonies proprement dites et des instructions de chaque grade. Deux solutions étaient possibles : soit adapter les cérémonies aux prescriptions des instructions, ce qui revenait à faire de « l’Emulation », avant la lettre, soit réécrire les instructions et, pourquoi pas, ajouter à l’ensemble des innovations supplémentaires, aussi loin de l’exemple britannique que du « Régulateur » français. C’est, semble-t-il, la deuxième option qui fut choisie.
5.1. Les rituels de 1829.
Le manuscrit BN coté FM4 96, intitulé « Rite Ecossais Ancien et Accepté. Rituel des trois premiers degrés selon les anciens rituels », fut récemment réédité par le Suprême Conseil de France Gout 1999, pp. 297-476. . Le premier degré ne diffère guère de celui du Guide. Seule modification notable : la purification par l’eau au 2ème voyage. Le second degré par contre introduit de longs et fastidieux développements, lus au cours des voyages, sur les cinq sens, les ordres d’architecture et les arts libéraux.
Le troisième degré subit une mutation radicale : la légende d’Hiram devient allégorie solaire, mutation que nous développons plus loin.
5.2. Le rituel de la loge Le Progrès de l’Océanie.
La Franc-maçonnerie fut introduite dans les îles Hawaii en 1843 par un marin français, Georges Le Tellier, 18° degré du REAA (Suprême Conseil de France). Possesseur d’une patente de cette obédience lui permettant « de créer et constituer conformément aux règlements généraux du Rite de nouvelles loges sous l’obédience du Suprême Conseil dans tous territoires dont la juridiction n’a ni été décidée ni reconnue » Charte décernée le 20 avril 1842 et signée par le général comte de Fernig, lieutenant Grand Commandeur, et A. Genervay, secrétaire général du SCDF. , il réunit quelques maçons à Honolulu et ouvrit la loge Le Progrès de l’Océanie n° 124 le 8 avril 1843, loge qui est toujours en activité de nos jours, sous l’autorité de la Grande Loge locale. Son rituel fut traduit en anglais Traduction rééditée par Art de Hoyos, 1995. par Erik Palmer, passé maître de la loge Americus n° 535, Grande Loge de New York, à une date inconnue. Il fut, lui aussi, réédité par le Suprême Conseil de France en 1999 « Le rituel de la R L « le Progrès de l’Océanie », Ordo ab Chao, 1999, n° 39-40 : 477-650. . Ce document fondamental montre les développements du Rite de 1821 à 1843.
Les officiers de la loge sont ceux prévus pas le « Guide » : le vénérable maître, deux surveillants, un gardien, deux diacres, un secrétaire, un orateur, un maître des cérémonies, un couvreur, un expert et un aumônier. La disposition de la loge est conforme aux prescriptions de Vuillaume et de Delaunay, mais les chandeliers sont placés « L’une à Est, vers le Sud. Deux à l’Ouest, l’une vers le Sud et l’autre vers le Nord », selon la pure tradition Ecossaise. Au-dessus du trône se trouve un delta ou triangle portant le tétragramme en hébreu.
L’ouverture suit fidèlement les indications du « Guide » ou, si l’on préfère, du rituel de la Triple Unité. Seule manque la circulation du mot du grade, du vénérable au second surveillant par l’intermédiaire des diacres. Les circonstances de l’initiation suivent le même schéma, y compris la prière et la question de la croyance en Dieu, avec cependant quelques modifications non négligeables :
- C’est le premier diacre qui introduit le candidat puis le conduit lors de ses voyages (il est alors dénommé F. Terrible).
- Le candidat est purifié par l’air lors du premier voyage, par l’eau au deuxième et par le feu au troisième. De même les bruits divers, les cliquetis d’armes, le silence enfin accompagnent les trois voyages, comme c’est l’usage aujourd’hui dans les loges belges de Rite « moderne ».
- La lumière est donnée en un temps, suivant l’exemple du « Régulateur », sans l’épisode du cadavre du parjure.
L’obligation est prise devant l’autel, le candidat à genoux, la main droite sur l’épée nue, l’équerre et le livre des statuts de l’ordre (et non plus la bible), la main gauche tenant le compas ouvert à 60°, une pointe sur le coeur, l’autre dirigée vers le bas. Le vénérable renvoie ensuite le candidat à l’ouest, entre les colonnes, où la lumière lui est donnée dans le cercle des épées. Suit la consécration, à l’est, par trois coups sur l’épée placée sur la tête de l’impétrant. La formule utilisée diffère quelque peu dans les deux rituels publiés :
Au nom de Dieu, seul auteur et souverain maître de toutes choses, sous la protection de St Jean, au nom et sous les auspices des SS GG II Gén, chefs, protecteurs et vrais conservateurs de l’ordre, 33° et dern deg du Ecoss Anc Acc composant le Sup Cons du St Empire pour la France et ses dépendances, en vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés par eux et cette resp Loge je proclame le F…. que vous voyez présent entre les deux colonnes, apprenti maç et en cette qualité Membre de la resp Loge n° ….constituée sous le signe distinctif de à l’Or de (in Ordo ab Chao, 1999 : 528)
A la gloire du Grand Architecte de l’Univers, au nom et sous les auspices des Souverains Grands Inspecteurs, véritables conservateurs de l’ordre, 33° et degré du Rite Ecossais Ancien Accepté, composant le Suprême Conseil du Saint-Empire pour la France et ses dépendances. En vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés par eux et par cette vénérable loge, je vous crée, reçois et constitue apprenti maçon, premier degré du Rite Ecossais Ancien Accepté, et membre de la vénérable loge symbolique constituée sous le n° 124 et le titre distinctif Le progrès de l’Océanie, à l’orient d’Honolulu dans les îles Sandwich.(in Collactanea, 1995 : 55)
L’instruction est d’un intérêt fondamental car elle démontre que l’influence « ancienne », si prégnante dans le « Guide », fut considérablement atténuée. Les questions-réponses ont été réécrites, pour les aligner sur la cérémonie mais aussi pour les adapter au goût du discours moralisateur si caractéristique de l’époque. La description de la réception est conforme aux péripéties vécues par le néophyte et les voyages décrits comme le passage du chaos à l’ordre et à la paix. La description de la loge apporte quelques précisions inédites :
Où travaillez-vous ?
Dans une loge.
Comment se nomme votre loge ?
Elle a pour nom générique la loge saint Jean ;
Que veut dire cette dénomination ?
Comme St Jean que les Anciens nommaient Janus semble garder les portes du ciel et les ouvrir à l’astre radieux du jour la route céleste que parcourt le soleil Phrase curieuse dont manquent sans doute un ou plusieurs mots. La traduction anglaise est tout aussi incorrecte. , fut nommé le temple ou l’empire de Janus ; de même aussi la loge où travaillent les maç Pour parvenir à la connaissance de la Vérité qui est la vraie lumière, a été nommée la loge St Jean parce qu’elle est l’image de l’Univers
Comment est construite votre loge ?
C’est un carré long, sa longueur s’étend de l’Est à l’Ouest, dont la largeur est du Nord au Sud, la hauteur de la terre au cieux, et la profondeur de la surface de la terre au centre.
Comment est couverte votre loge?
Par une voûte de couleur d’azur parsemé d’étoiles sans nombre, et où circulent le soleil et la lune, et d’innombrables globes qui se soutienne par leurs attractions pondérées.
Quels sont les soutiens de cette voûte ?
Douze belles colonnes.
La loge n’a-t-elle pas d’autres appuis ?
Elle est encore fondée sur trois piliers.
Quels sont-ils ?
Sagesse, Force, Beauté. Trois des principaux attributs de la Puissance Suprême.
Comment sont représentés dans la loge ces trois attributs de la puissance Sup?
Par trois grandes lumières
Comment sont placées ces trois grandes lum?
Une à l’Est, une à l’Ouest et la 3° au Sud. Ordo ab Chao, 1999 : 544-545.
Surprenante est l’introduction de notions « ésotériques » qu’on n’attendrait pas si tôt, l’allusion à Janus par exemple qu’on croirait empruntée à René Guénon ou encore la signification des colonnes de bronze du temple comme portes solsticiales :
Que signifie le porche ?
Il marque le point de l’Est où le soleil se lève sur l’hémisphère ; c’est aussi le symbole de l’initiation aux mystères de la maçonnerie.
Que signifient les deux piliers de bronze ?
