Procès-verbal de l’Acte d’Union des deux rits et du Concordat qui y fait suite (1804)

Le Procès-verbal de l’Acte d’Union des deux Rites et le Concordat de 1804 marquent une étape importante dans l’histoire de la franc-maçonnerie en France. En officialisant la collaboration entre le Grand Orient de France et le Suprême Conseil du REAA, ces documents posent les bases d’une coexistence pacifique entre deux traditions maçonniques majeures. Bien que les tensions n’aient pas totalement disparu, cet accord a permis de structurer durablement la maçonnerie française et de favoriser la reconnaissance mutuelle des différents rites.

Le Procès-verbal de l’Acte d’Union des deux Rites et le Concordat qui y fait suite constituent des documents historiques majeurs dans l’histoire de la franc-maçonnerie, marquant la fusion et l’harmonisation entre deux courants maçonniques majeurs au XIXe siècle : le Rite Français ou Moderne et le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA). Cet événement, survenu au début des années 1800, est fondamental pour comprendre l’unification des pratiques maçonniques et l’évolution des obédiences françaises.

Contexte historique de l’Acte d’Union

À la fin du XVIIIᵉ siècle et au début du XIXᵉ siècle, la franc-maçonnerie française est fragmentée en plusieurs courants et rites. Le Rite Français ou Moderne, né dans les loges du Grand Orient de France (GODF), représente une version épurée et rationaliste de la maçonnerie, influencée par les idéaux des Lumières. De l’autre côté, le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), introduit en France en 1804, propose une structure initiatique plus complexe, composée de 33 degrés, et conserve des aspects ésotériques et chevaleresques.

Ces deux rites diffèrent par leurs pratiques et leurs symboliques. Le début du XIXᵉ siècle voit une tentative de rapprochement entre ces courants, portée par la volonté d’unifier et de stabiliser la franc-maçonnerie en France. C’est dans ce contexte que se réalise l’Acte d’Union, encore appelé Concordat de 1804,  document officialisant la réunion des deux systèmes au Grand Orient de France.

Procès-verbal de l’Acte d’Union des deux rits et du Concordat qui y fait suite

Le cinquième jour du dixième mois de l’an de la Vraie Lumière 5804 [5 décembre 1804].

Le frère Challan, orateur, a annoncé que l’objet de la convocation générale, est le rapport de la commission sur les dispositions et les conférences qui ont amené en résultat un projet d’organisation commun au Grand Orient et aux loges et chapitres tenant au rit ancien et accepté.

Le frère secrétaire général fait lecture du projet.

Les colonnes consultées sur l’adoption de ce projet, la discussion a été ouver te et la plus grande liberté a régné dans le développement des opinions: elles ont porté la lumière sur les points principaux du projet, et les avis s’étant réunis à son adoption, sauf rédaction confiée à la sagesse de la commission, le vénérable frère orateur a été entendu dans ses conclusions ; il a voté l’adoption du projet ; le scrutin a été distribué sur les colonnes et les conclusions du frère orateur ont été adoptées à la majorité de 49 voix contre 5.

Cet arrêté a été couvert des applaudissements les plus éclatants ; la rédaction définitive du projet et des articles règlementaires qui le complètent, a été renvoyée à la commission, qui est invitée à donner ses soins et son zèle.

Lecture a été donnée du tableau des officiers de deuxième classe, connu jusqu’à ce jour sous la dénomination d’officiers en exercice; plusieurs réclamations ont été entendues et renvoyées à la commission.

A ce moment, le grand maître des cérémonies a annoncé plusieurs frères revêtus des hauts grades, qui désiraient participer aux travaux du Grand Orient ; le Grand Vénérable [Roettiers de Montaleau] les a fait reconnaître et, sur le rapport des frères experts que les frères annoncés composaient la Grande Loge Générale Écossaise, lecture a été faite de la délibération de cet atelier, qui porte en substance l’acceptation faite par la Grande Loge Générale Écossaise du rit ancien et accepté, de l’Acte d’Union, signé par ses commissaires, et arrêté qu’elle se portera à l’instant en masse au Grand Orient pour y opérer sa réunion.

