La Franc-Maçonnerie et le Scoutisme Anglais (par Jacques Sevin, annexe 3 du livre "Le Scoutisme")

Le Père Jacques Sevin

On a voulu voir dans le Scoutisme, en général, une institution proprement et essentiellement maçonnique. On argue de quelques fais : la présence de plusieurs dignitaires de la Franc-Maçonnerie dans le Comité exécutif des Boy-Scouts de Baden-Powell, la nom de Louveteaux donné aux petits Scouts, la préférence accordée à la couleur verte, le choix de certains emblèmes, tels que la fleur de lis et le swastika, et, enfin, de quelques textes ou paroles émanées de membres du Scoutisme anglais.

On répond à cela que :

1° Dans le pays natal de la Franc-Maçonnerie, où la plupart des officiers ou des hauts personnages de l’Etat sont affiliés aux Loges, et n’en font pas mystère, où l’opinion publique, même catholique, ne regarde guère la Maçonnerie que comme une Société philanthropique, il serait étonnant qu’une institution aussi nationale que la Boy-Scouts Association ne comptât pas un seul maçon parmi ses protecteurs, – mais elle compte aussi parmi eux le cardinal Bourne et d’autres prélats.

2° Que le nom de Louveteaux est tiré du conte de Rudyard Kipling, ainsi que nous l’avons expliqué au chapitre X.

3° Que la fleur de lis ne figure dans aucun recueil de symboles maçonniques que nous ayons pu consulter. La fleur-de-lis scoute est le signe qui, sur les anciennes cartes géographiques, indique le Nord, – la direction que le Scout, essentiellement guide, doit toujours reconnaître. Le swastika, sorte de croix gammée que les Scouts offrent à leurs bienfaiteurs, en marque de remerciement, est, dit-on, un emblème hindou et théosophique. On le trouve aussi en Norvège, en Islande, en Grèce, dans l’Afrique Occidentale et sur nos plus anciennes poteries françaises. Quelques-uns y voient la stylisation de deux branches croisées jetées sur le sol, signe de piste usité par les sauvages. Sir R. Baden-Powell préfère voir dans ses quatre bras « les quatre parties du monde qui toutes contiennent des éclaireurs que nous devons aimer ; c’est donc un insigne de fraternité ». (Young Knights of the Empire, pp. 40 et 41).
On pourrait en dire autant de tous les modèles de croix. Le détail ne semble guère avoir d’importance, et si l’emblème a une signification ésotérique, l’immense majorité de ceux qui le portent l’ignorent assurément.

4° Quant à la couleur verte, adoptée pour le drapeau scout, pour la cravate des chefs, la couverture de la Revue anglaise, si elle figure sur le tablier du Maître Parfait et du Chevalier d’Orient, sur le camail du Grand Ecossais de Saint-André… il est juste de remarquer a) que le rouge figure tout autant que le vert parmi les couleurs des décorations maçonniques et, qu’avec ce raisonnement, nous pourrions voir des Frères Trois-Points dans tous les suivants du drapeau rouge et tous les chevaliers de la Légion d’honneur ! – b) que les Scouts évitent les couleurs voyantes et salissantes et préfèrent celles qui, dans leurs jeux, leur permettent de passer inaperçus au milieu des bois et des prairies.

Qu’un certain parrainage maçonnique ait contribué à l’extraordinaire diffusion du Scoutisme, je le crois tout à fait. Il est notoire que, dans presque tous les pays, la Franc-Maçonnerie s’est montrée immédiatement favorable au Scoutisme, mais il ne faut pas oublier que ceux qui, en Angleterre, se sont montrés les premiers partisans du système, sont les catholiques. (Voir page 22).

Au point de vue des méthodes scoutes, on n’en peut rien inférer. Elles sont ce qu’elles sont. Si, hors de leur pays d’origine, d’autres que les catholiques ont vu plus vite que nous le parti qu’ils pouvaient en tirer en les déformant à leurs fins, ce n’est qu’une raison de plus de les examiner et, si nous les trouvons bonnes, de nous en servir.

Quoi qu’il en soit, il est certain que les évêques d’Angleterre, bien placés pour savoir à quoi s’en tenir, ne se sont aucunement alarmés de ces soi-disant symptômes ; qu’ils patronnent l’oeuvre, ont leurs Meutes de Louveteaux, et constatent l’excellente influence que Scoutisme et Louvetisme ont sur la formation de leurs petits catholiques.

Avons-nous besoin d’ajouter que, dans notre pays comme dans tous ceux où il existe des Fédérations catholiques séparées, les Scouts catholiques ont encore moins à redouter les influences occultes, les infiltrations suspectes ou les parrainages inquiétants ?