Ils marquent les deux points solsticiaux que depuis des milliers de siècles l’étoile du matin n’a jamais encore traversé comme si elle était retenue par une barrière de bronze.
Remarquons aussi que les Grandes Lumières ne sont pas constituées par l’ensemble bible-équerre-compas, selon l’usage « ancien », mais par les trois chandeliers d’angle, sans cependant qu’elles ne renvoient au ternaire « moderne », soleil-lune-maître de la loge.
Le deuxième degré amène des modifications significatives. Une préface annonce la signification nouvelle des trois degrés, inconnue des Anciens comme des Modernes, les trois âges de l’homme et introduit « l’allégorie solaire ».
De même que le gr d’app est la figure de la jeunesse, de même aussi le gr de comp représente la société dans l’âge civil … On pourrait encore en suivant l’allégorie solaire, comparer le second deg de la Maç à cette précieuse partie de l’année qui se renferme entre les deux équinoxes du printemps de d’automne… Ibid. 1999 : 550.
Le schéma de la réception est inchangé : cinq voyages, sous la conduite de l’expert et non d’un diacre, précédant la découverte de l’Etoile Flamboyante, mais leur signification n’est plus celle du « Régulateur ». Certes, ils sont toujours marqués par le port des mêmes outils et représentent, comme par le passé, les années d’apprentissage, mais l’enseignement qui les accompagne ne porte plus sur la formation opérative. Au premier voyage, le candidat découvre les cinq sens et l’Etoile Flamboyante ; au deuxième les cinq ordres d’architecture Toscan, dorique, ionique, corinthien et composite. ; au troisième, les sept arts libéraux ; au quatrième, les globes terrestre et céleste ; au cinquième, l’unicité singulière de l’Etre Suprême, « créateur et conservateur de tout ce qui est », représenté par l’Etoile Flamboyante. L’instruction finale résume cet enseignement qui « représente les âges successifs de l’homme ou de la société ».
L’ouverture de la loge de maître ne prévoit plus de diacres. La loge est obscurcie et drapée de noir, éclairée seulement par « trois étoiles mystiques ». Le candidat est introduit à reculons et ne se retourne qu’après qu’ont été examinés ses mains et son tablier. Il gagne ensuite l’orient, par-dessus le cadavre et écoute la légende d’Hiram. Celle-ci est déjà simplifiée : il n’est plus fait allusion à un complot de 15 compagnons dont douze se retirent in extremis mais seulement des trois assassins ; le parcours est (pour la première fois ?) « solaire », de la porte de l’est à celle de l’ouest et, détail capital, l’obligation que trois soient réunis pour prononcer le mot a disparu. Ni la cérémonie ni l’instruction finale ne font allusion à une perte du mot et l’accent est mis sur la résurrection de l’architecte, assimilée au retour de la lumière. Lorsque le vénérable relève le candidat, il prononce ces paroles :
Dieu soit loué ! Le Maître est retrouvé, et il paraît aussi radieux que jamais.
(Après avoir conduit le néophyte à l’orient, il ajoute) Célébrons, mes Frères, par des acclamations de joie cet heureux jour qui ramène sur notre atelier attristé depuis si longtemps la lumière qui en paraissait bannie pour toujours ; notre Maître a revu le jour, il renaît dans la personne de notre Frère… Ibid. 1999 : 631-632.
L’instruction nouvelle ne laisse aucun doute sur la signification solaire de la légende :
Que signifie donc l’histoire d’Hiram ?
Je pense que, dans la vérité, cette histoire est une figure de la marche apparente du soleil dans les signes inférieurs pendant trois mois qui s’écoulent depuis l’équinoxe d’automne ; que ces trois mois sont les trois conspirateurs, causes immédiates de sa fin apparente au solstice d’hiver.
A quelles circonstances reconnaissez-vous cela ?
Le soleil, à cette époque de deuil pour toute la nature, paraît vouloir fuir à jamais notre hémisphère. Cependant il semble bientôt se relever, retourner vers l’équateur et reparaître dans tout son éclat. De même nous voyons notre vénérable maître Hiram retiré des bras de la mort et revenir à la vie.
5.3. La mutation naturaliste
Ces deux rituels témoignent d’un éloignement évident des usages « anciens », comme de la tradition française. Certes le schéma de base des cérémonies (introduction, voyages, serment, consécration, communication) est conforme au Guide mais des apports nouveaux l’en distinguent nettement.
Au 1er grade, la purification par l’eau s’ajoute à celle par le feu, ce qui ne manque pas de logique, d’autant que le Rite Français les connaissait depuis 1786 Notons que le rituel d’apprenti du Rite de Misraïm, daté de 1839, prévoit les épreuves da la terre (cabinet de réflexions), de l’eau (1er voyage), du feu (2ème voyage) et de l’air (3ème voyage). C’est à ma connaissance la première mention explicite des quatre éléments. Ce rituel mêle éléments du Guide (notamment les secrets « anciens ») et du Régulateur. Les diacres y sont nommés « lévites » (manuscrit 1207 de la bibliothèque de Toulouse, réédité dans Serge Caillet, 1994 : 35-75). .
Les enseignements distillés au candidat lors de ses cinq voyages au 2ème grade méritent qu’on s’y arrête. Les cinq sens et les sept arts libéraux ne posent guère problème : ils étaient déjà expliqués dans l’instruction d’apprenti de TDK comme dans celle du Guide et leur insertion dans la cérémonie de réception du compagnon n’était finalement qu’une modification scénique. Par contre, l’apparition des cinq ordres d’architecture et des deux globes était une innovation réelle dont l’inspiration doit être trouvée aux Etats-Unis. Elle se trouve en effet dans un ouvrage célèbre outre atlantique, le « Freemason’s Monitor or Illustrations of Masonry » de Thomas Smith Webb (1771-1819), ouvrage, publié pour la première fois en 1797, plusieurs fois réédité du vivant de l’auteur comme après son décès, qui exerça une influence considérable sur la mise en forme des cérémonies pratiquées aux Etats-Unis et valut à Webb le titre de « père du Rite Américain » Erronément appelé, aujourd’hui, « Rite d’York » en France. Rappelons que cette expression, aux USA, désigne un ensemble de grades additionnels au trois grades symboliques, du Mark Master au Knight Templar en passant par le Royal Arch et les degrés « cryptiques ». .
Or, dans l’ouvrage de Webb, les « Remarques sur le second discours » contiennent une « exhortation à l’initiation au second degré » Webb, 1797 : 61-84. , en deux sections. La première présente une dissertation sur les cinq ordres d’architecture des Anciens et sur les cinq sens ( par eux, l’homme peut découvrir la nature et la bonté divine). La seconde illustre et explique les sept arts libéraux et la doctrine des sphères, terrestre et céleste, dont la contemplation doit inspirer la révérence pour la divinité, tous éléments qui se retrouvent dans tous les rituels américains actuels, au deuxième degré, en des termes souvent identiques à ceux de Webb. C’est là, croyons-nous, qu’il faut chercher l’inspiration des réviseurs du rituel de compagnon du REAA.
Mais Webb lui-même n’inventait rien. En effet, on sait qu’il suivit fidèlement l’oeuvre d’un de ces prédécesseurs, l’écossais (mais londonien d’adoption) William Preston (1742-1818), dont les « Illustrations of Masonry » parurent en 1772, avant de nombreuses éditions ultérieures. C’est dans cet ouvrage que se trouve le texte que copia littéralement Webb. Il s’y intitule de même « Remarques sur le deuxième discours » et contient l’explication des cinq ordres d’architecture, des cinq sens, des sept arts libéraux et des globes Preston, 13° édition, 1821 : 47-67. Dans de nombreuses loges anglaise actuelles, les piliers supportant les « petites lumières » sont respectivement d’ordre ionique (pour le vénérable maître), dorique (pour le 1er surveillant) et corinthien (pour le 2ème surveillant). Quant aux globes, ils surmontent les colonnettes placées sur le plateau des deux surveillants. .