Le Grand Vénérable a fait former la voûte d’acier et a député neuf lumières au devant des respectables frères qui venaient s’unir solennellement au point central de la Maçonnerie et se confondre à jamais dans le Grand Orient de France. Le Respectable Frère de Grasse-Tilly, Représentant du Grand Maître, parvenu à l’orient, a manifesté, au nom de ses frères, le vœu d’une réunion absolue, franche et éternelle. Ce vœu, reçu par le Grand Vénérable et les officiers du Grand Orient, a été accueilli avec l’enthousiasme de la joie et de la confiance.

Le Respectable Frère de Grasse-Tilly a prêté son serment entre les mains du Grand Vénérable qui, descendu à son tour du trône et que le frère de Grasse-Tilly a occupé, a prêté le même serment d’union et d’attachement au Grand Orient de France, comme centre unique de la Maçonnerie.

Ce serment a été réciproquement prêté et reçu à l’orient et sur les colonnes, et les deux rits, confondus à jamais pour le bonheur des maçons, n’ont plus présenté qu’un faisceau indissoluble, heureux symbole de l’union la plus parfaite.

L’atelier a applaudi à ce double serment avec l’expression profonde du sen timent de la tendre fraternité qui animait tous les cœurs, et les frères se sont mutuellement promis amitié, fidélité au Grand Orient, et zèle infatigable pour la gloire de l’Ordre. Le frère Challan, orateur, a fait au nom de tous la profession de foi des maçons envers le gouvernement et son glorieux chef, il a protesté de leur soumission aux lois ; aussitôt et par un mouvement spontané, l’atelier, se levant et à l’ordre, a manifesté, par un applaudissement, la reconnaissance et le respect du Grand Orient de France pour Napoléon le Grand.

Les respectables représentants du Grand Maître ont successivement proposé l’acclamation qui a retenti jusqu’à la voûte du temple ; il a été arrêté que les respectables frères Kellermann et Masséna seraient priés de rendre les organes et les garants du Grand Orient auprès de Sa Majesté Impériale et de ses Augustes Frères, en leur rappelant l’espoir de les voir présider l’Ordre.

Sur la proposition du Respectable Frère de Montaleau, Représentant du Grand Maître, et sur les conclusions du grand orateur, il a été arrêté que la réunion, si heureusement opérée, devant effacer toute trace de division entre les enfants d’une même famille, celles des loges dont le nom a été omis dans le tableau de la correspondance du Grand Orient, seraient réintégrées à leur rang, et qu’avis en serait incessamment donné aux loges et chapitres de la correspondance.

Au moment où le Respectable Frère de Montaleau a annoncé la clôture des travaux, tous les frères présents s’étant simultanément portés dans le centre du temple, ont formé la chaîne d’union pour se donner le baiser fraternel, comme le gage sacré d’une amitié constante ; l’orient partageant ce mouvement d’une tendre sensibilité s’est réuni à la chaîne commune, et l’un et l’autre représentants du Grand Maître ont fait circuler le mot annuel. La commission a été chargée de déterminer le jour et les détails de la fête qui doit célébrer la réunion qui vient d’être consommée.

Les travaux ont été fermés par les acclamations usitées dans l’un et l’autre rit, et chacun s’est retiré emportant dans son cœur le vif sentiment du bonheur que cette réunion promet à tous les maçons, tant en France que chez l’étranger.

Signé :

• De Montaleau, de Grasse-Tilly, Challan, Doisy, de Foissy, Pyron, Thory et autres, au nombre de 87.

Certifié conforme à la minute, par nous :

• De Grasse-Tilly, Grand Représentant Particulier du Grand Maître dans le Grand Chapitre Général,

• Pyron, Grand Orateur de deuxième classe dans le Grand Chapitre Général,

• H. Vidal, Grand Secrétaire des Commandements du Grand Commandeur ad vitam,

• Thory, Grand Secrétaire dans le Grand Chapitre Général.

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