Essentielle, enfin, est l’interprétation nouvelle du mythe d’Hiram. Son thème-clef n’est plus la perte de l’ancien mot du maître dont il n’est plus fait mention, mais bien l’identification de l’architecte au soleil. Sa mort brutale devient une allégorie du déclin de l’astre du jour lors des trois mois d’automne et de sa disparition au solstice d’hiver, tandis que sa résurrection ultérieure, affirmée par le texte même de la cérémonie, illustre le retour de la lumière. Hiram devient ainsi un avatar de ces dieux proche-orientaux « qui meurent et renaissent », Mithra ou Adonis. Très curieusement, cette innovation avait été introduite par un réformateur qui était membre du Grand-Orient de France Contrairement à ce qu’on pourrait croire, cette mutation ne fut pas le fait du Rite de Misraim que ses fondateurs tentèrent d’implanter à Paris sous la Restauration. Le grade de maître y suit fidèlement le récit du Guide (Caillet, 1994 : 95-117). : Nicolas Chaales-Des Etangs (1766-1847). Vénérable de la loge parisienne Les Trinosophes, il avait publié en 1825 un long ouvrage intitulé « Le véritable lien des peuples ou la Franc-maçonnerie rendue à ses vrais principes », qui contenait des rituels réformés des trois grades symboliques, du Rose-Croix et du Chevalier Kadosch. Apôtre d’un modernisme romantique, d’un mysticisme intellectuel où les frères de toutes confessions pourraient se retrouver, il rêvait d’une maçonnerie où La Mecque, Genève, Rome et Jérusalem seraient confondus. Au grade de maître, Hiram devient le prête-nom d’Osiris ou du soleil. Frappé par l’Ignorance, le Mensonge et l’Ambition, il est découvert par les neuf maîtres envoyés à sa recherche qui constatent avec bonheur qu’il n’est pas mort :
C’est notre Maît ! s’écrièrent-ils ; c’est notre Maît ! » L’un d’eux voulut essayer de le soulever : mais son trouble fut si grand, qu’il s’écria que la chair quittait les os !…Et leur consternation fut extrême ! Cependant le Maît les entendait ; il n’était pas mort, il avait dormi seulement Souligné par moi. ;le repos avait guéri ses blessures, et se levant doucement à l’aide d’un Maç Fidèle, il leur dit : « cessez de pleurer ; ne craignez point. Vous m’avez cherché, vous m’avez trouvé. Me voilà ! ». Et son visage devint radieux comme le soleil. Des Etangs, 1825 : 99-100.
La lecture nouvelle de la légende d’Hiram lui enlevait son caractère d’origine. Son assimilation à un phénomène naturel transformait le mythe en une allégorie naïve. Il n’en est pas moins curieux de constater que cette mutation, proposée par un maçon du Rite Français, fut immédiatement adoptée par les tenants du REAA.
Un autre maçon célèbre du temps, Chemin-Dupontès Jean-Baptiste Chemin-Dupontès (1767-1850), écrivain et fondateur de la « théophilanthropie » (culte familial, déiste et humanitaire). Il fut membre de la Grande Loge Ecossaise des Propagateurs de la Tolérance, dépendant du Suprême Conseil d’Amérique, fut vénérable des Sept Ecossais Réunis (SCDF) en 1823, membre des Rigides Ecossais en 1827, puis de la loge Isis-Montyon (GODF) en 1835. En 1833, il préside la Chambre du Suprême Conseil des Rites du GODF. , membre des deux Rites, développa le thème naturaliste dans son « Cours Pratique de Franc-maçonnerie publié sur la demande et sous les auspices de la R?L? Isis-Montyon » (1841). La résurrection d’Hiram y devient « une fiction », par lesquelles la maçonnerie veut avertir ses disciples que beaucoup de faits de ce genre, contraires aux lois de la nature, ne sont que des symboles, des secrets que les Maç intelligents découvrent. L’immortalité et le génie, représentée par la lettre G, sont les deux objets principaux que le grade rappelle à l’attention du néophyte.
Dans toutes les initiations se trouve un personnage innocent arraché à la vie d’une manière barbare. Elles semblent avoir voulu nous familiariser avec la mort. Elle est en effet une grande leçon pour les vivans, et il est bon qu’ils en aient souvent l’image devant les yeux « Cours … », 1841 : 184. .
Mais l’immortalité d’Hiram est assurée :
Hiram, dont la substance corporelle est déjà en décomposition, se relève plein de force. Certes, on n’a pas voulu nous donner cette fiction comme une réalité. C’est donc un symbole, et un noble symbole, répondant bien à la fragilité de la nature humaine : c’est celui de l’Immortalité. « Cours… », 1841 : 186.
Et vient enfin l’apothéose naturaliste :
Sous le rapport astronomique, Hiram est l’emblème du soleil. Le mot Hiram marque l’élévation, et de là est venu celui de pyramide, en y ajoutant l’article oriental p. Hiram-Abi signifie père élevé; Adonhiram présente à peu-près le même sens, Adon, d’où l’on a fait Adonai, signifiant Seigneur. Comme la reconnaissance pour l’heureuse influence de l’astre vivifiant est la base générale des cultes anciens et modernes, soit directement, soit indirectement sous des formes symboliques, l’Arch ? du T? est le représentant du soleil, et pour ceux qui remontent jusqu’à son auteur, de Dieu lui-même, de Jéhovah, nom que l’on donnait au Grand-Etre, et au soleil, qui en est l’image sensible. La mort d’Hiram est donc comme celle d’Osiris, d’Iacchus, d’Hercule, de Mithra, et de bien d’autres, le symbole de la marche apparente du soleil, qui s’abaissant vers l’hémisphère austral, est dit figurément vaincu, pars suite de la même allégorie, comme le génie du mal. Mais il revient vers notre hémisphère : alors il est vainqueur, il est censé ressusciter. Aussi, dans les trav? de M?, le représentant d’Hiram se relève glorieux, et ces trav?, qui avaient commencé d’une manière lugubre finissent par un appareil d’éclat, et par des acclamations de triomphe et de joie. « Cours … », 1841 : 189-190.
Bref, la version « romantique » du REAA peut se résumer ainsi :
- Maintien des formes (disposition des colonnes, mots…) mais abandon partiel du fond du Rite
- ancien (Grandes Lumières, perte de l’ancien mot du maître, règle de trois …).
- Alignement sur le Rite Français (épreuves par les éléments).
- Emprunts aux rituels américains (les développements du 2ème degré).
- Déisme diffus et lecture naturaliste du mythe d’Hiram (allégorie solaire).
5.4. Les rituels de la Grande Loge de France de 1896.
L’histoire du Suprême Conseil de France, au cours du XIX° siècle, fut loin d’être paisible. Depuis qu’en 1821 il avait pris sous son obédience des loges bleues, il rencontrait l’opposition des maçons de base qui n’acceptaient pas la tutelle hiérarchique très lourde d’un organisme formé de membres cooptés à vie et nécessairement réactionnaires, par leur position sociale comme par leur âge. Cette opposition se manifesta à plusieurs reprises, par la création de l’éphémère Grande Loge Nationale en 1848, par celle du Comité Central du Rite Ecossais réformé en 1868, par celle enfin de la Grande Loge Symbolique Ecossaise (GLSE) en 1879. Dans tous les cas, le rejet des hauts grades et des structures oligarchiques fit l’unanimité. L’exigence démocratique se traduisit par l’apparition du slogan « le maçon libre dans la loge libre », imaginé au sein de la GLSE et destiné à faire recette.
Cette évolution alla de pair avec la tentation positiviste qui déborda largement le seul Grand-Orient. Les Maçons Ecossais attaquèrent aussi le Grand Architecte et proposèrent à la Grande Loge Centrale en 1868 sa suppression, ce qui fut accepté le 29 novembre 1869 par 26 voix contre 6. Le Suprême Conseil empêcha cette exécution mais la fronde continua. Le Grand Commandeur, Adolphe Crémieux crut trouver un accommodement en produisant fin 1873 un décret qui se voulait conciliant :
Le Suprême Conseil
Considérant que comme témoignage de la communauté des sentiments qui unissent tous les maçons, il convient d’affirmer la devise maçonnique : Liberté, Egalité, Fraternité ;
Considérant en outre qu’il est de l’intérêt du rite de ramener l’intitulé des planches à une formule uniforme :
Décrète
Toutes les pl Maç devront à partir de la date du présent décret, porter l’en-tête suivant
A.L.G.D.G.A.D.L’U.
Au nom et sous les auspices du Suprême Conseil pour la France et ses dépendances
Le nom de l’At et son numéro
Liberté, Egalité, Fraternité.
Si elles avaient fonctionné sur un mode démocratique, les loges Ecossaises auraient supprimé l’évocation du GADLU dès 1869, décision que ne prit jamais le GODF qui se contenta de la déclarer facultative le 26 octobre 1878 Le convent de septembre 1877 supprima de l’article 1er des Constitutions du GODF l’obligation de la croyance en Dieu et l’immortalité de l’âme. Le GADLU ne fut pas évoqué. . Le Suprême Conseil ne put s’y résoudre et, au contraire, adopta la résolution du convent des Suprêmes Conseils, tenu à Lausanne en septembre 1875, qui prévoyait :
La franc-maçonnerie proclame, comme elle l’a proclamé dès son origine, l’existence d’un principe créateur, sous le nom du Grand Architecte de l’Univers.
La création, le 20 novembre 1879, de la Grande Loge Symbolique Ecossaise, résolument démocratique et libre penseuse, hostile aux hauts-grades et se limitant aux trois premiers grades symboliques, vint mettre un point d’orgue à ces dissensions. Comme de juste, cette nouvelle obédience supprima toute référence au GADLU.
De longues et difficiles négociations furent nécessaires pour qu’enfin le Suprême Conseil accorde leur autonomie aux loges de sa dépendance (8 novembre 1894) et que celles-ci se constituent en Grande Loge de France (23 février 1895). L’année suivante, le 18 décembre 1896, ce nouvel organisme fusionna avec la Grande Loge Symbolique (devenue « de France » en 1894), donnant ainsi naissance à l’actuelle Grande Loge de France. Dans tout cela, il fut peu question des rituels qui n’étaient guère sujet de débat parmi les maçons français de l’époque. Soulignons sans plus que jamais la pratique du REAA ne fut remise en cause par la GLSE qui, pour révolutionnaire qu’elle fût, affirma toujours son attachement à l’écossisme La Grande Loge Symbolique Ecossaise permettait néanmoins à ses loges d’utiliser le rituel de leur choix, Rite Français ou REAA. .
Je ne dispose pas, hélas, de rituels de la GLSE, sinon du « Rituel Interprétatif pour le grade d’Apprenti » rédigé pour la loge Le Travail et les Vrais Amis Fidèles par Oswald Wirth (1893). Mais ce document, qui introduisit les interprétations alchimiques si chères à de nombreux maçons contemporains, est trop atypique pour servir utilement au débat. Par contre, je possède deux rituels imprimés dont l’un porte en page de garde l’inscription, « Rite Ecossais Ancien et Accepté. Sup Cons Mots biffés et remplacés, à la main, par « Grande Loge ». pour la France et ses dépendances. Rituel des trois premiers degrés symboliques de la Franc-maçonnerie Ecoss » (ci-après SC) ; l’autre, « Rite Ecoss Anc Acc Rituel des trois premiers grades symboliques de la franc-maçonnerie Ecoss » (ci-après GL). Le second fut « remis par la G Loge de France à la R Loge installée sous le titre distinctif Galileo Galilei (écrit à la main) à l’Or de Paris le 9 juillet 1904 (idem) et immatriculée sous le n° 359 (idem) au registre général des ateliers du Rite ». Le premier fut « remis par le Suprême Conseil Même modification. de France à la R Loge installée sous le titre distinctif La Nouvelle Jérusalem (écrit à la main) à l’Or de Paris ( idem) immatriculée sous le n° 376 ( idem)». L’un est donc antérieur, l’autre postérieur à la création de la Grande Loge. Bien peu de choses les séparent.


5.4.1. Le grade d’apprenti.
La décoration de la loge est identique dans les deux rituels. Sont décrits les tentures (rouges), la houppe dentelée, les colonnes d’occident, la place des surveillants (le 2ème au sud, le 1er au N.O.), le dais d’orient avec le « delta transparent dans lequel on lit, en caractères hébraïques, le nom du Grand Architecte de l’univers », le soleil et la lune au mur d’Orient, l’autel du vénérable avec un compas, une équerre, un maillet, une épée nue et les Constitutions. Les trois « lumières » (les chandeliers) sont placées « l’une à l’Est vers le Sud. Deux à l’Ouest, l’une vers le Sud et l’autre vers le Nord ». Le rituel GL ajoute :
En outre, et lorsqu’il s’agira d’une tenue d’initiation, on placera devant l’hospitalier un (sic) cartouche sur lequel seront écrits ces mots : la terre, L’air, l’eau, le feu. On pourra suivre ainsi les péripéties de l’initiation. Le néophyte, après avoir reçu la lumière, saisira le sens des allégories qui ont dû le frapper. Les FF sur les colonnes comprendront mieux la filiation si remarquable des études successives par lesquelles la Maçonnerie fait passer les Apprentis et les Compagnons. Au 1er degré la lutte avec la nature, l’étude des forces naturelles pour arriver ensuite au 2ème degré à l’étude de l’homme, au connais-toi toi-même des Sages de l’Antiquité.
L’ouverture est très simple, prévoyant seulement la vérification de la couverture (extérieure) de la loge et de la qualité maçonnique des assistants (les diacres ont disparu). Dans les deux rituels, les travaux sont ouverts à la gloire du Grand Architecte de l’univers Biffé dans SC. mais la batterie, Houzay-Houzay-Houzay, Biffé dans SC. Le 3 mars 1903, la tenue de Grande Loge décida que la formule du Grand Architecte figurerait sur les rituels mais les loges seraient libres d’un user ou non (Compte-rendu des travaux du Conseil fédéral, janvier-avril 1903 : 21-24, in F. Rognon, 1994 :71 ). est suivie du ternaire républicain dans GL. Le ternaire est ajouté à la main dans SC. .
Le candidat est dépouillé de ses métaux et préparé (sans habit, le pied gauche en pantoufle, les yeux bandés) par l’expert et son testament remis au maître des cérémonies. Suivent la présentation du candidat à la porte, l’interrogatoire d’identité et l’introduction sur la pointe de l’épée de l’expert.
A peine admis, le candidat est interrogé sur la liberté, la morale, la vertu, le vice en des termes qui ne diffèrent guère de ceux du « Guide ». Il lui est ensuite demandé un premier serment sur la coupe des libations. Les trois voyages sont conduits par l’expert et rythmés par les trois « obstacles » classiques depuis le TDK. Le deuxième est suivi par la purification par l’eau, le troisième par les flammes, le tout ponctué par des discours sentencieux du vénérable. Viennent alors l’épreuve de la saignée et celle de la bienfaisance, puis la montée à l’orient par les trois pas d’apprenti. L’obligation est prise debout, la main droite sur les Statuts généraux de l’Ordre, la main gauche supportant le compas. Elle comprend les mots « en présence du GADLU » et la pénalité traditionnelle. Ramené entre les colonnes, le néophyte reçoit la lumière, en un temps, dans le cercle des épées. Il est ensuite « créé, reçu et constitué apprenti maçon, 1er degré du REAA « Au nom du Suprême Conseil » dans SC, « Au nom de la Grande Loge de France » dans GL. » par trois coups de maillet sur l’épée placée sur sa tête. Les secrets sont très normalement ceux du Rite ancien.
Ajout important : le discours de l’orateur est précédé dans GL par un commentaire du vénérable sur « les quatre éléments des anciens » qui commencent par ces mots :
Autrefois, le candidat à l’initiation subissait les épreuves terribles de ces quatre éléments, la Terre, l’Air, l’Eau et le Feu.
Ce système de l’initiation antique, qui est contredit dans ses développements par la science moderne, n’est accepté par nous que comme une tradition symbolique, montrant le néophyte en lutte avec les forces de la nature…
Il se poursuit par des considérations très banales sur la composition de l’air, les états physiques de l’eau et la combustion de l’oxygène, sans allusion quelconque à l’alchimie.
Par contre, le rituel SC contient en annexe une prière (rageusement biffée d’ailleurs), dite « Actions de grâces pour les jours de réception seulement » :
Grand Architecte de l’Un, les ouvriers de ce Temple te rendent leurs actions de grâces et rapportent à toi ce qu’ils ont fait de bon, d’utile et de glorieux dans cette journée solennelle où ils ont vu s’accroître le nombre de leurs frères. Continue de protéger leurs travaux et dirige -les constamment vers la perfection.
Que l’harmonie, l’union et la concorde soient à jamais le triple ciment de leurs œuvres.
Et vous, prudence, discrétion, modeste aménité, soyez l’apanage des Membres de cet At et que rentrés dans le monde, on reconnaisse toujours, à la sagesse de leurs discours, à la convenance de leur maintien et à la prudence de leurs actions, qu’ils sont les vrais enfants de la lumière.
Cette prière mise à part, ne subsistent du Rite ancien que l’entrée sur la pointe de l’épée, les obstacles rencontrés au cours des voyages et les secrets du grade, le tout noyé dans un déluge verbal dont le Guide déjà avait donné l’exemple.
5.4.2. Le grade de compagnon.
Il débute par un avant-propos très comparable à celui du Progrès de l’Océanie, évoquant à la fois les deux âges de l’homme et l’allégorie solaire.
Les observations préliminaires prévoient quatre cartouches portant les noms des cinq sens, des quatre ordres d’architectures, des arts libéraux et des philosophes (Solon, Socrate, Lycurgue, Pythagore et, dans SC seulement, INRI). Au milieu de la loge, vers l’est, se trouvent deux sphères, placées sur « l’autel du travail » et, à l’est, une étoile Flamboyante ayant au centre la lettre G.
Après l’ouverture, le candidat est introduit et interrogé par l’expert sur quelques questions de l’instruction d’apprenti. Après avoir écouté un discours du vénérable lui apprenant qu’au grade précédent on lui a ouvert a porte des sciences et fait de lui un homme nouveau, il effectue cinq voyages sous la conduite de l’expert. Comme c’était le cas au progrès de l’Océanie, il découvre successivement les cinq sens, les quatre ordres d’architecture et les sept arts libéraux, commentés avec plus ou moins de bonheur par le vénérable Ces commentaires sont nettement plus courts dans GL. . Au quatrième voyage, il rencontre les philosophes cités plus haut. Les mots INRI, omis dans GL, sont commentés de la sorte dans SC :
INRI. Ces quatre lettres ne sont point un nom, mais l’inscription mise sur la croix du Christ, et d’après la légende chrétienne, elles signifieraient « Jesus Nazarenus Rex Judeorum ». Jésus est adoré comme un Dieu par les chrétiens, il doit être respecté comme un sage par les philosophes. Sa doctrine, essentiellement humanitaire, pourrait se résumer en ces mots : « Aimez-vous les uns les autres ». Il fut crucifié pour sa morale et ses enseignements, qui depuis ont rempli le monde.
Cela prouve que la force ne peut rien contre le Droit et la Vérité.
Le cinquième voyage exalte la Liberté mais rappelle aussi la nécessité du travail. Avant l’obligation, le vénérable prononce une ode au travail qui se terminent par ces mots :
Sois glorifié ! ô travail, sois béni par les enfants de la veuve pour tes présents du passé, et sois béni pour tes bienfaits de l’avenir.
(levant la main) Gloire au travail.
Tous les FF présents lèvent la main et répètent :
Gloire au travail.
La lettre G est découverte lors du premier et du troisième voyage, lorsque est commentée la géométrie. L’instruction du grade donne cette explication qui enlève à la lettre G toute dimension métaphysique :
On voit briller à l’est une étoile dont les cinq points figurent les sens ; elle se nomme l’Etoile flamboyante.
Cette Etoile Symb ne contient-elle aucun autre emblème ?
On voit au milieu la lettre G, qui signifie Géométrie, l’une des sciences les plus élevées qu’ait produites le génie de l’homme. C’est pourquoi je vois encore dans cette lettre le symb par excellence de l’intelligence humaine.
5.4.3. Le grade de maître.
La loge est tendue de noir, éclairée seulement par « trois étoiles mystérieuses », comme c’était déjà le cas en 1843. Les maîtres portent (pour la première fois ?) un cordon bleu moiré liseré de rouge et un tablier blanc bordé de rouge, portant au milieu les lettres M. et B. brodées en rouge. Ils sont couverts, « les bords (de leur chapeau) avancés sur les yeux en signe de détresse ». Le Très Respectable est assis au-devant de l’autel, au pied des marches.
Le candidat est introduit, à reculons, par deux experts. Soupçonné du meurtre d’Hiram, il est disculpé par l’examen de ses mains et de son tablier. Il est ensuite interrogé sur sa conception du droit, de la justice et de la loi naturelle avant d’être retourné vers l’est et de découvrir le pseudo-cadavre. Il gagne ensuite l’orient en enjambant la tombe et écoute la légende du grade. Conforme à la version du Progrès de l’Océanie, elle voit Hiram gagner successivement les portes de l’est, du sud et de l’ouest où il reçoit le coup fatal.
La suite est classique : le candidat est étendu sur le cercueil et couvert du drap noir avant d’être relevé par le très respectable et les deux surveillants, relèvement qui est plutôt une résurrection comme l’attestent les premiers mots que prononce le très respectable :
Célébrons, mes FF, par des acclamations de joie, cet heureux jour qui ramène sur notre At attristé depuis si longtemps la lumière que nous croyions à jamais perdue. Notre Maître a revu le jour, il renaît dans la personne du F N…
Retour de la lumière, sinon du soleil, tel est donc le fin mot du mythe d’Hiram. L’instruction va plus loin encore et ajoute à l’ordalie de l’architecte une inattendue réminiscence chrétienne :
Que signifie donc l’histoire d’Hiram ?
Je pense que, dans la vérité, cette histoire est une figure de la marche apparente du soleil dans les signes inférieurs pendant trois mois qui s’écoulent depuis l’équinoxe d’automne ; que ces trois mois sont les trois conspirateurs, causes immédiates de sa fin apparente au solstice d’hiver.
A quelles circonstances reconnaissez-vous cela ?
Le soleil, à notre époque de deuil pour toute la nature, paraît vouloir fuir à jamais notre hémisphère ? Cependant il semble bientôt se relever, retourner vers l’équateur et reparaître dans tout son éclat. De même nous voyons notre R M Hiram retiré des bras de la mort et revenir à la vie…
Comment, dans nos mystères, se fait la résurrection d’Hiram ?
Par le concours de trois Maîtres éclairés.
Dites-moi comment ils s’y prennent ?
Le Maître et les deux Surveillants vont pour relever Hiram et le retirer du tombeau ; l’un d’eux en lui prenant la main avec l’attouchement d’App sent qu’il lui échappe, parce que la chair quitte les os ; le second le prenant avec l’attouchement de Compagnon ne réussit pas davantage ; mais ayant réuni tous les trois leurs efforts ils parviennent à le mettre debout, et saluent avec joie son retour à la vie.
Que signifie cela ?
C’est l’image des trois premiers jours qui suivent le solstice pendant lesquels les anciens ont dû être incertains sur la marche qu’allait suivre l’astre lumineux, car ce n’est qu’au troisième jour que l’on reconnaît visiblement son retour apparent vers l’hémisphère supérieur.
La dernière réplique est exemplaire : la mort d’Hiram, personnification du soleil, est suivie de trois jours d’incertitude qui précèdent sa réapparition. Nous avons vu que l’architecte s’avérait un des ces dieux proche-orientaux qui meurent et renaissent, nous constatons ici qu’il vit, à mots voilés, la passion du christ et son séjour aux enfers avant sa résurrection le troisième jour !
Mais là ne s’arrête pas la surprise. La cérémonie se termine par un long discours du très respectable, directement inspiré de « L’histoire de la reine du matin et de Soliman prince des génies », de Gérard de Nerval Récit publié dans « Voyage en Orient », paru en 1851. , sans que la source en soit citée.
Discours du très respectable |
Nerval Gérard de Nerval, OEuvres II, bibliothèque de la Pléiade, 1961, 531-533. Nerval n’était pas franc-maçon. |
A l’heure indiqué, le Maître se dirige vers l’entrée du temple ; il s’adosse au portique extérieur, et se faisant un piédestal d’un bloc de granit, il jette un regard assuré sur la foule convoquée puis se dirige vers le centre des travaux. A un signe d’Hiram, les flots de cet océan humain pâlissent et tous les visages se tournent vers lui.Le Maître alors lève le bras droit, et de sa main ouverte, il trace en l’air une ligne horizontale, du milieu de laquelle il fait tomber une ligne perpendiculaire figurant deux angles droits en équerre, signe auquel les Syriens reconnaissent la lettre T.
A ce signe de ralliement, la fourmilière humaine s’agite, comme si une trombe de vent l’avait bouleversée. Puis les groupes se forment, se dessinent en lignes régulières et harmonieuses, les légions se disposent, et ces milliers d’ouvriers, conduits et dirigés par des chefs inconnus, se partagent en trois corps principaux, subdivisés chacun en trois cohortes distinctes, épaisse et profondes où marchent : 1° les Maîtres, 2° les Compagnons, 3° les Apprentis.
Devant cette force inconnue qui s’ignore elle-même, Salomon a pâli ; il jette un regard effaré sur le brillant mais faible cortège des prêtres et des courtisans qui l’entourent…
Eh quoi ! se dit Salomon, un seul signe de cette main fait naître ou disperse des armées ? |
A ces mots, Adoniram, s’adossant au portique extérieur et se faisant un piédestal d’un bloc e granit qui se trouvait auprès, se tourne vers cette foule innombrable ,sur laquelle il promène ses regards. Il fait un signe, et tous les flots de cette mer pâlissent, car tous ont levé et dirigé vers lui leurs clairs visages…Adoniram lève le bras droit, et, de sa main ouverte, trace dans l’air une ligne horizontale, du milieu de laquelle il fait retomber une perpendiculaire, figurant ainsi deux angles droits en équerre comme les produit un fil à plomb suspendu à une règle, signe sous lequel les Syriens peignent la lettre T, transmise aux Phéniciens par les peuples de l’Inde, qui l’avaient dénommée tha, et enseignée depuis aux Grecs, qui l’appellent tau.
Aussi, à peine Adoniram l’a-t-il tracée dans les airs qu’un mouvement singulier se manifeste dans la foule du peuple. Cette mer humaine se trouble, s’agite, des flots surgissent en sens divers, comme si une trombe de vent l’avait tout à coup bouleversée… Bientôt des groupes se dessinent, se grossissent, se séparent ; des vides sont ménagés, des légions se disposent carrément ; une partie de la multitude est refoulée ; des milliers d’hommes, dirigés par des chefs inconnus, se rangent comme une armée qui se partage en trois corps principaux subdivisés en cohortes distinctes, épaisses et profondes…
Au centre on reconnaît les maçons et tout ce qui travaille la pierre : les maîtres en première ligne ; puis les compagnons, et derrière eux les apprentis…
Troublé, Soliman recule de deux ou trois pas ; il se détourne et ne voit derrière lui que le faible et brillant cortège des prêtres et de ses courtisans…
« Quel est donc, se demandait Soliman rêveur, ce mortel qui soumet les hommes comme la reine commande aux habitants de l’air ?…Un signe de sa main fait naître des armées : mon peuple est à lui, et ma domination se voit réduite à un misérable troupeau de courtisans et dei prêtres. Un mouvement de ses sourcils le ferait roi d’Israël ». |
Et le récit se termine, dans le rituel, par une conclusion bien dans l’air du temps : « Salomon était obligé de reconnaître une force nouvelle à côté de laquelle jusqu’alors il était passé sans même la soupçonner. Cette puissance, c’était le PEUPLE ».
6. Ultimes avatars du REAA au XX° siècle.
Le rituel de la GLDF de 1952 « Le REAA à travers les âges », in l’Union Maçonnique, 4ème année, sans date mais postérieur à 1962. apporte quelques modifications aux dispositions antérieures qui témoignent surtout du désir de cette obédience de s’aligner sur l’exemple britannique.
L’autel est dit « autel des serments ». Le plateau du vénérable, situé au pied des marches d’Orient, supporte les Constitutions d’Anderson de 1723 et la Constitution de la GLDF, ouverte, sur laquelle sont placés une équerre et un compas. Au mur d’Orient se trouve le delta portant, en lettres hébraïques, le tétragramme.
Pour la première fois, au REAA, apparaissent la reconnaissance des assistants par les deux surveillants, déambulant le long des colonnes La reconnaissance des « colonnes » se faisait déjà lors de l’ouverture de la loge d’apprenti au Rite de Misraïm en 1839 (Caillet, 1994 : ). , et l’allumage rituel des flambeaux L’allumage rituel des flambeaux n’avait jamais été pratiqué jusque là au REAA, ni au rite Français d’ailleurs. Seul le connaissait le rite Ecossais Rectifié depuis la rédaction par Willermoz de la version finale des grades bleus de ce Rite (circa 1787). Il était emprunté aux Elus Coens de Martinez de Pasqually. : le maître des cérémonies les allume tandis que le vénérable et les deux surveillants prononcent les mots « sagesse » (vénérable), « force » (1er surveillant) et « beauté » (2ème surveillant). Les voyages du candidat, qui n’a pas été « préparé » physiquement, sont marqués par les purifications par les éléments (successivement l’air, l’eau et le feu).
La version de 1962 entérine une modification de taille. En effet, en 1953, le convent de la Grande Loge de France, dans l’espoir qui ne se réalisera jamais d’obtenir la reconnaissance britannique, avait adopté une motion décidant :
que les Obligations seront prêtées sur l’Equerre et le Compas et un livre de la Loi Sacrée, ce dernier étant considéré sans aucun caractère religieux particulier, comme symbole de la plus haute spiritualité dont s’inspire le Maçon qui s’engage à oeuvrer éternellement à dégager l’Ordre du chaos J.Corneloup . Universalisme et Franc-maçonnerie. Hier et aujourd’hui. 1964 : 94. .
Les « trois Grandes Lumières » furent donc replacées sur l’autel des serments, tandis que la patente de constitution était exposée devant le plateau du vénérable, l’œil symbolique remplaçant le tétragramme dans le delta. Lors de l’allumage des chandeliers, il fut spécifié qu’il s’agissait des « petites lumières » et c’est un ancien vénérable qui devait ouvrir la bible, sous l’équerre formé par la canne et l’épée du maître des cérémonies et de l’expert, comme il le fait en Angleterre sous les cannes des diacres « Deacons », erronément traduit par « experts » dans la version française du Rite Emulation en usage à la GLNF. . Après plus d’un siècle, le REAA retournait à la tradition « ancienne » de la maçonnerie britannique.
Dans cette même version, le candidat, dépouillé de ses métaux et partiellement dévêtu, porte la corde au cou, autre usage britannique. La lumière est donnée en deux temps : dans le cercle des épées au premier temps avec la scène du parjure, dans la chaîne d’union au second.
Restent constants certains ensembles symboliques du REAA d’origine : les colonnes B au N.O. et J au S.O. (ancienne), la disposition des chandeliers (écossaise), la place des officiers, la couleur rouge, la marche du pied gauche…
En 1965, le REAA fut apporté à la GLNF, qui ne connaissait jusque là que le « Rite Emulation » et le Rite Ecossais Rectifié, par des transfuges de la GLDF, dans des circonstances dramatiques qui ont fait couler beaucoup d’encre mais sortent de notre propos. Très naturellement, les rituels n’en furent guère affectés, le gros du travail étant déjà réalisé.
Le rituel dit « Cerbu », aujourd’hui en usage à la Grande Loge Nationale Française, prévoit, lors de l’ouverture des travaux, que le vénérable allume l’Etoile portée par la colonnette ionique (au S.E.) en disant : « Que la Sagesse préside à la construction de notre édifice » ; le 1er surveillant allume l’étoile de la colonnette dorique (S.O.), en disant « Que la Force la soutienne » ; le 2ème surveillant allume l’Etoile de la colonnette corinthienne (N.O.), en disant « Que la Beauté l’orne » Le recours aux ordres d’architecture est très significatif. C’est à la fois une copie de l’usage anglais, décrit plus haut, et le signe visible que les piliers et les lumières sont confondus au REAA. . Le candidat, introduit sur la pointe de l’épée, prête un premier serment après avoir entendu la lecture de la règle en douze points de la GLNF qui remplace la question-test de la croyance en Dieu. Suivent les 3 voyages et les purifications par l’air, l’eau et le feu, l’épreuve de la terre étant symbolisée par le séjour dans le cabinet de réflexions. La lumière est donnée en deux temps au candidat debout à l’occident, la première fois dans le cercle des épées (sans la scène du parjure), la seconde fois dans la chaîne d’Union. Le serment est prêté avec le compas sur le cœur et la consécration est faite par trois coups de maillet sur l’épée placée sur la tête.
Les cinq voyages du compagnon amènent la présentation successive des cinq sens, des cinq ordres d’architecture, des sept arts libéraux et des deux sphères, terrestre et céleste. Le denier voyage se termine par la glorification du travail (les philosophes ont disparu). La réception se termine par un emprunt compagnonnique totalement inédit Je ne sais ni quand ni ou cet épisode fut introduit. Notons qu’il est de pratique constante, depuis les années 1960, dans les loges belges travaillant au rite moderne, sans distinction d’obédience. : les nouveaux compagnons, munis d’un bissac, d’un quignon de pain et d’une canne enrubannée, sont accompagnés jusqu’à la porte de la loge par le vénérable. Très curieusement la lettre G n’apparaît pas dans la cérémonie, bien qu’elle soit citée dans l’instruction :
Pourquoi vous êtes-vous fait recevoir compagnon ?
Pour connaître la lettre G.
Que signifie cette lettre ?
Le G A D L U, ou bien celui qui é été élevé jusqu’au faîte du Temple. Cette lettre signifie aussi Géométrie et peut recevoir d’autres interprétations nombreuses.
Au 3° grade, un voile noir, placé à la hauteur des marches de l’Orient, isole le Debhir du Hikal. Cette disposition, inconnue des rituels du début du siècle est d’autant plus surprenante qu’elle semble bien un emprunt supplémentaire au Rite Français du XIX° siècle : le voile apparaît en effet dans les rituels réformés en 1858 sous la grande maîtrise du prince Murat Lucien Charles Murat (1803-1878), fils de Joachim Murat et de Caroline Bonaparte, Grand Maître du Grand-Orient de France de 1852 à 1861. .
Le rituel conserve quelques unes des particularités « romantiques » que nous avons décrites. Ainsi le symbolisme solaire n’a pas entièrement disparu et le thème de la résurrection est toujours bien présent. Lorsqu’il découvre le cadavre, le vénérable dit :
On croirait qu’il respire encore. Son noble visage, respecté par la mort, exprime le calme de la conscience et la paix de l’âme, tant l’empreinte de la vertu était profondément gravée sur ses traits.
Et, après le relèvement :
Gloire au G A D L U, le M est retrouvé et il reparaît aussi radieux que jamais.
Interprétation naturaliste que vient confirmer l’instruction :
…Le Tombeau d’Hiram renferme toutes les traditions perdues. Mais Hiram ressuscitera…
Comment, dans nos mystères, s’opère la résurrection d’Hiram ?
Par le concours de trois MM Maç éclairés et fidèles…
Quelle peut donc être la signification (de la fin d’Hiram) ?
Envisagé comme Rite Solaire, le drame d’Hiram peut se référer à la marche apparente du soleil : les trois meurtriers seraient alors les trois derniers mois de l’année, pendant lesquels le Soleil descend dans les Signes Inférieurs et semble fuir à jamais notre hémisphère. Cependant, après le Solstice d’Hiver, on le voit se relever et bientôt il reparaît dans tout son éclat. De manière analogue, nous voyons notre R M Hiram sortir de son tombeau et revenir à une vie nouvelle.
Rien dans la cérémonie ne rappelle la perte de l’ancien mot du Maître. Par contre l’instruction réintroduit le thème essentiel de la perte et du choix d’un mot substitué :
Comment voyagent les MM Maç ?
De l’Or à l’Occ et de l’Occ à l’Or et par toute la Terre.
Dans quel but ?
Pour chercher ce qui a été perdu, rassembler ce qui est épars et répandre partout la Lumière.
Qu’est-ce qui a été perdu ?
Les secrets véritables des MM MM
Comment ont-ils été perdus ?
Par « Trois Grands Coups », qui ont causé la fin tragique de notre R M Hiram.
Ce retour, un de plus, à la tradition « ancienne » Retour marqué également la communication du mot de passe des 2ème et 3ème degrés avant la cérémonie de réception. si longtemps négligée, est certes heureuse. Encore faut-il souligner qu’elle n’est qu’un emprunt de plus à un rituel britannique. En effet, lors de la cérémonie d’ouverture au 3ème degré, le vénérable anglais et les deux surveillants échangent le dialogue suivant :
Bro. J.W., as a M.M., whence come you ?
From the E., W.M.
Bro S.W. whither directing your course ?
Towards the W., W.M.
What induced you to leave the E. and go to the W. ?
To seek for that which is lost, which, by your instruction and our own endeavours, we hope to find.
What is that which is lost ?
The genuine secrets of a M.M.
How came they lost ?
By the untimely death of our Master, H.A.
Ainsi le REAA renoue-t-il avec ce qui le caractérise depuis l’origine : le syncrétisme et l’addition de traditions diverses. Après les influences britanniques et américaines relevées plus haut, en voici d’autres, d’origines hollandaise, compagnonnique et « Emulation ».
L’autre rituel utilisé à la GLNF est appelé « 1802 ». Il diffère peu du « Cerbu ». Comme lui, il comporte les épreuves par les éléments au 1er grade, « le juge suprême » et la conduite compagnonnique au 2ème grade. Les cinq sens, les ordres d’architecture et les arts libéraux sont présentés, mais sans commentaire cette fois, lors des voyages du compagnon. Les globes ont disparu mais le Travail, présenté comme une mission, voire une religion, est toujours bien présent au dernier voyage.
Comme dans le « Cerbu », la loge de maître est divisée en deux compartiments par un voile noir et elle n’est éclairée que par une seule lumière Rappelons qu’aux rites hérités du xviii° siècle (Français, écossais philosophique et écossais rectifié), la loge est éclairée par neuf lumières, allusion aux neuf maîtres envoyés à la recherche d’Hiram. portée par la colonnette ionique du vénérable. Le récit du drame, au cours de la cérémonie, reste bien dans l’optique naturaliste précédemment décrite (ce qui suffit à rendre anachronique la date « 1802 » indûment attribuée à ce rituel). Nulle mention n’y est faite de la perte du mot du maître. Quant à l’instruction, elle reprend l’explication allégorique d’Hiram, image du soleil, avant de poursuivre par les dialogues extraits du rituel Emulation et cités plus haut qui explicitent le thème de la perte du mot.
7. Remarques finales.
Les grades bleus du REAA ne constituent pas un ensemble monolithique et immuable. Apparus dans un contexte maçonnico-politique précis, la période napoléonienne, ils subirent des changements successifs jusqu’à rendre méconnaissable leur version d’origine. Loin de témoigner d’une tradition « de temps immémorial », ils furent sans cesse remaniés et adaptés au goût du temps, ce qui explique qu’aujourd’hui s’en réclament des loges qui utilisent des rituels très différents, diversité qu’explique l’histoire interne, si souvent négligée, des rituels eux-mêmes.
Dans le cas du REAA, on peut reconnaître, sans simplification abusive, trois époques successives.
La première, disons « impériale », est marquée par un alignement, qu’on peut trouver excessif, sur l’exemple « ancien » des Britanniques, alignement qu’explique seulement la volonté de se démarquer du GODF. Le résultat, officialisé par le Guide des Maçons, devait s’avérer impraticable dans la mesure où cet alignement allait de pair avec le maintien d’usages français empruntés au Rite du même nom ou au Rite Ecossais Philosophique. La volonté d’inclure dans un décor « Ecossais » une rituélie « ancienne » impliquait des entorses aux deux traditions qui se voyaient, par la force des choses, partiellement dénaturées.
La deuxième époque, « romantique », vit l’abandon relatif de la tradition ancienne dans le cérémonial utilisé qui ne subsista que dans diverses péripéties de l’initiation, dans la disposition des colonnes d’occident et la répartition des mots, sacrés ou « de passe ». Les rituels du Suprême Conseil des années 1829-1842 sont exemplaires de cette évolution. Le squelette des cérémonies reste celui du Guide : entrée sur l’épée, interrogatoires, voyages, obligation, consécration et communication des secrets « anciens ». La décoration de la loge reste marquée de la double influence, ancienne et écossaise. Mais l’esprit en est considérablement modifié : l’introduction des « éléments » au 1er degré permettra bientôt l’interprétation alchimique qui sera développée par Oswald Wirth, Jules Boucher et leurs émules, les commentaires des voyages du second degré introduisent des considérations pseudo-philosophiques inspirées du positivisme d’Auguste Comte, l’accent mis sur la nécessité du travail et la volonté populaire témoignent de préoccupations sociales très éloignées de la tradition maçonnique. Le plus significatif reste la mutation du mythe hiramique, devenu allégorie naturaliste, et l’occultation complète du thème de la perte de l’ancien mot du maître. Très caractéristique également est la disparition de la bible Mais non du GADLU ! qui ne devait réapparaître qu’après la seconde guerre mondiale, pour des raisons politiques : le désir de se conformer aux exigences britanniques des {Aims and Relationships of the Craft} de 1938-1949, dans l’espoir, vite déçu, de voir la Grande Loge de France reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre.
La dernière époque, contemporaine, vit un retour au spiritualisme conforme aux exigences anglaises, sans cependant que disparaisse entièrement le naturalisme naïf de l’ère romantique, toujours perceptible malgré quelques adaptations de surface. L’ensemble pêche, reconnaissons-le, par une certaine incohérence d’autant que cette dernière évolution amena aussi des emprunts inattendus à des traditions parallèles, Rite Français, « Rite » Emulation, influence compagnonnique.
7.1 Les trois lectures de la légende d’Hiram.
Dans les divulgations françaises du XVIII° siècle, dont le paradigme reste « L’Ordre des Francs-Maçons trahi… » de 1745, le thème hiramique était en fin de compte celui de l’union mystique de l’impétrant avec Dieu. Il n’est pas inutile de souligner que le Maître Hiram, assassiné dans les circonstances que l’on sait, est mort et bien mort, comme l’atteste son inhumation ultérieure. C’est le candidat, et lui seul, qui est « relevé » du tombeau et donc « renaît » par l’action conjointe du Vénérable Maître et des deux Surveillants. Mais si « renaissance » ou « résurrection » il y a, elle se déroule dans des circonstances très particulières : le tombeau dans lequel est couché l’impétrant n’est pas celui d’un quelconque architecte, mais bien celui du Dieu des trois grandes religions monothéistes, dénommé ici, à tort ou à raison, Jéhovah, puisque ce nom est inscrit sur la tombe comme le montrent les gravures des premières divulgations françaises du XVIII? siècle Jan Snoek, 1994. . Le néophyte est ainsi entré en contact intime, charnel, avec ce Dieu dont il a partagé la couche, recevant de lui un souffle, une étincelle, qui le fait dorénavant participer à l’essence divine. L’opération peut être comparée à une théophagie déguisée, très comparable à l’eucharistie chrétienne. Nul besoin dès lors d’une « perte » quelconque puisque l’expérience mystique est ainsi achevée ; nul besoin non plus de grades ultérieurs puisque tout est dit. Cet enseignement fut sans doute atténué par les développements ultérieurs du Rite Français, mais l’identification d’Hiram avec la divinité resta longtemps affirmée par l’inscription de l’ancien mot du Maître sur la tombe érigée sur ordre de Salomon.
A cette interprétation française s’oppose la version « ancienne » qui insiste sur la perte du mot, conséquence inéluctable de la mort d’un des trois protagonistes nécessaires pour qu’il soit encore communiqué. Cette version, basée sur la « règle de trois » des premiers catéchismes anglais, est foncièrement pessimiste et demande qu’un ou plusieurs grades ultérieurs viennent pallier la perte et permettent la (re)découverte du mot perdu. Ce sera le rôle du Royal Arch anglo-saxon, comme des degrés équivalents du REAA, Chevalier Royale-Arche et Grand Elu de la voûte sacrée.
Les développements romantiques du REAA donnent un tout autre sens à la geste hiramique : l’architecte devient allégorie solaire et emblème naturaliste d’un phénomène somme toute banal, la disparition du soleil au solstice d’hiver et sa renaissance ultérieure. La mort d’Hiram n’est ici qu’apparente et sa résurrection, ou son réveil, est inscrite dans l’ordre naturel. Cette mutation aligne Hiram sur l’exemple des dieux proche-orientaux « qui meurent et renaissent » et ne va pas sans donner au mythe un certain relent de paganisme qui aurait surpris, n’en doutons pas, les pasteurs londoniens des origines.
Ces deux dernières lectures sont, sous les apparences, toujours visibles dans les versions actuelles du grade de maître selon le REAA, leurs rédacteurs n’ayant, semble-t-il, pas perçu leur caractère antinomique.
7.2 Cohérence des grades bleus et des hauts-grades du REAA.
La question donc se pose : quel est le « vrai » REAA et, corollaire obligé, existe-t-il une authentique tradition qui lui assure sa légitimité, pour les grades bleus s’entend ?
La réponse, si réponse il y a, ne peut se baser que sur l’articulation de cette rituélie avec les hauts grades du REAA, les seuls finalement qui donnent au système sa cohérence et le justifient. Or cette articulation ne se fait pas sans mal. Et pour cause : les hauts-grades qu’offre ce Rite sont tous antérieurs à l’apparition des grades bleus puisque ils furent élaborés entre 1740 et 1760 pour les premiers, entre 1770 et 1801 pour les deux derniers.
Mais ces hauts-grades eux-mêmes ne forment pas un ensemble véritablement cohérent. Hétérogènes et de facture variée, ils furent organisés en strates successives que ne lie, parfois, qu’une numérotation arbitraire : les grades hiramiques ou « ineffables », du 4ème au 14ème ; les grades dits « de l’exil » fondés sur la construction du second temple, 15ème et 16ème ; les grades chrétiens, johanniques et apocalyptiques à la fois, du 17ème au 19ème ; les grades templiers (30ème et 32ème) et … les autres, plus difficilement classables car d’inspiration hétéroclite. A vrai dire, la question d’une éventuelle cohérence avec les grades bleus ne se pose qu’entre le grade de maître et les grades hiramiques qui achèvent le thème de la construction du premier temple puisque ce sont les seuls où l’on retrouve les questions que laissait en suspens la mort d’Hiram : l’achèvement du temple (thème des grade du 4ème au 8ème ), le châtiment des assassins (9ème au 11ème grade) et la découverte du mot perdu du maître (thème des 12ème, 13ème et 14ème degrés). En clair, le rituel de la maîtrise, s’il se veut dans la ligne droite du Rite vu dans son ensemble, doit poser ces trois questions sans équivoque et s’abstenir de toute ébauche de réponse. Dans cette optique, aucune des trois versions décrites plus haut n’est entièrement satisfaisante.
La version du Guide, pour faire court, s’articule assez bien avec les grades d’achèvement, très mal avec les grades de vengeance devenus redondants, mieux avec les grades centrés sur la découverte du mot perdu. L’adoption des particularités du Rite ancien (disposition des colonnes d’orient, déplacement des surveillants, répartition des secrets) n’apporte ni n’enlève quoi que ce soit à l’économie du système, bien qu’ils ne correspondent pas aux prescrits des hauts-grades. Ceux-ci, ne l’oublions pas, furent imaginés par des maçons de tradition et de formation « Française » qui ignoraient tout du Rite Ancien d’Angleterre. Rien d’étonnant donc si les hauts-grades paraissent souvent plus « modernes » qu’ « anciens » . Ainsi les surveillants lorsqu’il y en a deux Notamment aux 14ème, 18ème, 30ème et 32ème degrés, qui sont les plus importants du système. , sont toujours disposés à l’occident, selon l’usage « moderne », les mots de passe sont communiqués durant la cérémonie et non avant, les colonnes sont placées suivant la règle moderne…
L’adaptation romantique du REAA n’est guère plus satisfaisante car la version naturaliste de la légende d’Hiram enlève toute pertinence à la perte du mot dans la mesure où Hiram « ressuscitant» ne peut l’emmener dans la tombe. Les grades clefs du REAA (13ème et 14ème) en deviennent incongrus. Par contre, l’omission du châtiment des coupables rend leur raison d’être aux grades de vengeance.
Quant aux versions contemporaines, elles tentent, maladroitement selon nous, de marier la lecture naturaliste à l’héritage ancien mais ce mariage introduit dans le grade lui-même une confusion regrettable (on ne sait finalement si le mot est perdu ou non ?).
Ces difficultés internes aux rituels eux-mêmes entraîne une conséquence inattendue aux yeux de certains thuriféraires du REAA : qui ne verra que l’articulation entre les hauts-grades du REAA et les grades bleus homonymes ne présente rien de spécifique et que les grades symboliques des autres Rites, Français, Moderne (belge), Ecossais philosophique et autres, peuvent tout aussi aisément servir d’introduction aux hauts-grades en question puisqu’ils posent les mêmes questions?
Qu’en conclure sinon qu’il a manqué au Rite un Willermoz pour établir une cohérence sans faille aux étapes successives de l’ensemble. Dans l’état actuel, aucune des variantes des grades symboliques du REAA ne justifie l’affirmation que les 33 degrés du REAA constitue un ensemble unique et obligé. Est-il hérétique de penser que les grades bleus de tout Rite prépare également à l’enseignement des hauts-grades du Rite Ecossais Ancien et Accepté ?
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